CHAPITRE III
LA POLITIQUE INDUSTRIELLE
Moteur
de l'économie, créatrice d'emplois, facteur d'intégration
et de cohésion sociale, élément essentiel
d'aménagement du territoire, l'industrie devrait être au carrefour
des problématiques prioritaires de la société
française.
Or, la disparition d'un budget autonome de l'industrie, comme l'absence d'un
ministre de l'industrie de plein exercice tendent à prouver au contraire
que l'industrie est loin de constituer une priorité de l'actuel
gouvernement, en dépit de la hausse des crédits consacrés
à l'industrie inscrits au budget de l'économie, des finances et
de l'industrie. Plus encore, en obligeant les entreprises à
réduire la durée du travail ou en accroissant le poids de la
fiscalité sur les plus grandes entreprises, ce dernier multiplie les
obstacles sur le chemin de la croissance des entreprises industrielles.
Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits
consacrés à la politique industrielle depuis 1998 :
On constate une augmentation assez sensible des crédits consacrés
à la politique industrielle dans le budget pour 2000, qui
résulte, d'une part, de la budgétisation des crédits des
centres techniques industriels pour 247 millions de francs, mais surtout,
de l'augmentation très significative des crédits destinés
à la construction navale (+ 487 millions de francs). En
revanche, les crédits en faveur de la recherche et de l'innovation
continuent de décroître en dépenses ordinaires et
crédits de paiement, mais restent supérieurs aux besoins si l'on
en croit les taux de consommation constatés en 1997 et 1998.
Après avoir exposé la situation de l'industrie, le présent
chapitre développera chacun des axes de la politique industrielle. Les
crédits de la Poste et des télécommunications feront
l'objet d'un développement à part.
I. LA SITUATION DE L'INDUSTRIE
A. UNE CONJONCTURE INDUSTRIELLE MOROSE EN 1998 MAIS PLUS SOUTENUE AU SECOND SEMESTRE 1999
Après une accélération en 1997 (+ 5,2 %), la croissance de l'industrie a ralenti en 1998 (+ 4,5 %) puis marqué un palier au premier semestre 1999.
1. Une croissance ralentie en 1998
Après l'accélération de 1997,
l'activité
industrielle a plafonné mi-98, puis s'est réduite en novembre et
décembre. Le ralentissement a touché successivement les biens
intermédiaires, les biens d'équipement puis les biens de
consommation. Seule l'automobile est restée dynamique tout au long de
l'année.
L'industrie n'a en conséquence contribué que pour un
cinquième à la croissance du produit intérieur brut en
1998 (0,7 point sur 3,2 %) contre deux cinquièmes l'année
précédente.
Un déclin de la demande extérieure...
L'industrie a pâti en 1998 de la détérioration de
l'environnement international, après une année 1997
exceptionnelle. La crise du sud-est asiatique s'est en effet propagée
à la Russie mi-98, puis au Brésil fin 1998. La chute des cours du
pétrole a également pesé sur les pays producteurs. La zone
euro dans son ensemble en a été affectée.
Les exportations de produits industriels ont ainsi progressé moins
rapidement en 1998 : 7,2 % contre 11,5 % en 1997 en volume. Le
coup de frein a été brutal hors Union européenne
(5,5 % en 1998 après 14,7 % en 1997). Le ralentissement a
aussi été sensible dans l'Union (8,2 % en 1998 contre
9,6 % en 1997) qui constitue les deux tiers des débouché
pour les produits industriels français.
L'aéronautique a nettement ralenti après les ventes
exceptionnelles de 1997 qui ont permis au consortium européen Airbus de
rivaliser avec Boeing. Quant aux industries agro-alimentaires, leur
contre-performance a été double : les exportations ont
baissé de 2,2 % en volume à destination de l'Union
européenne, principal marché, alors qu'elles ralentissaient aussi
fortement ailleurs. En revanche, la croissance des exportations a
été soutenue par l'automobile et les produits de la
filière électronique.
S'agissant des importations, elles n'ont commencé à
décélérer qu'au second trimestre 1998, après les
exportations en raison d'une demande intérieure restée soutenue
début 1998. A l'import encore plus qu'à l'export, l'automobile et
les produits des technologies de l'information ont fortement progressé.
Toutefois, les immatriculations de voitures de marques françaises ont
progressé plus vite que celles des marques étrangères. La
compétitivité des pays asiatiques s'est retrouvée
renforcée sur la filière électronique en raison de la
chute de leurs monnaies.
