CHAPITRE 2
-
Dispositions financières
Art.
25
(art. L. 861-10 à L. 861-17 du code de la sécurité
sociale)
Création du fonds de financement de la protection
complémentaire
Le présent article institue, après le chapitre I er du titre VI du Livre VIII du code de la sécurité sociale, créé lui aussi par le projet de loi et consacré aux " Dispositions générales " relatives à la CMU, un chapitre II intitulé " Dispositions financières ". Ce chapitre comprend les articles L. 861-10 à L. 861-17 du code de la sécurité sociale.
Art. L. 861-10 du code de la sécurité sociale
I -
Le texte du projet de loi
L'article L. 861-10 du code de la sécurité sociale institue un
fonds de financement des dépenses de protection complémentaire
santé engagées au titre de la CMU. Doté du statut
d'établissement public administratif, le fonds sera géré
par un conseil d'administration, dont la composition est renvoyée
à un décret. Ce décret devrait, en pratique, donner la
répartition des membres du conseil d'administration en fonction des
différents ministères concernés. En effet, le texte du
projet de loi dispose que le conseil d'administration sera exclusivement
composé de représentants de l'Etat.
Le même décret fixera la composition du conseil de surveillance du
fonds, dont l'article L. 861-10 prévoit qu'il comprendra
" notamment " :
- des membres du Parlement,
- des représentants d'associations oeuvrant en faveur des
populations les plus démunies,
- des représentants des régimes obligatoires d'assurance
maladie,
- des représentants des organismes de protection sociale
complémentaire.
Les rôles respectifs du conseil d'administration et du conseil de
surveillance ne sont pas précisés par le texte du projet de loi,
non plus que l'existence d'une direction générale chargée
de la gestion quotidienne du fonds. L'article L. 861-10 prévoit en effet
que le décret susmentionné fixera également les conditions
de fonctionnement et de gestion du fonds.
Les rôles respectifs du conseil d'administration et du conseil de
surveillance du fonds ont été évoqués lors des
débats à l'Assemblée nationale.
En effet, en cohérence avec la logique " partenariale " qu'il
avait défendue dans son rapport de parlementaire en mission, M.
Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales, a déposé un amendement
" complétant la composition du conseil d'administration en
l'ouvrant à l'ensemble des partenaires concernés : membres
du Parlement, représentants d'associations oeuvrant dans le domaine
social, représentants des régimes obligatoires d'assurance
maladie, des mutuelles et des assurances et, de ce fait, à supprimer le
conseil de surveillance "
(rapport AN n° 1518, p. 161).
Pour justifier cet amendement, le rapporteur M. Jean-Claude Boulard a
souligné
" qu'il n'était pas conforme à la logique
partenariale que le conseil d'administration ne soit composé que de
représentants du Gouvernement "
(rapport AN n° 1518, p.
161). Evoquant le conseil de surveillance tel qu'il est défini par le
projet de loi, le rapporteur a parlé d'un
" théâtre
d'ombres ".
En séance publique, cependant, M. Jean-Claude Boulard a retiré
cet amendement, expliquant que
" les réactions des associations
qui, depuis des années, s'occupent de personnes en difficulté en
les accompagnant, notamment pour l'accès aux soins, montrent que les
relations entre le monde associatif et celui des acteurs complémentaires
devraient pour le moins s'améliorer. En tout cas, toute idée de
partenariat implique de clarifier certains malentendus (...). Dans
l'immédiat, les conditions d'un vrai dialogue au sein du fonds ne
paraissaient pas remplies. "
(JO Débats AN,
3
ème
séance du 29 avril 1999, p. 3882).
Cet amendement a toutefois reçu l'approbation de M. Alfred Recours, qui
a déclaré concevoir que,
" dans un certain microcosme
d'associations humanitaires ou caritatives implantées à Paris ou
internationales, notre vision des choses puisse n'être pas la même
que celle que nous avons dans nos départements ".
Répondant à M. Alfred Recours, le ministre de l'emploi et de la
solidarité a expliqué qu'il fallait
" un lieu pour les
débats, en l'occurrence le conseil de surveillance, et un autre, pour
l'application technique, le conseil d'administration dans lequel, sans risque
de pression, les représentants de l'Etat pourront suggérer des
modifications et au besoin les proposer au Parlement "
(JO
Débats AN, 3
ème
séance du 29 avril 1999, p.
3882).
L'amendement n° 440 rectifié de MM. Terrasse et Pontier de
même que l'amendement n° 345, déposé par MM. Jacques
Barrot, Yves Bur et Pierre Méhaignerie, n'ont pas été
adoptés.
