II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le
mercredi 26 mai 1999
, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a
procédé à
l'examen du rapport
de
MM. Charles
Descours
et
Claude Huriet
sur le
projet de loi n° 338
(1998-1999), adopté par l'Assemblée nationale, après
déclaration d'urgence, portant
création d'une couverture
maladie universelle (CMU).
M. Charles Descours, rapporteur,
a présenté les grandes
lignes de son rapport (cf. exposé général, tome I).
M. Jean Chérioux
a souligné que le rapporteur se
référait aux travaux de M. Jean-Claude Boulard en tant que
parlementaire en mission, qui présentait un autre système que
celui proposé par le projet de loi. Il a considéré que le
dispositif de l'article 13 de ce projet pénaliserait les
départements ayant réalisé un effort supplémentaire
en faveur des plus démunis et a fait part de sa volonté d'amender
cet article.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a estimé que le projet de loi
était très satisfaisant et que les propositions d'amendements
qu'elle ferait veilleraient à ne pas toucher au coeur du texte,
contrairement aux orientations présentées par le rapporteur. Elle
a rappelé que l'ensemble des institutions et des associations
souscrivaient aux objectifs fixés par le projet de loi et a
estimé qu'il n'avait certainement pas été facile, pour le
rapporteur, d'écrire un nouveau projet.
M. Louis Souvet
a observé que l'objectif n'était pas de
critiquer le Gouvernement ou l'Assemblée nationale, mais
d'améliorer le projet de loi. Il a expliqué que les travaux du
rapporteur lui semblaient aller dans une excellente direction, en
évitant l'aspect inégalitaire et déresponsabilisant du
dispositif proposé par le texte.
M. Alain Vasselle
a considéré que deux philosophies
s'affrontaient, et que les propositions du rapporteur répondaient aux
objectifs de solidarité et de responsabilité. Revenant sur les
déclarations de Mme Martine Aubry sur la diminution de la dotation
globale de décentralisation, il a rappelé que les
départements qui avaient réalisé des efforts
supplémentaires n'étaient pas forcément les
départements les plus riches. Il s'est interrogé sur le devenir
des contingents communaux d'aide sociale et sur la formation du personnel des
collectivités locales gérant actuellement l'aide médicale.
M. Guy Fischer
a salué l'effort d'imagination du rapporteur, tout
en précisant que la philosophie de cette contre proposition reposait sur
une analyse radicalement différente de la sienne. Il a observé
que le rapporteur était resté, en termes de financement, aux
dispositions du texte, montrant ainsi l'étroitesse de la marge de
manoeuvre. Il a rappelé que la CMU était l'aboutissement du
débat de la loi sur les exclusions. Il a reconnu que le projet de loi
était perfectible et que des problèmes restaient
posés : effet de seuil, droit de recours, définition de la
résidence stable et régulière. Regrettant la
procédure d'urgence, il s'est déclaré inquiet qu'un
amendement ne mette fin au système des contingents communaux d'action
sociale.
M. Serge Franchis
a observé que le principal grief fait au
système de l'aide médicale était d'en stigmatiser les
bénéficiaires. Il a considéré que le projet de loi
faisait passer de 2,5 à 6 millions de personnes le nombre de
bénéficiaires de la couverture complémentaire, sans pour
autant mettre fin à cette stigmatisation. Il a noté que la
proposition du rapporteur d'une allocation personnalisée à la
santé permettrait de résoudre cette situation d'exclusion.
M. Claude Huriet, rapporteur du titre IV du projet de loi,
a
rappelé que des départements avaient réalisé,
à partir des années quatre-vingts, d'importants efforts, en
instituant des cartes santé. Il a considéré qu'il
était nécessaire de partir de cette expérience. Il a
observé que, selon les associations, cinq objectifs devaient être
atteints : faciliter l'accès à la couverture maladie
grâce à un guichet unique, tenir des délais courts,
simplifier les formalités administratives, éviter les effets
pervers des seuils et maintenir, le cas échéant, le principe
d'une contribution des bénéficiaires. Il a estimé que si
ces objectifs n'étaient pas tous atteints, la CMU ne
représenterait pas un grand progrès. A cet égard, il a
souscrit pleinement au principe d'une allocation personnalisée à
la santé.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que ses propositions
reposaient sur les conclusions du rapport Boulard et que Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi et de la solidarité, avait elle-même
évoqué la question d'une contribution des
bénéficiaires de la CMU. Il a estimé que même si ces
propositions n'étaient pas retenues par l'Assemblée nationale, il
était important de prendre date. Il a insisté sur
l'évaluation nécessaire du coût de la CMU pour les finances
de l'Etat et de la sécurité sociale, qui n'apparaîtra que
de manière fragmentaire en loi de financement et en loi de finances.
