II. L'ANALYSE DES PROPOSITIONS DE RÈGLEMENT E 1203 ET E 1230
A. LA PROPOSITION RELATIVE AUX ACTIONS STRUCTURELLES DANS LE SECTEUR DE LA PÊCHE
1. Présentation de la proposition de règlement E 1203
La
proposition de règlement n°
COM (1998) 728 final
vise
à remplacer le règlement n° 3699/93 qui définit
les conditions d'intervention de l'instrument financier d'orientation de la
pêche (IFOP).
Rappelons que l'IFOP est un fonds structurel spécifique au secteur de la
pêche.
Les actions structurelles pour la période 2000-2006 dans le domaine de
la pêche visent, comme le font actuellement les mesures
programmées pour la période 1994-1999, à :
- contribuer à atteindre un équilibre durable entre les
ressources halieutiques et leur exploitation,
- renforcer la compétitivité et le développement
d'entreprises économiquement viables dans ce secteur,
- améliorer l'approvisionnement du marché et la valorisation
des produits de la pêche et de l'aquaculture,
- contribuer à la revitalisation des zones dépendantes de la
pêche.
Votre rapporteur souhaite, à ce stade de la réflexion, apporter
une précision qui lui semble importante et sans laquelle l'analyse du
document E 1203 pourrait apparaître peu compréhensible.
En effet, les actions structurelles dans le secteur de la pêche sont
à l'évidence concernées par la réforme
" Agenda 2000 " " dont la politique structurelle est un des
trois volets, avec la politique agricole commune et les perspectives
financières.
La réforme proposée initialement par la Commission en
matière de fonds structurels propose de répartir entre deux fonds
différents (l'IFOP et le FEOGA Garantie) le financement des actions
structurelles en faveur du secteur :
- Dans les régions d'objectif 1 (les DOM pour la France), l'IFOP
(rubrique 2 du budget) financerait l'ensemble des actions structurelles du
secteur ;
- Dans les régions d'objectif 2 (zones dépendantes de la
pêche), le FEOGA-Garantie financerait les mesures de restructuration de
la flotte, l'IFOP les autres mesures ;
- Dans les régions hors objectif 1 et 2, le FEOGA-Garantie
(rubrique 1 du budget sous la ligne directrice agricole) interviendrait
sur l'ensemble des actions structurelles du secteur.
Cette proposition initiale répond à une logique de concentration
des actions dans un cadre régional.
Alors même qu'en 1993, la mise en oeuvre de l'IFOP avait regroupé
au sein d'un objectif spécifique (objectif 5a pêche), doté
d'un instrument financier unique (l'IFOP) les actions structurelles
éparpillées au sein de différents règlements, la
proposition de la commission remettait en cause l'unité du
système actuel et conduisait à casser la logique de
filière qui prévaut dans le secteur.
Cette initiative de la Commission a reçu un accueil très
réservé de la majorité des Etats membres.
Afin de faire progresser ce dossier, la France a proposé le
12 février dernier trois options :
- la reconduction de l'existant (financement de toutes les actions par
l'IFOP) ;
- le financement de l'ensemble des actions structurelles en faveur de la
pêche par le FEOGA-garantie ;
- dans le cadre des mesures de programmation au titre de l'objectif 2, la
possibilité de programmer l'ensemble des actions structurelles dans le
secteur de la pêche dans un document unique pour tout le territoire, sauf
les zones d'objectif 1, avec un financement par l'IFOP.
La grande majorité des Etats s'est ralliée à cette
troisième option.
Le Conseil de Berlin a entériné le fait que l'IFOP doit
financer l'ensemble des actions structurelles pour la pêche sur tout le
territoire de l'Union européenne dans le respect du règlement
cadre des fonds structurels. La troisième option proposée par la
France a donc été retenue, l'IFOP intervenant pour toutes les
actions structurelles dans les territoires non zonés.
La proposition de règlement
COM(1998)728 final
n'est,
théoriquement, qu'un règlement d'application de la politique
structurelle se limitant à définir les modalités
financières et les conditions de mise en oeuvre des actions
structurelles dans le secteur de la pêche -votre rapporteur reviendra par
la suite sur le caractère global et politique de ce texte qui ne devrait
être qu'un dispositif d'ordre technique-. Néanmoins, comme ce
projet de règlement fixe les demandes d'intervention ainsi que les
modalités d'application des actions structurelles dans le secteur de la
pêche, il devra faire l'objet de certaines modifications pour tenir
compte du Règlement cadre des fonds structurels.