En conséquence, l'excédent commercial des produits industriels
(146,5 milliards de francs) s'est réduit de 45 milliards de francs
par rapport à l'excédent record de 1997. Les moindres
performances de l'industrie en 1998 ont été compensées
pour moitié par l'allégement de la facture
énergétique.
... partiellement compensé par le raffermissement de la demande
intérieure
En revanche, la reprise industrielle de 1997 s'étant diffusée
à l'ensemble de l'économie, la demande intérieure s'est
raffermie, prenant le relais de la demande étrangère. Elle a
tiré la production industrielle en 1998 alors que le commerce
extérieur la freinait. Le schéma s'est donc inversé par
rapport à 1997.
La consommation des ménages en produits industriels a ainsi
progressé de 4,4 % en volume en 1998, soutenue par
l'amélioration de l'emploi, la modération de l'évolution
des prix et la baisse du taux d'épargne.
Plus encore, l'investissement en produits industriels a été
exceptionnel en 1998, avec une croissance de 9,9 % en volume (contre
3,7 % en 1997), largement plus dynamique que l'investissement en
bâtiment et travaux publics (+ 1,4 %). Sous l'impulsion des
entreprises, l'investissement en véhicules a crû de 16,4 %.
L'équipement électrique et électronique a progressé
de 13,9 % avec un net effort de modernisation de la part des
administrations publiques et des sociétés financières.
L'équipement mécanique a également été
soutenu (+ 6,2 %) ; il représente presque la
moitié des produits industriels investis.
Le ralentissement de la production industrielle en 1998 laisse
apparaître des contrastes entre branches
Malgré la bonne tenue du marché intérieur, la production
industrielle française a ralenti début 1998. Comme ceux de leurs
homologues européennes, les carnets de commandes des entreprises
françaises se sont détériorés, jusqu'à une
légère remontée en avril 1999. Seule l'automobile
(+ 13,9 %) a présenté une progression continue sur
toute l'année, bénéficiant à la fois d'une forte
demande des ménages dans le sillage du " mondial de
l'automobile ", de forts investissements en véhicules de la part
des entreprises (renouvellement important du parc des poids lourds) et d'une
demande extérieure soutenue.
Dans les autres branches, le ralentissement s'est propagé graduellement,
du secteur des biens intermédiaires (+ 2,9 %),
concurrencé par les importations, à celui des biens
d'équipement (+ 5,9 %) dont la production s'est ralentie au
second semestre quand les entreprises ont anticipé des perspectives de
croissance moins favorables. Enfin, la production des biens de consommation a
fléchi au dernier trimestre. Loin de profiter aux industries nationales
de l'habillement et du cuir (+ 0,8 %), la demande des ménages
a favorisé une pénétration accrue du marché par les
produits importés sur un créneau déjà très
déficitaire.
Une pression sur les prix
Profitant de baisses de prix sur certains produits importés qui entrent
dans les consommations intermédiaires, les prix des produits industriels
ont à nouveau baissé tout au long de 1998 alors qu'ils semblaient
devoir se stabiliser en 1997 : les prix à la production ont perdu
un point en moyenne annuelle ; les prix des consommations
intermédiaires de l'industrie ont baissé de 0,8 %. Les prix
à l'exportation ont été contraints, notamment en raison de
la remontée du taux de change effectif du franc. Les prix à la
consommation des produits industriels, quasiment stables (+ 0,4 %),
ont ainsi contribué à réduire l'inflation à un
niveau historiquement bas (+ 1 % pour l'ensemble de la consommation
finale).
Une légère croissance de l'emploi industriel
Pour assurer le niveau d'activité atteint grâce à
l'accélération de 1997, l'industrie a eu largement recours
à l'intérim : 60 contrats pour 1 000 postes
en 1998 contre 46 en 1997 et 35 en 1996. Elle a également
créé 9 000 emplois après en avoir
supprimé 50 000 en 1997. Bien que ce chiffre soit modeste au
regard du total des créations d'emploi (265 000), il est en rupture
avec le contexte de diminution structurelle des effectifs dans l'industrie. En
outre, les créations d'emploi dans les services aux entreprises
(169 000 salariés et non salarié) sont directement
imputables, pour un tiers au fait que l'industrie a eu davantage recours
à l'intérim, et, indirectement, à la diffusion de la
croissance industrielle au reste de l'économie. Enfin, fait nouveau, la
progression des effectifs porte plus sur les ouvriers et les techniciens que
sur les cadres.
