ANNEXE 2 -
ETUDE D'IMPACT2(
*
)
1. -
Etat de la question
Dans le cadre des Nations Unies, une Convention internationale contre la prise
d'otages a été adoptée à New York par
l'Assemblée Générale le 17 décembre 1979, et
ouverte à signature du 18 décembre 1979 au
31 décembre 1980.
Elle est entrée en vigueur le 3 juin 1983 (30
ème
jour suivant la date du dépôt du 22
ème
instrument de ratification). Elle reste ouverte à l'adhésion de
tout Etat.
Soixante-dix sept Etats l'ont ratifiée dont tous ceux du G7 et de l'UE,
à l'exception de la Belgique (signée, adhésion
prévue en 1998, de l'Irlande (signée), et de la France, qui ne
l'a ni signée ni ratifiée (elle devra directement y
adhérer).
Cette convention vise " quiconque s'empare d'une personne, ou la
détient et menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la
détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un Etat,
une organisation internationale intergouvernementale, une personne physique ou
morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou
à s'en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la
libération de l'otage " (art. 1).
Cet article de la convention prévoit donc une
incrimination sous
trois conditions cumulatives :
- s'emparer ou détenir une personne, ou menacer de la tuer, de la
blesser ou de continuer de la détenir ;
- afin de contraindre une tierce partie (un Etat, une organisation
internationale intergouvernementale, une personne physique ou morale ou un
groupe de personnes) ;
- à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir (en tant que
condition explicite ou implicite de la libération de l'otage).
La tentative et la complicité de tels actes sont également
réprimées.
Cette convention est une convention d'incrimination, qui prévoit une
coopération internationale fondée sur le principe " juger ou
extrader ". A cet égard, cette convention comporte dans son
préambule une disposition considérant que " quiconque commet
un acte de prise d'otages doit être poursuivi ou extradé ".
En outre, la convention contient des garanties relatives à la protection
des droits de la personne soupçonnée, en particulier quant
à sa détention et à son extradition.
Les raisons qui nous avaient conduit jusqu'ici à ne pas
reconnaître cette convention sont au nombre e deux :
- un article (art. 12) peut laisser penser que la prise d'otages est
tolérable en certaines circonstances ;
- l'article relatif à la question du règlement des
différends (art. 16), établit
in fine
la compétence
de la Cour Internationale de Justice, ce à quoi nous n'étions pas
jusqu'alors favorables.
Nous considérons désormais qu'une
déclaration
interprétative
sur la question soulevée par la
rédaction de l'article 12 peut nous permettre d'engager le processus de
ratification de cette convention :
Sur l'article 12 :
L'article 12 de cette convention prévoit que " la présente
Convention ne s'applique pas à un acte de prise d'otages commis au cours
de conflits armées au sens des Conventions de Genève de 1949 et
des protocoles y relatifs, y compris les conflits armées visés au
paragraphe 4 de l'article premier du Protocole additionnel I de 1977, dans
lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation
étrangère et contre les régimes racistes, dans l'exercice
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, consacré dans
la Charte des Nations Unies et dans la Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des
Nations Unies " (art. 12).
=> Cette disposition pouvant laisser penser que la prise d'otages est
tolérable en certaines circonstances, la France sera amenée
à faire la
Déclaration interprétative
suivante :
" La France considère que l'acte de prise
d'otages est interdit en toutes circonstances ".
(N.B. : le Chili, la Dominique et Israël ont fait des
déclarations en ce sens).
Sur l'article 16, relatif au règlement des
différends :
La France n'entend pas faire de réserve sur la procédure du
règlement des différends, au terme de laquelle tout
différend entre les Etats parties sur l'interprétation ou
l'application de la convention, qui ne peut être réglé par
la négociation, est soumis à l'arbitrage à la demande de
l'un d'eux. Si dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage
les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation
de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le
différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant
une requête conformément au statut de la Cour. Cette position
amènerait un retour limité de notre pays vers la CIJ, à
l'instar de ce qui a été décidé pour la convention
de 1998 pour la répression des attentats terroristes à l'explosif.
(NB : la convention de 1998 pour la répression des attentats
terroristes à l'explosif, en cours de ratification, contient un texte
similaire, qui a fait l'objet d'un arbitrage favorable).