Les principales mesures envisagées dans le texte E 1203 pour
réaliser les objectifs de la politique structurelle dans le secteur de
la pêche sont les suivantes :
- l'élaboration d'un nouveau système de renouvellement de la
flotte, incluant un régime permanent de gestion d'entrées et de
sorties ;
- un renforcement des sanctions à l'encontre des Etats membres en
cas de non-respect des obligations communautaires ;
- des mesures relatives aux " sociétés
mixtes " : ces sociétés sont constituées avec un
ou plusieurs partenaires d'un pays tiers et ont pour objet une activité
commerciale dans le secteur de la pêche dans les eaux relevant de ce
pays, le navire étant enregistré dans celui-ci ;
- des dispositions prenant mieux en compte la petite pêche
côtière ;
- des mesures relatives aux organisations de producteurs ;
- des dispositions d'accompagnement socio-économiques et une
redéfinition du mécanisme actuel relatif aux arrêts
temporaires ;
- la reconduction des actions en faveur d'investissements productifs dans
l'industrie de transformation et dans l'aquaculture ainsi qu'en ce qui concerne
l'équipement des ports de pêche.
Ce projet de règlement comprend 25 articles répartis en 5
titres. Après la définition des objectifs par l'article premier,
- le titre I a trait à la programmation et à la mise en
oeuvre. Il comprend quatre articles relatifs notamment aux dispositions
spécifiques ayant trait aux actions cofinancées par le FEOGA
Garantie et aux programmes d'orientation pluriannuels pour les flottes de
pêche (POP) ;
- le titre II concerne la mise en oeuvre des POP et regroupe 6 articles
relatifs au renouvellement des flottes et à la modernisation des
navires, à l'ajustement des efforts de pêche, aux
sociétés mixtes, aux aides publiques et à la petite
pêche côtière ;
- le titre III est relatif à la protection des ressources
halieutiques des zones marines côtières, à l'aquaculture,
à l'équipement des ports de pêche, à la
transformation et à la commercialisation. Il comprend un article unique
qui mentionne tous les domaines couverts par l'encouragement aux
investissements matériels ;
- le titre IV regroupe 4 articles relatifs à la promotion et
à la recherche de nouveaux débouchés, aux actions mises en
oeuvre par les professionnels, à l'arrêt temporaire
d'activités et aux actions innovatrices et d'assistance technique ;
- le titre V est relatif aux dispositions générales et
financières : il comprend 7 articles.
Soulignons que ce texte devrait être adopté au Conseil
Pêche du 10 juin prochain.
2. Commentaire de la proposition de règlement E 1203
Votre rapporteur comprend tout à fait que la Commission souhaite
renforcer la législation afin de se doter de moyens d'action efficaces
dans ce secteur d'activité
. C'est un fait avéré que la
Commission ne dispose que de peu de pouvoir coercitif en matière
d'entrées et de sorties de flottes, sauf à engager une
procédure en manquement.
Il approuve, de plus, que la Commission ait comme souci le respect des
observations de la Cour des comptes européenne : cette
dernière avait, en effet, constaté certains abus en
matière de sociétés mixtes.
Néanmoins, ce dispositif appelle de nombreuses réserves.
Votre rapporteur regrette, tout d'abord, que cette proposition de la
Commission ait toutes les apparences d'un règlement cadre sur les
actions structurelles, alors qu'il devrait être un texte technique
d'application
. En effet, ce texte met en place un régime de gestion
et d'encadrement de la flotte en durcissant les règles relatives
à la gestion des POP. Ainsi, avant même que ne soient
engagées les négociations sur le POP V, alors que le POP IV
est en cours d'exécution jusqu'en 2001, de nouvelles mesures relatives
à l'élaboration et au suivi des POP et à l'ajustement des
efforts de pêche figurent dans cette proposition de règlement. Le
régime proposé par la Commission doit s'appliquer à partir
du 1
er
janvier 2000, c'est-à-dire dans
l'avant-dernière année d'exécution du POP IV, alors
même que son principe n'a pas été discuté lors de
l'élaboration du POP IV le 26 juin 1997. De plus, quel est
l'intérêt d'élaborer un POP V dès lors que la quasi
totalité des règles figurent dans ce projet de
règlement ? Est-il judicieux de définir des taux de
reconduction des flottes de pêche sans aucune possibilité de
négocier les modalités de sa mise en oeuvre ?