En réponse à M. Jean Chérioux, il a expliqué qu'il
n'avait pas voulu modifier l'article 13 et toucher au système des
contingents communaux d'action sociale, estimant que le sujet était
davantage lié aux finances locales qu'aux finances sociales.
Répondant à M. Alain Vasselle, il a précisé que le
système qui pourrait être envisagé est une suppression des
contingents communaux compensée pour les départements. S'agissant
de la formation des personnels des collectivités locales, il a
indiqué qu'il serait difficile d'apprécier ces coûts de
reconversion.
Il a remarqué, en réponse à M. Guy Fischer, que certaines
analyses qu'il avait faites sur l'effet de seuil était les mêmes
que les siennes. Répondant à M. Claude Huriet, il a estimé
que le mécanisme de l'APS semblait répondre aux cinq objectifs
fixés, principalement concernant l'effet de seuil.
Puis la commission a abordé l'examen des articles. Elle a examiné
tout d'abord les articles des titres préliminaires, I à III et V
et les amendements proposés à ces articles par M. Charles
Descours, rapporteur.
A l'article premier
(création d'une couverture maladie
universelle et d'une protection complémentaire avec dispense d'avance de
frais pour les plus démunis), la commission a adopté un
amendement tendant à préciser, conformément au dispositif
proposé par M. Charles Descours, rapporteur, dans son exposé
général, que la protection complémentaire prévue
par le projet de loi est assurée par la création d'une allocation
personnalisée à la santé.
La commission a adopté
l'article 2
(principe de l'affiliation et
du rattachement aux nouveaux régimes obligatoires et suppression du
régime de l'assurance personnelle) sans modification.
A l'article 3
(nouveaux critères d'affiliation au nouveau
régime et cotisation), elle a adopté un amendement permettant aux
personnes résidant en France qui sont affiliées à la
caisse des Français de l'étranger de rester affiliées
à cette caisse.
A l'article 4
(immédiateté et automaticité du droit
à l'accès aux soins), la commission a adopté un amendement
tendant à prévoir que le régime général
pourra obtenir le remboursement des prestations servies aux personnes qui
relèvent, après examen, d'un autre régime.
La commission a adopté
l'article 5
(continuité du droit
à l'accès aux soins) sans modification.
A l'article 6
(accès aux soins sans restriction
financière), elle a adopté un amendement tendant à
étendre à l'ensemble des régimes, et non pas seulement au
régime de résidence, la possibilité de suspendre les
prestations en cas de mauvaise foi des assurés qui ne paieraient pas les
cotisations dont ils sont redevables.
Elle a adopté un amendement de précision
à l'article
7
(régime applicable aux ayants droit des personnes affiliées
au régime général).
La commission a adopté
l'article 8
(dispositions applicables aux
personnes qui, bien que résidant ou séjournant en France, ne sont
pas concernées par le régime), sans modification.
A l'article 9
(incidences financières sur le fonds de
solidarité vieillesse), elle a adopté un amendement tendant
à supprimer l'affectation, proposée par cet article, d'une part
des droits sur les alcools actuellement perçus par le fonds de
solidarité vieillesse (FSV).
A l'article 10
(incidences financières de la mise en place de la
couverture obligatoire sur la branche famille), la commission a adopté
un amendement tendant à supprimer l'affectation à la caisse
nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de
28 % du produit du prélèvement social sur les revenus du
patrimoine et des produits de placement et à rétablir le
financement par la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), à
hauteur de 60 %, de l'allocation de parent isolé (API).
A l'article 11
(énumération des ressources
complémentaires des régimes obligatoires de base), elle a
adopté un amendement de conséquence visant à supprimer les
nouvelles ressources affectées par le projet de loi à la CNAMTS
qui bénéficiera d'une part supplémentaire des droits de
consommation sur les tabacs.
