C. UNE AMÉLIORATION BASÉE SUR LA CONJONCTURE ET NON SUR DES RÉFORMES DE STRUCTURE

1. La persistance d'un important déficit de fonctionnement

Le surcroît de recettes résultant de la bonne conjoncture économique continue de servir à financer des dépenses de fonctionnement, particulièrement rigides, plus que des dépenses d'investissement.

En effet, à structure constante, on observe que les dépenses du budget général qui augmentent le plus sont les dépenses de fonctionnement (titre III). A contrario, les dépenses d'équipement (titres V et VI) peuvent même connaître une légère diminution. En outre, le gouvernement bénéficie d'économies de constatation résultant de la diminution de 2,5 milliards de francs des charges de la dette 10( * ) .

Evolution des dépenses du budget général pour 2000, à structure constante

Dépenses civiles de fonctionnement (titre III)

+ 2,8 %

Dépenses militaires de fonctionnement (titre III)

+ 1,52 %

Augmentation moyenne des dépenses

+ 0,9 %

Dépenses civiles en capital (titres V et VI)

+ 0,13 %

Charges de la dette (titre I)

- 1,04 %

Dépenses militaires en capital (titres V et VI)

- 3,6 %

Par voie de conséquence, le déficit de fonctionnement de l'Etat reste important et diminuera moins en 2000 que l'année précédente, avec une réduction de 19,3 milliards de francs contre 30,9 milliards de francs en 1999.

Evolution du déficit de fonctionnement

Lois de finances

1997

1998

1999

2000

Solde de fonctionnement (en milliards de francs)

- 115

- 98,8

- 67,9

- 48,6

Evolution (n/n-1)

 
 
 
 

- en valeur absolue (en milliards de francs)

 

+ 16,2

+ 30,9

+ 19,3

- en valeur relative

 

- 14,1 %

- 31,4 %

- 28,4 %

La pertinence de la distinction entre fonctionnement et investissement
reconnue par le gouvernement.

Longtemps le gouvernement a critiqué la pertinence de la distinction ainsi proposée par votre commission, alors même que cette présentation est celle qui est retenue tant en France pour les collectivités locales que, à l'étranger, par de nombreux pays.

Ainsi lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, il critiquait cette notion puisqu'il considérait que : " La distinction entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement ne repose aujourd'hui sur aucune base juridique s'imposant au gouvernement, ni sur aucun fondement méthodologique validé par les comptes nationaux. Cette présentation purement comptable et sans portée réelle n'est donc pas reprise par le gouvernement, qui souligne que, pour la première fois depuis des années, le budget de l'Etat sera en excédent hors charges de la dette ".

Sur ce point, le gouvernement semble néanmoins s'être rallié à la vision du Sénat puisqu'il y faisait expressément référence dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire de juin 1999, mais aussi dans son dossier de présentation du présent projet de loi de finances.

Cette persistance d'un important déficit de fonctionnement signifie donc, au plan qualitatif, que le gouvernement continue de dépenser plus, mais pas mieux. Il continue en effet à emprunter pour régler les dépenses courantes , ce qui est critiquable, et non pour financer des dépenses d'investissement, ce qui peut en revanche se concevoir.

Tableau du budget en actions de fonctionnement et d'investissement
Section de fonctionnement

 

Dépenses

 
 

Recettes

 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

 
 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

1. Charges à caractère général

63,1

64,4

67,1

 

1. Produits de gestion courante
(recettes non fiscales)

134,7

161,3

176,1

- Matériel et fonctionnement civils

39,8

43,

46,1

 
 
 
 
 

- Fonctionnement des armées

23,3

21,1

20,9

 
 
 
 
 

2. Charges de personnel

610,7

652,6

675,9

 

2. Impôts et taxes (recettes fiscales)

1.448,2

1.534,9

1.546,6

- RCS civiles

372,8

389,8

399,6

 
 
 
 
 

- RCS militaires

80,5

82,8

84,0

 
 
 
 
 

- Pensions civiles et militaires

157,5

180,0

192,2

 
 
 
 
 

3. Autres charges de gestion courante

546,5

567,1

537,0

 
 
 
 
 

- Pouvoirs publics

4,4

4,5

4,6

 
 
 
 
 

- Subventions aux EPA

52,8

47,9

50,1

 
 
 
 
 

- Interventions

464,1

495,7

461,6

 
 
 
 
 

- Subventions d'investissement

17,0

18,6

20,2

 
 
 
 
 

- Garanties (titre I)

1,6

1,5

1,2

 
 
 
 
 

- Divers (titre I)

1,9

2,0

2,3

 
 
 
 
 

- CST (hors affectation des recettes de privatisation)

4,6

- 3,1

- 3,0

 
 
 
 
 

4. Charges financières

248,7

253,3

251,9

 

3. Produits financiers

20,3

22,0

23,6

- Charge brute de la dette

248,7

253,3

251,9

 

- recettes liées à la dette

13,8

16,0

17,2

 
 
 
 
 

- intérêts sur prêts du Trésor

5,5

6,0

6,5

5. Charges exceptionnelles

0,0

0,0

0,0

 

4. Produits exceptionnels

0,0

0,0

0,0

6. Dotations aux amortissements et provisions

0,0

0,0

0,0

 

5. Reprises sur amortissements
et provisions

0,0

0,0

0,0

5. Reversements sur recettes

233,1

248,8

263,1

 
 
 
 
 

- Prélèvement CEE

91,5

95,0

98,5

 
 
 
 
 

- Prélèvements collectivités locales

141,6

153,8

164,6

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Déficit section de fonctionnement

