CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉGIME DES DÉCISIONS
PRISES PAR LES AUTORITÉS ADMINISTRATIVES
Article additionnel avant l'article
16
Identification
de l'auteur d'une décision
Par
coordination avec l'amendement qu'elle vous a présenté à
l'article 4, votre commission des Lois vous propose
un amendement
tendant à insérer
un article additionnel
pour reproduire
ici les dispositions du dernier alinéa de l'article 4 relatif
à l'identification de l'auteur d'une décision.
Cette disposition prévoit que toute décision prise par une
autorité administrative comporte la signature et la mention en
caractères lisibles du prénom, du nom, de la qualité de
son auteur. Il s'agit d'une formalité substantielle, permettant de tirer
les conséquences contentieuses de l'absence ou du caractère
incomplet de cette mention.
Article 16
Définition de la
" demande " au sens du présent chapitre
Cet
article, qui reprend des dispositions du projet de loi relatif à
l'amélioration des relations entre les administrations et le public dans
la rédaction adoptée par le Sénat lorsqu'il avait
examiné ce texte en première lecture, définit, dans son
premier alinéa
, la notion de "
demande
"
figurant dans les dispositions du chapitre II.
Le terme "
demande
" est compris de façon extensive :
il désigne aussi bien les demandes et réclamations initiales que
celles formulées à l'occasion d'un recours gracieux ou d'un
recours hiérarchique, à l'adresse des autorités
administratives définies précédemment, c'est-à-dire
les administrations de l'État, les collectivités territoriales,
les établissements publics à caractère administratif, les
organismes de sécurité sociale ou les autres organismes
chargés de la gestion d'un service public administratif.
Cette disposition revient ainsi sur une interprétation jurisprudentielle
restrictive du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les
relations entre l'administration et les usagers (CE, S.A. Laboratoire L. Lafon,
29 mars 1991) excluant que la demande adressée à l'administration
puisse concerner les recours gracieux ou hiérarchiques.
Le
second alinéa
de l'article 16 exclut cependant du champ
d'application des dispositions du présent chapitre (article 17 :
délivrance d'un accusé de réception ; article 18 :
transmission de la demande à l'autorité administrative
compétente ; article 20 : décisions implicites d'acceptation ;
article 21 : régime du retrait des décisions implicites
d'acceptation ; article 22 : procédure contradictoire pour les
décisions individuelles devant être motivées) les
demandes adressées aux
autorités administratives
susvisées
par leurs agents
. Seul le principe selon lequel le
silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité
administrative saisie d'une demande vaut décision de rejet,
résultant de l'article 19, est applicable aux demandes émanant de
ces agents. Ces exclusions s'expliquent par l'existence, dans le droit de la
fonction publique, de règles de procédure spécifiques
prévues par les statuts, généralement très
protectrices des intéressés.
Sur cet article 16, votre commission des Lois vous soumet
un amendement
de coordination avec celui ayant pour objet de transférer la
définition des autorités administratives ici visées en
tête du titre II.
Elle vous propose d'adopter l'article 16
ainsi
modifié
.
Article 17
Accusé de réception
Cet
article impose à l'ensemble des autorités administratives
susvisées la
délivrance d'un accusé de
réception
aux auteurs des demandes qui leur sont adressées.
Cette exigence ne vaut aujourd'hui que pour les seuls services de l'État
et de ses établissements publics aux termes de l'article 5 du
décret du 28 novembre 1983 qui dispose que "
les délais
opposables à l'auteur d'une demande adressée à
l'administration courent de la date de la transmission, à l'auteur de la
demande, d'un accusé de réception
". Le décret
énumère les mentions devant figurer sur l'accusé de
réception : désignation du service chargé du dossier ou de
l'agent à qui l'instruction du dossier a été
confiée ; délai à l'expiration duquel, à
défaut d'une décision expresse, la demande sera
réputée acceptée ou rejetée ; s'il y a lieu, les
délais et voies de recours contre la décision implicite de rejet.
Il précise que les délais ne courent pas lorsque les indications
précitées devant être portées sur l'accusé de
réception sont incomplètes ou erronées et que
l'intéressé se trouve de ce fait empêché de faire
valoir ses droits.
L'article 17 dispose que les conditions de délivrance de l'accusé
de réception seront définies par un décret en Conseil
d'État : il convient d'entendre cette expression au sens large, le
décret devant définir non seulement les modalités de
communication à l'intéressé de l'accusé de
réception mais également les mentions qui devront y figurer.
