II. LES ACTIONS STRUCTURELLES : LE POIDS D'ENGAGEMENTS DÉRAISONNABLES
A. PRÉSENTATION GÉNÉRALE
Dans le
projet de budget 2000, les crédits d'actions structurelles connaissent
en apparence une évolution modérée : les
crédits de paiement s'accroissent de 1,8 % et les crédits
d'engagement diminuent de 10,4 %.
Ces variations sont largement optiques. Elles résultent d'abord du
changement de périmètre budgétaire évoqué
ci-dessus sans lequel les crédits de paiement s'accroîtraient de
4,9 % et les crédits d'engagement ne diminueraient que de
10,4 %.
Ce dernier phénomène ne s'explique pas quant à lui par un
quelconque choix de réalisme budgétaire, mais bien par le niveau
exceptionnel et critiquable des crédits d'engagements inscrits dans le
budget 1999. On rappelle que leur augmentation avait dépassé
16 % à seule fin de solder la programmation des fonds structurels
adoptée à Edimbourg.
De fait, le niveau des crédits d'engagement pour 2000, première
année de mise en oeuvre de la nouvelle programmation des actions
structurelles, dépasse notablement avec 32,7 milliards d'euros le
niveau d'exécution des engagements de l'année 1996
-28,6 milliards d'euros- première vraie année
d'exécution de la programmation à 15.
1. Des objectifs et des instruments nombreux
Les
crédits d'actions structurelles inscrits au budget européen sont
le fruit de l'émergence d'une politique communautaire à part
entière destinée, à partir de l'Acte unique
européen, à assurer la cohésion économique et
sociale dans l'Union européenne.
Cette politique a été déclinée par strates
successives dans la précédente période de programmation.
Sept objectifs ont été énoncés : un fonds de
cohésion a été institué, des programmes
d'initiative communautaires ont été lancés.
Sept objectifs ont été énoncés, les uns
régionalisés, les autres de dimension nationale.
Les premiers recouvrent :
- l'
objectif 1
pour le développement des régions en
retard de développement soit celles dont le PIB par habitant est
inférieur à 75 % de la moyenne communautaire ;
- l'
objectif 2
pour l'ajustement des régions les plus
affectées par le déclin industriel soit celles où le taux
de chômage et le pourcentage d'emplois industriels sont supérieurs
à la moyenne communautaire.
-
l'objectif 5 b
pour l'ajustement structurel dans les
régions rurales soit celles où le niveau de développement
économique est bas, le taux d'emploi agricole élevé, le
niveau des revenus agricoles faible et (ou) qui connaissent le
dépeuplement.
-
l'objectif 6
pour l'ajustement des régions à faible
densité de population .
Les trois objectifs qui ne sont pas spécifiquement
régionalisés et s'appliquent à l'ensemble de l'Union sont :
-
l'objectif 3
pour les jeunes chômeurs et les chômeurs
de longue durée ;
-
l'objectif 4
pour l'adaptation des travailleurs aux mutations
industrielles ;
-
l'objectif 5
a pour l'ajustement dans l'agriculture et la
pêche.
S'agissant du
fonds de cohésion
créé en application
du traité sur l'Union européenne, ses interventions sont
appelées à bénéficier aux Etats membres dont le PIB
par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne
communautaire et qui ont mis en place un programme pour satisfaire aux
conditions de convergence économique. En pratique, quatre Etats membres
en bénéficient, la Grèce (en dépit de son
échec relatif à réussir la convergence), l'Espagne, le
Portugal et l'Irlande.
Les interventions du fonds sont centrées sur des projets
intéressants l'environnement et les réseaux transeuropéens
de transport.
Enfin,
les programmes d'initiative communautaire
mettent en oeuvre une
série d'initiatives communautaires dont la liste est donnée
ci-dessous avec une indication des moyens programmés initiative par
initiative.