A l'article 12
(modification de l'affectation de la cotisation due par
les personnes assurant des véhicules terrestres à moteur), la
commission a adopté un amendement de précision visant à
tirer la conséquence de l'affectation intégrale à la
CNAMTS de la cotisation sur les véhicules terrestres à moteur, en
supprimant la mention de cette ressource dans les recettes de la caisse
nationale d'assurance maladie maternité des professions
indépendantes (CANAM) et en précisant que
l'intégralité de cette ressource sera versée à la
CNAMTS.
Puis, la commission a adopté
l'article 13
(transferts financiers
entre l'Etat et les département) sans modification ;
M. Jean
Chérioux
a indiqué qu'il déposerait un amendement
à cet article qu'il ne pouvait donc voter en l'état.
A l'article 14
(exécution des recouvrements forcés de
cotisations dues par les non-salariés non agricoles et les
agriculteurs), la commission a adopté un amendement tendant à
préciser que la contrainte décernée au titre de l'article
L. 244-9 du code de la sécurité sociale sera obligatoirement
signifiée par acte d'huissier de justice.
La commission a adopté sans modification les
articles 15
(durée de maintien des droits selon qu'il s'agit des prestations en
nature ou des prestations en espèces),
16
(maintien des
régimes actuellement applicables aux étudiants et aux ministres
des cultes),
17
(régime applicable aux pupilles de l'Etat),
18
(résiliation de certains contrats d'assurance privée)
et
19
(possibilité de maintien de certaines personnes dans le
régime général à titre temporaire et dans le
régime agricole à titre définitif).
A l'article 20
(définition de la couverture complémentaire
en matière de santé attribuée aux
bénéficiaires de la CMU), la commission a adopté dix-neuf
amendements qui substituent à la couverture complémentaire
maladie gratuite proposée par cet article, une allocation
personnalisée à la santé (APS). Ces amendements tendent
respectivement :
- à introduire à l'article L. 861-1 du code de la
sécurité sociale, la notion d'allocation personnalisée
à la santé dégressive en fonction des revenus ;
- au même article, à harmoniser avec le droit des prestations
familiales la notion de personnes à charge ;
- à préciser, à l'article L. 861-2, que les
titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) bénéficient du
montant maximal de l'APS et à supprimer le dernier alinéa de cet
article ;
- à décrire à l'article L. 861-3 le contenu de la
couverture complémentaire dont bénéficieront les
titulaires de l'APS ;
- à compléter cet article L. 861-3 pour autoriser les
régimes obligatoires d'assurance maladie et les organismes de protection
complémentaire à établir ensemble une définition
d'un panier de soins éligible à la couverture
complémentaire santé ;
- à supprimer dans cet article L. 861-3 une disposition consistant
en réalité à valider un élément de la
convention des médecins généralistes annulé par le
Conseil d'Etat ;
- à permettre, à l'article L. 861-4, aux personnes
bénéficiaires de l'APS d'obtenir une couverture
complémentaire dans des conditions de droit commun mais à prendre
également en considération la spécificité de la
situation des bénéficiaires du RMI qui resteront
gérés par les caisses d'assurance maladie ;
- à préciser, à l'article L. 861-5, que les demandes
d'attribution de l'APS sont faites auprès de l'organisme d'affiliation
du demandeur, et à prévoir que les organismes de protection
complémentaire peuvent aider les bénéficiaires potentiels
de l'APS à accomplir les démarches nécessaires ;
- à limiter, au même article, à deux mois le droit
immédiat à une protection complémentaire avant
vérification des ressources du demandeur ;
- à exonérer, dans un nouvel article L. 861-5-1, l'APS de
contribution sociale généralisée et autres
impôts ;
- à prévoir, à l'article L. 861-6, que l'APS n'est
due qu'en contrepartie du versement des cotisations et primes qu'elle finance
et la possibilité d'un versement direct de l'APS aux organismes de
protection complémentaire ;
- à mettre en cohérence avec les précédents
amendements le texte de l'article L. 861-7 ;
- à prévoir, à l'article L. 861-8, que les
bénéficiaires de l'APS ont droit à une couverture
complémentaire dans les délais de droit commun et qu'une
procédure simplifiée s'applique aux titulaires du RMI ;
- à prévoir, à l'article L. 861-9, la
possibilité de concours des administrations fiscales pour le
contrôle des ressources des demandeurs.
