C. QUESTIONS D'ACTUALITÉ

Votre rapporteur spécial se propose d'évoquer une série de questions d'actualité culturelle, de façon à informer la Haute Assemblée et à alimenter le débat budgétaire.

1. La mise en place des commissions régionales du patrimoine et des sites

La loi du 28 février 1997 votée sur une initiative du Sénat, fusionne les commissions régionales consultatives en matière patrimoniale et institue une procédure de saisine du préfet de région sur les avis émis par les architectes des bâtiments de France.

Le retard constaté dans sa mise en oeuvre s'expliquerait par la difficile mise au point du décret d'application : il a fallu prévoir un ensemble de mécanismes simples qui s'intègrent dans les procédures d'instruction d'autorisations d'urbanisme.

Le décret en Conseil d'État a été finalement signé le 5 février 1999 et la circulaire d'application aux services, le 4 mai 1999. Le décret prévoit un début d'application le 1 er mai 1999. Les commissions se sont mises en place à partir de cette date.

Huit commissions étaient constituées au 1 er août 1999. Les autres seront arrêtées par les préfets de région incessamment (l'ensemble des arrêtés est prêt).

Au 1 er août 1999, sept saisines du préfet de région ont été présentées, dont deux ont déjà été examinées en Commission régionale du patrimoine et des sites.

Six préfets de région avaient réuni une commission régionale du patrimoine et des sites au 1 er août 1999 ou avaient programmé une réunion pour la rentrée.

2. Une nouvelle salle de concert : une nécessité pour Paris ?

Dans une lettre adressée le 20 septembre au ministre de la Culture le compositeur et chef d'orchestre français Pierre Boulez et 75 personnalités musicales, demandent la construction d'un grand auditorium à La Villette .

Une telle initiative est tout à fait significative d'une logique très française conduisant, pour de très bonnes raisons, l'État à ajouter des équipements nouveaux, sans jamais en retrancher aucun.

Paris est-il une ville suréquipée sur le plan culturel ? La question mérite d'être posée à travers une demande qui même justifiée sur le fond, n'en pose pas moins des problèmes dans une optique globale d'aménagement culturel.

La capitale dispose déjà de trois salles dévolues à l'art lyrique - l'Opéra-Bastille (2 700 places), l'Opéra-Garnier (1 900 places) et l'Opéra-Comique (1 200 places) - ainsi que de deux autres lieux qui accueillent à la fois de l'opéra et de nombreux concerts d'orchestre et récitals de musique instrumentale ou vocale : le Théâtre du Châtelet (2 000 places) et le Théâtre des Champs-Elysées (1 900 places).

A la différence des trois premières qui sont sous la tutelle de l'État, le Châtelet bénéficie de subventions de la Mairie de Paris, tandis que et le Théâtre des Champs-Elysées bénéficie du soutien de la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire des lieux.

Les données de la question sont particulièrement compliquées.

D'un côté, il y a un orchestre, l'Orchestre de Paris, sans toit car aucune salle existante ne peut lui être affectée, en l'état actuel des choses : la salle Pleyel qui l'héberge actuellement, à été vendue à un propriétaire privé ; le Théâtre des Champs-Elysées, dont l'acoustique est critiquée accueille déjà l'Orchestre national de France ; la Salle du conservatoire du IXe arrondissement ne contient que 600 places ; l'installation au théâtre de la Gaîté lyrique que Jack Lang avait voulu consacrer à l'opérette, envisagée par la ville de Paris, est un projet très contesté par les professionnels qui lui préfèrent la création d'une nouvelle salle à la Cité de la musique.

Selon Pierre Boulez et tous les musiciens qui le soutiennent, cette nouvelle salle " aurait pour principal avantage de développer un pôle musical associant diffusion, patrimoine et mission éducative et de répondre ainsi aux besoins d'un public élargi désirant approfondir sa relation à la vie musicale dans toute sa diversité ".

La question n'est pas simplement une quetion de coût d'investissement ; ce n'est même pas un problème de fonctionnement, même si on se demande où le ministère va trouver les emplois permanents pour les besoins permanents qu'il va devoir satisfaire car on n'ose envisager l'hypothèse de l'utilisation de vacataires qu'il faudrait de toute façon titulariser ultérieurement...