A l'initiative de la commission, toutefois, et avec l'accord du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a complété l'article L. 861-10 par
un alinéa dont l'application est censée remédier aux
graves effets de seuil impliqués par le projet de loi. Il prévoit
que les organismes de protection sociale complémentaire
" peuvent " créer un fonds d'accompagnement à la
protection complémentaire des personnes dont les ressources sont
supérieures au plafond et qu'ils en déterminent les
modalités d'intervention.
Pour défendre l'amendement, M. Jean-Claude Boulard a expliqué
qu'il s'agissait
" d'adresser un message aux organismes
complémentaires "
(JO Débats AN, 3
ème
séance du 29 avril 1999, p. 3883).
Comme l'a rappelé devant votre commission M. Jean-Pierre Davant,
président de la FNMF, les organismes mutualistes n'ont pas attendu ce
" message " pour instituer, en leur sein, des mécanismes de
solidarité destinés à faciliter l'adhésion du plus
grand nombre à une couverture mutualiste complémentaire. Et votre
commission n'estime pas que ce " rideau de fumée " apporte un
commencement de réponse au grave problème posé par les
effets de seuil créés par le projet de loi.
II - Les propositions de votre commission
En cohérence avec l'architecture générale qu'elle a
définie, votre commission vous propose, par un premier amendement, de
prévoir qu'un " fonds pour la protection complémentaire
maladie ", établissement public à caractère
administratif, sera chargé de servir l'allocation personnalisée
à la santé à ses bénéficiaires.
Un second amendement, conforme à la logique partenariale défendue
par M. Jean-Claude Boulard, parlementaire en mission, propose d'associer aux
représentants de l'Etat, dans le conseil d'administration du fonds, les
représentants des organismes de protection sociale
complémentaire, des régimes d'assurance maladie de base et des
associations oeuvrant en faveur des populations les plus démunies.
Votre commission ne développera pas, ici, les arguments excellemment
défendus par M. Jean-Claude Boulard, dans son rapport, et par
M. Alfred Recours, en séance publique : elle les fait siens.
Elle s'oppose en revanche à la thèse exprimée en
séance publique par M. Jean-Claude Boulard, selon laquelle la
méfiance des associations à l'égard des organismes
complémentaires empêcherait les conditions du dialogue et de
décisions partenariales au sein du fonds.
Outre que cette " méfiance " mérite d'être
démontrée, les associations ne pouvant raisonnablement se
méfier d'organismes dont elles souhaitent qu'ils contribuent de
manière importante, par une taxe et par des adhésions ou des
contrats, à la couverture complémentaire des personnes
défavorisées, elle ne pourrait disparaître, si elle
était avérée, que grâce à une collaboration
active rendue possible par une même présence au sein du conseil
d'administration du fonds.
Par un troisième amendement, votre commission vous propose de supprimer
le dernier alinéa de l'article L. 861-10 prévoyant que les
organismes de protection sociale complémentaire pourront créer un
nouveau fonds pour aider les personnes dont les revenus sont supérieurs
au plafond à disposer d'une couverture complémentaire.
D'une part, en effet, soit le fonds est véritablement créé
et son financement mettrait en péril les organismes de protection
sociale complémentaire, soit il n'est pas créé et
l'alinéa n'est pas, dans ces conditions, utile.
D'autre part et surtout, on ne peut vouloir, comme le fait le ministre, assurer
une protection complémentaire gratuite et à 100 % pour les
personnes en dessous du plafond, et dire à celles dont les revenus sont
juste au-dessus qu'elles devront se contenter de mécanismes
d'assistance, qu'elles devront aller demander de l'aide aux guichets des fonds
d'action sociale des CPAM, ceux des CAF, ceux des départements et ceux
du fonds institué par les organismes complémentaires.
La seule bonne réponse aux effets de seuil, estime votre commission, est
l'institution d'une allocation personnalisée à la santé
dégressive en fonction des revenus qui permettra de solvabiliser les
personnes les moins aisées pour qu'elles souscrivent ou adhèrent
à une couverture complémentaire dans des conditions de droit
commun.
Art. L. 861-11 du code de la sécurité sociale
I -
Le texte du projet de loi
Cet article prévoit les trois catégories de dépenses du
fonds, qui seront constituées :
- par le versement aux organismes de sécurité sociale de
base d'un montant égal aux dépenses qu'elles auront
engagées au titre de la couverture complémentaire des
bénéficiaires de la CMU qui les auront choisis ;
- par le versement aux organismes de protection complémentaire des
montants définis à l'article L. 861-15
(cf. infra)
;
- par les frais de gestion administrative du fonds.
