II. LE PROJET DE LOI : LA PROMOTION DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN MILIEU URBAIN ET LA RECHERCHE D'UNE SIMPLIFICATION DU RÉGIME DE LA COOPÉRATION INTERCOMMUNALE
A. LA PROMOTION DE L'INTERCOMMUNALITÉ EN MILIEU URBAIN
1. Une nouvelle structure : la communauté d'agglomération
Poursuivant l'objectif de promouvoir la taxe professionnelle en milieu urbain et la mise en commun des compétences structurantes pour l'agglomération, le projet de loi ( chapitre 1er du titre 1er ) prévoit la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale : la communauté d'agglomération .
a) La définition de l'agglomération
La
notion d'agglomération n'ayant pas de définition
législative ou réglementaire, elle est identifiée selon
trois critères
qui sont exposés dans l'étude d'impact
du projet de loi : le
bassin d'emploi
, l'existence d'un
espace
territorial homogène
et un
champ de compétences qui
favorise l'intercommunalité de projet.
•
Le bassin d'emploi
Selon la nomenclature établie par
l'INSEE
,
l'aire urbaine
est un ensemble de communes d'un seul tenant et sans enclave, constitué
par un pôle urbain qui rassemble au moins
5 000
emplois et par des
communes rurales ou unités urbaines dont au moins
40%
de la
population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou les
communes attirées par celui-ci. Il y aurait ainsi en France
361
aires urbaines regroupant près des trois quarts de la population, soit
41
millions d'habitants.
Cependant
ce critère
ne serait
pas à lui seul
suffisant
, dans la mesure où seraient alors visées des
communes dont la plus grande n'atteint pas
10 000
habitants et sur des
territoires exigus. Or l'étude d'impact souligne que "
la
pertinence du périmètre qui s'articule d'abord sur la
continuité territoriale
de la structure intercommunale est un
facteur essentiel pour un fonctionnement durable
".
•
Un espace économique et social cohérent
Parmi les
361
aires urbaines recensées en 1990,
142
dépassent le seuil de
50 000
habitants. Elles regroupent
23%
des communes métropolitaines et
64%
de la population,
soit
8 370
communes et
36 783 000
habitants (Paris
inclus). Toutes ces aires urbaines sauf une
3(
*
)
comprennent au moins une commune de
15 000
habitants.
En définissant l'agglomération à partir d'un espace de
50 000
habitants comprenant au moins une commune de
15
000
habitants, on recense
141
aires urbaines, représentant
une population de
36 668 000
habitants.
Ce
double critère démographique
a été retenu
par les auteurs du projet de loi, afin, selon l'étude d'impact, de
"
ne pas faire figurer dans cette catégorie des regroupements
qui ne seraient que la simple adjonction de communes sans véritable
centre urbain
". Seraient ainsi concernées à la fois les
communes à forte activité économique et celles où
réside une partie de la population travaillant dans les premières.
L'agglomération ainsi définie correspondrait à un
pôle de développement
auquel s'agrège une politique
de services à la population autour d'une commune centre.
•
Des compétences favorisant une intercommunalité de
projet
La solidarité spatiale et économique doit, enfin, s'appuyer sur
l'exercice de
compétences
qui garantissent le fonctionnement
durable de l'établissement public de coopération intercommunale.
Ces compétences remplissent une fonction de solidarité à
l'intérieur de l'agglomération mais doivent également
constituer un facteur " intégrateur " pour sa
périphérie.
b) Les caractéristiques de la communauté d'agglomération
•
Les conditions de création et la définition du
périmètre
Répondant à ces critères, la communauté
d'agglomération pourra être créée sous
réserve que
trois conditions
soient remplies : une
population
totale
regroupée
d'au moins 50 000
habitants, l'existence
d'une
commune centre
de
15 000
habitants, un territoire
d'un
seul tenant et sans enclave
formant un ensemble urbain (
article 1er
).
Dans le but d'éviter les périmètres " de
circonstance ", le projet de loi, outre une exigence de continuité
territoriale, confère au
représentant de l'Etat
un
pouvoir d'appréciation sur le périmètre
. Ces deux
mesures seront également applicables aux autres catégories
d'établissement public de coopération intercommunale (
article
21
).