Il convient de se demander s'il existe une demande : le taux actuel de fréquentation de l'Orchestre de Paris est de 66%, or la nouvelle salle ajouterait 2.300 places 250 jours par an, c'est-à-dire 575.000 places supplémentaires, pour un public parisien qui n'en absorbe que 250.000.

Pour mettre le débat en perspective, il convient de souligner que la crise que traverse actuellement l'Opéra Comique résulte à l'évidence de la multiplication des lieux qui aboutit à réduire les plus faibles à la portion congrue.

Désormais privée de budget artistique car les créations trop intimistes sont maintenant dirigées sur le Palais Garnier, sans orchestre en résidence, sans ateliers de décors et de costumes, la salle Favart est confrontée à une crise d'identité - l'essentiel de son répertoire historique est montré ailleurs - et une crise budgétaire : le déficit actuel s'élève à environ 8 millions de francs et pourrait se monter à 12 millions pour une subvention globale de 28 millions de francs, manifestement insuffisante pour permettre un fonctionnement normal de la salle et en particulier pour assurer les travaux urgents de sécurité. La crise a justifié un audit et va probablement se traduire par le départ de l'actuel directeur et l'arrivée anticipée de Jérôme Savary.

3. Le centre d'art du Palais de Tokyo

L'ouverture à Paris d'un centre dédié à la jeune création répond à un vrai besoin. Votre rapporteur spécial a pu le constater lorsqu'il a entendu, à l'occasion de la préparation de son rapport d'information sur le marché de l'art, les représentants des galeries regretter l'absence de lieu consacré à Paris à la création française.

Les artistes vivant à Paris et en Ile de France manquent de lieux pour faire connaître leur travail, tandis que la plupart des villes étrangères possèdent un ou plusieurs équipements de ce type. Il s'agirait selon le ministère de ne pas renouveler les erreurs des années 60 et 70, où toute une génération, à quelques rares exceptions près, n'a pas connu la diffusion internationale qu'elle aurait méritée. Tel est l'objet du centre dont la création a été annoncée au printemps 1999 par la Ministre de la culture et de la communication.

Indépendamment du problème général d'affectation du palais de Tokyo au sujet duquel le rapporteur spécial a eu l'occasion de s'exprimer, on ne peut que se féliciter de l'approche modeste qui caractérise cette initiative :

" Résolument tourné vers la création, ce lieu doit éviter toute sophistication, fonctionner avec des coûts fixes modérés et échapper à toute dérive institutionnelle ".

Dans cet esprit, on peut effectivement remarquer que son organisation se caractérise par:

• Une direction, qui ne sera pas confiée à une personnalité issue des institutions publiques et sera renouvelée tous les trois ans ; c'est dans cet esprit que MM. Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud ont été choisis par la Ministre, à l'issue d'un appel à candidatures ;

• Un statut juridique de l'établissement, qui lui garantira une autonomie suffisante ;

• La présence de partenaires privés (entreprises, collectionneurs) dans les organes délibérants.

• Par ailleurs, ce centre doit jouer un rôle d'interface avec les lieux en région : coproduction avec des centres d'art du réseau régional afin de mieux diffuser les oeuvres des jeunes artistes situés sur l'ensemble du territoire.

Au niveau des principes, on note que le centre serait organisé de façon assez souple :

•  l'organisation du lieu devrait permettre différents types de " monstration " (salle d'exposition, salles expérimentales, " project rooms "...), représenter la création dans toute sa diversité et établir des liens entre les disciplines artistiques ;

•  le centre serait conçu comme un " Lieu de vie et d'invention, [qui] accueillera aussi les oeuvres audio et vidéo, ou plus ponctuellement de la danse. Ses horaires d'ouverture ne le situeront pas dans la famille des musées : plutôt midi-minuit que 10 h - 18 h ".

Le budget d'investissement est volontairement défini dans de strictes limites : outre des autorisations de programmes disponibles sur des reliquats d'opérations précédentes pour le même édifice, 17 millions de francs d'autorisations de programme sont prévus au projet de loi de finances pour 2000.

La programmation de ces investissements va débuter dès la fin de l'été 1999 entre les services du ministère et de l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels et la direction récemment désignée.