Les contrastes entre secteurs sont importants : si les branches produisant
des biens d'équipement et des biens intermédiaires ont
créé des emplois, la branche automobile a continué
à en perdre malgré ses performances, ainsi que la branche des
biens de consommation dont l'activité a faiblement progressé.
Enfin, sauf dans les secteurs comme le meuble où l'activité est
restée soutenue, les baisses d'effectifs ont été
marquées dans les industries traditionnelles : - 6 % dans
l'habillement-cuir, - 3 % dans le textile (particulièrement
les étoffes et articles de maille mais le secteur doit faire face
à la fin des allégements de charge), ainsi que dans la
sidérurgie.
Si la productivité apparente de l'industrie a progressé de
4,2 % en 1998, après 6,5 % en 1997, les gains de
productivité par branche ont également été
variables : ils ont atteint notamment 12,6 % dans l'automobile, le
recours à l'intérim ayant été
privilégié sur l'emploi ferme. La durée effective du
travail par salarié a très légèrement
augmenté, même si les premiers accords sur le passage aux 35
heures ont été signés en 1998.
Une nette reprise des investissements
Les entreprises appartenant au secteur de l'industrie ont accru leurs
investissements de 10 % en valeur (contre 2,7 % en 1997), soit
nettement plus que l'ensemble des entreprises (+ 6,8 %). Pour
l'essentiel, les achats d'équipement ont eu lieu au premier semestre
1998. L'investissement en logiciels a cru de 20 %. Le crédit-bail a
très fortement progressé, rattrapant son niveau de 1995
après deux années peu favorables. Par ailleurs, la croissance des
investissements continue d'être plus rapide dans les PMI
(+ 13 % contre 8 % pour l'ensemble des entreprises
manufacturières).
Là encore, les contrastes sont importants : quand les secteurs de
la métallurgie et des composants électroniques augmentaient leurs
investissements de 19 %, celui de l'automobile les réduisait de
1,7 %, tout en restant capable de répondre à la demande
grâce à une meilleure utilisation de ses capacités de
production.
Le secteur de l'automobile n'a investi que début 1999, confronté
alors à des goulots d'étranglement.
Dans le secteur des biens d'équipement, porté par
l'aéronautique et dans une moindre mesure par le matériel
ferroviaire roulant, les investissements de l'ensemble de la construction
navale, aéronautique et ferroviaire ont cru de 36,6 %. Dans le
secteur des biens intermédiaires, l'ensemble de la filière
bois-papier a profité de la bonne conjoncture du meuble et accru ses
investissements de 50 %. D'importants investissements de capacité
dans la fonderie, ainsi que des anticipations favorables des services
industriels du travail des métaux ont fait progresser les
investissements de la métallurgie-transformation des métaux de
12,2 %.
Toutefois, malgré cette reprise, le niveau des investissements de 1998
reste inférieur au pic de 1990. En effet, l'investissement des
entreprises a diminué de 34 % entre 1990 et 1994. Sur longue
période, l'investissement industriel a progressé beaucoup plus
fortement au Japon et aux Etats-Unis, et, dans une moindre mesure, en
Allemagne.
2. Une vive reprise au second semestre 1999
Le
second semestre 1999 se présente sous les meilleurs auspices. En effet,
après neuf mois de stagnation, la production manufacturière a
légèrement progressé au deuxième trimestre. Mais
surtout, la croissance plus forte que prévu (+ 1,2 %) de
l'activité industrielle au cours des mois de juillet et août 1999
semble témoigner d'une très forte reprise. L'activité
manufacturière s'est ainsi accrue de 2,3 % au cours du
troisième trimestre, soit 9,5 % en rythme annuel. Le
redémarrage de la production concerne toutes les branches, sauf les
biens d'équipement professionnels dont la production a stagné en
juillet-août.
L'enquête réalisée mensuellement par l'Insee dans
l'industrie fait état d'une progression exceptionnelle des perspectives
personnelles de production : selon les chefs d'entreprise
interrogés en octobre 1999, l'activité est restée
très soutenue au cours des trois derniers mois et devrait
s'accélérer dans les prochains mois. Les carnets globaux
continuent de se remplir et les stocks de produits finis sont toujours
jugés inférieurs à leur niveau normal. Ce mouvement de
reprise touche semble-t-il l'ensemble des pays européens.
D'après les chefs d'entreprise interrogés en octobre 1999,
l'investissement en valeur aurait augmenté de 6 % en 1999 par
rapport à 1998 dans l'ensemble de l'industrie et de 5 % dans
l'industrie manufacturière. L'ensemble des activités concourt
à cette augmentation, à l'exception des biens
intermédiaires.