Le représentant de l'Etat se voit par ailleurs reconnaître un
pouvoir
d'initiative
-qui lui est également
conféré pour les autres catégories d'établissement
public de coopération intercommunale- afin de faciliter la
création des communautés d'agglomération. L'absence de
réponse des communes dans le délai de
trois mois
, à
compter de la transmission de l'arrêté de périmètre
pris par le représentant de l'Etat,
vaudra accord
des conseils
municipaux concernés, étant entendu que la création de la
communauté d'agglomération sera subordonnée à
l'accord d'une majorité qualifiée de conseils municipaux.
•
Les compétences
Le projet de loi dote la communauté d'agglomération de
cinq
compétences obligatoires considérées comme
stratégiques pour le
développement urbain
(le
développement économique, l'aménagement de l'espace) et
pour la
cohésion urbaine
(transports et logement, politique de la
ville).
Les compétences de la communauté d'agglomération en
matière d'urbanisme sont étendues par référence
à celles exercées par les communautés urbaines
(création et réalisation de zones d'aménagement
concerté lorsque celles-ci sont d'intérêt communautaire).
Outre les
quatre
compétences obligatoires énoncées
ci-dessus, la communauté d'agglomération devra opter pour au
moins
deux
des quatre compétences prévues par la loi
à titre optionnel qui concernent la mise en place de réseaux
techniques (voirie, assainissement et eau), les équipements (culturels,
sportifs et scolaires), les services urbains (ordures ménagères)
et l'environnement.
2. La promotion de la taxe professionnelle unifiée d'agglomération
a) Un régime fiscal obligatoire
La
promotion de la taxe professionnelle unifiée d'agglomération
constitue l'un des axes majeurs du projet de loi. Les communautés
d'agglomération devront ainsi bâtir leur projet commun autour
d'une
taxe professionnelle unique
(
article 51
).
La même obligation concernera les communautés urbaines qui se
créeront après l'entrée en vigueur de la loi (
article
47
). Celles qui ont été constituées avant cette date
pourront opter pour la taxe professionnelle d'agglomération (
article
48
).
Cependant, la perception d'une taxe professionnelle unique n'interdira pas
à la communauté d'agglomération de percevoir un
complément de ressources sous la forme d'une
fiscalité
additionnelle
à la fiscalité communale. La même
faculté est ouverte aux communautés urbaines créées
après l'entrée en vigueur de la loi (
article 51
).
Dans le souci de protéger les entreprises situées dans des
communes dont le taux de taxe professionnelle était inférieur au
nouveau taux communautaire, le projet de loi rend obligatoire l'application
d'un mécanisme
d'intégration fiscale progressive
. Les
établissements publics de coopération intercommunale dotés
d'une taxe professionnelle unique pourront porter la durée maximale
d'harmonisation fiscale de dix à
douze
ans (
article 51
).
La
dotation de solidarité
communautaire serait facultative, le
conseil communautaire pouvant l'instituer à la majorité des deux
tiers et en fixer librement le montant et les critères d'attribution
(
article 51
).
En outre, l'obligation qui est faite à un groupement à
fiscalité propre de baisser son taux de taxe professionnelle en cas de
diminution des impôts sur les ménages levés par les
communes membres serait supprimée (mécanisme de
" déliaison des taux à la baisse ")
(
article
52
).
Les
nouvelles communautés de communes
auront pour leur part le
choix entre deux régimes fiscaux : la fiscalité additionnelle
avec ou sans taxe professionnelle de zone (le recours à cette
dernière formule étant néanmoins soumis à une
condition de seuil de population calquée sur celle applicable aux
communautés d'agglomération) ; la taxe professionnelle unique
(
article 50
).
Les
districts
pourront continuer à bénéficier du
régime de la fiscalité additionnelle et à opter pour la
taxe professionnelle unique ou la taxe professionnelle de zone jusqu'à
l'expiration du délai prévu par le projet de loi pour la
transformation des districts, soit
six mois
à compter du
renouvellement général des conseils municipaux (
article
49
).