Des
possibilités de dérogation
et des limites à
cette obligation d'accuser réception des demandes sont cependant
prévues :
- en premier lieu, le décret en Conseil d'État déterminera
les cas dans lesquels il ne sera pas accusé réception de la
demande en raison de la brièveté du délai imparti à
l'autorité administrative pour répondre ou lorsque la
réponse attendue correspond à la fourniture d'une prestation ou
d'un document prévus par un texte législatif ou
réglementaire ;
- en second lieu, et comme cela résulte du décret du 28 novembre
1983, l'autorité administrative n'est pas tenue d'accuser
réception des demandes revêtant un caractère abusif. Ce
caractère abusif est laissé à son appréciation,
sous réserve du contrôle exercé par le juge à
l'occasion d'un recours. L'article 17 précise cependant que cette
appréciation doit s'effectuer à l'aune de certains
critères, en particulier le nombre des demandes et leur caractère
répétitif ou systématique.
Les deux premiers alinéas ayant défini l'obligation d'accuser
réception dans sa teneur et ses limites, le troisième
alinéa énonce
la sanction
: lorsque l'accusé de
réception n'a pas été envoyé, les délais de
recours ne courent pas à l'encontre de l'auteur de la demande qui peut
donc attaquer la décision à tout moment, à moins qu'une
décision expresse ne soit intervenue avant l'expiration du délai
au terme duquel naîtra la décision implicite. Ce dispositif, qui
reprend tout en le précisant celui qui figurait dans le projet de loi
relatif à l'amélioration des relations entre les administrations
et le public adopté en deuxième lecture par l'Assemblée
nationale et approuvé par le rapport de la commission des Lois du
Sénat en deuxième lecture, tend à éviter que la
sanction de l'inopposabilité des délais de recours ne s'applique
lorsque l'administration s'est montrée diligente en répondant
à brève échéance et de façon expresse
à la demande. Cette dérogation à l'obligation de
délivrer un accusé de réception est de bon sens : elle
évite un formalisme tatillon qui exigerait la délivrance d'un
accusé de réception même dans les cas où
l'administration répond rapidement ; elle est en outre de nature
à inciter l'administration à instruire les demandes dans les
meilleurs délais, ce qui correspond bien à l'objectif
recherché. L'article 17 précise cependant que cette
dérogation ne vaut que si la décision expresse a
été régulièrement notifiée : ainsi, si la
notification est irrégulière, la sanction s'appliquera, la
possibilité pour le destinataire de la décision de former un
recours restant ouverte à tout moment, les délais de recours ne
lui étant pas opposables.
Votre commission des Lois estime cependant que la rédaction du
troisième alinéa de l'article 17 est perfectible :
- il paraît tout d'abord opportun de prévoir une sanction
identique dans le cas où l'accusé de réception n'a pas
été transmis et celui où cette transmission est
irrégulière et de nature à empêcher le demandeur de
faire valoir ses droits, comme cela résulte d'ailleurs du décret
du 28 novembre 1983 ;
- par ailleurs, le libellé de la seconde phrase mérite
d'être clarifié.
Aussi votre commission des Lois vous soumet-elle
un amendement
de
réécriture du troisième alinéa de l'article 17.
Elle vous propose également
un
amendement
de coordination
pour tenir compte du transfert, en tête du titre II, des dispositions
relatives à la définition des autorités administratives
figurant dans le projet de loi à l'article premier.
Le dernier alinéa de l'article 17 précise que les dispositions
susvisées ne sont pas applicables aux demandes dont l'accusé de
réception est régi par des dispositions spéciales. Il est
permis de s'interroger sur l'utilité d'une telle précision
dès lors qu'un principe bien établi veut que la loi
spéciale déroge à la loi générale.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 17
ainsi
modifié
.
Article 18
Transmission de la demande à
l'autorité compétente
Cet
article prévoit que l'autorité administrative destinataire d'une
demande à laquelle il ne lui appartient pas de répondre, dans la
mesure où elle ne relève pas de ses attributions, doit la
transmettre à l'autorité compétente
. Il reprend
très exactement les dispositions qui figuraient dans le projet de loi
relatif à l'amélioration des relations entre les administrations
et le public, dans la rédaction qui avait été
proposée par le Sénat et approuvée par l'Assemblée
nationale.