En outre, à l'occasion de la procédure
interministérielle destinée à préparer
l'adhésion à cette convention, deux autres problèmes sont
apparus :
- la prise de mesures coercitives préalablement à l'engagement de
poursuites pénales (art. 6) ;
- le respect du principe de la non-extradition de nos nationaux (art. 9).
Sur l'article 6 :
L'article 6 prévoit " S'il estime que les circonstances le
justifient, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve l'auteur
présumé de l'infraction assure, conformément à sa
législation, la détention de cette personne pendant le
délai nécessaire à l'engagement de poursuites
pénales ou d'une procédure d'extradition. Cet Etat partie devra
procéder immédiatement à une enquête
préliminaire en vue d'établir les faits ". Cet article 6
évoque la possibilité, sous certaines conditions, de
détenir une personne préalablement à l'engagement de
poursuites pénales.
=> La France sera par conséquent amenée à faire la
Déclaration interprétative
suivante :
" S'agissant de l'application de l'article 6,n la France,
conformément aux principes de sa procédure pénale,
n'entend pas procéder à la détention d'un auteur
présumé ou à toutes autres mesures coercitives
préalablement à l'engagement de poursuites pénales, hors
les cas de demande d'arrestation provisoire ".
Sur l'articlen9 :
L'article 9 prévoit " Il ne sera pas fait droit à une
demande d'extradition soumise en vertu de la présente Convention au
sujet d'un auteur présumé de l'infraction si l'Etat partie requis
a des raisons substantielles de croire : a) Que la demande d'extradition
relative à une infraction prévue à l'article premier a
été présentée aux fins de poursuivre ou de punir
une personne en considération de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son origine ethnique ou de ses opinons politiques, ou b)
Que la position de cette personne risque de subir un
préjudice... ". L'article 9 n'évoque pas le cas particulier
de l'extradition des nationaux, et d'une extradition pouvant entraîner
l'application de la peine de mort à l'encontre de la personne
extradée.
=> La France sera par conséquent amenée à faire la
Déclaration interprétative
suivante :
" S'agissant de l'article 9, l'extradition ne sera pas accordée
si la personne réclamée avait la nationalité
française au moment des faits ou, s'il s'agit d'une personne de
nationalité étrangère, si l'infraction est punie de la
peine capitale par la législation de l'Etat requérant, à
moins que ledit Etat ne donne des assurances jugées suffisantes que la
peine capitale ne sera pas infligée ou, si elle est prononcée,
qu'elle ne sera pas exécutée ".
2 - Un impact principal : l'amélioration de la lutte
internationale contre le terrorisme
Cette convention cible une menace terroriste non négligeable,
actuellement en extension :
La prise d'otage représente désormais environ
15 % des actes
du terrorisme international
(source Département d'Etat US,
statistiques année 1997). En outre, ce phénomène, qui
apparaît comme se développant ces dernières années
présente les caractéristiques suivantes :
- les motivations des preneurs d'otages sont certes parfois
" terroristes ", mais de plus en plus ressortent purement du
crime
organisé
;
- les ONG en constituent les " victimes " principales ;
- la coopération entre Etats favorise la résolution de la crise,
le rôle et l'intervention des Etats extérieurs ne pouvant
s'exercer que dans les limites de la souveraineté -et de la
capacité à réagir et contrôler son propre territoire
- de l'Etat sur le territoire duquel se déroule la prise d'otages ;
- enfin, cette question est souvent accompagnée d'un fort battage
médiatique.
Cette convention présente des avantages sur le plan
opérationnel pour la France
, dont les citoyens sont parmi les
victimes de ce type de terrorisme.
15 français
ont
été retenus en otage
en 1997
en Tchétchénie
(1), au Daghestan (4), au Tadjikistan (2), au Yémen (5), et au Niger
(3). Pour le
premier trimestre 1998, 9 français
ont
été retenus en otage, en Ossétie (1), au Tchad (4), en
Sierra Leone (1), au Niger (1), et en Colombie (2). La France, pourra par
conséquent utilement
bénéficier des mesures
prévues par cette convention
(notamment le principe " juger ou
extrader " les auteurs ou les complices de tels actes).