Votre rapporteur s'étonne d'une telle démarche
qui
paraît néanmoins tout à fait logique lorsqu'on examine
attentivement l'article 5 du présent texte. Celui-ci organise, en effet,
un véritable transfert de compétence du Conseil à la
Commission pour l'élaboration des POP.
Cette disproportion entre ce que devrait être le contenu de ce
règlement financier et les mesures qui y figurent, notamment en terme
d'élaboration et de suivi des POP, est d'ailleurs si évidente que
bon nombre d'articles de la proposition de règlement (7, 9, 10, 11 et
13) doivent faire l'objet d'âpres négociations entre les
directeurs des pêches des Etats membres et non de discussions techniques
au sein du groupe de travail " politique intérieure de la
pêche ".
De plus, comme le précise M. Jacques Oudin,
"
le
régime de contrôle permanent des entrées et sorties,
paraît excessivement rigide
".
Votre rapporteur
décèle dans cette mesure le souci quasi permanent de la
Commission de répondre aux critiques qui lui sont adressées dans
les instances internationales : " l'Union européenne
financerait en permanence le secteur des pêches accélérant
l'épuisement de la ressource ". Le durcissement du contrôle
des entrées et sorties proposé initialement par la Commission
conduit à mettre en place une gestion individuelle des navires (article
7). Chaque construction ou remotorisation à puissance supérieure
devrait s'accompagner de la radiation d'un navire de capacité au moins
équivalente en puissance et en jauge. Il est, en outre, indiqué
qu'un navire radié ne peut pas être transféré ni
vers un autre Etat membre, ni vers un pays tiers.
Votre rapporteur approuve sans réserve M. Jacques Oudin lorsqu'il
écrit que, sur ce point,
" la proposition de la Commission
paraît clairement contraire au principe de subsidiarité
"
puisqu'il appartient à chaque Etat membre de mettre en oeuvre les moyens
adéquats pour parvenir à un équilibre en termes de
capacité de flottes conforme aux prescriptions communautaires
.
Par ailleurs, votre rapporteur se félicite de ce que le Gouvernement
ait exprimé ses plus vives préoccupations face aux mesures
relatives aux aides au renouvellement et à la modernisation de la
flotte
. La Commission européenne propose, en effet, que l'octroi
d'aides à la construction de navires, et plus généralement
à la création de nouvelles capacités, soit
subordonnée à la destruction d'une capacité égale
à 130 % de la capacité créée, en jauge et en
puissance (article 10). Les conséquences d'une telle disposition sont
des plus dangereuses, tout d'abord, pour l'avenir de la modernisation de notre
flotte : puisque, seul un renouvellement s'accompagnant d'une diminution
de la capacité de pêche du navire pourrait
bénéficier d'une aide, sans que l'ancienneté des navires
soit prise en compte.
Il est, à cet égard, important de signaler que, contrairement
à ce que prétend la Commission, un plus grand recours aux
technologies ne se traduit pas nécessairement par une augmentation de
la capacité de la flotte.
De plus, une telle disposition conduira à une accélération
du mouvement de concentration avec des effets dévastateurs en terme de
diversité de la flotte française et donc d'approvisionnement du
marché et d'emplois.
Enfin, les récents amendements présentés par la
Présidence allemande visant à ce que les navires soient
construits en conformité avec les textes communautaires relatifs
à la santé et aux conditions de vie des marins sont, en pratique,
vidés de leur substance par l'article 10 : en effet, les
constructeurs pourraient être amenés à réduire
l'espace réservé aux marins pour appliquer cette règle en
maintenant, autant que possible, la capacité de pêche.
Votre rapporteur regrette, ensuite, que le projet de règlement
modifie de façon inopportune les critères de priorité pour
les projets éligibles en matière de promotion et de recherche de
nouveaux débouchés.
Enfin, comme le souligne à juste titre M. Jacques Oudin, le
renouvellement de la flotte pourrait se trouver fortement entravé par la
proposition de la Commission prévoyant une réduction du
barème des interventions communautaires dans les zones " Objectif
2 ". En effet, dès lors que la construction d'un navire est
prévue, le taux maximum de cofinancement (regroupant les aides de
l'Union européenne, de l'Etat et des collectivités locales)
s'élève à 40 % de l'investissement primable. L'Union
européenne peut actuellement financer les trois-quarts de ce taux, soit
30 % de l'investissement.