Ce principe de transmission est actuellement inscrit à l'article 7
du décret du 28 novembre 1983 qui dispose que "
toute
autorité de l'État ou d'un établissement public
administratif de l'État, saisie d'une demande dont l'examen
relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la
personne morale dont relève cette autorité, de transmettre la
demande à l'autorité compétente
".
A la différence du décret susvisé, l'article 18
prévoit une mesure d'information de l'auteur de la demande : en effet,
l'autorité administrative saisie à tort doit aviser
l'intéressé de la réorientation de son dossier.
En revanche, conformément au dispositif prévu par ledit
décret, le présent article distingue des modalités
différentes de computation des délais présidant à
l'intervention d'une décision implicite, selon qu'il s'agit d'une
décision implicite d'acceptation ou de rejet.
Lorsque le silence de l'administration doit aboutir à une
décision implicite de rejet
, le délai au terme duquel elle
intervient court à compter de la date de
réception de la
demande par l'autorité initialement saisie
. Afin de préserver
l'exercice d'un éventuel recours contentieux dans l'hypothèse de
l'intervention d'une décision implicite de rejet, il conviendra que
l'avis de transmission délivré par l'autorité initialement
saisie à tort mentionne la date à laquelle elle a reçu la
demande.
Au contraire, concernant une
décision implicite d'acceptation
, le
point de départ du délai est la date de
réception de la
demande par l'autorité compétente
. L'indication de cette date
constitue une mention qui devra être obligatoirement portée sur
l'accusé de réception car son omission serait de nature à
empêcher le demandeur de faire valoir ses droits. Il reviendra au
décret en Conseil d'État prévu à l'article 17 de le
prévoir.
Si les règles de computation des délais de recours
diffèrent donc en fonction de la nature de la décision implicite
en cause, il revient dans tous les cas à la seule autorité
compétente de délivrer l'accusé de réception.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18
sans
modification
.
Article 19
Décisions implicites de rejet
Cet
article, qui reproduit, dans la rédaction du Sénat, une
disposition figurant dans le projet de loi relatif à
l'amélioration des relations entre les administrations et le public dont
l'examen par le Parlement n'a pu être achevé, réaffirme le
principe selon lequel, sauf texte contraire,
le silence gardé pendant
un délai déterminé par l'autorité administrative
saisie d'une demande vaut décision de rejet
.
Cette règle a été introduite par un décret de 1864
pour les recours gracieux auprès des ministres puis élargie par
la loi du 7 juillet 1900. Elle était à l'origine
destinée à faire naître, en cas d'inertie de
l'administration, la décision préalable nécessaire
à tout recours contentieux devant le Conseil d'État.
Ce principe fut étendu aux tribunaux administratifs par le décret
du 30 septembre 1953 et modulé par la loi du 7 juin 1956.
Après l'adoption de la Constitution de 1958, la règle
générale a été posée par le
décret
du 11 janvier 1965
: "
Le silence gardé pendant
plus de quatre mois sur une réclamation par l'autorité
compétente vaut décision de rejet
".
De nombreux textes, soit législatifs, soit réglementaires,
(autonomes ou d'application) régissent toutefois les conséquences
du silence de l'administration spécifiant, selon les cas, tantôt
qu'il vaut rejet, tantôt qu'il entraîne acceptation, et fixant le
cas échéant des délais particuliers.
A l'occasion de leur application,
le Conseil d'État
s'est
prononcé de nombreuses fois, implicitement ou explicitement, en faveur
de la régularité de dispositions réglementaires ayant
donné au silence gardé par l'administration pendant un certain
délai la valeur d'une
acceptation
(notamment : Époux
Richet, 25 mars 1966, commune de Bozas,
27 février 1970).
Il a cependant qualifié le silence valant rejet de
"
règle générale relative à l'un des modes
de liaison du contentieux devant les juridictions administratives "
pour exclure qu'il puisse y être dérogé par un simple
arrêté (Sieur Vilain, 23 avril 1975). Mais il n'a
jamais reconnu à cette règle une valeur
supra-décrétale et ne l'a jamais étendue sans texte.
En revanche, le
Conseil constitutionnel
, dans sa décision du
26 juin 1969 (Protection des sites), a érigé en
principe général du droit la règle selon laquelle le
silence gardé par l'administration vaut rejet. Il a confirmé
cette position dans sa décision du 18 janvier 1995
(Vidéo-surveillance) : "
Le législateur peut
déroger au principe général selon lequel le silence de
l'administration pendant un délai déterminé vaut rejet de
la demande.