A l'article 20 bis
(obligation de négociation annuelle des
modalités d'établissement d'un régime de prévoyance
maladie pour les salariés non couverts), elle a adopté un
amendement de suppression.
A l'article 20 ter
(modalités d'extension des conventions de
branche et régime de prévoyance maladie), la commission a
également adopté un amendement de suppression, le rapporteur
ayant estimé que par ces deux articles, il était en quelque sorte
demandé aux entreprises de pallier les imperfections du dispositif
proposé par le Gouvernement.
A l'article 21
(prolongation de la couverture des
bénéficiaires de la CMU couverts par un organisme
complémentaire), elle a adopté trois amendements ; le
premier dispose que lorsqu'une personne perd le bénéfice de l'APS
elle se voit maintenir pendant un an les mêmes tarifs et
prestations ; le second prévoit le maintien des droits pendant un
an aux anciens bénéficiaires du RMI ; le troisième
est de coordination.
Par cohérence avec les amendements adoptés à l'article 20,
la commission a adopté des amendements de suppression des
articles
22
(tarifs pratiqués par les médecins conventionnés en
faveur des bénéficiaires de la CMU),
23
(accords entre les
organismes d'assurance maladie, les organismes complémentaires et les
distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel) et
24
(tarifs pratiqués par les chirurgiens-dentistes
conventionnés en faveur des bénéficiaires de la CMU).
A l'article 25
(création du fonds de financement de la protection
complémentaire), la commission a adopté dix amendements
tendant :
- à harmoniser, à l'article L. 861-10 du code de la
sécurité sociale, l'intitulé du fonds de financement
prévu par cet article avec le dispositif précédemment
adopté tendant à créer une APS ; à
prévoir la participation de tous les partenaires de la protection
complémentaire au conseil d'administration de ce fonds et à
supprimer en conséquence son conseil de surveillance et à
supprimer le nouveau fonds introduit par l'Assemblée nationale,
chargé d'atténuer l'effet de seuil figurant dans le projet de
loi, dès lors que les amendements précédemment
adoptés suppriment cet effet de seuil ;
- à harmoniser à l'article L. 861-11 les dispositions relatives
aux dépenses du fonds de financement ;
- à prévoir, à l'article L. 861-13, en coordination avec
l'article 20 amendé, l'intervention des sections d'assurance
complémentaire de la Mutualité sociale agricole ; à
préciser l'assiette de la taxe dont sont redevables les organismes de
protection complémentaire ; à éviter une imposition
en cascade des sociétés passibles de la taxe sur les conventions
d'assurance ; à prévoir, enfin, le remboursement
intégral des dépenses des organismes complémentaires non
couvertes par les cotisations et primes versées par les
bénéficiaires de l'APS ;
- à coordonner la rédaction de l'article L. 861-15 ainsi que
celle de l'article L. 861-16.
La commission a adopté sans modification les
articles 26
(régime transitoire pour les titulaires actuels de l'aide
médicale),
27
(habilitation des caisses d'assurance maladie
à la mise en place d'un fichier informatisé de données
nominatives),
28
(dispositions réglementaires pour l'application
du titre II),
29
(abrogation de certaines dispositions relatives
à l'aide sociale),
30
(transfert de compétences des
départements à l'Etat en matière d'aide médicale)
et
31
(dispositions de coordination).
Après le titre III, la commission a adopté un amendement tendant
à insérer
une section et un intitulé nouveaux
ainsi
qu'un
article additionnel après l'article 31
tendant à
prévoir un rapport d'application de la loi et une identification au sein
des comptes du régime général des recettes et des
dépenses relatives à la CMU.
Abordant le titre V, la commission, sur proposition de M. Charles Descours,
rapporteur, a adopté, à
l'article 38
(entrée en
vigueur de la loi), un amendement tirant la conséquence des amendements
adoptés aux articles 9, 10 et 11.
La commission a alors
adopté le projet de loi ainsi
amendé
.