Initiatives communautaires (1994/1999)
|
Objet |
MioEcus |
INTEREG |
Coopération transfrontalière et réseaux d'énergie |
2.900 |
LEADER |
Développement rural |
1.400 |
RGIS |
Intégration des régions ultrapériphériques |
600 |
RECHAR |
Diversification des zones charbonnières |
400 |
ESIDER |
Reconversion des zones sidérurgiques |
500 |
RETEX |
Diversification des zones dépendant du textile |
500 |
KONVER |
Diversification des zones dépendant du secteur militaire |
500 |
ADAPT |
Adaptation de la main-d'oeuvre aux mutations industrielle |
1.400 |
PME |
Adaptation des PME |
1.000 |
URBAN |
Rénovation des zones urbaines |
600 |
Emploi et ressources humaines |
Emploi et ressources humaines |
1.400 |
PESCA |
Restructuration de la pêche |
250 |
Industrie textile portugaise |
Industrie textile portugaise |
400 |
Réserve |
Réserve |
1.600 |
TOTAL |
|
13.450 |
Enfin,
la Commission est libre de lancer
des actions pilotes ou innovatrices.
Les politiques structurelles sont réalisées au moyen de fonds
-FEDER, FSE, FEOGA...) et sont programmées par objectifs et par pays. En
matière d'initiatives communautaires le financement, qui ne peut
dépasser 9 % des crédits d'engagement dont sont dotés
les fonds, vient des fonds structurels mais les décisions appartiennent
à la Commission. Il en va de même pour les actions pilotes ou
innovantes qui ne peuvent, quant à elles, mobiliser plus de 1 % des
crédits d'engagements mais dont on doit souligner deux
particularités : la possibilité d'apporter au
bénéficiaire un taux de subventionnement de 100 % et celle
d'agir, dans certaines limites, sans bases légales.
La programmation financière 2000-2006 doit s'apprécier en
tenant compte de la réforme des modalités des actions
structurelles intervenues dans le cadre d'Agenda 2000.
Les principales caractéristiques du nouveau dispositif sont les
suivantes.
Tout d'abord, les principes fondamentaux de la réforme de 1988
sont maintenus
: la subsidiarité, le partenariat,
l'additionnalité et la concentration.
Ensuite, l'existence des cinq fonds le FEDER, le FSE, le FEOGA-orientation,
l'IFOP et le Fonds de cohésion serait elle aussi maintenue.
En revanche,
le nombre des objectifs des actions structurelles est
réduit passant des sept objectifs actuels
(4 objectifs
régionaux : les objectifs 1, 2, 5b et 6 et 3 objectifs
nationaux : les objectifs 3, 4 et 5 a) à 3 objectifs
seulement :
2 objectifs régionaux
: l'objectif 1 visant à
promouvoir le développement et l'ajustement structurel des
régions en retard de développement et l'objectif 2 visant
à soutenir la reconversion économique et sociale des zones en
difficulté structurelle ;
1 objectif national
: l'objectif 3 visant à soutenir
l'adaptation et la modernisation des politiques et systèmes
d'éducation, de formation et d'emploi.
A cette concentration thématique, est associée une
concentration des interventions qui, touchant aujourd'hui plus de
50 % de la population européenne, serait centrées
à l'avenir sur une frange de 35 à 40 % de cette
population.
Les régions concernées par les interventions au titre de
l'objectif 1
sont comme à présent, les régions dont
le PIB par habitant aura été inférieur au cours des trois
dernières années à 75 % de la moyenne communautaire
ainsi que les régions ultrapériphériques et,
nouveauté, les zones antérieurement concernées par
l'article 6 paragraphe 1. Mais, réforme essentielle, les souplesses
ménagées par la réglementation en vigueur pour
étendre le champ d'intervention au titre de l'objectif 1 disparaissent.
Cet objectif qui concernait 25 % de la population intéressera
désormais 22,2 % de la population de la Communauté. Ses
moyens s'élèvent à 69,7 % du total
(135,9 milliards d'euros), et sont en progression de 15 % en volume
par rapport à la programmation précédente.
Les zones visées par
l'objectif 2
sont celles qui sont
confrontées à des problèmes structurels de reconversion
économique et sociale et dont la population ou la superficie sont
significatives. L'objectif 2 couvrait dans la précédente
programmation 25,2 % de la population communautaire et ne devrait plus
concerner à l'avenir que 18 % de cette population. Il regroupe
11,5 % de l'ensemble des fonds structurels (22,5 milliards d'euros),
soit un recul en volume de 9,4 % par rapport à la période
précédente.
