EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX
ALTERNATIVES
AUX POURSUITES ET A LA COMPOSITION PÉNALE
Article 1
er
(Articles 41-1 à 41-3 du
code de procédure pénale)
Alternatives aux poursuites et
composition pénale
L'article 1
er
du projet de loi tend à
insérer trois nouveaux articles dans le code de procédure
pénale, numérotés 41-1 à 41-3.
• Le texte proposé pour l'
article 41-1
du code
de procédure pénale a pour objet d'inscrire dans la loi certaines
mesures d'ores et déjà utilisées par les procureurs comme
alternatives aux poursuites. Il s'agit d'inscrire dans la loi la
possibilité pour le procureur de la République de :
- procéder au rappel auprès de l'auteur des faits des
obligations résultant de la loi ;
- orienter l'auteur des faits vers une structure sanitaire, sociale ou
professionnelle ;
- demander à l'auteur des faits de régulariser sa situation
au regard de la loi ou des règlements ;
- demander à l'auteur des faits de réparer le dommage
résultant de ceux-ci ;
- procéder, avec l'accord des parties, à une mission de
médiation entre l'auteur des faits et la victime.
En première lecture, le Sénat avait estimé inopportun
d'inscrire ces mesures dans la loi, considérant qu'elles étaient
fort bien connues et relevaient davantage d'une circulaire du garde des sceaux
que de la loi. Devant le Sénat, Mme Elisabeth Guigou, Garde
des Sceaux, avait souhaité le maintien de cet article, en indiquant
notamment
" que l'inscription dans la loi de ces mesures donnera un
fondement légal plus solide aux articles réglementaires qui
prévoient aujourd'hui, au titre des frais de justice, la tarification
des indemnités dues au délégué du procureur ainsi
qu'à ceux qui prévoient leur habilitation "
.
L'Assemblée nationale a décidé de rétablir le texte
proposé pour l'article 41-1 du code de procédure
pénale, tout en modifiant les dispositions relatives à la
médiation pénale afin de prévoir la mise en oeuvre de
celle-ci par un médiateur extérieur au corps judiciaire.
Votre commission, dans un souci de conciliation, vous propose d'accepter le
texte proposé pour l'article 41-1.
• Le texte proposé pour l'
article 41-2
du code
de procédure pénale vise à créer une nouvelle
procédure, la composition pénale, qui pourrait être
proposée par le procureur à une personne majeure reconnaissant
avoir commis certains délits ou contraventions limitativement
énumérés. Le procureur pourrait proposer à l'auteur
des faits une ou plusieurs des mesures suivantes : le versement d'une
amende de composition au Trésor public, le dessaisissement au profit de
l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à
commettre l'infraction ou qui en est le produit, la remise au greffe du
tribunal de grande instance du permis de conduire ou du permis de chasser pour
une période maximale de quatre ans, la réalisation d'un travail
non rémunéré, enfin la réparation des dommages
causés à la victime lorsqu'elle est identifiée.
En première lecture, le Sénat avait apporté plusieurs
modifications au dispositif proposé. Il avait en particulier
décidé de qualifier cette nouvelle mesure de composition
pénale plutôt que de compensation judiciaire comme le
prévoyait le projet initial. Le Sénat avait ensuite
souhaité que la composition pénale puisse être
proposée par l'intermédiaire d'un officier ou d'un agent de
police judiciaire afin de la rendre compatible avec le
" traitement
direct "
des affaires. Il avait prévu que le montant de
l'amende de composition ne pourrait dépasser ni 50.000 F, ni la
moitié de la peine maximale d'amende encourue pour l'infraction commise,
alors que le projet initial prévoyait un montant maximal de
10.000 F. Le Sénat avait enfin enfermé la réparation
des dommages dans un délai maximal de six mois.
L'Assemblée nationale a accepté de qualifier cette mesure de
composition pénale.
Elle a en revanche apporté plusieurs modifications au dispositif
adopté par le Sénat. Elle a souhaité préciser qu'il
serait impossible de recourir à une composition pénale une fois
l'action publique mise en mouvement.
Elle a complété la liste
des délits susceptibles de donner lieu à composition
pénale en y incluant le délit d'usage illicite de
stupéfiants prévu par l'article L. 628 du code de la
santé publique, ainsi que le délit de rébellion.