II - Les propositions de votre commission
Votre commission souligne que le projet de loi prévoit que le versement
du fonds aux organismes d'assurance maladie de base sera
" égal " aux dépenses qu'ils auront engagées au
titre de la CMU.
Selon votre commission, les dépenses ainsi remboursées doivent
correspondre, non seulement aux dépenses correspondant aux prestations
servies, mais aussi aux frais de gestion y afférents.
Elle s'inquiète des commentaires figurant dans le rapport de
l'Assemblée nationale
(rapport AN n° 1518, p. 164),
selon
lesquels le versement du fonds sera " équivalent " à la
charge que représente la CMU pour les organismes de protection
complémentaire. Le rapport indique ainsi qu'
" il s'agira donc
d'un calcul forfaitaire tenant compte du coût moyen que représente
un affilié multiplié par le nombre de personnes prises en
charge ".
S'il en était ainsi, non seulement les mesures
d'application de la loi seraient illégales, mais le " bouclage
financier " de tout dérapage des dépenses
réalisées au titre de la CMU pourrait être assuré,
non par l'Etat comme le prévoit la loi, mais par l'assurance maladie,
à travers une non-revalorisation ou une insuffisante revalorisation des
forfaits correspondants.
La logique qui inspire votre commission est toute différente. Elle vous
propose, pour cet article, un amendement qui prévoit que les
dépenses du fonds seront constituées par :
- le versement de l'allocation personnalisée à la
santé ;
- le versement aux organismes d'assurance maladie de base (gestionnaires
de la couverture des bénéficiaires du RMI) et aux organismes de
protection sociale complémentaire des montants définis à
l'article L. 861-15
(voir infra).
Art. L. 861-12 du code de la sécurité sociale
Cet
article énumère les recettes du fonds, qui seront
constituées par :
- une contribution des organismes de protection sociale
complémentaire, prévue par l'article L. 861-13 et
commentée ci-après ;
- une dotation budgétaire de l'Etat destinée à
équilibrer le fonds.
A l'initiative de la commission des Affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale, les députés ont
complété cet article par un alinéa qui dispose que
" le solde annuel des dépenses et des recettes du fonds doit
être nul ".
Comme il a été souligné plus haut, la portée de la
disposition prévoyant une subvention d'équilibre de l'Etat doit
être appréciée au regard des inquiétudes
suscitées par les commentaires du rapport de l'Assemblée
nationale sous l'article L. 861-11.
Art. L. 861-13 du code de la sécurité sociale
I -
Le texte du projet de loi
Cet article institue, à la charge de l'ensemble des organismes de
protection sociale complémentaire (mutuelles, institutions de
prévoyance régies par les codes de la sécurité
sociale ou du code rural, sociétés d'assurance), une contribution
destinée à concourir au financement de la couverture
complémentaire CMU.
Le
paragraphe I
de l'article définit l'assiette de la
contribution, qui est constituée par le montant hors taxe des
cotisations et primes afférentes à la protection
complémentaire en matière de santé au titre de leur
activité réalisée en France. Il prévoit aussi que
l'assiette est appréciée par trimestre, et que les versements
sont eux aussi trimestriels.
Le
paragraphe II
de cet article établit à 1,75 % le
taux de cette contribution.
Le
paragraphe III
dispose que les organismes de protection sociale
complémentaire déduiront du montant de la contribution ainsi
calculée une somme égale, par trimestre, au produit du nombre de
personnes couvertes au titre de la CMU par 375 francs (soit 1.500 francs par
an).
Ce forfait, a confirmé M. Jean-Pierre Davant, président de la
FNMF, lors de son audition par votre commission, a été
établi sur la base de statistiques de 1997, et devrait être
réévalué de 15 % pour mieux refléter le
coût réel d'une couverture complémentaire en l'an 2000. Il
a aussi précisé que les chiffres utilisés pour
définir ce forfait concernaient une population âgée de
moins de 65 ans. De ce fait, non seulement les organismes
complémentaires ne seront remboursés que sur une base forfaitaire
pour leurs efforts en faveur des personnes défavorisées (à
la différence des régimes de base qui -du moins en principe
(voir supra)
- seront remboursés au franc le franc aux termes de
l'article L. 861-11), mais ce forfait est très probablement
sous-estimé. Il est de surcroît fixé par la loi, ce qui
signifie qu'il ne sera pas périodiquement réévalué.
II - Les propositions de votre commission
Pour cet article, votre commission vous propose quatre amendements.
Le premier est un amendement de cohérence avec un amendement à
l'article 20 pour l'article L. 861-4 du code de la sécurité
sociale : il inclut les sections d'assurance complémentaire de la
MSA parmi les organismes contributeurs.