".
Le régime juridique actuel découlant de l'application stricte des
décisions " protection des sites " et
" vidéo-surveillance " serait donc le suivant :
- "
D'après un principe général de notre droit, le
silence gardé par l'administration vaut décision de
rejet
" (protection des sites 1969).
- Dans certaines espèces (protection des sites),
seul
le
législateur peut déroger à ce
principe
(en
inversant les conséquences du silence). En revanche, les
modalités
d'application (délais, formalités...) qui
ne mettent en cause "
aucun des principes fondamentaux ni aucune des
règles que l'article 34 de la Constitution a placés dans le
domaine de la loi
" relèvent du pouvoir réglementaire.
- En revanche, dans d'autres espèces (vidéo-surveillance),
même
le législateur ne peut y déroger
("
compte tenu des risques que peut comporter
pour la
liberté individuelle l'installation de systèmes de
vidéo-surveillance
"). S'il instaurait dans ce cas un
régime d'autorisation tacite, il priverait "
de garanties
légales les principes constitutionnels
".
D'une manière générale, le Conseil constitutionnel donne
aux principes généraux du droit une valeur au moins
législative. Ces deux décisions sont considérées
par les commentateurs comme s'inscrivant dans cette ligne bien qu'elles
semblent laisser ouverte une possibilité pour le règlement
d'inverser le principe dans d'autres espèces (en tout état de
cause lorsqu'aucune liberté publique ou aucun principe constitutionnel
ne serait en jeu).
Les articles 19 et 20 du présent projet de loi sont la traduction de cet
état du droit.
L'article 19 confirme le régime de droit commun actuel
: le
silence gardé par l'administration pendant un certain délai vaut
décision implicite de rejet de la demande. La
novation
résulte dans la
réduction de quatre mois à
deux mois
de ce délai, sauf lorsque la complexité ou
l'urgence justifie qu'un décret en Conseil d'État fixe un
délai plus long ou plus court.
L'exception de la décision implicite d'acceptation est
réservée par un renvoi à l'article 20.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 19
sans modification.
Article 20
Décisions implicites
d'acceptation
L'article 20 donne un cadre législatif à
l'intervention des décrets en Conseil d'État prévoyant,
par dérogation à la règle de la décision implicite
de rejet posée à l'article 19, les cas dans lesquels le silence
gardé par l'administration pendant un certain délai vaut
acceptation. Il reprend quasiment mot pour mot le texte adopté par le
Sénat en première lecture lors du débat sur le projet de
loi relatif à l'amélioration des relations entre les
administrations et le public.
Ici encore le délai de droit commun est réduit à
deux
mois,
mais en cas d'urgence ou pour les affaires complexes un délai
différent pourra être prévu.
Tenant compte des décisions du Conseil constitutionnel
(cf. commentaire de l'article 19 ci-dessus), l'article 20 prévoit
toutefois que l'acceptation tacite ne peut être établie par
décret lorsque "
les engagements internationaux de la France,
l'ordre public, la protection des libertés ou la sauvegarde des
principes de valeur constitutionnelle s'y opposent
". Il l'exclut
également lorsque la décision présente un caractère
financier.
En conséquence, dans ces cas et sous le contrôle du Conseil
d'État, il ne pourra être dérogé à la
règle du silence valant rejet par décret. Seule la loi pourrait
alors établir un régime d'acceptation tacite, sous le
contrôle du Conseil constitutionnel auquel il est arrivé de ne pas
admettre un tel régime (décision vidéo-surveillance
précitée).
L'article 20 renvoie à des décrets en Conseil d'État la
définition des modalités d'information des tiers en cas de
décision implicite d'acceptation. Ces formalités sont en effet
essentielles pour la computation des délais de recours des tiers
(cf. commentaire de l'article 21).
Notons qu'aux termes de l'étude d'impact accompagnant le présent
projet de loi, plus de quatre cents régimes d'autorisation relevant de
l'accord tacite existent déjà dans des domaines très
divers : permis de construire et permis de démolire tacites
(articles R. 421-12 et R. 430-7-1 du code de l'urbanisme) ; autorisation de
défrichement (article R. 311-6 du code forestier) ; agrément des
assistantes maternelles (article 123-1-1 du code de la famille) ; autorisation
d'exportation d'archives (articles 21 et 24 de la loi du 3 janvier 1979), etc.