Or, le projet de règlement abaisse
cette participation de 30 % à 15 %.
B. LA PROPOSITION RELATIVE À L'ORGANISATION COMMUNE DE MARCHÉ DANS LE SECTEUR DE LA PÊCHE
1. L'économie du texte E 1230
La
proposition du règlement n°
COM (1999) 55 final
vise
à remplacer le règlement 3759/92 relatif au volet
" marché " de la politique commune de la pêche.
Soulignons que la France, après la crise de la pêche de
1993-1994, avait souhaité la réforme de cette OCM afin de
renforcer le rôle des OP dans la régulation du marché et de
donner une base obligatoire aux différentes interventions.
C'est en décembre 1997 que la commission a présenté un
document d'orientation sur l'avenir du marché des produits de la
pêche et de l'aquaculture, dans lequel elle préconisait une
réforme de l'OCM. A la suite de ce document, qui a été
débattu lors du Conseil du 8 juin 1998 et auquel la France a
réagi par un mémorandum en avril 1998, la Commission a
présenté au Conseil un projet de règlement qu'elle a
adopté fin février, en interne, rénovant l'OCM en
profondeur.
La proposition de la Commission repose sur
quatre objectifs
principaux
:
- permettre une contribution de l'OCM à une gestion responsable des
ressources en éliminant les risques de gaspillage de celles-ci,
- améliorer la transparence et la connaissance du marché et
des produits, et développer l'information des consommateurs,
- donner une place plus importante aux producteurs dans l'organisation du
marché en renforçant le rôle de leurs organisations, et
encourager les partenariats entre les acteurs de la filière par la
reconnaissance d'organisations interprofessionnelles,
- permettre l'approvisionnement de l'industrie de transformation
communautaire dans des conditions conformes aux exigences de sa
compétitivité dans l'environnement international, par un
ajustement de la politique tarifaire.
La proposition de règlement de la Commission comprend
six titres regroupant 43 articles
:
- le titre I est relatif aux normes de commercialisation et à
l'information du consommateur ;
- le titre II ayant trait aux organisations de producteurs (OP) comporte
un chapitre I sur les conditions, l'octroi et le retrait de la reconnaissance,
un chapitre II sur la reconnaissance spécifique, un chapitre III sur
l'extension des règles aux non adhérents et un chapitre IV sur le
programme opérationnel de campagne de pêche ;
- le titre III porte sur les organisations et les accords
interprofessionnels ;
- le titre IV concerne les prix et les interventions ;
- le titre V a trait au régime des échanges avec les pays
tiers ;
- le titre VI regroupe diverses dispositions générales.
Six mesures nouvelles peuvent être clairement dégagées
de ce texte
. Il s'agit de :
-
l'amélioration de l'information du consommateur
(titre I),
par l'obligation d'un étiquetage des produits de la pêche et de
l'aquaculture, lors de la vente au détail, d'informations sur la
dénomination commerciale, la méthode de production (pêche
ou aquaculture) et le lieu de capture.
-
le renforcement du rôle des organisations de producteurs
(titre II) dans la gestion de la ressource et l'organisation du
marché.
La Commission propose que les OP aient l'obligation de mettre en oeuvre, par
l'intermédiaire de programmes opérationnels de campagne de
pêche, des mesure de gestion de la production de leurs adhérents,
et qu'elles bénéficient, en contrepartie de cette obligation,
d'une aide forfaitaire dégressive pendant cinq ans. Les OP pourraient,
en outre, bénéficier d'une aide forfaitaire
supplémentaire, non dégressive, pendant 5 ans, dès lors
que leur programme prévoit la commercialisation d'au moins 10 % de
la production de l'OP par l'intermédiaire de contrats de prévente.
-
la rénovation des mécanismes d'intervention afin de
favoriser la non destruction des produits retirés du marché
.