Le deuxième modifie la définition de l'assiette de la
contribution. En effet, votre commission estime que la définition
proposée par le projet de loi est inopportune à un double
titre :
- d'une part, elle porte sur l'ensemble des cotisations et primes
reçues en matière de santé, ce qui inclut celles qui sont
perçues pour financer des indemnités journalières maladie.
Or, la CMU ne couvre que les dépenses en nature ;
- d'autre part, il est plus simple de retenir les prestations
versées que les cotisations ou primes reçues, les cotisations ou
primes recouvrant souvent une couverture plus large que celle de la
santé.
Aussi, votre commission vous propose de retenir, pour l'assiette de la
contribution, "
le montant des prestations en nature versées en
France en matière de santé au cours d'un trimestre
civil
".
Le troisième amendement de votre commission vise à imputer la
contribution en crédit d'impôt sur la taxe sur les contrats
d'assurance de 7 %, qui est payée par les seules
sociétés d'assurance.
Un amendement identique, qui visait à établir une
égalité de traitement entre acteurs de la protection sociale
complémentaire, a reçu un avis défavorable du Gouvernement
de la commission, à l'Assemblée nationale, sans plus
d'explications.
Le quatrième amendement de votre commission prévoit, pour les
organismes de protection sociale complémentaire, un mécanisme
juste et incitatif de remboursement des efforts réalisés au titre
de la protection sociale complémentaire des bénéficiaires
de l'allocation personnalisée à la santé.
Il dispose en effet que ces organismes déduiront du montant de la
contribution une somme égale à la différence entre :
- d'une part, le montant des cotisations ou primes reçues des
bénéficiaires de l'allocation personnalisée à la
santé ;
- et, d'autre part, celui des prestations en nature versées
à ces bénéficiaires.
Art. L. 861-14 du code de la sécurité sociale
I -
Le texte du projet de loi
Cet article détermine les organismes compétents pour le
recouvrement de la contribution à la charge des organismes de protection
sociale complémentaire. Il s'agit, sauf dérogation établie
par arrêté ministériel, des organismes de recouvrement
territorialement compétents. Ceux-ci peuvent déléguer au
fonds le soin de contrôler le nombre de personnes couvertes au titre de
la CMU, comme l'article L. 861-16 lui en donne le pouvoir : le nombre
de personnes couvertes constitue en effet un élément du calcul de
la contribution réellement due.
Les URSSAF reversent au fonds les sommes collectées par leurs soins.
Art. L. 861-15 du code de la sécurité sociale
I -
Le texte du projet de loi
Cet article prévoit que, si le montant de la déduction à
laquelle ont droit les organismes de protection sociale complémentaire
au titre des personnes bénéficiaires de la CMU excède
1,75 % de leur chiffre d'affaires santé (c'est-à-dire de la
base de calcul de la contribution), les organismes de protection sociale
complémentaire demandent au fonds de leur verser la différence.
Le versement doit être effectué dans un délai d'un mois
après la demande.
II - Les propositions de votre commission
Votre commission vous propose de compléter cet article par un
alinéa disposant que, en cohérence avec son amendement à
l'article L. 861-11, les organismes de sécurité sociale
reçoivent du fonds un montant correspondant à l'excédent
éventuel des dépenses engagées au titre de la couverture
complémentaire des bénéficiaires du RMI par rapport au
montant des cotisations ou allocations personnalisées à la
santé reçues à ce titre.
Art. L. 861-16 du code de la sécurité sociale
Cet
article fixe les modalités du contrôle, par le fonds, des
dépenses réalisées par les organismes de protection
sociale complémentaire et par les organismes d'assurance maladie au
titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de
la CMU.
Votre commission vous propose, pour cet article, un amendement de
cohérence avec les autres amendements déposés sur le volet
du projet de loi consacré à la couverture complémentaire.
Art. L. 861-17 du code de la sécurité sociale
Cet
article fixe les modalités du contrôle, par le fonds, des
dépenses réalisées par les organismes de protection
sociale complémentaire et par les organismes d'assurance maladie au
titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de
la CMU.
Votre commission vous propose, pour cet article, un amendement de
cohérence avec les autres amendements déposés sur le volet
du projet de loi consacré à la couverture complémentaire.
Art. L. 861-17 du code de la sécurité sociale
Cet
article offre aux organismes de protection sociale complémentaire la
faculté de constituer des associations leur permettant de mutualiser la
charge de gestion de la contribution instituée par l'article
L. 861-13.
Leurs règles de fonctionnement et de contrôle par l'Etat seront
fixées par décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous propose d'adopter cet article tel qu'amendé.