98,8

67,9

48,6

Total

1.702,0

1.786,1

1.794,9

 
 

1.702,0

1.786,1

1.794,9

Section d'investissement

 

Dépenses

 
 

Recettes

 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

 
 

LFI 1998

LFI 1999

PLF 2000

1. Dépenses d'investissement

159,1

168,6

166,9

 

Déficit section de fonctionnement

- 98,8

- 67,9

- 48,6

- Equipement civil

78,1

82,6

84,0

 
 
 
 
 

- Equipement militaire

81,0

86,0

83,0

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Cessions d'immobilisations financières

28,0

17,5

16,9

2. Dépenses opérations financières

378,2

300,9

423,9

 

Ressources d'emprunt

608,1

520,0

622,5

- Remboursements d'emprunts (et autres charges en trésorerie)

350,2

283,4

407,0

 
 
 
 
 

- Participations (dotations en capital)

28,0

17,5

16,9

 
 
 
 
 

- Autres immobilisations financières (désendettement)

0,0

0,0

0,0

 
 
 
 
 

TOTAL

537,3

469,5

590,9

 
 

537,3

469,5

590,9

Source : Ministère de l'Economie

S'agissant de cette distinction entre section de fonctionnement et section d'investissement, si l'on peut en effet admettre qu'il n'existe aucune méthodologie validée aujourd'hui pour une présentation de cette nature, le paragraphe 3 de l'article 104 C du Traité sur l'Union européenne prévoit que la Commission examine notamment " si le déficit public excède les dépenses publiques d'investissement ". Cela suppose naturellement que les Etats membres présentent des comptes de nature à fournir cette information.

En outre, l'exemple de certains pays étrangers montre que la France souffre sur ce point d'un certain retard méthodologique lié au vieillissement de l'ordonnance organique de 1959. Des améliorations significatives devront y être apportées qui pourraient s'inspirer des exemples étrangers.

Ainsi, en Allemagne, l'article 115 de la Loi fondamentale prévoit que l'endettement contracté au cours d'une année ne doit pas excéder l'investissement. Le budget doit donc respecter cette " règle d'or ".

Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a déposé l'année dernière un projet de " code pour la stabilité budgétaire et fiscale " , qui est une sorte de loi de finances programmatique pour les cinq prochaines années. Ainsi, les prévisions budgétaires des années 1997-1998 à 2003-2004 y sont présentées en section de fonctionnement et section d'investissement (dépenses courantes et dépenses en capital), la section courante devant connaître un excédent croissant de 5 milliards de livres en 1998-1999 à 14 milliards de livres en 2003-2004.

2. Un déficit structurel toujours conséquent

La persistance d'un déficit structurel important montre bien que les charges de structure restent trop lourdes, et que l'Etat continue de vivre " au dessus de ses moyens ".

A la différence des années précédentes, l'évolution de la conjoncture depuis 1997 facilite le " bouclage " du budget : le gouvernement ne semble pas en profiter cependant pour réduire ces charges de structure, et faire jouer au budget un rôle contra-cyclique. Ainsi l'amélioration de 0,6 point de PIB du déficit enregistré entre 1998 et 1999 repose pour les deux tiers sur la conjoncture et un tiers sur les réformes. De ce fait, les prévisions du Gouvernement pour 2000, qui doivent donc être maniées avec précaution, font fort opportunément, reposer l'amélioration d'ensemble sur le déficit structurel, ce qui n'était pas le cas des exercices antérieurs...

La ventilation du déficit des administrations publiques depuis 1994

(en points de PIB)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Prévisions 2000

Déficit structurel

- 4,6

- 4,0

- 2,6

- 2,2

- 2,0

- 1,8

- 1,5

Déficit conjoncturel

- 1,1

- 0,9

- 1,5

-1,3 *

- 0,9

- 0,5

- 0,5

* dont 0,5 au titre de la soulte de France Telecom

Source : Rapport économique, social et financier pour 1999 11( * )


En conséquence, la réduction de 0,9 point du PIB du déficit public entre 1998 et 2000 résulte selon le gouvernement pour une moitié, à hauteur de 0,4 point de PIB, de la diminution de la partie conjoncturelle du déficit. Celle-ci provient du dynamisme de l'activité, de la croissance de la richesse nationale qui devrait excéder, selon lui, sur ces deux années, la croissance potentielle de l'économie.

Il escompte par ailleurs réduire sur cette même période le poids du déficit structurel de 0,5 point de PIB en raison de la diminution des dépenses structurelles de 0,7 point de PIB et de la réduction des recettes structurelles de 0,2 à 0,3 point de PIB. Toutes choses qu'il n'avait pas réussi à faire jusqu'alors.

3. L'Etat, seule collectivité publique déficitaire

La réduction d'ensemble du déficit public ne repose pas seulement sur les efforts de l'Etat. Il est en effet la seule collectivité publique en déficit. Même si celui-ci tend à se réduire, cet effort apparaît à votre commission insuffisant. A ce titre, elle vous présentera ses préconisations destinées à remédier à cet état de fait.

En outre, la diminution du déficit public continue à reposer pour une large part (à hauteur de 0,2 point de PIB) sur les efforts des collectivités locales. Elle repose également sur un pari : celui des excédents sociaux qui s'avèrent bien fragiles. L'ensemble des administrations de sécurité sociale étaient en 1998 déficitaires de 0,1 point de PIB mais devraient en effet retrouver, selon le gouvernement, une situation excédentaire de 0,1 point de PIB en 1999 et de 0,25 point de PIB en 2000.

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