En ce qui concerne le fonctionnement, l'année 2000 ne constituera qu'une première étape, puisque le centre ne sera pas opérationnel avant le milieu du second semestre ; une mesure nouvelle de 2 millions de francs est prévue au chapitre 43-20 du budget de la culture pour 2000 ; elle ne constitue toutefois pas la référence de fonctionnement du centre en année pleine. L'objectif est de constituer une structure légère, dont le coût de fonctionnement restera mesuré.

La prise en charge de ce fonctionnement pourra être assurée par le ministère de la culture bien sûr, mais aussi par les partenaires publics et privés qui seront regroupés en une association de gestion dont les statuts sont en cours d'élaboration.

4. Le musée des arts et des civilisations

Le projet de musée des arts et des civilisations a été annoncé par le Président de la République, dès 1995. L'objectif est de procurer une meilleure exposition aux arts d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques dans les institutions nationales de la France, par la création d'un musée nouveau et par la présentation, au Pavillon des Sessions du Palais du Louvre, en préfiguration d'une centaine de chefs-d'oeuvre d'art dit " premier ".

Votre rapporteur spécial fait ci-après le point de l'état d'avancement du projet.

A la suite des conclusions remises, au gouvernement, à l'été 1996, par la commission de réflexion présidée par M. Jacques Friedmann, il a été décidé de créer une association relevant de la loi 1901, intitulée " mission de préfiguration du musée de l'Homme, des arts et des civilisations ", placée sous la double tutelle du ministère de la Culture et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et chargée de favoriser la création de cette institution culturelle et scientifique à Paris.

En 1998, les travaux de cette association ont notamment permis de :

• lancer une concertation avec les milieux culturel et scientifique ;

• rassembler les éléments techniques nécessaires au choix du lieu d'implantation du futur musée ;

• finaliser le pré-programme du concours international de maîtrise d'oeuvre pour la construction du futur musée ;

• lancer le concours de maîtrise d'oeuvre du Pavillon des Sessions qui a permis la désignation de l'architecte Jean-Michel Wilmotte ;

• mettre en oeuvre une politique d'acquisition destinée à compléter les collections actuellement affectées au musée des arts d'Afrique et d'Océanie et au laboratoire d'ethnologie du musée de l'Homme ;

• mener par ailleurs une évaluation des collections du MAAO et du laboratoire d'ethnologie du musée de l'Homme.

L'association a également mené une réflexion sur la nature juridique de la structure à même, jusqu'à l'ouverture au public du futur musée, de :

• conduire la maîtrise d'ouvrage du projet ;

• mener une politique d'acquisition d'oeuvres d'art ;

• proposer aux pouvoirs publics le statut du futur musée ;

• préfigurer, notamment par des expositions et des colloques, la politique culturelle et scientifique du futur musée ;

• gérer le Pavillon des Sessions du Palais du Louvre.

Cette réflexion a conduit à la création, par décret n° 98-1191 du 23 décembre 1998, de l'établissement public du musée du quai Branly.

Ainsi a été confirmée la volonté de voir créer un musée consacré aux civilisations et aux arts premiers, placé sous la double tutelle du ministère de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie et du ministère de la Culture et de la Communication, sur le site du quai Branly à Paris (7e).

Ce musée, qui ouvrira ses portes en 2004, regroupera les collections du Musée des arts d'Afrique et d'Océanie - MAAO - et du laboratoire d'ethnologie du musée de l'Homme enrichies par les acquisitions précitées, et sera chargé d'une mission de conservation, de présentation des collections, d'enseignement et de recherche.

Le coût de ce projet, conduit par l'établissement public du musée du quai Branly, a été évalué à 1,1 milliard de francs d'investissement.

La répartition des financements pour 1999 et 2000 est la suivante :

(en francs TTC)

Nature des crédits

1999

2000

Fonctionnement

15 M.F. (1)

15,1 M.F.

Acquisitions

50 M.F.

30 M.F.

Investissement

124 M.F. AP - 31 M.F. CP

117 M.F. AP - 60 M.F. CP (2)

(1) correspondent au financement de la mission de préfiguration sur 5 mois + celui de l'établissement public sur 7 mois

(2) dont 32millions de francs AP - 26millions de francs CP à la charge du MCC


Ces dotations sont financées, à parts égales, par les deux ministères de tutelle.

L'effectif global de l'établissement public du musée du quai Branly est de 24 personnes en 1999.