Dans un premier temps, la commission des Lois de l'Assemblée nationale a
envisagé de supprimer la possibilité que la composition
pénale puisse être proposée par l'intermédiaire d'un
officier ou d'un agent de police judiciaire. Elle s'est finalement
ralliée à un amendement du Gouvernement, qui prévoit que
la composition pourra être proposée par l'intermédiaire
d'un officier de police judiciaire, mais non par l'intermédiaire d'un
agent. Un document écrit du procureur mentionnant ses propositions devra
être joint au dossier de la procédure. En outre, la composition
pénale ne pourra être proposée pendant une mesure de garde
à vue.
L'Assemblée nationale a par ailleurs ramené le montant maximal de
l'amende de composition à 10.000 F. Elle a porté de six mois
à un an le délai maximum pour verser l'amende de composition.
Elle a également prévu que la composition pénale pourrait
être proposée dans une maison de justice et du droit. Elle a
souhaité la transmission de la copie du procès-verbal à la
personne à qui est proposée une composition pénale ainsi
que l'information de l'auteur des faits et de la victime de la validation ou du
rejet de la procédure par le magistrat du siège. Enfin,
l'Assemblée nationale a adopté un amendement étendant la
suspension de la prescription de l'action publique jusqu'à la date
d'expiration des délais impartis pour exécuter la composition
pénale (le projet initial prévoyait la suspension de la
prescription entre la date de la proposition de la composition par le procureur
de la République et la date fixée par ce dernier pour
répondre à la proposition).
Votre commission accepte la plupart des modifications apportées
à la procédure par l'Assemblée nationale
. Elle estime
que le dispositif retenu pour la proposition d'une composition pénale
par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire est
équilibré. Elle approuve également les dispositions
tendant à renforcer les garanties entourant la procédure, en
particulier en ce qui concerne l'information de l'auteur des faits et de la
victime. Enfin, votre commission est favorable à l'allongement du
délai prévu pour verser l'amende de composition.
Persuadée de l'importance de cette nouvelle procédure et
soucieuse de parvenir à un texte qui contribuera effectivement à
renforcer l'efficacité de la procédure pénale, votre
commission vous propose néanmoins quelques modifications au texte
adopté par l'Assemblée nationale.
En premier lieu, compte tenu notamment des garanties nouvelles qu'a
souhaité prévoir l'Assemblée nationale dans le
déroulement de la procédure, il paraît possible d'envisager
une
extension du champ d'application de la composition pénale
.
L'Assemblée nationale elle-même a complété la liste
des délits susceptibles de donner lieu à composition en y
incluant l'usage illicite de stupéfiants, ainsi que la rébellion.
La composition pénale est une mesure tout à fait novatrice, dans
la mesure où elle permettra la mise en oeuvre d'une procédure
simplifiée en cas de reconnaissance des faits par leur auteur. Il s'agit
donc d'une forme de "
plaider coupable
" qui peut permettre de
réels progrès dans l'efficacité de notre justice. Il
paraît souhaitable de lui donner un champ d'application suffisamment
large, afin qu'elle puisse permettre une diminution des mesures de classement
sans suite, mais également, dans certains cas, une diminution du nombre
des affaires portées devant les tribunaux correctionnels.
Il convient
de garder à l'esprit que l'utilisation de la composition pénale
ne sera qu'une faculté pour le procureur de la République qui, en
fonction notamment des circonstances et du comportement de l'auteur des faits,
pourra décider d'engager des poursuites ou de classer une
procédure.
Dans ces conditions, votre commission vous propose, par un
amendement
,
de compléter la liste des délits susceptibles de donner lieu
à composition pénale en y incluant
le délit de conduite
sous l'empire d'un état alcoolique, inscrit à l'article L.
1
er
du code de la route
.
La conduite sous l'empire d'un état alcoolique est une infraction grave
presque systématiquement poursuivie. Dans ces conditions, dans certains
tribunaux correctionnels, cette infraction représente plus de la
moitié des affaires venant à l'audience. Il ne paraît pas
choquant d'envisager des réponses différentes, prenant en
considération l'importance de l'alcoolémie constatée ou la
conscience qu'a l'auteur des faits de la gravité de son comportement.
Une circulaire du garde des sceaux pourrait préciser aux procureurs les
cas dans lesquels la composition pénale pourrait le plus utilement
être proposée.
L'inscription de la conduite sous l'empire d'un état alcoolique parmi
les délits susceptibles de donner lieu à composition
pénale ne constituera en rien un affaiblissement de la
répression. En effet, le procureur peut proposer plusieurs mesures dans
le cadre d'une composition pénale, qui correspondent aux sanctions
habituellement infligées par les tribunaux correctionnels : amende
de composition, remise du permis de conduire, travail non
rémunéré au profit de la collectivité. Votre
commission vous propose par ailleurs l'insertion d'un article additionnel, afin
que la mise en oeuvre d'une composition pénale entraîne, au
même titre qu'une condamnation par le tribunal correctionnel, un retrait
de points affectés au permis de conduire.
