B. AUDITION DE M. CLAUDE MAFFIOLI, PRÉSIDENT DU CENTRE NATIONAL DES PROFESSIONS DE SANTÉ (CNPS)
En
préalable,
M. Claude Maffioli
a regretté qu'après
son passage devant la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale, le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle, qui comportait
déjà dans sa version initiale des articles ayant un objet
étranger à la CMU, se transforme en un projet de loi portant
diverses dispositions d'ordre social.
Tout en se déclarant très favorable à toute mesure tendant
à améliorer l'accès aux soins,
M. Claude Maffioli
s'est inquiété du risque prévisible d'une inflation des
dépenses incompatible avec une politique de maîtrise fondée
sur le respect d'enveloppes financières par les professionnels de
santé. Il a déclaré son opposition au tiers payant tel
qu'il était conçu par le projet de loi, car il rendait les
professionnels de santé directement tributaires du bon vouloir de
l'assurance maladie qui les rémunérait et il induisait une
déresponsabilisation complète des assurés sociaux, elle
aussi incompatible avec une politique de maîtrise des dépenses
d'assurance maladie. Il s'est en revanche déclaré tout à
fait favorable à des techniques de paiement différé
grâce à la monétique ou l'intervention d'organismes
intermédiaires entre les professionnels de santé et l'assurance
maladie.
Rappelant son attachement à la décentralisation de la gestion de
la protection sociale,
M. Claude Maffioli
a estimé que le
projet de loi mettait en place un système étatique et
centralisateur. Evoquant l'activité des chirurgiens-dentistes, il a
souligné la contradiction existant entre les dispositions des articles
20 et 24 du projet de loi, rappelé l'attachement du CNPS à la
politique contractuelle et a regretté que l'article 20 mette en place
une double nomenclature. Il a souhaité que, contrairement aux
dispositions du projet de loi initial, les professionnels de santé
soient représentés au sein des conseils de surveillance du fonds
de financement de la protection complémentaire de la couverture
universelle du risque maladie. Evoquant enfin les dispositions diverses du
projet de loi, il a souhaité, à l'article 32, que le secteur
libéral soit intégré au dispositif de consultation de
dépistage anonyme et gratuit et que l'article 37 mentionne les
unions régionales des médecins libéraux. Il a
regretté la complexité des dispositions de l'article 33 relatives
au volet de santé de la carte d'assuré social et formé le
voeu que les syndicats médicaux, comme le Conseil national de l'ordre
des médecins, soient appelés à donner leur avis sur le
décret qu'elles prévoient. Il a regretté les dispositions
de l'article 36 validant les effets des actes pris en application de la
convention nationale des médecins généralistes. Il s'est
enfin déclaré favorable à l'adoption d'une mesure
législative en faveur des aides opératoires non titulaires du
diplôme d'infirmier.
M. Charles Descours, rapporteur,
a demandé à M. Claude
Maffioli s'il n'estimait pas que, les caisses primaires d'assurance maladie
gérant des prestations complémentaires, les organismes de
protection sociale complémentaire ne seraient pas, tôt ou tard,
fondés à intervenir dans la couverture de base. Faisant siennes
les craintes exprimées par M. Claude Maffioli concernant une
dérive des dépenses, il lui a demandé s'il estimait que
l'inclusion des bénéficiaires de la CMU dans des filières
de soins permettrait de l'éviter. Evoquant l'utilisation de la
monétique pour instituer un paiement différé des
professionnels de santé,
M. Charles Descours, rapporteur
, a
affirmé qu'un tel projet ne serait crédible que si le CNPS
soutenait activement la mise en place de l'informatique médicale.
M. François Autain
a interrogé M. Claude Maffioli sur un
amendement adopté par la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales de l'Assemblée nationale concernant les médecins
à diplôme non européen.
M. Claude Maffioli
a estimé que le texte du projet de loi ouvrait
la porte à une concurrence de tous les financeurs pour la couverture
maladie de base. A cet égard, il ne s'est pas déclaré
favorable à l'entrée des compagnies d'assurance privées
dans le champ de cette couverture, mais a souhaité une réflexion
sur les modalités d'une concurrence de gestion qui pourrait être
introduite, peut-être dans un premier temps, entre caisses primaires
d'assurance maladie. Il a observé qu'une telle concurrence
nécessitait la définition d'un cahier des charges et supposait
que l'on réfléchisse à la notion de " panier de
soins ".
M. Claude Maffioli
s'est déclaré défavorable
à la mise en place de filières de soins, même pour une
partie de la population, et a affirmé que son organisation militait pour
une mise en réseau, c'est-à-dire une coordination horizontale des
soins au service du patient et non d'une discipline.
M. Claude Maffioli
a affirmé son attachement à
l'informatisation des cabinets médicaux, à condition qu'elle se
traduise par un vrai partage de l'information médicale, qu'elle soit
favorisée par l'octroi d'une aide d'un montant suffisant aux
professionnels de santé qui transmettaient les feuilles de soins
électroniques et qu'elle ne soit pas organisée pour servir des
intérêts commerciaux d'aucune sorte. Evoquant la situation des
médecins à diplôme non européen, il a observé
que la régularisation de la situation de ces médecins allait
poser des problèmes en termes de démographie médicale,
alors que se développait parallèlement un discours selon lequel
l'offre de soins libéraux était trop importante.
A
M. Bernard Cazeau
qui se félicitait de l'évolution du
discours du président du CNPS sur l'informatique médicale,
M.
Claude Maffioli
a répondu que son discours n'avait pas changé
depuis 1985 et qu'il maintenait la revendication d'un réel partage de
l'information médicale entre l'assurance maladie et les professionnels.
Mme Nicole Borvo
a demandé à M. Claude Maffioli de
préciser ses propos sur la nécessaire mise en réseau des
professionnels de santé et lui a demandé qui en serait le pivot.
M. Claude Maffioli
a critiqué la filière de soins, avec un
passage obligé par le médecin généraliste, qui
traduit une vision économique du système de santé. Il a
confirmé son attachement à un système dont le patient
serait le pivot et autour duquel se mettrait en place une coordination en
fonction de thèmes spécifiques, notamment des pathologies ou des
catégories de populations concernées. Dans un tel système,
le patient garderait sa liberté mais bénéficierait des
dispositions d'une charte de fonctionnement conclue au préalable entre
les professionnels de santé. Il a affirmé que, si la mise en
réseau comportait des avantages en matière de maîtrise des
dépenses de santé, elle ne procédait pas d'une vision
économique du système de santé.
M. Claude Huriet,
citant l'exemple d'un réseau de
cancérologie en Lorraine, a affirmé qu'il était
fondé sur la définition collective de stratégies
thérapeutiques dont le patient était l'unique
bénéficiaire.