B. AUDITION DE M. DENIS KESSLER, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES SOCIÉTÉS D'ASSURANCE (FFSA), ACCOMPAGNÉ DE M. ANDRÉ RENAUDIN, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DU GROUPEMENT DES ASSURANCES DE PERSONNES
Puis,
la commission a entendu
M. Denis Kessler, président de la
Fédération française des sociétés
d'assurance
(FFSA), accompagné de
M. André Renaudin,
délégué général du groupement des assurances
de personnes
.
M. Charles Descours, rapporteur,
a souhaité connaître la
position de la FFSA sur le projet de loi portant création d'une
couverture maladie universelle. Il s'est interrogé sur les raisons qui
avaient incité la FFSA à participer à ce dispositif.
Il a demandé à M. Denis Kessler quelle appréciation
la FFSA portait sur le financement du dispositif et a souhaité savoir si
l'évaluation d'un coût de 1.500 francs par
bénéficiaire de la CMU paraissait raisonnable.
Il a souhaité connaître la position de la FFSA sur le fonds
inséré dans le texte par l'Assemblée nationale et
destiné à atténuer les effets de seuil de la CMU ainsi que
sur la définition de l'assiette de la contribution des organismes
complémentaires prévue par le projet de loi. Il a
interrogé M. Denis Kessler sur le protocole d'accord conclu entre
la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés
(CNAMTS), la FFSA et les représentants des mutuelles.
En réponse à M. Charles Descours,
M. Denis Kessler
a
estimé que le projet de loi répondait à une intention
louable, mais reposait sur des modalités qui n'étaient pas
satisfaisantes.
M. Denis Kessler
a observé tout d'abord que la CMU symbolisait
l'échec du revenu minimum d'insertion (RMI), considéré
comme le revenu minimum nécessaire pour répondre aux
dépenses de première nécessité. En créant la
CMU, on reconnaissait implicitement que le RMI était insuffisant pour
assurer le minimum vital.
M. Denis Kessler
a regretté que le Gouvernement ait finalement
choisi, après six mois de concertation avec les organismes de
couverture complémentaire, un dispositif différent de celui sur
lequel les organismes d'assurance et les mutuelles s'étaient
engagés. Il a jugé que l'on ne pouvait, comme le faisait le
Gouvernement, à la fois prôner la concertation et renoncer
à un scénario véritablement partenarial.
Il a considéré que le dispositif du projet de loi se
caractérisait par une confusion des rôles entre les régimes
de base et les organismes de couverture complémentaire. Il a jugé
que cet aspect soulevait un réel problème de conformité au
droit européen.
M. Denis Kessler
a ajouté que le projet de loi allait
entraîner de nombreux autres effets pervers tels que des effets de seuil,
des effets d'aubaine, des effets d'éviction.
Evoquant l'estimation du coût par bénéficiaire de la
protection complémentaire, il a jugé sous-évalué le
montant choisi de 1.500 francs. Il a rappelé que les taux de
remboursement n'étaient pas les mêmes dans tous les régimes
de base de sécurité sociale. Il a jugé indispensable que
soit institué un mécanisme d'évaluation des coûts
réels et que la détermination des taux de prise en charge
complémentaire se fasse en fonction du régime d'affiliation.
Il a indiqué que les organismes d'assurance avaient fait le choix de
participer à la CMU, car l'assurance complémentaire était
précisément leur métier. Il a rappelé que la
couverture de base était prise en charge par la sécurité
sociale et, par conséquent, interdite aux organismes d'assurance. En
revanche, la couverture complémentaire, qu'elle soit
réalisée par des mutuelles ou des sociétés
d'assurance, relevait d'une logique de marché.
Il a souligné que la solution au problème réel que
constituait l'accès aux soins d'une partie de la population aurait
été de solvabiliser cette population afin de lui permettre de
s'adresser à l'organisme complémentaire de son choix.
