II. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME
A. UN SYSTÈME DEVENU TRÈS LARGEMENT INADAPTÉ
1. Des réserves de masse peu opérationnelles
Depuis
le début du siècle jusqu'aux premières années de la
présente décennie, le système des réserves n'avait
pas connu de grands bouleversements. La mise en service des premières
composantes stratégiques, en particulier, n'avait pas remis en cause une
organisation principalement inspirée par le souci de mettre en place les
effectifs nécessaires pour assurer la défense du territoire dans
l'hypothèse d'un conflit.
La perspective d'une mobilisation générale sur court
préavis commandait très largement, avant la mise en oeuvre,
à partir de 1993, du plan " Réserves 2000 ", les
doctrines d'emploi et les modalités de gestion des réservistes
retenues par les armées et la gendarmerie.
a) L'armée de terre
.
La doctrine d'emploi
L'armée de terre pouvait recourir aux réserves, soit en
complément des formations d'active, soit pour constituer des
formations intégralement composées de réservistes
en particulier dans les forces de soutien logistique (transport, hôpitaux
de campagne...) et les forces du territoire.
. L'organisation des réserves
Les formations d'active se recomplétaient pour l'essentiel grâce
aux
fractions de contingent rappelables
(FCR) composées des
appelés rendus à la vie civile et conservés en affectation
dans leur formation pendant huit à douze mois après leur service
actif. Les formations à mobiliser étaient constituées de
réservistes plus anciens choisis notamment selon leur qualification. Les
cadres de réserve pouvaient être affectés tant au renfort
des unités d'active qu'à l'encadrement des formations
mobilisées.
L'organisation des réserves de l'armée de terre s'inscrivait
ainsi dans la perspective d'une mobilisation générale. Toutefois,
la ressource dont disposait l'armée de terre au sein des réserves
représentait dix fois les trois cent mille postes à pourvoir
dans le cadre du plan de mobilisation
.
Malgré cette ressource abondante, l'armée de terre connaissait
des difficultés à pourvoir certains postes de spécialistes
à partir de la ressource provenant de la seule
disponibilité ; aussi était-elle conduite à maintenir
en affectation pendant plusieurs années certains spécialistes
tandis que d'autres, moins qualifiés, ne recevaient plus d'affectation
moins d'un an après avoir achevé leur service actif.
.
L'instruction des réservistes
Cette instruction s'adressait essentiellement à des cadres, officiers et
sous-officiers, volontaires pour suivre des activités
régulières (c'est-à-dire environ 10 000 cadres pour
un effectif total de 200 000 cadres et militaires du rang affectés).
Recevant une formation de grande qualité lors de stages dispensés
en écoles de formation et d'application de l'armée d'active, ils
étaient relativement livrés à eux-mêmes pour
l'entretien de leur instruction, qui se résumaient souvent à une
auto-instruction les week-ends -exception faite d'un suivi de certains
spécialistes dont les spécialistes d'état-major, les
spécialistes des transports militaires et les linguistes. C'était
la conséquence d'un concept de réserve, qui plaçait la
réserve en marge de l'active au lieu de l'intégrer pleinement.
Quant aux militaires du rang, ils constituaient un vivier très important
dont une infime minorité était convoquée pour un
contrôle du suivi administratif et du niveau d'instruction
élémentaire ; le taux d'absentéïsme était
d'ailleurs assez élevé et pouvait atteindre 40 à 50 %
des effectifs convoqués.
.
La gestion
La gestion de la ressource relevait de trois organismes :
- la direction du personnel militaire de l'armée de terre
(DPMAT/réserve) pour les officiers de réserve ;
- les états-majors de circonscription militaire de défense (CMD)
pour les officiers de réserve ;
- les bureaux du service national (BSN) pour les militaires du rang de
réserve et les sous-officiers de réserve.
b) L'armée de l'air
.
Concept d'emploi
Dans la mesure où l'infrastructure et les moyens de combat de
l'armée de l'air représentent une cible prioritaire pour un
agresseur éventuel dès les premières heures du conflit,
celle-ci doit être à même de passer du temps de paix au
temps de guerre très rapidement sans solution de continuité avec
les seuls personnels d'active. C'est pourquoi la majorité des
réservistes avait vocation à constituer les unités de
protection pour parer aux menaces aériennes et terrestres -9 %,
seulement, des réservistes de l'armée de l'air étant
affectés à des activités aériennes.
.
Les effectifs
Avant la mise en oeuvre du plan " Réserve 2000 ",
l'armée de l'air gérait 105 000 réservistes pour 47 000
postes de mobilisation.
Les forces de réserve étaient constituées à 80 % de
réservistes issus du contingent et à 20 % d'anciens cadres
d'active.