Pendant ses 7 premiers mois d'activité, l'établissement public du musée du quai Branly a notamment :

• lancé le concours international de maîtrise d'oeuvre pour la construction du musée du quai Branly qui permettra de désigner un projet lauréat fin décembre 1999, par la constitution d'un jury réunissant des personnalités internationales ;

• conduit les études nécessaires notamment à la mise en place, en 2000, du chantier des collections qui permettra d'inventorier, de numériser et de restaurer quand cela s'avérera nécessaire, les 300 000 objets de la collection du musée du quai Branly ;

• associé les équipes du MAAO et du musée de l'Homme à la réflexion menée sur le programme muséographique du futur musée ;

• lancé une politique de coopération culturelle avec les pays d'origine par la signature d'une convention avec la Polynésie française ;

• coproduit avec la réunion des musées nationaux un catalogue et un cédérom relatifs aux objets et aux cultures présentés au Pavillon des Sessions du Palais du Louvre ;

• préparé l'ouverture d'un site Internet ;

• poursuivi la politique d'acquisition engagée pour compléter les collections actuelles ;

• engagé une réflexion, à travers le conseil d'orientation, sur la présence de la création contemporaine dans la future institution.

En 2000, il est prévu :

• de signer le contrat de maîtrise d'oeuvre avec le lauréat du concours de maîtrise d'oeuvre ;

• d'ouvrir le Pavillon des Sessions dans le courant du mois d'avril 2000 ;

• d'engager les études nécessaires à la finalisation du projet d'architecture ;

• de lancer le chantier des collections ;

• d'engager une politique de production muséographique multimédia ;

• de produire deux événements de préfiguration (un colloque et une exposition) ;

• de présenter les résultats du concours d'architecture à travers une exposition au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et d'un colloque professionnel organisé avec l'Institut Français d'Architecture ;

• de développer la politique de coopération culturelle avec les pays d'origine ;

• de poursuivre la politique d'acquisition engagée ;

• d'engager une réflexion approfondie sur le statut juridique du futur musée.

Votre rapporteur spécial prend acte de ce programme qui met en valeur des cultures avec lesquelles la France a des liens historiques privilégiés. Il souhaite néanmoins être rapidement fixé sur l'avenir du Musée des arts d'Afrique et d'Océanie, qu'il a visité et qui lui est apparu à la fois un superbe témoignage architectural des années trente et une institution bien organisée prenant un soin particulier des chefs-d'oeuvre dont elle a la charge.

Il attend que soit entreprise une réflexion, qui, il est vrai dépasse l'organisme, dans la mesure où son avenir est inséparable des choix qui doivent être faits en ce qui concerne tous les lieux actuellement sans affectation.

5. La remise en cause de l'exception culturelle : l'éternel retour

C'est en 1993 au cours du cycle de l'Uruguay qu'est née l'expression " exception culturelle ". Cette notion, qui n'a aucune consistance juridique, s'était traduite en réalité par une absence d'offre sur un nombre restreint de secteurs de la culture. C'est ainsi que les services audiovisuels (cinéma, radio, télévision, enregistrements sonores) et les services concernant les bibliothèques, les archives, les musées et autres services culturels n'ont pas été offerts par la Communauté européenne. En revanche, les services de spectacle (y compris le théâtre, les orchestres et le cirque), l'édition, les agences de presse et les services d'architecture ont été offerts.

A peine a-t-on vu se dissiper les craintes relatives à la pérennité de " l'exception culturelle " du fait du projet d'accord multilatéral sur l'investissement (AMI) et de celui de nouveau marché transatlantique aujourd'hui abandonnés, que se profile aujourd'hui la menace des nouvelles négociation de l'Organisation mondiale du commerce.

Dans le dossier de l'AMI, la France, qui avait demandé une exception générale pour la culture, a décidé, à la suite de la publication d'un rapport établi par Madame Lalumière et Monsieur Landau, de se retirer de la table des négociations en octobre 1998. Les accords négociés dans l'enceinte de l'OCDE devant, pour être adoptés, faire l'objet d'un consensus, ce retrait a eu pour conséquence de mettre un terme aux négociations qui, selon la France, ne devaient pas se limiter aux pays développés et donc être négociés dans le cadre de l'OMC dont la vocation est plus universelle.

Le nouveau marché transatlantique (NTM), accord bilatéral entre les Etats-Unis et l'Union européenne n'a pas non plus vu le jour. Son objectif était de créer une zone de libre échange ente les Etats-Unis et l'Union européenne en éliminant ou en réduisant progressivement les entraves à la libre circulation des marchandises, des crédits et des capitaux.

