C. AUDITION DE M. MICHEL DOLLÉ, RAPPORTEUR GÉNÉRAL AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'EMPLOI, DES REVENUS ET DES COÛTS (CSERC)
La
commission a alors entendu
M. Michel Dollé, rapporteur
général au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et
des coûts
(CSERC).
M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que le CSERC
s'était intéressé aux phénomènes de
" désincitation " et que la couverture maladie universelle
pouvait présenter le risque de ne pas favoriser la recherche d'emploi.
M. Michel Dollé
a tout d'abord précisé qu'il
n'était un spécialiste ni de l'économie de la
santé, ni de la sécurité sociale. Il a observé
qu'un accord général existait sur la nécessité de
reconnaître le droit à l'accès aux soins comme un droit
fondamental, alors que la gratuité n'est pas assurée par le mode
de fonctionnement du système de santé. Il a indiqué que
l'existence d'une " zone de passage " entre la prise en charge totale
des frais de santé et la prise en charge partielle posait
problème. Citant l'exemple de l'allocation parent isolé (API),
où le passage de l'API (revenu non imposable) à un salaire
(revenu imposable) entraînait une diminution de l'allocation logement,
alors que les revenus sont identiques, il a observé qu'un tel
" effet de trappe " pouvait à la fois constituer une
désincitation au travail et être condamnable au regard de la
justice sociale. Citant un rapport relativement récent du CSERC, il a
toutefois ajouté qu'il ne fallait pas surestimer ce facteur
désincitatif, les personnes en recherche d'emploi espérant un
gain futur plus important et, en tout état de cause, une
réinsertion dans la société. Il a observé que les
différentes enquêtes de l'INSEE sur les personnes touchant le RMI
faisaient apparaître le frein important que représentent les
problèmes de santé à la possibilité de trouver un
emploi. Il a estimé que la généralisation de la couverture
maladie pourrait, de ce fait, avoir un effet incitatif sur la recherche de
travail.
M. Michel Dollé
a estimé que le projet de loi portant
création d'une couverture maladie universelle comportait deux effets de
seuil. Il a observé que le premier effet de seuil, se situant au niveau
de la couverture de base, ne se posait que pour les seules personnes prenant un
emploi non salarié, ces personnes devant cotiser sur la totalité
de leurs revenus. Il a indiqué que la seule solution pour supprimer cet
effet de seuil était d'instituer une franchise, en remontant le taux
moyen. En ce qui concerne le second effet de seuil, relatif à
l'assurance complémentaire, il a observé que la difficulté
tenait au caractère facultatif de cette assurance. Il a noté
qu'il était de toute façon nécessaire d'atténuer
cet effet de seuil, en adoptant un mécanisme similaire à celui
prévu pour le revenu minimum d'insertion, à savoir une phase
transitoire d'un an, ce qui est prévu par le projet de loi pour les
bénéficiaires de la CMU ayant choisi les organismes de protection
complémentaire. Il a remarqué que cette disposition ne valait que
pour les personnes effectuant un passage temporaire au sein du dispositif,
avant de disposer de revenus plus importants. Pour les personnes qui restent
dans la zone proche du seuil de la CMU, la technique d'une année de
transition n'est pas suffisante. M. Michel Dollé a estimé que la
seule solution était d'attribuer une aide dégressive par rapport
au revenu, et non pas par rapport à la date d'entrée du
dispositif.
M. Jean Delaneau, président,
a estimé qu'il convenait
d'être d'une grande prudence concernant les phénomènes
d'incitation ou de désincitation.
Répondant à une interrogation de
M. Jean Chérioux
sur
la définition des ressources nécessaires,
M.
Michel Dollé
a déclaré qu'il était essentiel,
à partir du moment où le travail est considéré dans
la société contemporaine comme la base de l'autonomie de la
personne, qu'une situation de travail appelle des revenus plus
élevés qu'une situation de non-travail.