II. LA CONSTRUCTION DE L'AMBASSADE DE FRANCE À BERLIN
Votre rapporteur a effectué une mission de contrôle en Allemagne afin d'évaluer les conditions du transfert de l'ambassade de France de Bonn à Berlin. Il a donc visité la quasi-totalité du parc immobilier français dans ces deux villes et s'est fait présenter l'ensemble des paramètres et des caractéristiques du projet de construction de la future ambassade de France à Berlin par l'architecte Christian de Portzamparc.
A. UN CHOIX POLITIQUE ET SYMBOLIQUE
1. Un projet démesuré pour les besoins de la France en Allemagne ?
La
décision de déménager l'ambassade de France de Bonn
à Berlin est une conséquence logique de celle du gouvernement
allemand et accompagne l'ensemble des représentations diplomatiques
étrangères dont le déménagement à Berlin est
en cours ou en projet. Le choix de la Pariserplatz, lieu où était
située l'ancienne ambassade de France en Allemagne, est un geste
politique important qui symbolise l'importance et la continuité de la
relation franco-allemande. Cette décision régalienne ne peut
être remise en cause. Cependant, plutôt que la construction d'une
nouvelle ambassade, la France aurait pu conserver la Maison de la France
à Berlin et disposer d'un immeuble de bureaux, pour un coût
d'investissement et de fonctionnement largement inférieur au projet
retenu. Une telle désacralisation de la fonction d'ambassade à
laquelle sont nécessairement associés le prestige et la puissance
d'un pays peut sembler choquante, mais
il semble nécessaire de tenir
compte de l'évolution et de la différentiation croissante du
rôle de nos ambassades
selon les pays. Le développement des
nouvelles technologies de communication rend moins nécessaire une
présence humaine massive sur place dans les pays de l'Union
européenne, la transformation du métier d'ambassadeur
étant accentuée par la fréquence des consultations au
niveau européen. Son rôle se concentrera en effet davantage sur la
promotion de la France à l'étranger et la défense les
positions françaises dans le cadre des négociations
européennes.
L'organisation de manifestations culturelles procurant à la France une
visibilité importante demeurera essentielle, tout
particulièrement à Berlin. En effet, la ville entretient depuis
plusieurs siècles une relation particulière avec la France. Les
huguenots émigrés à Berlin représentaient à
la fin du XVII
ème
siècle un cinquième de la
population de la ville et y ont exercé une influence culturelle
considérable dont on conserve des traces dans de nombreux mots
berlinois. Enfin, l'occupation d'une partie de la ville par l'armée
française de 1945 à 1994 a favorisé le
développement des relations culturelles entre les deux parties.
Si la présence culturelle française doit être
encouragée, on peut donc penser que les moyens des services
organisés autour de la chancellerie diplomatique seront amenés
à décliner avec l'approfondissement de l'Union
Européenne
.
Il paraît plus important de dégager des moyens pour
développer et de valoriser la présence française dans les
pays émergents plutôt que d'assurer une présence
prestigieuse et surdimensionnée en Allemagne par exemple (234 agents
expatriés et 171 recrutés locaux en 1997), dont la valeur
ajoutée est moindre du fait de la proximité géographique
et de la relation approfondie existant entre les deux pays
.
2. Des contraintes importantes liées au choix d'un lieu symbolique
Tournée vers la porte de Brandebourg et à
proximité immédiate du nouveau Reichstag, l'ambassade de France
sera située au centre politique de la nouvelle capitale allemande. Elle
sera une des dernières constructions sur la Pariserplatz, et aura pour
voisins des sièges sociaux de banques ainsi que les ambassades des
Etats-Unis et du Royaume-Uni.
La volonté de continuité et de prestige qui explique le choix
de la Pariserplatz a des conséquences importantes pour la construction
de l'ambassade
. Propriété de l'Etat français depuis
1860, le terrain de l'ambassade de France détruite en 1945 a
été agrandi avec l'achat d'une parcelle voisine en 1997 et sa
superficie totale est de 4500 m². Cependant, le terrain ainsi
constitué forme un L, assez étriqué dans sa partie longue.
L'économie du bâtiment est donc largement déterminée
par cette contrainte foncière.
Le Sénat de Berlin a imposé des règlements très
contraignants pour les constructions sur la Pariserplatz afin de reconstruire
la place en conservant son allure générale d'autrefois, ou
plutôt l'esprit et le goût du temps passé, permettant de
mettre en valeur la Porte de Brandebourg, symbole de la ville de Berlin. A
l'entrée de la place, l'hôtel Adlon, totalement détruit
pendant la guerre, a été reconstruit à l'identique de
l'ancien. Cet exemple témoigne de manière éclatante de
l'obsession des autorités berlinoises pour reconstituer artificiellement
un âge d'or révolu de la capitale historique de l'Allemagne. Les
autorités berlinoises semblent vouloir faire revivre un passé
enseveli sous les cendres de la deuxième guerre mondiale et brisé
par le Mur de Berlin, dont la trace est désormais à peine
perceptible.
Une reconstruction totale de la place ne pouvait pas être
envisagée, mais son harmonie a été recherchée avec
des règles de construction imposant pour l'ensemble de la place, la
hauteur des façades et des socles, et surtout, l'usage de la pierre pour
les façades avec des ouvertures de baies bien délimitées.
Le principal résultat de cette frénésie
réglementaire est un manque d'originalité et de caractère
de la plupart des bâtiments déjà construits.
Une contrainte supplémentaire pour la construction provient des
données géologiques du sol berlinois, où la faible
profondeur de la nappe phréatique implique des coûts de chantier
et de fondation importants liés aux risques d'infiltration d'eau.
Ces conditions particulières de construction expliquent en partie les
choix architecturaux et l'importance de l'enveloppe financière
prévue pour la future ambassade.