Le décret n° 97-503 du 21 mai 1997 portant mesures de
simplification administrative a prévu de nouveaux cas de
décisions tacites. Par exemple, autorisation de détruire les
animaux nuisibles (article R. 222-88 du code rural) ; autorisation pour un
docteur en médecine établi dans une agglomération
dépourvue de pharmacie ouverte au public de détenir un
dépôt de médicaments à délivrer à ses
patients (article R. 5104-7 du code de la santé publique) ; autorisation
de transférer une officine d'huissier de justice dans les limites du
département (article 38 du décret n° 75-770 du 14 août
1975) ; délivrance de la licence d'agent de voyages (article 7 du
décret n° 94-490 du 15 juin 1994).
Votre commission vous propose d'adopter l'article 20
sans modification
.
Article 21
Retrait pour
illégalité
Comme le
projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les
administrations et le public, l'article 21, relatif au
régime
juridique applicable en matière de retrait des décisions
implicites d'acceptation illégales
, propose de revenir sur la
jurisprudence Eve
du Conseil d'État, du 14 novembre 1969.
En vertu de cette jurisprudence, toute possibilité de retrait d'une
décision implicite d'acceptation, fût-elle entachée
d'illégalité, par l'administration qui en est l'auteur ou par
l'autorité hiérarchique, est exclue, même pendant le
délai de recours contentieux, dès lors que cette décision
n'a pas fait l'objet de mesures d'information. Ainsi, l'absence de
publicité à l'égard des tiers a pour conséquence le
non-déclenchement du délai de recours, l'administration
étant dessaisie dès l'intervention de la décision. En
revanche, lorsque la décision a fait l'objet de mesures de
publicité assurant l'information des tiers, elle peut être
retirée, si elle est entachée d'illégalité, pendant
le délai du recours contentieux ouvert aux tiers et pendant la
durée de l'instance si un recours a effectivement été
formé (CE, Époux Roulin, 1er juin 1973).
Le Conseil d'État a considéré que la solution permettant
le retrait à tout moment, c'est-à-dire l'annulation à tout
moment par l'autorité administrative, aurait consacré une
insécurité juridique excessive au détriment du
destinataire de la décision, incitant en outre l'administration à
s'abstenir de répondre expressément pour bénéficier
de la possibilité de revenir à toute époque sur sa
décision d'acceptation.
Contrairement à la jurisprudence Eve aux termes de laquelle
l'administration se trouve dessaisie dès la naissance de la
décision implicite d'acceptation,
l'article 21,
qui reprend ici
le dispositif initial du projet de loi relatif à l'amélioration
des relations entre les administrations et le public, autorise le retrait de la
décision implicite d'acceptation irrégulière, pendant le
délai de recours contentieux lorsque des mesures de publicité
sont prévues par un texte (jurisprudence Époux Roulin,
précitée) et, quand de telles mesures ne sont pas prévues,
pendant le délai de deux mois à compter de l'intervention de la
décision.
Ainsi, l'administration bénéficierait-elle désormais dans
tous les cas d'un " droit de repentir " limité dans le temps.
Tout en approuvant l'objectif poursuivi tendant à éviter que la
faculté de retrait d'une décision implicite d'acceptation
créatrice de droits, pour laquelle aucune mesure d'information des tiers
n'est prévue, ne reste ouverte indéfiniment, votre commission des
Lois estime que le dispositif proposé préserve insuffisamment les
droits des tiers.
En effet, lorsque des mesures de publicité sont
"
prévues
", l'autorité administrative peut
retirer la décision implicite d'acceptation illégale
"
pendant le délai du recours contentieux
". On peut
s'interroger sur la définition de ce délai de recours : s'agit-il
du délai de recours ouvert au bénéficiaire de la
décision (délai de deux mois à compter de l'intervention
de la décision implicite) ou du délai de recours ouvert aux tiers
(deux mois à compter de la mesure de publicité) ? Assimiler
le délai susvisé à celui ouvert aux tiers pour attaquer la
décision au contentieux ne semble pas correspondre au choix
effectué par le projet de loi car ce délai étant
calculé en partant de la date de la mesure de publicité, cela
reviendrait à laisser perdurer la possibilité de retrait
indéfiniment dans le cas où une telle mesure n'aurait pas
été prise. Enserrer la faculté de retrait dans le seul
délai de recours ouvert au bénéficiaire de la
décision paraît cependant sérieusement attentatoire aux
droits des tiers en l'absence de toute publicité : ceux-ci n'auraient
que la possibilité d'exercer un recours contentieux et ne pourraient pas
solliciter le retrait de l'acte postérieurement à l'expiration du
délai de deux mois suivant sa notification à son destinataire.
