B. L'ORGANISATION ACTUELLE DE LA PROFESSION ET SON ACTIVITÉ
Organisée sur la base du statut original qui vient d'être présenté, la profession de commissaire-priseur est aujourd'hui marquée par une faible concentration et un fort clivage entre Paris et la province.
1. Une profession faiblement concentrée et marquée par un clivage entre Paris et la province
On
dénombre actuellement
456 commissaires-priseurs
répartis
entre 9 compagnies régionales et
328 offices
13(
*
)
. Parmi eux, 189 commissaires-priseurs
exercent à titre individuel et 267 sont associés, pour leur
quasi-totalité sous forme de sociétés civiles
professionnelles (SCP), celles-ci étant au nombre de 136.
Au sein de cet ensemble, la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, qui
regroupe 111 commissaires-priseurs et 70 offices, occupe une place
particulière en raison de l'importance de son activité
organisée principalement dans le cadre de l'
Hôtel Drouot
.
Celui-ci appartient à une SCI foncière commune et est
géré par une société anonyme, Drouot SA,
propriété de la Compagnie.
La profession de commissaire-priseur emploie actuellement environ
1.500 salariés, dont un tiers travaillent à Paris.
Le
produit total des ventes
des commissaires-priseurs français
s'est élevé à
8,5 milliards de francs
en 1997,
dont 40 % pour la seule compagnie de Paris (3,44 milliards de
francs). Paris et la région parisienne représentent environ la
moitié des ventes ; si l'on y ajoute Lyon et le Sud-Est, on atteint
les deux tiers des ventes.
Les
ventes judiciaires
, qui ne représentent que 12 % du
chiffre d'affaires total des commissaires-priseurs de Paris, atteignent entre
20 et 40 % de l'activité des commissaires-priseurs de province (de
20,56 % pour la Compagnie de Normandie à 36,99 % pour la
Compagnie de l'Est)
14(
*
)
.
Les biens vendus aux enchères publiques peuvent être de nature
très variée (automobiles, biens industriels...). Cependant, les
oeuvres d'art y occupent une place particulière puisqu'elles
représentent 80 % du montant total des ventes à Paris et 60%
en province, selon la Chambre nationale des commissaires-priseurs. Or, dans ce
domaine, le marché français est d'ores et déjà
confronté à la concurrence internationale.
2. Une activité confrontée à la concurrence internationale sur le marché de l'art
Si l'on
compare l'activité des commissaires-priseurs français avec celle
des deux grandes maisons de ventes anglo-saxonnes : Sotheby's et
Christie's, on constate que leur chiffre d'affaires annuel dépasse
largement, pour chacune d'entre elles, celui de l'ensemble des
commissaires-priseurs français : soit en 1997, 10,76 milliards
de francs pour Sotheby's et 11,64 milliards de francs pour Christie's,
contre 8,50 milliards de francs pour les commissaires-priseurs
français.
La France constitue avec les Etas-Unis et la Grande-Bretagne l'un des plus
importants marchés de l'art mondiaux. Elle occupe aujourd'hui, quel que
soit la source statistique retenue, le troisième rang mondial, loin
derrière Christie's et Sotheby's.
Or Paris a été la capitale du marché de l'art mondial
jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale ; en 1952 la seule
étude de Me Ader faisait un chiffre d'affaires égal à
celui de Sotheby's et Christie's conjointement dans le monde entier.
La place de Paris a donc connu un déclin qui peut s'expliquer par des
raisons juridiques mais aussi économiques et fiscales.
Sur le plan
juridique
, si les commissaires-priseurs français sont
protégés par leur monopole, on peut également
considérer qu'ils sont aujourd'hui handicapés par les
règles juridiques très strictes qui s'imposent à eux mais
non à leurs concurrents étrangers.
De plus, les grandes maisons de ventes comme Sotheby's et Christie's qui sont
d'ores et déjà présentes à Paris mais ne peuvent
elles-mêmes y procéder à des ventes, sont amenées de
ce fait à exporter les objets qui leur sont confiés vers d'autres
centres de vente à l'étranger
15(
*
)
, au détriment du marché
de l'art français.
D'autre part, le développement
économique
des Etats-Unis
et de l'Asie s'est accompagné d'un accroissement du nombre d'acheteurs
potentiels dans ces pays, pour des motifs artistiques ou spéculatifs.
Enfin, sur le plan
fiscal
, les inégalités de traitement
entre les transactions effectuées en France et les transactions
effectuées à l'étranger constituent un facteur
décisif de délocalisation des ventes au profit des places
étrangères. La fiscalité pesant sur les ventes d'objets
d'art est en effet sensiblement plus lourde en France que sur les principales
places étrangères.
En France, ces ventes sont susceptibles de supporter différentes
taxes :
- la TVA sur la vente, supportée par l'acheteur (mais due seulement par
les résidents de l'Union européenne) ;
- une taxe sur les objets d'art de 5 %
16(
*
)
due par le vendeur d'un bien d'une
valeur supérieur à 20.000 F
17(
*
)
(pour les seuls résidents
français) ;
- la TVA à l'importation acquittée par le vendeur s'il s'agit
d'un résident extra-européen ;
- le droit de suite (dû par le vendeur) reconnu à l'auteur ou
à ses héritiers
18(
*
)
de percevoir à l'occasion de
chaque vente publique de l'une de ses oeuvres 3 % du prix de la vente.
Parmi ces différentes taxes, la
TVA à l'importation
et le
droit de suite
sont à l'origine des principales distorsions de
concurrence avec les principaux marchés étrangers. En effet,
alors que la France pratique une TVA à l'importation allant de 5,5 %
à 20,6 %, les Etats-Unis ne prélèvent pas de taxe à
l'importation et, en dépit de l'existence d'une directive communautaire
sur la TVA à l'importation, la Grande-Bretagne applique un taux
réduit de TVA à l'importation de 2,5 % (jusqu'au
30 juin 1999). Quant au droit de suite, il n'existe ni en
Grande-Bretagne, ni aux Etats-Unis, ni en Suisse ni au Japon.
Votre commission déplore l'absence d'harmonisation communautaire dans ce
domaine, source d'importantes distorsions de concurrence alors même que
la France se voit aujourd'hui contrainte d'" ouvrir " son
marché des ventes publiques aux ressortissants communautaires.