Cette convention est destinée à favoriser la coopération
internationale contre le terrorisme. Elle permet :
- de mettre en place un dispositif juridique de coopération
internationale fondé sur le principe " juger ou
extrader " : "
l'Etat Partie sur le territoire duquel se
trouve l'auteur présumé de l'infraction est découvert,
s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception, et que
l'infraction ait été ou non commise sur son territoire, à
ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action
pénale selon une procédure conforme à la
législation de cet Etat " (
art. 8
) ;
- une mise en oeuvre facilitée de l'entraide judiciaire :
"
Les Etats parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large
possible dans toute procédure pénale relative aux infractions
prévues à l'article premier, y compris en ce qui concerne la
communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent
et qui sont nécessaires aux fins de la procédure " (
art.
11
).
-
la
collaboration opérationnelle entre les Etats
Parties.
Ceux-ci échangent des
renseignements
, et
coordonnent les mesures
prises afin de prévenir de telles
infractions (
art. 4
).
- enfin, elle engage les Etats parties à
prendre des mesures,
destinées à réprimer ces infractions
par
des peines appropriées, qui prennent en considération leur
gravité (
art. 3
) ; à
prévenir
la
préparation, sur leurs territoires respectifs, de ces infractions
destinées à être commises à l'intérieur ou en
dehors de leur territoire, y compris des mesures tendant à interdire sur
leur territoire les activités illégales des individus, des
groupes et des organisations qui encouragent, fomentent, organisent ou
commettent des actes de prise d'otages (art. 4).
Elle comporte aussi plusieurs dispositions de nature
à garantir les
droits de la personne mise en cause.
En particulier, les facilités
accordées pour l'extradition sont contrebalancées par les
dispositions de
l'article 9
: " il ne sera pas fait droit
à une demande d'extradition soumise en vertu de la présente
Convention au sujet d'un auteur présumé de l'infraction si l'Etat
partie requis a des raisons substantielles de croire :
a) Que la demande d'extradition relative à une infraction prévue
à l'article premier a été présentée aux fins
de poursuivre ou de punir une personne en considération de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son origine ethnique ou de ses
opinions politiques, ou
b) Que la position de cette personne risque de subir un préjudice :
i) Pour l'une quelconque des raisons visées à l'alinéa a)
du présent paragraphe, ou
ii) Pour la raison que les autorités compétentes de l'Etat ayant
qualité pour exercer les droits de protection ne peuvent communiquer
avec elle ".
En outre, cette convention complète le dispositif normatif existant
en matière de terrorisme constitué de
onze conventions
internationales, toutes " spécialisées "
:
- Quatre dans le domaine aérien
: la Convention
relative aux infractions et à certains autres actes survenant bord des
aéronefs, signée à
Tokyo le 14 septembre
1963
; la convention pour la
répression de la capture
illicite d'aéronefs, signée à la Haye le 16
décembre 1970
; la Convention pour la répression d'actes
illicites dirigés contre la
sécurité de l'aviation
civile, signé à Montréal le 23 septembre
1971
; le Protocole pour la répression des
actes
illicites de violence dans les aéroports
servant à
l'aviation civile internationale, complémentaire à la Convention
pur la répression d'actes illicites dirigés contre la
sécurité de l'aviation civile, signée à
Montréal le 24 février 1988
.
- Dans le
domaine maritime
:
la Convention sur la
répression d'actes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime adoptée le
10 mars 1988 à Rome
par
l'
organisation maritime internationale ; le Protocole
pour la
répression d'actes illicites contre la
sécurité des
plates-formes fixes situées sur le plateau continental, adopté le
10 mars 1988 à Rome
par l'organisation maritime internationale.
- Trois visant des
actes de terrorisme particuliers
:
outre
la présente Convention internationale contre la prise d'otage,
adoptée par l'Assemblée Générale à New York
le 17 décembre 1979, la Convention sur la
prévention et
la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une
protection internationale,
y compris les agents diplomatiques
adoptée par l'Assemblée générale à New York
le 14 décembre 1973, et la récente Convention pour la
répression des attentats terroristes à l'explosif, ouverte
à signature le 12 janvier dernier à New York ;
- Deux visant l'utilisation de certains produits ou dispositifs à des
fins terroristes :
la Convention sur la protection physique des
matières nucléaires adopté le 26 octobre 1980
à Vienne par l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) ;
la Convention sur le
marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux
fins de détection
, adoptée le
ler mars 1991 à
Montréal par l'OACI.