La procédure de l'
affectation directe
permettait la
sélection du futur réserviste, au moment de la libération,
par son commandant d'unité. Une autre partie de la réserve se
recrutait parmi le personnel non affecté directement (qu'il soit
désigné dès sa libération pour une autre base plus
proche de son domicile et fasse ainsi l'objet d'une affectation semi-directe,
ou qu'il soit versé dans un volant régional en attente d'une
éventuelle affectation).
En 1988, l'administration de l'ensemble des réservistes a
été centralisée au Centre d'administration des
réserves de l'armée de l'air (CARAA) et les centres mobilisateurs
air des régions ont été supprimés.
.
Les modalités d'instruction
L'effort d'instruction portait principalement sur les cadres et les
spécialistes de la protection-défense, rappelés chaque
année en période d'instruction de 3 à 5 jours. Les
militaires du rang de ces unités étaient rappelés tous les
deux ou trois ans en période de 2 ou 3 jours. Enfin, tous les personnels
pouvaient effectuer des périodes bénévoles.
c) La marine
La
marine avait prévu le recours aux réservistes
dès le
temps de paix
afin de réduire notamment des tensions temporaires sur
les effectifs ou d'assumer des tâches spécialisées :
renforcement du personnel des états-majors, fonctionnement du Centre
d'instruction des réserves et encadrement de la préparation
militaire marine, participation au développement du secteur des
relations internationales (interprétariat).
En temps de crise, les réserves avaient pour missions principales la
protection et la défense anti-aérienne des points sensibles de la
marine, la participation à la force maritime de complément
destinée à la surveillance des côtes, la
sécurité de l'acheminement des navires de commerce et le renfort
des unités existantes.
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Les effectifs
Sur les 250 000 réservistes de la marine, 43 000
bénéficiaient d'une affectation au début de la decennie.
.
L'instruction.
Elle s'organisait dans les 13 centres d'instruction des réserves de la
marine répartis sur l'ensemble du territoire national. Elle reposait
traditionnellement sur des périodes biennales de cinq jours, même
si les restrictions budgétaires avaient conduit, à partir de
1990, à limiter les rappels.
d) La gendarmerie
.
Concept d'emploi
La défense opérationnelle du territoire (DOT) et, dès le
temps de paix, la circulation routière de défense, la garde des
points sensibles civils, la recherche du renseignement sur zone, la
surveillance des frontières ou des fonctions prévôtales
auprès des autres armées : autant de missions qui pouvaient
nécessiter la mise en place d'unités spécialisées
(pelotons de circulation, pelotons frontières...) ou de renfort des
unités existantes (escadrons dérivés de la gendarmerie
mobile, doublement de la gendarmerie départementale...).
.
Les effectifs
La gendarmerie disposait d'une ressource considérable qui lui permettait
en cas de mobilisation de multiplier par 2,4 les effectifs du temps de paix (de
94 000 à 233 000 hommes) et de créer plus de 1 400 unités
nouvelles. Les 138 868 réservistes de la gendarmerie se
répartissaient entre :
- 54 958 hommes issus de la gendarmerie (9 000 anciens cadres de
carrière et 46 000 anciens gendarmes auxiliaires) ;
- quelque 84 000 hommes issus de l'armée de terre et spécialement
affectés.
Seuls les réservistes de la gendarmerie étaient
gérés par la gendarmerie, de manière centralisée
pour les officiers et décentralisée (au niveau des
légions) pour les sous-officiers de réserve et les gendarmes
auxiliaires. L'armée de terre assurait la gestion des officiers de
réserve affectés à la gendarmerie tandis que les
sous-officiers étaient suivis par les Bureaux du service national.
.
L'entraînement.
Il a fait l'objet d'efforts particuliers au cours des années
80 : convocation des officiers cinq jours par an en moyenne, des
sous-officiers, trois à cinq jours par an. Certains personnels
exerçant, par ailleurs, des activités bénévoles
dans les réserves.
e) Le service de santé et le service des essences des armées
Le
service de santé des armées gérait 40 400 aspirants et
officiers de réserve : 25 500 médecins, 6 600
pharmaciens-chirurgiens, 2 000 vétérinaires-biologistes, 5 600
chirurgiens-dentistes et 1 700 officiers des corps technique et administratif
des armées.
La disproportion des besoins en soutien médical entre le temps de paix
et les périodes de crise justifiait l'importance de ces effectifs.
La gestion des officiers et aspirants de réserve du service de
santé des armées relevait de la direction centrale du service de
santé des armées.
Les réservistes concernés étaient employés dans
leur spécialité civile en fonction des besoins de
mobilisation ; ils n'avaient pas besoin d'une formation technique
supplémentaire.
Le service des essences des armées comprenait quelque 9 000
réservistes, gérés en majorité par l'armée
de terre dont ces personnels sont en effet issus.