Les zones concernées par les financements de
l'objectif 3
seraient celles qui ne sont pas visées par les deux autres objectifs. Il
concentre 12,3 % de la dotation globale, en progression de 22,5 % en volume par
rapport à la programmation financière précédente.
Le resserrement de la population éligible est accompagné d'un
processus de sortie progressive pour les régions perdant le
bénéfice de l'objectif 1 ou 2, qui se traduit par le maintien du
bénéfice des fonds au titre de l'objectif considéré
jusqu'au 31 décembre 2005.
Le fonds de cohésion
est maintenu au profit des Etats dont le PIB
par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire. Sa
dotation est reconduite en euros constants sur la future période de
programmation, avec un budget de 18 milliards d'euros pour les
années 2000 à 2006.
Au sein des fonds structurels, la Commission conserve la latitude de promouvoir
des programmes d'initiative communautaire (PIC). Les PIC, actuellement au
nombre de 13 sont désormais orientés autour de 4
thèmes : la coopération interrégionale,
(INTERREG : 4 876 millions d'euros entre 2000 et 2006), le
développement rural (LEADER : 2 020 millions d'euros), les
ressources humaines (EQUAL : 2847 millions d'euros) et les villes
(URBAN : 700 millions d'euros).
Le montant disponible pour financer les PIC est ramené de 9 à
5,35 % du total des ressources des fonds structurels.
Enfin, 1 % des dotations des fonds structurels pourrait être
mobilisé pour financer des actions innovatrices et d'assistance
technique.
Des modifications sont apportées dans la gestion des interventions
structurelles.
La Commission avait proposé un mécanisme réduisant la
portée de l'exercice de programmation où une
" réserve de performance " de 10 % aurait
été allouée à mi-parcours par ses soins. Cette
innovation susceptible d'exercer des effets pervers, les Etats se trouvant
incités à dépenser leurs enveloppes à tout prix,
n'a heureusement pas été retenue. Mais plusieurs objectifs sont
poursuivis :
- une volonté de
décentralisation
accrue qui passe en
particulier par la désignation d'une autorité unique de gestion
pour chaque intervention, par la constitution d'un comité de suivi
national et par l'instauration d'une procédure de subvention globale
gérée " in situ " par des intermédiaires
agréés pour financer des initiatives locales ;
- une volonté de
cohésion
avec une unicité de
programmation au sein d'un même document pour les objectifs 2 et 3,une
période uniforme de programmation, une association en partenariat de
tous les échelons concernés, l'affirmation du principe de
compatibilité des interventions avec les autres politiques
communautaires (politique de l'environnement, de la concurrence, de
l'emploi...) ;
- une volonté de
saine gestion financière
avec en
particulier le dégagement des crédits non utilisés au
terme d'un délai de deux années, l'utilisation des
intérêts acquis aux Etats membres à partir des avances
communautaires au profit des objectifs poursuivis dans le cadre du versement de
ces avances et la promotion d'un mécanisme d'avance au moment de
l'adoption des programmes.
Les réformes adoptées, pour ne pas être
dépourvues de tout effet, ne tiennent pas compte de la logique qui
devrait être celle de la politique structurelle européenne, ce qui
est d'autant plus regrettable que les crédits qui y sont
consacrés bénéficient d'un traitement
privilégié.
2. Des ressources importantes
Le
tableau ci-dessous rend compte de la nouvelle programmation des actions
structurelles.
Le total des moyens disponibles pour les années 2000 à 2006
a été fixé à 213 milliards d'euros
(1.397 milliards de francs). Les crédits d'actions structurelles
qui, au total, absorberaient 2,6 % du PIB européen annuel
bénéficieraient d'une enveloppe en croissance de 6,5 % par
rapport à la programmation 1994-1999.
