III. LES AUTRES POLITIQUES : UN DÉVELOPPEMENT MAL MAÎTRISÉ
A. LES POLITIQUES INTERNES
Avec 6,2 % des crédits de paiement et d'engagement du projet de budget pour 2000, les crédits réservés aux politiques internes s'inscrivent en retrait de 1 % par rapport à l'exercice précédent pour les crédits d'engagement mais en très forte augmentation (+ 7,2 %) pour les crédits de paiement.
Les politiques internes : aperçu général sur l'exécution et le projet de budget 2000
(en Meuros courants)
|
Exécution 1996 |
Exécution 1997 |
Exécution 1998 |
Budget 1999 |
Projet budget 2000 |
|||||
|
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
Total politiques internes |
5.222 |
4.443 |
5.557 |
4.810 |
5.692 |
4.730 |
5.862 |
5.049 |
5.809 |
5.410 |
Marge sous plafond |
115 |
|
46 |
|
311 |
|
524 |
|
222 |
|
dont : Recherche |
3.202 |
2.854 |
3.485 |
2.957 |
3.435 |
2.999 |
3.450 |
2.990 |
3.630 |
3.475 |
dont : Réseaux |
381 |
267 |
457 |
349 |
545 |
411 |
585 |
452 |
656 |
522 |
dont : Autres |
1.639 |
1.316 |
1.615 |
1.504 |
1.712 |
1.320 |
1.827 |
1.579 |
1.523 |
1.413 |
Elles enregistrent ainsi des évolutions qui, pour être nuancées, ne sont que le reflet d'un choix de poursuivre la progression du volume de l'intervention européenne en ce domaine.
Les politiques internes : Les perspectives financières de 2000 à 2006
(en Meuros 1999)
Engagements |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Rubrique 3 |
5.930 |
6.040 |
6.150 |
6.260 |
6.370 |
6.480 |
6.600 |
Cette
évolution au terme de laquelle le plafond de ces crédits
progresse de 11,3 % entre 2000 et 2006 est-elle réaliste ?
Une réponse affirmative supposerait que les politiques internes aient
démontré leur efficacité dans le passé et qu'elles
soient entièrement légitimes du point de vue du principe de
subsidiarité qui s'impose tout particulièrement en la
matière.
Elle supposerait aussi que les crédits provisionnés correspondent
réellement à la communautarisation ou au renforcement des
coopérations européennes dans les divers domaines d'intervention
publique où de telles évolutions sont attendues et souhaitables.
Or, ces conditions ne sont globalement pas réunies.
Le tableau ci-après récapitule les différentes politiques
financées à partir de la rubrique 3 du budget européen.
Les politiques internes : exécution et projet de budget 2000
(En Meuros courants)
|
Exécution 1997 |
Exécution 1998 |
Budget 1999 |
Projet de budget 2000 |
||||
|
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
Actions agricoles |
169 |
150 |
158 |
138 |
148 |
132 |
51 |
81 |
Actions régionales |
22 |
36 |
17 |
21 |
17 |
22 |
15 |
19 |
Transport |
22 |
28 |
19 |
19 |
21 |
19 |
19 |
18 |
Pêche |
47 |
21 |
56 |
31 |
49 |
63 |
42 |
35 |
Education, formation |
377 |
353 |
400 |
277 |
442 |
391 |
444 |
374 |
Culture et audiovisuel |
115 |
124 |
111 |
97 |
107 |
89 |
100 |
97 |
Information |
117 |
110 |
114 |
103 |
108 |
115 |
73 |
68 |
Social |
158 |
137 |
148 |
136 |
156 |
143 |
160 |
139 |
Energie |
37 |
36 |
33 |
29 |
41 |
36 |
37 |
35 |
Contrôle nucléaire |
16 |
16 |
15 |
14 |
16 |
16 |
17 |
15 |
Environnement |
132 |
129 |
140 |
121 |
178 |
147 |
150 |
134 |
Consommateurs |
19 |
17 |
20 |
19 |
24 |
19 |
23 |
20 |
Reconstruction |
4 |
4 |