Lors du Conseil " affaires générales " de l'Union européenne du 27 avril 1998, la France a refusé le mandat de négociation nécessaire à la Commission européenne pour poursuivre les négociations avec les Etats-Unis. Selon la France, il paraissait en effet inadmissible que la Commission puisse prendre des initiatives dans les négociations avec les Etats-Unis sans que le débat n'ait été préalablement engagé au sein du Conseil.

Par ailleurs, conclure un accord bilatéral entre les deux plus grandes puissances commerciales du monde était considéré par la France comme un signal inattendu et paradoxal en direction des pays tiers à la veille du lancement des nouvelles négociations multilatérales au sein de l'OMC.

A la suite de l'échec du NTM, un accord a pu être trouvé au Conseil " affaires générales " de l'Union européenne du 9 novembre 1998 sur le contenu d'un partenariat économique transatlantique (TEP). Dans ce projet certains aspects de l'initiative de la Commission ont été abandonnés (zone de libre échange en matière de services, engagement de démantèlement des tarifs industriels, harmonisation et alignement des normes, création d'un mécanisme de règlement des différends). Dans ce cadre, le ministère de la culture et de la communication a obtenu qu'une très grande vigilance sur les conditions de mise en oeuvre du mandat dans les secteurs de l'audiovisuel et de la propriété intellectuelle soit exercée.

Actuellement, les négociations entre les Etats-Unis et l'Union européenne semblent stagner car aucun accord n'arrive à être trouvé notamment sur la propriété intellectuelle, les marchés publics ou les services.

Les enjeux pour le secteur culturel vont en réalité se jouer lors des prochaines négociations multilatérales qui auront lieu dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. En effet, un nouveau cycle de négociations multilatérales doit s'ouvrir à compter du 1er janvier 2000. L'Union européenne est actuellement en train de préparer ces négociations. Le ministère de la culture et de la communication est concerné par plusieurs aspects de ces négociations.

Pour les nouvelles négociations du millénaire, la position interministérielle qui semble actuellement se dégager, est que l'OMC ne devienne pas une organisation dans laquelle soient discutées des règles matérielles traditionnellement négociées au sein de l'OMPI qui doit rester l'enceinte privilégiée des négociations concernant ce sujet. Par ailleurs, concernant l'exception culturelle, la France se dirige vers un maintien des acquis du GATS (General Agreement on Trade and Services) de 1993.

Si les acquis du GATS semblent pouvoir être sauvegardés, ceux-ci pourraient indirectement être remis en cause par les négociations qui auront lieu sur des sujets qui n'ont pas encore été abordés dans le cadre de l'OMC :

Le commerce électronique : la notion de biens virtuels promue par les Etats-Unis dans le cadre du débat sur le commerce électronique vise à montrer que les transactions de biens par voie électronique (livres, disques, logiciels, films ... ) relèveraient des accords du GATT. Or, la technique de négociation de ces derniers offre des garanties de libéralisation plus larges en terme d'accès au marché que le GATS. Pour les européens, cette notion de biens virtuels est contestable et les transactions réalisées par voie électronique sont des prestations de service.

•  Les subventions : un débat général sur les subventions pourrait s'engager à l'OMC et les règles applicables aux marchandises pourraient être appliquées aux services. Cela aboutirait à une obligation de plafonnement des subventions à 5 % comme cela est déjà la règle pour les marchandises. Or la France, dans le domaine de l'audiovisuel comme dans les autres secteurs de la culture, avec des subventions qui peuvent dépasser 15 % de la valeur du produit est, dans ce domaine, très au-delà du plafond de 5 % retenu à l'OMC dans le cadre des marchandises.

•  L'investissement est également un des sujets qui sera abordé dans le cadre de l'OMC sur lequel le ministère de la culture et de la communication devra être particulièrement attentif afin que ne se répètent pas les problèmes survenus lors de l'AMI (secteur de la propriété intellectuelle traité comme de l'investissement et possibilité de prises de participation des sociétés étrangères dans les entreprises culturelles ... ).

•  Enfin, les règles concernant les marchés publics, ainsi que les entraves techniques aux échanges (vis-à-vis de nos professions réglementées) devront également faire l'objet de toute notre vigilance.