La Commission préconise de favoriser le mécanisme du report
(indemnisation des OP pour le report sur d'autres marchés des produits
retirés du marché du frais en cas de mévente) aux
dépens du mécanisme de retrait (indemnisation pour la destruction
de ces produits). Pour cela, elle propose d'une part, et d'abaisser le
pourcentage maximum de la production d'une OP pouvant faire l'objet d'un
retrait et de réduire l'indemnité versée aux OP ;
D'autre part, elle souhaite augmenter le pourcentage maximum de la production
pouvant faire l'objet d'un report, augmenter l'indemnité versée
aux OP et assouplir les modalités d'accès à ce
régime. Enfin, la Commission supprime le mécanisme de retrait
spécifique aux cas de crise.
-
la reconnaissance d'organisations interprofessionnelles par les Etats
membres
, sous réserve d'un contrôle a priori par la
Commission, et l'extension de certains de leurs accords aux non
adhérents.
-
la révision -restrictive- du régime de
l'indemnité compensatoire " thon ",
par l'abaissement du
seuil déclenchant le versement de cette indemnité. Actuellement,
cette indemnité est versée lorsque les prix sont égaux ou
inférieurs à 91 % du prix de déclenchement
communautaire. La Commission a ainsi proposé d'abaisser ce seuil
à 85 %.Cette proposition avait déjà été
effectuée en 1994 et rejetée à l'époque par les
Etats membres, dont la France.
- la révision du régime des échanges avec les pays
tiers pour faciliter les importations
La Commission souhaite que les industries communautaires de transformation
bénéficient de conditions d'approvisionnement plus
compétitives et plus stables, en particulier pour des espèces
dont l'offre communautaire est insuffisante (morue, lieu d'Alaska, surimi,
grenadier bleu, longes de thon, crevettes nordiques et harengs). Elle
préconise ainsi que les droits de douane à l'importation pour ces
espèces soient suspendus totalement ou partiellement pour une
durée indéterminée, sans limitation de volume. Ces
suspensions tarifaires remplaceraient les actuels contingents tarifaires
autonomes négociés chaque année.
En résumé, cette proposition reflète le souci de la
Commission de concilier les intérêts parfois contradictoires des
secteurs de la production et de la transformation, et offre
l'opportunité de traiter de manière différente
l'organisation du marché du frais de celui de la transformation.
Le succès de la démarche engagée par la Commission repose
sur la réalisation d'un équilibre entre ces deux marchés.
Votre rapporteur remarque que l'ensemble de ces mesures pourrait conduire,
dans un premier temps, à un accroissement des dépenses
liées à l'OCM
(20 millions d'euros en 2001,
25 millions d'euros en 2004),
puis à une diminution, dans un
second temps
, à 15,5 millions d'euros en 2007.
2. L'analyse de la proposition de règlement E 1230
Votre
rapporteur souhaite rappeler, à titre liminaire,
le contexte qui a
présidé à cette réforme
. Tout d'abord, la
plupart des mécanismes d'intervention sur le marché de la
pêche sont facultatifs -notamment l'intervention des OP-, ce qui nuit
à l'efficacité des actions entreprises et crée des
distorsions de concurrence entre les Etats membres.
De plus, l'Union européenne importe 60 % de ses besoins en produits
de la pêche des pays tiers, ce qui n'est pas sans conséquences sur
l'organisation de ce marché.
Enfin la majorité des pays de l'Union sont transformateurs et souhaitent
obtenir une matière première à bas prix.
La France a demandé depuis plusieurs années une réforme
de l'OCM afin que soient améliorées les conditions de
valorisation des produits de la pêche communautaire.
Plusieurs dispositions répondent aux préoccupations
françaises
, notamment l'étiquetage minimal obligatoire des
produits jusqu'à la vente au détail, la reconnaissance
d'organisations interprofessionnelles, le renforcement et la responsabilisation
des organisations de producteurs par un soutien à des programmes
opérationnels de campagne de pêche, ainsi que la rénovation
du régime des interventions par un encouragement à l'utilisation
du régime du report aux dépens du retrait.
Néanmoins, comme l'a souligné la France, à maintes
reprises depuis le début de cette négociation,
ce texte est
déséquilibré,
car la production communautaire se voit
offrir des moyens insuffisants pour renforcer sa compétitivité,
alors qu'une ouverture excessive aux importations est préconisée.