La France a ratifié toutes ces conventions
à l'exception
de la convention de 1979 contre la prise d'otages (objet de la présente
procédure de ratification), de la convention de 1998 pour la
répression des attentats terroristes à l'explosif (signée
le 9 janvier 1998, ratification en cours), et de la convention de 1973 sur la
prévention et la répression des infractions contre les personnes
jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques.
Enfin, le contexte politique international appelle à la ratification
de cette Convention
:
- dans le cadre de l'Union Européenne et du G8 nous avons appelé,
avec nos partenaires, à la ratification par tous les Etats des
Conventions anti-terroristes existantes, dont celle de la prise d'otage ;
- dans le cadre du G8 nous avons approuvé les propositions de la
Présidence britannique visant à condamner la prise d'otage,
à refuser toute concession aux preneurs d'otages et à
créer un " guide " à l'usage des ONG ;
- à l'exception de la Belgique et de l'Irlande, tous nos partenaires de
l'UE et du G8 ont déjà ratifié cette Convention :
notre position demeure donc assez singulière sur ce point.
3. - Impact sur l'emploi : impact d'intérêt
général ; impact financier :
L'impact de cette Convention sur l'emploi est nul, cette convention ne
contenant aucune disposition de ce champ.
L'impact financier de cette Convention est inexistant, cette Convention ne
contenant aucune disposition contraignante en la matière.
Cette Convention n'a pas non plus d'impact en matière
" d'intérêt général ". Comme la plupart
des dix autres conventions relatives au terrorisme, elle cerne une menace
particulière (en l'occurrence les prises d'otages).
4. - La ratification de cette convention n'entraînerait, comme
conséquence en termes de complexité de l'ordonnancement juridique
et de formalités administratives que la modification de l'article 689 du
code de procédure pénale :
L'article 53, premier alinéa, de la Constitution dispose que " les
Traités de paix, les traités de commerce, les traités ou
accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les
finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions législatives,
ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui
comportent cession, échange, ou adjonction de territoire, ne peuvent
être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi ". A
cet égard, on rappellera qu'aux termes de l'article 34 de la
Constitution, la loi fixe les règles concernant la détermination
des crimes et délit, ainsi que les peines qui leur sont applicables. La
loi fixe également les règles concernant la procédure
pénale.
Or, aux termes de l'article 5 : " 1. Tout Etat partie prend les
mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de
connaître des infractions prévues à l'article premier, qui
sont commises : a) Sur son territoire ou à bord d'un navire ou d'un
aéronef immatriculé dans ledit Etat ; b) par l'un quelconque
de ses ressortissants, ou, si cet Etat le juge approprié, par les
apatrides qui ont leur résidence habituelle sur son territoire ; c)
Pour le contraindre à accomplir un acte quelconque ou à s'en
abstenir, ou d) A l'encontre d'un otage qui est ressortissant de cet Etat
lorsque ce dernier le juge approprié ". 2. De même, tout Etat
partie prend les mesures nécessaires pour établir sa
compétence aux fins de connaître des infractions prévues
à l'article premier dans le cas où l'auteur présumé
de l'infraction se trouve sur son territoire et où l'Etat ne l'extrade
pas ver l'un quelconque des Etats visés au paragraphe 1 du
présent article. 3. La présente Convention n'exclut pas une
compétence pénale exercée en vertu de la
législation interne ".
Cette disposition concerne directement la procédure pénale
puisqu'elle permet aux juridictions pénales françaises de
bénéficier d'une " compétence
universelle " :
elle entraîne donc la modification de
l'article 689 du code de procédure pénale.
Enfin, cette convention n'emporte aucune modification de l'organisation
particulière, et notamment des compétences, des Territoires
d'Outre-mer. Il n'y a donc pas lieu de consulter les Assemblées
territoriales.