Quant aux
communautés de villes
qui se transforment en
communautés de communes, elles percevront de plein droit la taxe
professionnelle d'agglomération (
article 50
).
b) Un régime financier très incitatif
Afin de
favoriser la création de communautés d'agglomération et la
transformation des groupements existants en structures de ce type, le projet de
loi propose de doter les nouvelles communautés d'agglomération
d'une dotation globale de fonctionnement à hauteur de
250
francs
par habitant (
article 66
). Ce montant serait plus du double de celui
actuellement versé aux communautés de villes et assimilées
(
121,99
francs) et proche du montant octroyé aux syndicats
d'agglomération nouvelle (
258,78
francs).
Dans le même but,
aucun abattement
ne sera effectué sur les
attributions versées aux communautés d'agglomération au
titre de la dotation globale de fonctionnement (
article 67
).
Les communautés d'agglomération ne seront par ailleurs pas
soumises à l'écrêtement au profit des
fonds
départementaux de péréquation de la taxe
professionnelle
(
article 56
).
Le coût total de la réforme est estimé à
2,521
milliards de francs
par l'étude d'impact du projet de loi (laquelle
fixe un " taux d'objectif " de
25%
dans l'aire urbaine de
Paris et de
45%
en dehors).
Pour les communautés d'agglomérations créées
avant le 1er janvier 2005,
ce coût serait financé par un
abondement annuel maximum de
500 millions de francs
-montant
prélevé sur les recettes de l'Etat- jusqu'en 2004 (
article
66
).
Si le nombre de créations de communautés d'agglomération
était supérieur à celui envisagé par l'étude
d'impact, le complément de financement de la dotation globale de
fonctionnement serait
prélevé sur la dotation de compensation
de la taxe professionnelle
, laquelle constitue déjà la
" variable d'ajustement " du " contrat de croissance et de
solidarité " prévu par la loi de finances pour 1999 en ce
qui concerne l'évolution des concours de l'Etat aux collectivités
locales. En conséquence, la solution retenue par le projet de loi
suscite des
inquiétudes
sur l'évolution de cette dotation
de compensation.
On notera également que le projet de loi étend le mode de calcul
des
potentiels fiscaux
des communautés urbaines et des
communautés de communes aux nouvelles communautés
d'agglomération (
article 66
).
De même, il rend applicable le
coefficient d'intégration
fiscale
-qui sert à la répartition de la dotation globale de
fonctionnement- à toutes les catégories de groupements à
fiscalité propre, sauf les syndicats et communautés
d'agglomération nouvelle et corrige les critères de calcul de ce
coefficient (
article 66
).
Enfin, le régime des
attributions versées par le Fonds de
compensation de la taxe pour la valeur ajoutée (FCTVA)
est
aménagé, afin de prendre en compte la création des
communautés d'agglomération et la transformation des districts en
communautés de communes ou d'agglomération. A l'issue de la
période transitoire, ces groupements de communes devraient
bénéficier d'un régime unique de versement du FCTVA
l'année même de réalisation des investissements et non pas
avec un décalage de
deux ans
qui résulte des règles
de droit commun (
article 64
).
3. Le relèvement du seuil applicable aux communautés urbaines
Afin
de
mieux hiérarchiser
les différentes formules de
coopération, le projet de loi prévoit de relever le seuil
démographique pour la création des communautés urbaines
qui serait désormais fixé à
500 000
habitants
(contre
20 000
habitants actuellement). Les
communautés urbaines existantes -au nombre de douze- seraient maintenues
dans le cadre juridique en vigueur actuellement, la possibilité leur
étant néanmoins ouverte de passer dans le nouveau régime
prévu par le projet de loi (
article 3 et 4
).
Les nouvelles communautés urbaines devraient par ailleurs exercer
l'ensemble des compétences obligatoires et optionnelles
des
communautés d'agglomération, ces compétences étant
renforcées dans le domaine de l'urbanisme (le plan d'occupation des sols
leur étant confié), des équipements scolaires
(lycées et collèges) et collectifs (marchés
d'intérêt national, abattoirs, cimetières) (
article
3
).
Ainsi, dans l'esprit des auteurs du projet de loi, la communauté
urbaine serait la formule la plus intégrée s'adressant aux
grandes agglomérations. La communauté d'agglomération
concernerait davantage les communes de taille moyenne tandis que la
communauté de communes, dont la création n'est subordonnée
à aucun seuil démographique, aurait vocation à concerner
le milieu rural. Parallèlement, les syndicats de communes (à
vocation unique ou multiple) et les syndicats mixtes continueraient à
prendre en charge une intercommunalité de services.