Votre rapporteur fait les observations suivantes :
Sur la valorisation du marché du frais :
- Si la commission propose un renforcement de l'identification du produit
par l'adoption de règles communautaires d'identification du produit et
par la reconnaissance de démarches volontaires de qualité
,
votre rapporteur considère la mise en place d'une catégorie
" fraîcheur " comme difficilement applicable et
contrôlable
à tous les stades de la vente. En effet, quel
poissonnier, détaillant ou grande surface, irait classer un produit en
catégorie " non frais " ?
Par ailleurs, il est important que les consommateurs soient garantis contre
les mentions trompeuses ou de nature à les induire en erreur
. A cet
égard, s'il est nécessaire de différencier les produits de
la pêche communautaire et les produits de la pêche de pays tiers
sur la base du pavillon des navires, l'usage du terme " origine "
dans ce cas là n'est pas adapté car il revêt un sens
différent dans d'autres réglementations.
- La commission propose, de plus, d'améliorer l'organisation de la
filière notamment par un renforcement du rôle des OP et par le
développement d'organisations interprofessionnelles.
Plusieurs de ces dispositions recueillent l'approbation de votre rapporteur
mais elles apparaissent trop déséquilibrées par rapport
aux moyens offerts aux OP pour assurer leurs responsabilités. En outre,
le contenu des programmes opérationnels de campagne de pêche
apparaît trop contraignant
.
- La commission propose, enfin, une adaptation des outils d'intervention
du marché et leur intégration dans une logique de filière.
Sur ce point, votre rapporteur se félicite de la position du
Gouvernement qui considère comme inopportune la réduction de
l'indemnisation versée aux OP dans le cadre des opérations de
retrait-destruction
. Votre rapporteur rappelle que nul opérateur de
la filière " pêche " n'a intérêt à
pratiquer un retrait systématique. D'ailleurs, depuis deux ans, le
pourcentage du retrait baisse régulièrement.
Sur la question de la concurrence loyale pour les approvisionnements
de l'industrie de transformation :
- Votre rapporteur reconnaît que l'approvisionnement à partir
des pays tiers traduit un besoin structurel et doit être
préservé.
Néanmoins,
la proposition de la Commission, qui inciterait, de
façon modeste et temporaire, les transformateurs à passer des
contrats d'approvisionnement avec les producteurs communautaires,
n'apparaît pas de nature à modifier le caractère
structurellement déficitaire de l'approvisionnement des industries de la
transformation
.
Compte tenu de la structure de la production communautaire, l'aide à la
contractualisation de l'approvisionnement proposée par la Commission ne
pourra jamais concerner que des volumes très limités au regard
des besoins de l'industrie de transformation.
Par ailleurs, un tel dispositif pourrait inciter au développement de
productions destinées exclusivement à la transformation,
faiblement valorisées, dont les prix de vente, indépendants des
prix de retrait selon la proposition de la Commission, provoquerait à
coup sûr des perturbations sur le marché du frais. Enfin, la mise
en place de telles mesures incitatives risquerait de provoquer une pression de
pêche excessive, mettant en danger la ressource.
-
De plus, votre rapporteur s'inquiète du nouveau régime
de suspensions tarifaires suggéré par la commission, qui porte
pour des durées indéterminées sur plusieurs
espèces
, dont certaines produites en quantité importante dans
l'Union européenne ou dans des pays avec lesquels l'UE a conclu des
accords de coopération et de développement. Le secteur des
produits de la pêche est déjà très ouvert aux
importations (multiples accords tarifaires préférentiels avec des
pays tiers) et les prochaines négociations à l'OMC vont
entraîner de nouveaux démantèlements tarifaires.
Votre
rapporteur ne peut donc accepter le principe des suspensions tarifaires
proposé par la Commission
.
Comme le souligne, à juste titre, M. Jacques Oudin
" la
cohérence de la politique communautaire de la pêche
disparaîtrait : à quoi bon soutenir la filière
pêche et encourager une " gestion responsable " de la
ressource, si l'on adopte par ailleurs une politique commerciale compromettant
la survie de cette filière en lui faisant subir de plein fouet la
concurrence de pays tiers souvent affranchis, pour leur part, de la plupart des
contraintes pesant sur les producteurs européens ? "
-
N'est pas, non plus, acceptable l'évolution du régime
de l'indemnité compensatoire " thon "
proposée par
la Commission, qui paraît injustifiée. En effet, la commission
propose pour les longes de thon d'abaisser l'indemnité compensatoire de
6 points pour une durée indéterminée.