Répartition des ressources par Etat membre et par objectif de 2000 à 2006
(en Meuros) 1999
Etat |
Obj. 1 |
Phasing
|
Obj. 2 |
Phasing
|
Obj. 3 |
IFOP |
Total
|
PIC
|
Fonds
|
Total |
Belgique |
|
625 |
368 |
65 |
737 |
34 |
1.829 |
|
|
1.829 |
Danemark |
|
|
156 |
27 |
365 |
197 |
745 |
|
|
745 |
Allemagne |
19.229 |
729 |
2.984 |
526 |
4.581 |
107 |
28.156 |
|
|
28.156 |
Grèce |
20.961 |
|
|
|
|
|
20.961 |
|
3.060 |
24.021 |
Espagne |
37.744 |
352 |
2.533 |
98 |
2.140 |
200 |
43.087 |
|
11.160 |
54.247 |
France |
3.254 |
551 |
5.437 |
613 |
4.540 |
225 |
14.620 |
|
|
14.620 |
Irlande |
1.315 |
1.773 |
|
|
|
|
3.088 |
|
720 |
3.808 |
Italie |
21.935 |
187 |
2.145 |
377 |
3.744 |
96 |
28.484 |
|
|
28.484 |
Luxembourg |
|
|
34 |
6 |
38 |
|
78 |
|
|
78 |
Pays-Bas |
|
123 |
676 |
119 |
1.686 |
31 |
2.635 |
|
|
2.635 |
Portugal |
16.124 |
2.905 |
|
|
|
|
19.029 |
|
3.060 |
22.089 |
Royaume-Uni |
5.085 |
1.166 |
3.989 |
706 |
4.568 |
121 |
15.635 |
|
|
15.635 |
Autriche |
261 |
|
578 |
102 |
528 |
4 |
1.473 |
|
|
1.473 |
Finlande |
913 |
|
459 |
30 |
403 |
31 |
1.836 |
|
|
1.836 |
Suède |
722 |
|
354 |
52 |
720 |
60 |
1.908 |
|
|
1.908 |
Non réparti |
|
|
|
|
|
|
|
11.701 |
|
11.701 |
TOTAL |
127.543 |
8.411 |
19.733 |
2.721 |
24.050 |
1.106 |
183.564 |
11.701 |
18.000 |
213.625 |
Source : Commission
La dotation française
au titre des actions structurelles pour la
période 2000-2006 s'élève à près de
96 milliards de francs, soit un peu moins que la contribution au budget
européen demandée cette année à notre pays.
Cette remarque est destinée à rappeler que la France est un
bénéficiaire théoriquement important des actions
structurelles même si elle se trouve, de ce point de vue, loin
derrière les pays de la cohésion, mais aussi l'Allemagne.
Il est notable que l'essentiel des moyens des politiques structurelles est
dévolu à l'objectif 1 (+ de 64 % du total).
L'objectif 2 suit (10,4 %), puis viennent le fonds de cohésion
(8,4 %) et les financements mobilisables dans le cadre des initiatives
communautaires (5,5 %). Les autres objectifs ne se voient affecter que
11,7 % des dotations. Les actions structurelles sont donc de plus en plus
destinées aux régions, ce qui confirme la volonté de la
Commission de mettre en oeuvre une politique européenne
d'aménagement du territoire. Dotés de moyens considérables
elles sont, en outre, particularité notable, assurées de
bénéficier des dotations programmées.
3. Des actions placées sous conditions
Les
interventions communautaires sont théoriquement soumises à
quelques grands principes qu'il faut énoncer.
On évoquera d'abord le principe de
concentration
qui vise
à réserver l'action structurelle communautaire aux régions
et populations les plus défavorisées.
Le principe de
partenariat
consiste à associer la Commission des
Etats membres et les acteurs locaux à la définition et à
l'exécution des programmes financés sur les crédits
d'actions structurelles.
Le principe de
programmation
consiste à inscrire l'action
communautaire dans un cadre temporel de moyen terme et à l'ordonner
autour d'objectifs stratégiques.
Enfin, le principe
d'additionnalité
a été
posé afin que les Etats ne se défaussent pas sur le budget
européen des moyens consacrés par eux à atteindre les
objectifs des actions structurelles. C'est la démonstration même
que les actions structurelles se sont développées en marge, voire
en contravention avec le principe de subsidiarité. Il en découle,
en particulier, une exigence de cofinancement plus ou moins contraignante selon
les catégories d'interventions structurelles.