Dans ces conditions, la seule sanction que le procureur ne pourra utiliser dans
le cadre de la composition pénale est celle de l'emprisonnement. Or,
dans les cas les plus graves de conduite sous l'empire d'un état
alcoolique, le procureur n'aura pas recours à la composition, mais
mettra en mouvement l'action publique.
Ainsi, le recours à la
composition pénale en matière de conduite sous l'empire d'un
état alcoolique pourrait permettre d'améliorer
l'efficacité de notre justice pénale en soulageant les tribunaux
correctionnels de certaines affaires sans avoir pour conséquence
d'affaiblir la répression.
Par ailleurs, votre commission persiste à estimer que le montant maximal
de 10.000 F prévu pour l'amende de composition est insuffisant. Si
le procureur, dans certains cas spécifiques, ne dispose pas d'une
certaine marge en ce qui concerne les mesures qu'il pourra proposer, il risque
d'être conduit à renoncer à utiliser cette
procédure. Il convient de garder à l'esprit que la composition
pourra être refusée par l'auteur des faits et que les mesures
proposées devront être validées par un magistrat du
siège. Votre commission vous propose donc, par un
amendement
, de
porter à 25.000 F le montant maximal de l'amende de composition.
• Le texte proposé pour l'
article 41-3
du code
de procédure pénale tend à étendre la nouvelle
procédure de composition pénale aux violences et
dégradations contraventionnelles. Le projet de loi initial
prévoyait que, dans ce cas, le montant de la somme versée au
Trésor public ne pouvait dépasser 5.000 F.
L'Assemblée nationale a modifié le texte pour prévoir que
ce montant ne devrait, en outre, pas dépasser la moitié du
maximum de l'amende encourue, comme en matière délictuelle.
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier
ainsi
modifié
.
Article 2
(Article 41 du code de procédure
pénale)
Mesure de coordination avec l'article
précédent
Cet
article tend à supprimer le premier alinéa de l'article 41
du code de procédure pénale, relatif à la médiation
pénale, pour tenir compte de l'inscription de cette mesure à
l'article 41-1 du même code parmi les autres alternatives aux
poursuites.
En première lecture, le Sénat avait supprimé cet article,
dans la mesure où il estimait inopportun d'inscrire dans la loi
certaines mesures déjà utilisées par les procureurs de la
République. L'Assemblée nationale a rétabli cet article,
refusant la suppression du texte proposé pour l'article 41-1 du
code de procédure pénale.
Compte tenu des décisions prises à l'article premier, votre
commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article additionnel
(Articles L 11-1, L 30 et L 32 du
code
de la route)
Retrait de points affectés au permis de conduire
en cas de composition pénale
L'article L. 11-1 du code de la route prévoit notamment
que
le délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique donne
lieu de plein droit à une réduction du nombre de points
affectés au permis de conduire. Cet article précise que la
réalité de l'infraction est établie par une condamnation
devenue définitive.
Afin de ne pas affaiblir la répression, votre commission vous propose
de compléter l'article L. 11-1 du code de la route pour prévoir
que la réalité de l'infraction sera également
établie par l'exécution d'une composition pénale.
Votre commission vous propose en outre une modification des articles L. 30 et
L. 32 du code de la route afin de prévoir l'information par
l'autorité judiciaire des services du ministère de
l'intérieur compétents en matière de gestion du permis
à points en cas d'exécution d'une composition pénale.
Article2 bis
(Article 6 du code de procédure
pénale)
Coordination
L'assemblée nationale a adopté un article
additionnel
destiné à prendre en considération la mise en oeuvre de la
procédure de composition pénale dans l'article 6 du code de
procédure pénale, relatif aux causes d'extinction de l'action
publique pour l'application de la peine.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2 ter
(Loi n° 91-647 du 10 juillet
1991
relative à l'aide juridique)
Extension de l'aide juridique
à la composition pénale
Cet
article, inséré dans le projet de loi à l'initiative de
l'Assemblée nationale, tend à modifier les articles premier et 64
de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à
l'aide juridique, afin d'étendre à la nouvelle mesure de
composition pénale le bénéfice de l'aide juridique. Il
permet en outre d'opérer une coordination dans l'article 64 de
cette loi, rendue nécessaire par le déplacement des dispositions
relatives à la médiation pénale de l'article 41
à l'article 41-1 du code de procédure pénale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.