Evoquant le fonds de financement de la protection complémentaire,
M.
Denis Kessler
a estimé que la présence des
représentants des organismes complémentaires au conseil
d'administration de ce fonds aurait été légitime. Il a
regretté que l'amendement en ce sens présenté par la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale ait finalement été rejeté par
cette Assemblée. Il a souligné que les organismes
complémentaires, qui constituaient les financeurs de ce fonds,
demandaient simplement à être représentés au conseil
d'administration de ce fonds, sans y être naturellement majoritaires.
S'agissant du système imaginé par l'Assemblée nationale
pour limiter les effets de seuil,
M. Denis Kessler
a jugé qu'il
s'apparentait à une boutade.
Après avoir estimé que la multiplication des seuils dans la
législation fiscale et sociale semblait une spécialité
française,
M. Denis Kessler
a constaté que toute tentative
pour supprimer un seuil aboutissait inéluctablement à la
création d'un nouveau seuil. Il a indiqué que les
sociétés d'assurance auraient préféré un
mécanisme dégressif de solvabilisation de la demande, grâce
à une aide personnalisée à la santé versée
par les caisses d'allocations familiales, lesquelles connaissaient
déjà les revenus d'une grande partie de la population.
M. Denis Kessler
a souligné que les sociétés
d'assurance n'étaient pas satisfaites de la définition de
l'assiette de la contribution des organismes complémentaires
prévue par le projet de loi, qui comprenait les frais de soins, mais
également les indemnités journalières et
d'invalidité qui ne devraient pas y figurer. Il a rappelé que les
sociétés d'assurance devaient acquitter une taxe de 7 % sur
leurs contrats d'assurance santé et a souhaité que cette taxe ne
s'applique pas à la cotisation de 1,75 % destinée à
financer la couverture complémentaire.
Evoquant la nécessité de préserver la répartition
des rôles entre les différents acteurs de la protection sociale,
M. Denis Kessler
a indiqué que les sociétés
d'assurance, les mutuelles et la CNAMTS avaient signé un protocole
prévoyant que les caisses primaires d'assurance maladie
n'interviendraient pour la couverture complémentaire qu'en cas de
carence des organismes complémentaires.
En réponse à
M. Charles Descours
qui s'interrogeait sur le
coût réel de la couverture complémentaire,
M.
André Renaudin, délégué général du
groupement des assurances de personnes,
a indiqué que le montant de
1.500 francs devait être réévalué. Il a
expliqué que ce chiffre avait été établi à
partir d'un profil de population différent de celui choisi pour la
CMU ; il a également rappelé que les différences
entre la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions
indépendantes (CANAM) et la CNAMTS en matière de prestations de
base se traduisaient par un coût moyen plus élevé de
500 francs pour les bénéficiaires de la CMU qui
ressortissent de la CANAM.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que la
sous-estimation du coût de la couverture complémentaire pouvait
entraîner un désengagement des organismes complémentaires,
qui ne seraient guère incités à accueillir les
bénéficiaires de la CMU. Il a jugé qu'une telle situation
risquait de provoquer un afflux de demandeurs de la CMU dans les caisses
primaires d'assurance maladie (CPAM) et, par conséquent, une
dérive des dépenses de la branche maladie. Il a craint que cette
augmentation des dépenses ne soit pas compensée par l'Etat et
soit constatée dès l'examen du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
M. Denis Kessler
a souligné que le projet de loi risquait de
susciter un effet d'éviction : un certain nombre de personnes
cotisant jusqu'ici pour une couverture complémentaire pourraient en
effet bénéficier d'une couverture complémentaire gratuite.
Il a considéré que les conséquences de cet effet
d'éviction seraient particulièrement lourdes pour certaines
sociétés d'assurance et certaines mutuelles.
M. André Renaudin
a confirmé que les petites structures
mutualistes risquaient de rencontrer, de ce fait, de graves difficultés
financières.