3 |
3 |
2 |
2 |
2 |
2 |
Marché intérieur |
185 |
172 |
150 |
135 |
152 |
133 |
138 |
147 |
Industrie |
84 |
96 |
84 |
42 |
92 |
94 |
0 |
87 |
Emploi et innovation |
51 |
32 |
181 |
89 |
209 |
135 |
183 |
87 |
Statistiques |
28 |
34 |
30 |
25 |
31 |
27 |
28 |
28 |
Réseaux |
457 |
349 |
545 |
410 |
585 |
452 |
656 |
522 |
Justice |
21 |
4 |
28 |
12 |
27 |
17 |
37 |
23 |
Lutte contre la fraude |
11 |
5 |
5 |
8 |
7 |
7 |
6 |
5 |
Recherche |
3.485 |
2.957 |
3.435 |
2.999 |
3.450 |
2.990 |
3.630 |
3.475 |
Total |
5.557 |
4.810 |
5.692 |
4.730 |
5.862 |
5.049 |
5.809 |
5.410 |
P.F. |
5.603 |
|
6.003 |
|
6.386 |
|
6.031 |
|
Marge sous les PF |
46 |
|
311 |
|
524 |
|
222 |
|
Plus encore que l'an dernier, la grande majorité des crédits est concentrée sur la recherche et les réseaux transeuropéens.
(en Meuros courants)
|
Budget 1999 |
Projet budget 2000 |
||
|
CE |
CP |
CE |
CP |
TOTAL |
|
|
|
|
Politiques internes |
5.862 |
5.049 |
5.809 |
5.410 |
Marge sous plafond |
524 |
|
222 |
|
dont : Recherche |
3.450 |
2.990 |
3.630 |
3.475 |
dont : Réseaux |
585 |
452 |
656 |
522 |
dont : Autres |
1.827 |
1.579 |
1.523 |
1.413 |
Ceux-ci
absorbent près de 75 % des crédits, soit une part
supérieure de 7 points par rapport à l'an dernier.
La progression la plus rapide revient aux crédits de recherche
(+ 16,2 %) qui concentrent 64,2 % des dotations globales.
L'augmentation considérable des crédits de paiement doit d'abord
être regardée comme un indice d'une mauvaise exécution des
projets. En fait, celle-ci s'explique aisément par leur foisonnement -v.
infra-. Malgré l'affichage d'un resserrement du champ d'intervention
européen dans le Ve programme commun de recherche et
développement (1999-2002), il reste à craindre que les
98 milliards de francs dont ce programme bénéficie ne soient
pas entièrement mis au service d'une politique européenne de
recherche.
A ce propos, votre rapporteur ne peut que réitérer ses
observations qui sont autant de préoccupations sur :
la légitimité du processus de définition de la
stratégie européenne en matière de recherche avec, en
particulier, la quasi-absence à ce stade initial des grands
opérateurs de recherche que sont les entreprises ;
le manque d'évaluation de l'efficacité des dépenses,
même si le quatrième programme-cadre contenait des dispositions
visant à corriger cette lacune ;
la légitimité même de nombreuses interventions
communautaires au regard du principe de subsidiarité lorsque lesdites
interventions ne s'accompagnent pas d'actions concertées entre
Etats-membres.
Il faut rappeler qu'une politique communautaire en matière de
recherche ne se conçoit qu'en tant qu'elle est susceptible d'apporter
une plus-value par rapport aux résultats que peuvent atteindre les
politiques nationales.
Il faut aussi souligner que le vrai apport de la Communauté dans ce
domaine serait de promouvoir des projets exceptionnels articulés autour
de la participation commune de centres de recherche des pays membres.
Il ne semble pas que cette conception anime suffisamment les instances
européennes, si bien que se dégage trop souvent l'impression
déplaisante de la constitution d'une "tirelire de la recherche"
où les plus habiles viendraient puiser au gré de leurs besoins.
