IV. SÉANCE DU MERCREDI 28 AVRIL 1999
A. AUDITION DE M. HUGUES FELTESSE, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'UNION NATIONALE INTERFÉDÉRALE DES OEUVRES ET ORGANISMES PRIVÉS SANITAIRES ET SOCIAUX (UNIOPSS) ET DES MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL " SANTÉ PRÉCARITÉ "
Sous
la présidence de
M. Jean Delaneau, président, M. Hugues
Feltesse
, directeur général de l'Union nationale
interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires
et sociaux (UNIOPSS) et des membres du groupe de travail " santé
précarité " constitué en son sein a tout d'abord
rappelé que de nombreuses personnes ne bénéficiaient pas
encore d'une couverture maladie. Il a observé que notre niveau de prise
en charge collective des dépenses de soins n'était pas le
meilleur d'Europe et que le ticket modérateur était devenu pour
beaucoup un " ticket d'exclusion ". Il a souligné que les
jeunes étaient particulièrement concernés par les
difficultés d'accès aux soins. Il a par ailleurs estimé
que la complexité des procédures applicables avait rendu
théorique ce qui devrait être considéré comme un
droit universel.
Dans ces conditions,
M. Hugues Feltesse
a considéré que le
projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle
s'inscrivait dans la continuité des grandes lois sociales relatives aux
handicapés, à la création du revenu minimum d'insertion
(RMI) et au droit au logement. Il a souhaité que ce texte puisse
redéfinir les missions des caisses, des organismes de protection sociale
complémentaire et des organismes sociaux pour réorienter leur
action autour de l'accueil de ce nouveau public.
Mme Michèle Mézart
, représentante d'ATD-Quart
Monde, a considéré que le seuil de revenus de 3.500 francs retenu
par le Gouvernement pour accéder à la CMU était
insuffisant, notamment au regard du seuil de pauvreté qui avait
été fixé à 3.800 francs. Elle a observé que
ce seuil de 3.500 francs excluait, de fait, du nouveau dispositif les
bénéficiaires du minimum vieillesse ou de l'allocation adulte
handicapé (AAH). Elle a donc souhaité que le seuil retenu soit au
minimum de 3.800 francs.
Pour limiter les effets de seuil, elle a également demandé
l'institution d'une aide dégressive à la souscription d'une
couverture complémentaire. Elle a considéré que le
système du tiers payant pourrait être utile pour accompagner un
tel dispositif.
M. Bernard Michel
, représentant de Médecins du monde, a
observé que la formation des personnels des caisses primaires
d'assurance maladie et des organismes de protection complémentaire
devait être adaptée à l'accueil de ce nouveau public.
Il a estimé qu'il était indispensable que la continuité
des soins soit assurée en dépit des changements de
résidence ou de situation personnelle et a donc souhaité que le
bénéfice de la couverture maladie universelle soit en principe
maintenu au-delà d'un an, de manière à éviter aux
bénéficiaires d'avoir à accomplir des formalités
administratives complexes.
M. Bernard Michel
a déclaré que le droit à la CMU
devrait être accordé immédiatement sur la base d'une
présomption de droit, les justificatifs n'étant fournis que dans
un second temps. Il a estimé que les obstacles administratifs
étaient souvent incontournables et excluaient, de fait, du
bénéfice de la protection sociale une partie importante des
populations les plus fragiles. Il a rappelé que six millions de
personnes étaient concernées par le projet de CMU, et huit
millions si l'on retenait un seuil à 3.800 francs.
Il a considéré que les bénéficiaires devaient
pouvoir exercer un droit d'option pour choisir leur interlocuteur, qu'il
s'agisse du régime général, d'une entreprise d'assurance,
d'une mutuelle ou d'un organisme de prévoyance. Il a par ailleurs
jugé indispensable le maintien de l'engagement de l'Etat afin
d'éviter tout risque de discrimination.
Mme Chantal Gueneau
, représentante du Secours catholique, s'est
déclarée opposée à la participation des organismes
privés à la gestion du fonds assurant le financement de la CMU.
Elle a par ailleurs estimé que l'accès aux soins ne devait pas
être conditionné à une participation financière de
la part des bénéficiaires de la CMU.
M. Charles Descours, rapporteur
, a observé que la fixation du
seuil au niveau de 3.800 francs conduirait à inclure dans le
nouveau dispositif la majorité des retraités du milieu agricole
et du commerce. Il a estimé que cette perspective n'était pas
sans soulever des difficultés, ces derniers ne pouvant être
considérés comme non insérés et acquittant d'ores
et déjà, le plus souvent, une cotisation mutualiste. Il a
considéré qu'il était difficile de proposer des solutions
uniformes pour huit millions de personnes.
En réponse aux remarques de M. Charles Descours, rapporteur,
MM. Hugues Feltesse et Bernard Michel
ont observé que nombre
de retraités n'avaient pas les moyens de souscrire à une mutuelle
et que, de façon plus générale, 23 % des
Français renonçaient à des soins pour des raisons
financières.
Citant l'exemple de la carte Paris-santé,
M. Jean Chérioux
a rappelé que les départements avaient entrepris des actions
ambitieuses pour assurer une couverture maladie aux plus démunis.
M. Guy Fischer
a regretté que des amendements
déposés à l'Assemblée nationale prévoient
d'associer les mutuelles et les organismes d'assurance à la gestion de
la protection maladie complémentaire.
M. Paul Blanc
a jugé que le fonctionnement de l'aide
médicale était satisfaisant.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a évoqué la notion de
" reste à vivre ", qui devrait être prise en compte pour
calculer les revenus des personnes endettées ou qui doivent payer une
pension alimentaire.
M. Philippe Nogrix
s'est interrogé sur les modalités du
contrôle des ressources des bénéficiaires dans le cas
où les droits seraient accordés immédiatement. Il a
rappelé que l'action des départements et des centres communaux
d'action sociale s'inscrivait dans une logique de solidarité, et non de
charité.
M. Hugues Feltesse
a souhaité que le fonds chargé de
financer le volet " complémentaire " de la CMU soit
géré par l'Etat. Il a estimé que la carte
Paris-santé constituait un instrument très intéressant,
mais qu'il rencontrait des limites pour les personnes qui
déménagent dans un autre département d'Ile-de-France ou
qui sont confrontées à un changement de situation familiale. Il a
renouvelé son attachement à la reconnaissance de
l'immédiateté des droits.
M. Bernard Michel
a souligné que l'aide médicale gratuite
n'était pas uniforme dans tous les départements et a
souhaité qu'un délai de quinze jours à un mois
après l'ouverture immédiate des droits soit accordé pour
apporter les pièces nécessaires à la constitution des
dossiers d'admission à la CMU.