6. La préparation des festivités de l'an 2000

Votre rapporteur spécial fait aussi le point de la préparation des festivités organisées pour le passage au troisième millénaire. Il faut remarquer que, une fois n'est pas coutume, la France s'est lancée dans des projets relativement plus modestes que dans les autres pays.

Au niveau du financement consacré à la commémoration du passage de l'an 2000, il convient de distinguer deux types de contributions :

•  La subvention de fonctionnement attribuée à une association de soutien à la mission pour la célébration de l'an 2000 , qui assure notamment la gestion des concours d'origine publique destinés au financement. L'association a perçu à ce titre : 5 millions de francs en 1996, 11,5 millions de francs en 1997, 13,5 millions de francs en 1998 et 10,8153 millions de francs en 1999.











•  En ce qui concerne la subvention d'intervention , le budget total consacré par l'État sur les années 1998, 1999 et 2000 aux opérations commémoratives elles-mêmes s'élèvera à 400 millions de francs. Cette enveloppe se répartit comme suit :

- 34,3 millions de francs en 1998. Cette dotation comprenait une ouverture de crédits de 19,04 millions de francs opérée au profit du ministère chargé de la culture et un solde de 15,26 millions de francs qui restait à la charge de ce dernier,

- 180 millions de francs en 1999. Cette dotation a été ouverte dans le cadre du collectif de fin d'année 1998.

- en l'an 2000, 185,7 millions de francs devront être mobilisés pour solder l'enveloppe globale de 400 millions de francs que l'État a décidé de consacrer à cette commémoration. Cette dotation sera prise en compte dans le cadre du collectif de fin d'année 1999.

Cette enveloppe d'interventions de 400 millions de francs accordée par l'État vient compléter les sommes déjà rassemblées par les initiateurs des projets sélectionnés. L'ensemble de ces subventions ont été ou seront versées à partir du chapitre 43-20 « interventions culturelles d'intérêt national ».

La liste des opérations soutenues par la mission ainsi que leur montant et l'échéancier de règlement.

Au niveau du programme des célébrations :

Le gouvernement a décidé de marquer le passage de l'an 2000, en métropole comme dans les DOM-TOM par une série de manifestations " festives au contenu fort et symbolique ", qui marque un équilibre entre les projets concernant la région parisienne et ceux qui intéressent les autres régions. Dans le même ordre de préoccupation, les banlieues ne seront pas ignorées au profit des centres-villes.

Le choix a d'ailleurs été fait d'une célébration décentralisée en plusieurs sites répartis sur l'ensemble du territoire. Cette orientation traduit la volonté d'associer le maximum de Français à l'événement et d'inviter Français et étrangers à se déplacer pour découvrir la France. Le programme du passage de l'an 2000 se déroulera sur 18 mois, de l'automne 1999 au début 2001.

Par ailleurs, en accord avec le Premier ministre, la ministre de la culture et de la communication a voulu que des signes visibles de ces célébrations demeurent pour les générations futures. Des commandes publiques ont été passées dans de très nombreuses disciplines. De façon générale, même les manifestations temporaires donneront lieu à des documents pérennes, qu'il s'agisse de films ou de livres sans oublier les technologies du multimédia.

Les manifestations retenues peuvent être regroupées sous quatre rubriques :

1°) Trois grandes fêtes seront organisées à des dates phares :

L'importance de ces initiatives justifiera la vaste campagne de promotion internationale engagée avec le ministère du tourisme et la Maison de la France.

• Première en date : le 31 décembre 1999, se dresseront « les portes de l'an 2000 » à Paris et en province. Des parcours seront jalonnés d'arcs de triomphe réalisés par des créateurs contemporains. Dans la nuit du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000 sera organisée à Paris une fête avec une préoccupation évidente: ne laisser personne au bord de la route, faire que toutes et tous puissent participer à la fête, puissent de nouveau avoir confiance en l'avenir. Le passage à l'an 2000 sera d'abord la fête de la solidarité, la fête d'un nouveau rapport aux autres. La réalisation de cette manifestation a été confiée à M. Patrick Bouchain.

• Seconde étape le 21 juin: une fête de la musique très particulière pour abolir les frontières. Celles qui séparent villes et banlieues, mais aussi celles qui séparent les pays. La fête du 21 juin sera d'abord la fête de la paix et de la solidarité entre les peuples. Une fête du symbole du nouvel espace européen en train de se construire. La fête d'une culture partagée qui s'enrichit au contact des autres, qui progresse sans se renier.