Le nombre des projets -3.000 nouveaux projets en 1995 pour 10.000
participants- en témoigne. Certains ont pu évoquer à ce
propos les "dérives cohésives" de la "politique de recherche" des
Communautés européennes faisant observer que, la règle
d'adoption des objectifs de recherche faisant place à
l'unanimité, une correction systématique était entreprise
par la Commission au profit des pays les moins compétitifs. On
soulignera que les moyens européens consacrés à la
recherche n'ont pas
a priori
à être orientés en
fonction d'objectifs de convergence régionale qui relèvent
d'autres instruments et, tout particulièrement, des crédits
d'actions structurelles.
Les crédits réservés aux réseaux
transeuropéens (449 millions d'euros) s'accroissent de 15,5 %
en crédits de paiement, et de 12,1 % en crédits
d'engagement.
Ils ne représentent qu'une proportion minime des
crédits disponibles pour les politiques internes.
Cette situation doit être dénoncée car les programmes de
réseaux transeuropéens soutiennent dans l'ensemble des projets
réellement européens, pourvoyeurs d'infrastructures favorables
à la croissance et à l'emploi.
Il faut toutefois s'attacher à éviter en la matière au
moins deux écueils :
- l'un aboutissant à distraire une part excessive des moyens des
réalisations opérationnelles au profit d'études
préparatoires trop longues dont les prolongements seraient
paralysés par des obstacles financiers non anticipés ;
- l'autre consistant à aider des projets d'infrastructure n'apportant un
plus qu'à certains Etats au détriment des autres, et se soldant
donc par de simples détournements de trafic.
Dans le premier cas, un suivi attentif des travaux préparatoires
s'impose et l'exigence d'une programmation financière en amont des
projets doit être réaffirmée. Pour résoudre le
second type de difficultés, une étude d'impact européenne
des projets doit permettre de vérifier toujours que chacun d'entre eux
offre l'opportunité d'un gain d'efficience réellement
européen. Les évaluations effectuées doivent être
systématiques et portées à la connaissance de l'ensemble
des Etats membres.
Les moyens consacrés aux autres politiques internes
déjà rognés l'an dernier seraient réduits de
10,5 % en crédits de paiement et de 16,6 % en crédits
d'engagement
. Cette diminution, corollaire de l'augmentation des
crédits réservés à la recherche et aux
réseaux transeuropéens, devrait conduire à arbitrer entre
des moyens globalement modestes (1,4 milliard d'euros) pour centrer
l'action communautaire sur des politiques au service d'une Europe-puissance.
Le tableau ci-dessus démontre qu'une telle démarche n'est pas
suivie et qu'une logique de dispersion prévaut.
Les rubriques des politiques internes sont un indicateur avancé de
l'incroyable saupoudrage des moyens distribués qui s'éclatent
entre un trop grand nombre d'interventions.
Celles-ci s'étaient d'ailleurs souvent développées sans
aucune base légale autre que l'inscription de crédits
budgétaires, manifestation d'une sorte d'existentialisme de
l'intervention européenne attirant sur elle une certaine
défiance, voire quelques soupçons.
Ces errements doivent être corrigés et il faut pour cela
simplifier l'intervention européenne en la centrant sur des projets
où la dépense publique peut se justifier et où la
dépense européenne s'impose comme répondant au principe de
subsidiarité.
L'accent mis sur l'initiative pour l'emploi dans le prolongement du sommet de
Luxembourg avec 450 millions d'euros prévus pour la
période 1998-2000 (2.970 millions de francs) contrevient
manifestement à ces principes.
Le sous-emploi observé en
Europe n'est en effet pas un problème européen, sauf à
considérer qu'il serait le fruit de la construction européenne,
mais bien l'addition de problèmes nationaux que les Etats doivent
s'attacher à résoudre.
La création d'un guichet
européen voué à réduire le sous-emploi revient
à mutualiser des politiques qui doivent être adaptées aux
réalités économiques et sociales nationales sans aucune
visibilité sur l'utilisation qui sera faite des moyens. Les sommes en
jeu sont certes dérisoires, raison supplémentaire pour s'opposer
à cette initiative, mais c'est la multiplication des dépenses
publiques européennes inadaptées qui jette le discrédit
sur un budget européen dont la contribution à la construction
d'une Europe-puissance doit être le "leitmotiv".