B. LA MAÎTRISE DE LA GESTION DU PROJET PAR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
1. Une volonté de maîtrise des coûts de construction
Les
appréciations divergentes de l'architecte et du ministère des
affaires étrangères sur les solutions architecturales et le
coût final du projet sont largement indépendantes des facteurs
évoqués plus haut.
Le lauréat du concours d'architecture organisé par le
Ministère des Affaires étrangères pour la future
ambassade, Christian de Portzamparc, avait évalué le coût
global du projet à 336 millions de francs, prix qui a été
retenu à la signature officielle des travaux, en novembre 1997. En mars
1998, l'architecte annonce un coût total prévisionnel de 444
millions de francs, soit une dérive supérieure à 100
millions de francs, dont 76 millions de francs pour les seuls travaux du
bâtiment. Cette dérive s'explique par l'imprécision des
premières études effectuées et une volonté de
proposer un coût raisonnable lors du concours d'architectes. En
décembre 1998, une longue négociation entre le ministère
et l'architecte permet de définir un coût de 230 millions de
francs pour le bâtiment, soit un coût total de 390 millions de
francs.
Les divergences entre le maître d'oeuvre et l'architecte sur le
coût du projet ont retardé le calendrier de 8 mois environ, ce qui
a réduit considérablement les marges de manoeuvre concernant les
délais de construction.
Malgré les réticences de l'architecte, l'économie
générale du bâtiment ne semble pas être
affectée par les modifications imposées par le ministère
des affaires étrangères, qui ont concerné notamment la
maîtrise du coût des produits utilisés en façade,
ainsi que la suppression de trois ascenseurs et de la climatisation en dehors
des salles de réception.
2. Le dispositif mis en place par le ministère pour gérer les opérations immobilières en Allemagne
L'antenne du service de l'Equipement du ministère des
affaires étrangères à Berlin a pris en charge, dès
l'origine du projet en 1994, l'intégralité du suivi des
opérations immobilières liées au transfert des moyens de
la France en Allemagne. Ce dispositif a permis des consultations
fréquentes avec le bureau de l'architecte à Berlin, et a
favorisé le bon déroulement des négociations avec le
Sénat de Berlin. D'importantes discussions ont en effet dû
être engagées pour l'instruction du permis de construire, qui doit
être visé par 18 personnes différentes, ce qui
témoigne de la lourdeur des procédures administratives en vigueur
à Berlin. La précision des normes allemandes a
entraîné la modification de certains aspects du bâtiment,
décidées en concertation avec les responsables du Sénat de
Berlin. Les principales évolutions ont concerné la jonction avec
les bâtiments voisins, la dimension des surfaces vitrées, la
sécurité de l'ambassade du fait des vues directes depuis un
bâtiment voisin, les dimensions de l'auvent et les matériaux
utilisés pour la façade. Des solutions ont pû être
décidées à chaque fois de manière concertée
entre l'architecte et le maître d'ouvrage.
Les Etats-Unis sont actuellement engagés dans des négociations
très tendues avec les autorités locales berlinoises, à
propos de la construction de leur ambassade. Ils exigent de disposer d'une zone
de sécurité de 30 mètres devant le bâtiment,
tandis que les autorités berlinoises ne leur accordent que
23 mètres, arguant du fait que céder aux exigences
américaines briserait l'alignement des rues et modifierait de
manière inacceptable l'aménagement urbain du coeur de Berlin.
Ce différend a été largement commenté par la presse
berlinoise et souligne la sensibilité des autorités berlinoises
quant à la conception de la reconstruction de leur ville, et le travail
réalisé par le ministère des affaires
étrangères pour parvenir à des compromis avec les
autorités locales pour conception de l'ambassade de France.
3. Un respect du cahier des charges du ministère
La
surface utile totale de l'ambassade sera d'environ 8.500 m², dont 4.000
m² de bureaux. Dès le lancement du concours, l'attention des
candidats avait été attirée par le maître d'ouvrage
sur la nécessité de tenir compte de la fonctionnalité et
la flexibilité d'usage du bâtiment, des synergies et de la
facilité d'orientation entre les différents espaces internes. Le
projet Portzamparc est apparu au jury comme celui ayant le mieux pris en compte
les contraintes en matière d'utilisation des espaces, en partageant
l'espace de manière rationnelle entre les zones ouvertes au public, les
zones d'accès restreint et les espaces privés de l'ambassadeur,
dont la résidence est intégrée au bâtiment.
La conception du bâtiment et de son espace intérieur traduit une
volonté forte de déjouer l'enfermement induit par la dimension du
terrain et la hauteur des murs adjacents. Deux entrées reliées
entres elles par une galerie vitrée en " L " permettront au
public d'accéder librement à l'amphithéâtre, aux
expositions, à la cafétéria et dans la cour publique, mais
ne donneront pas accès aux niveaux supérieur, qui correspondent
à un autre périmètre de sécurité.
L'encaissement de la cour intérieure a été limité
par l'attention portée à la lumière et au traitement des
espaces, avec la surélévation du jardin et l'installation d'une
allée plantée.
L'existence de plusieurs niveaux dans la cour intérieure permet de
séparer de manière claire l'usage officiel lié aux espaces
de réception de la résidence de l'ambassadeur, et l'usage public
où sont regroupés les éléments du programme de
l'antenne culturelle. Pour des réceptions importantes, par exemple
à l'occasion du 14 juillet, la réunion des deux niveaux
permettra d'accueillir jusqu'à 3000 personnes. Un bâtiment
regroupant les salles de réunion et un auditorium d'une capacité
de 200 personnes disposant de cabines adaptées à la traduction
simultanée, constitue un carrefour de rencontre au coeur de l'ambassade.
L'accent a également été mis sur la modularité des
espaces. Ainsi, les bureaux seront standardisés et pourront supporter
l'adaptation de l'ambassade aux évolutions futures, et des parois
coulissantes permettront de modifier la taille des salons dans les espaces de
réception.
Malgré l'importance des contraintes foncières et
réglementaires, la conception du projet architectural de l'ambassade de
France semble tirer un bon parti des conditions difficiles liées au
choix du lieu historique de la Pariserplatz. La définition des
différents espaces devrait permettre de disposer d'un outil fonctionnel,
largement ouvert au public et pouvant être adapté à
l'évolution des besoins de la représentation française en
Allemagne.
Enfin, la façade de l'ambassade dessinée par l'architecte
Christian de Portzamparc doit être jugée en tenant compte des
contraintes spécifiques à la Pariserplatz, les bâtiments
déjà construits présentant des façades pauvres et
conventionnelles. Le projet architectural respecte la lettre de la
réglementation malgré quelques dérogations obtenues
difficilement, mais en détourne l'esprit, et contraste plutôt
favorablement avec les bâtiments voisins de l'ambassade.