• Troisième étape: autour du 14 juillet. Une fête de la nature ou plutôt de sa redécouverte. Arbres et jardins seront plantés, du nord au sud de la France, tout au long du méridien de Paris . Sur la proposition artistique de M. Paul CHEMETOV, la « Méridienne verte » reliera Dunkerque à Prats de Mollo à travers 337 communes, 20 départements et 8 régions . Tout au long de l'été, les fêtes qui se dérouleront sur son tracé, marqueront la volonté d'établir un nouveau rapport à notre environnement.

2°) A ces trois fêtes principales viendront s'ajouter bien d'autres manifestations répondant également à ces mêmes préoccupations, fêtes de la solidarité, de la rencontre, du partage et d'une nature retrouvée.

Pendant vingt mois, de la fin 1999 au début 2001, se tiendra le festival « 2000 en France ». Dans le cadre de ce festival, des manifestations exceptionnelles seront proposées sur une centaine de points du territoire (y compris l'outre-mer). La plupart de ces manifestations seront organisées par de grands établissements publics et par des collectivités locales. Cependant, la mission pour la célébration de l'an 2000 assumera directement la production de deux expositions :

• l`une à Lyon - « Les langues françaises » - pour interroger la langue et les langues de notre pays (pour répondre à la question comment une langue peut répondre au désir d'identité des communautés qui la partagent),

• l'autre à Avignon, capitale européenne de l'an 2000 - « La Beauté » -, pour méditer sur la beauté et les beautés du monde (pour répondre à la question comment partager un monde dont nous ne saurions plus lire la beauté).

De grandes initiatives accompagneront le festival « 2000 en France » pendant la même période. Elles inviteront les Français à la connaissance du passé, à la réflexion sur l'avenir. La célébration est l'occasion de refonder les valeurs, les convictions, les savoirs. Elles seront axées autour des thèmes suivants :

Savoir le monde : Ce sont, dès maintenant, les forums de l'an 2000 qui déboucheront sur " l'université de tous les savoirs " qui, pendant toute l'année 2000, invitera un des meilleurs spécialistes mondiaux à délivrer une leçon à l'adresse du grand public. Professeurs de toutes disciplines et chercheurs des cinq continents dispenseront leurs connaissances au cours de séminaires d'accès libre : à Nantes, les mondes inventés autour de Jules Verne, à Forbach les cultures du travail, à Bordeaux les mutations urbaines, à Lille les nouvelles musiques ...

Création : Célébrer l'an 2000, c'est aussi marquer le passage du temps par des oeuvres de son temps. Un programme de commandes publiques centré sur les thèmes de la jeunesse, de la mise en valeur de certains sites et du passage du temps est en cours d'exécution. Ce sera donc une nouvelle occasion de permettre à des créateurs de toutes disciplines de s'exprimer, d'innover, de créer et d'inventer demain. Le programme donne une large part à l'initiative, au talent des créateurs, plasticiens, metteurs en scène, chorégraphes, musiciens, cinéastes, etc, pour entraîner, émouvoir, transporter... peintres, sculpteurs, architectes, pour marquer le paysage. Tous les modes d'expression sont ainsi concernés. Leurs créations constitueront la mémoire future du passage du siècle.

Exploit et découverte : la mission apportera son soutien à la course du millénaire autour du monde qui mettra en ligne des bateaux faisant appel à toutes les ressources des techniques contemporaines. La mission apportera également son soutien à l'organisation du voyage de 2000 jeunes français en Europe. Ceux-ci feront partager leur découverte de l'Europe d'aujourd'hui grâce à un réseau de partenariats avec les médias.

Enfin, des actions seront entreprises pour assurer le rayonnement de la France. Trois types d'initiatives sont prévues :

Une campagne de communication et de promotion touristique incluant l'offre de dispositifs tarifaires attractifs, qu'il s'agisse de transports en commun ou de billetterie.

• Une campagne de valorisation du savoir-faire français à travers le lancement d'un label « France 2000 » pour les meilleurs produits .

• L'organisation de plusieurs événements à l'étranger qui seront autant d'échos du programme de la célébration de l'an 2000 dans des lieux symboliques de la présence française.

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