Afin de préserver un juste équilibre entre trois
impératifs parfois contradictoires - retrait de l'ordonnancement
juridique des décisions illégales, stabilité de la
situation juridique du bénéficiaire de la décision,
garantie des droits des tiers - votre commission des Lois vous propose, par
un amendement
, de revenir au dispositif approuvé au printemps
1997 par l'Assemblée nationale et le Sénat saisis du projet de
loi relatif à l'amélioration des relations entre les
administrations et le public. Ce dispositif envisage trois hypothèses
pour le retrait des décisions implicites d'acceptation entachées
d'illégalité en distinguant selon que les mesures d'information
des tiers ont ou non été prises alors que le critère
retenu par le projet de loi consiste à vérifier que les textes
régissant la décision en cause ont prévu ou non des
mesures de publicité :
- retrait pendant le délai de recours ouvert aux tiers lorsque les
mesures prévues pour assurer leur information ont été
effectivement mises en oeuvre ;
- retrait pendant un délai de deux mois à compter de la date
d'intervention de la décision implicite ou, sans délai, à
la demande d'un tiers y ayant intérêt, lorsqu'aucune mesure
d'information des tiers n'a été mise en oeuvre, qu'elle ait
été ou non prévue. Dans ce dernier cas, soulignons que
l'administration n'agit pas de sa propre initiative mais seulement à la
demande d'un tiers dont les intérêts sont lésés ;
- retrait pendant la durée de l'instance dans le cas où un
recours contentieux a été formé.
Cette approche paraît davantage respectueuse des droits des tiers : en
effet, le postulat selon lequel le fait que les textes ne prévoient pas
de mesure d'information des tiers laisse présumer que leurs
intérêts sont insusceptibles d'être lésés
n'est pas nécessairement vérifié. Par ailleurs, il est
opportun de ménager une possibilité de retrait de la
décision implicite d'acceptation illégale faisant l'objet d'un
recours contentieux : il paraît inutile de laisser des procédures
contentieuses se poursuivre jusqu'à leur terme quand s'offre une
solution plus rapide pour stabiliser les situations juridiques. Cette
dernière hypothèse s'inspire d'ailleurs de la jurisprudence
actuelle (CE, 10 février 1982, Angeletti) qui permet le retrait pendant
la durée de l'instance.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 21
ainsi
modifié
.
Article 22
Observations de
l'intéressé
préalables à la décision
L'article 22 traite de l'obligation de recevoir les
observations de
l'intéressé destinataire d'une décision devant être
motivée et qui ne constitue pas la réponse à une demande.
Il reprend, comme l'avait fait le projet de loi relatif à
l'amélioration des relations entre les administrations et le public dont
l'examen est resté inachevé, dans la rédaction
adoptée par le Sénat, une disposition figurant à
l'article 8 du décret du 28 novembre 1983
précité pour en étendre le champ d'application à
l'ensemble des autorités administratives définies en tête
du présent titre.
L'obligation de recevoir préalablement à la décision les
observations écrites de l'intéressé et, le cas
échéant, sur sa demande, ses observations orales est
rigoureusement délimitée :
1) elle ne s'applique qu'aux décisions qui doivent être
motivées, ce qui renvoie principalement aux décisions
défavorables de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979
relative à la motivation des actes administratifs et à
l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
2) elle ne s'applique pas aux décisions prises en réponse
à une demande, pour lesquelles l'intéressé, en formulant
sa requête, est à même de faire valoir ses
observations ;
3) elle ne s'applique pas non plus en cas d'urgence ou de circonstances
exceptionnelles ou lorsque cette procédure serait de nature à
compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ;
4) elle ne s'applique pas lorsqu'une procédure contradictoire est
prévue par un texte particulier. Cette dernière précision
peut paraître superflue dans la mesure où il est admis qu'une
disposition spécifique déroge à la règle
générale.
Il est enfin prévu que l'autorité administrative ne sera pas
tenue de satisfaire les demandes d'audition pouvant être
considérées comme abusives du fait de leur nombre, de leur
caractère répétitif ou systématique.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 22
sans
modification.