PREMIÈRE PARTIE -
LES RÉSERVES : UN INSTRUMENT
INDISPENSABLE
AU SERVICE DE LA NATION MAIS UNE ORGANISATION DEVENUE
INADAPTÉE
I. UN INSTRUMENT INDISPENSABLE
A. L'ORGANISATION DES RÉSERVES EN FRANCE : UNE MATURATION LONGUE ET DIFFICILE
Un
retour sur l'histoire des réserves permet de dégager trois lignes
force :
- la mise en oeuvre d'une force de réserve apparaît relativement
tardive
et ne se concrétise vraiment qu'en 1872 ;
- l'absence de réserve pendant les deux premiers tiers du XIXe
siècle a représenté un incontestable
facteur de
fragilité
pour notre armée ;
- enfin, dans la mise en place d'une force de réserve, les
considérations liées à des objectifs militaires ont
prévalu sur toutes autres et notamment sur le souci de nourrir le lien
entre l'armée et la Nation.
L'histoire des réserves se confond en partie avec celle de la
conscription ; réserves et conscription ont en effet une même
finalité : assurer le renfort nécessaire à
l'armée de métier quand les circonstances le justifient.
Les réserves ont d'abord pour objectif la défense du territoire
contre la menace d'invasion. En effet, la Nation a alors besoin de toutes ses
ressources afin d'assurer la garde aux frontières ou de former des
unités de seconde ligne. Le contexte commande avant tout de faire face
par la masse des effectifs :
le poids du nombre apparaît alors
déterminant
.
La nécessité de mobiliser un aussi grand concours de forces ne
s'est imposé que tardivement, au moment où la guerre change de
visage, quand les luttes dynastiques laissent la place aux conflits entre
nations. La
Révolution
représente à cet
égard une date fondatrice.
Les réserves deviendront une préoccupation majeure à la
charnière du siècle dernier quand sonne l'éveil des
nationalités.
L'absence de réserve organisée pendant la première
moitié du XIXe siècle a représenté pour la France
une source de fragilité dans les conflits où l'armée s'est
trouvé engagée. Sans doute les projets de réforme
n'ont-ils pas manqué, mais ils sont restés, faute de moyens et,
surtout, faute d'une réelle volonté politique, inaboutis. Seul le
traumatisme provoqué par la défaite des troupes impériales
à Sedan, en 1870, a créé le choc nécessaire
à la mise en place d'une véritable force de
réserve.
1. 1789-1870 : les réserves introuvables
.
La
Révolution et l'Empire
Sous la Révolution, les besoins en hommes des armées sont d'abord
alimentés en 1791 par le système de l'enrôlement libre
destiné à renforcer les 150 000 hommes de l'Armée royale
puis, compte tenu de l'insuffisance des volontaires, par la combinaison du
tirage au sort et des réquisitions.
La loi Jourdan
(5 septembre 1798), inspirée par le souci
d'assurer à l'armée un recrutement stable, pose l'obligation pour
tous du service militaire d'une durée de cinq ans. Ce principe est
assorti cependant de nombreuses exemptions et dispenses.
Sous le
Consulat
, les conscrits sont classés par tirage au sort
d'un numéro : les numéros inférieurs au contingent
autorisé par la loi mais supérieurs au contingent effectivement
levé font partie de la réserve et peuvent être
rappelés en cas de nécessité.
C'est toutefois à la garde nationale forte de plusieurs centaines de
milliers de volontaires et destinée à assurer au premier chef,
une force de sécurité intérieure, que Napoléon aura
recours à plusieurs reprises lors de ses différentes campagnes
militaires.
.
La loi Gouvion-Saint-Cyr (18 mars 1818)
Ce texte prévoit une procédure d'" appel " compensant
en cas de besoin des armées l'insuffisance des engagements volontaires.
Ce recrutement complémentaire procédait de la convocation
annuelle de 40 000 hommes désignés par le sort parmi les jeunes
gens de 20 ans. Après leur libération -au terme d'un service de 6
ans- soldats et sous-officiers sont versés, pendant 5 ans, dans une
réserve instruite, " la vétérance ".
En 1824 ces compagnies de vétérans sont dissoutes et la
réserve désigne la partie non appelée et donc non
instruite de chaque classe.
La
loi Soult
(21 mars 1832) inverse les principes prévus par la
loi du 18 mars 1818 et fonde désormais le recrutement sur l'appel (selon
des modalités inchangées : tirage au sort et
possibilité de remplacement). Au terme d'un service de sept ans, les
soldats demeurent tenus à des revues et exercices périodiques.