CHAPITRE II
LA PROGRAMMATION DES DEPENSES
Une
analyse fine de la programmation des dépenses telle qu'elle est
proposée par la Commission ne doit pas conduire à occulter
l'impression d'ensemble d'une grande continuité, certains diraient d'un
" statu quo ", par rapport à la programmation actuelle.
Au-delà des passions suscitées par chacun des dossiers ouverts,
c'est bien la permanence qui l'emporte.
Le partage du budget suscite toutes les convoitises mais le budget reste
à peu de choses près le même.
Autre élément de continuité, la dynamique d'expansion se
poursuit sur un rythme rapide contrairement à l'affichage de la
Commission.
De ces deux points de vue, les perspectives financières 2000-2006
démontrent, prises globalement, la force de l'inertie.
Ce constat appelle à s'interroger sur la justification du choix de la
continuité et sur les risques d'une telle option dans le contexte
mouvant qu'est celui de la construction européenne.
L'Europe suscite des convoitises ce que démontre malheureusement assez
l'ambiance détestable qui entoure les négociations relatives aux
futures perspectives financières. Mais, heureusement, l'Europe suscite
aussi beaucoup d'engouements et d'attentes.
L'attente c'est d'abord celle des candidats à l'adhésion, des
aspirants à l'Union Européenne. C'est un choix politique fort de
ne pas la décevoir. C'est aussi une responsabilité politique
exigeante que de reconnaître que ce choix sera coûteux.
L'habillage des perspectives financières proposées tend à
atténuer cette reconnaissance. Ce n'est pourtant pas le moindre de ses
paradoxes que de la dévoiler, mais subrepticement.
L'attente c'est aussi celle des citoyens d'Europe qui dans chacun des Etats
réclament que la dimension européenne s'affirme davantage dans le
sens d'une Europe puissante prenant son destin en mains et capable de s'imposer
dans le contexte d'une mondialisation qui ne serait plus subie. Une telle
Europe doit aller à l'essentiel et s'imposer l'efficacité et
l'efficience. Elle doit démonter sa capacité d'entraînement
et retrouver le respect de ses principes fondamentaux.
L'un d'entre eux, la subsidiarité, doit être constamment
rappelé. Derrière ce " quasi-néologisme "
européen se cache en effet un grand principe à deux faces. L'une
est négative : l'Europe ne doit pas se mêler de ce qui
relève des Etats. L'autre est positive : l'Europe doit s'affirmer
quand la dimension européenne vaut plus que la dimension
étatique.
Ce n'est que débarrassée du rêve de supplanter les Etats
que l'Europe deviendra vraiment elle-même.
C'est avec cette exigence en tête que doit être conduite
l'appréciation des propositions budgétaires de la
Commission.
I. LA PROGRAMMATION DES DIFFERENTES RUBRIQUES
Les développements qui suivent passent en revue la programmation de 4781,4 milliards de francs de crédits d'engagement rubrique par rubrique en mentionnant les traits essentiels des réformes proposés par la Commission.
A. LES CRÉDITS AGRICOLES (RUBRIQUE 1)
1. Un cadrage financier confortable en apparence
2000 : 42.650 millions d'euros
2006 : 43.298 millions d'euros
Les
crédits agricoles absorberaient
341,4 milliards d'euros entre
2000
et 2006
, soit 46,9 % des crédits pour engagements.
Toutefois, la rubrique 1 qui, dans la programmation actuelle, regroupe les
seuls crédits de la politique agricole commune (PAC), serait
réformée. Aux crédits nécessaires à la PAC
viendraient en effet s'ajouter les crédits ouverts pour préparer
les futurs Etats membres à leur adhésion et les crédits
autrefois logés dans d'autres rubriques relatifs au développement
rural dans les régions autres que d'objectif 1, aux mesures
structurelles dans le secteur de la pêche et aux mesures
vétérinaires et phytosanitaires. L'instrument de
pré-adhésion agricole serait doté de 520 millions
d'euros par an tandis que la prise en charge par le FEOGA-garantie de mesures
nouvelles se traduirait par un surcoût un peu supérieur à
2 milliards d'euros par an.
La prise en compte de ces charges nouvelles ramène la progression en
volume de la ligne directrice agricole à 1,2 % par an contre une
progression apparente de 1,9 % l'an
.
Le tableau ci-après rend compte de la programmation des dépenses
agricoles exprimées cette fois en termes nominaux en mentionnant le
cadrage proposé pour les crédits de paiement.
Estimation de l'évolution des dépenses
agricoles
(prix courants)
Millions d'euros |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Ligne
directrice
|
45.205 |
46.940 |
48.750 |
50.630 |
52.600 |
54.650 |
56.790 |
59.020 |
Dépenses
agricoles
|
40.400 |
42.650 |
45.710 |
47.515 |
49.040 |
49.250 |
49.270 |
49.360 |
Communauté à Quinze |
40.400 |
42.120 |
45.170 |
46.965 |
48.480 |
48.680 |
48.680 |
48.760 |
PAC réformée (mesures de marché) |
37.800 |
37.275 |
40.280 |
42.035 |
43.510 |
43.670 |
43.620 |
43.670 |
Mesures d'accompagnement de développement rural et mesures horizontales dans le domaine de la pêche |
|
|
|
|
|
|
|
|
Mesures vétérinaires et phytosanitaires |
|
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
Aide préadhésion (**) |
|
530 |
540 |
550 |
560 |
570 |
590 |
600 |
Marge |
4.805 |
4.290 |
3.040 |
3.115 |
3.560 |
5.400 |
7.520 |
9.660 |
Dépenses estimées pour l'adhésion |
|
|
|
1.700 |
2.200 |
2.700 |
3.300 |
3.900 |
Source : proposition E 1049
Le
glissement de la ligne directrice agricole
, indexée sur
74 % de la croissance en valeur du PIB
2(
*
)
conduirait à une progression
uniforme de l'ordre de 3,9 % l'an, un peu supérieure à la
croissance annuelle de la ligne directrice agricole observée entre 1996
et 1999. On rappelle que la ligne directrice agricole constitue le plafond des
dépenses agricoles et que pour juger des dépenses agricoles
l'attention doit être centrée sur l'évolution des
crédits de paiement proposés par la Commission.
De ce point de vue, l'on doit noter que
la
progression des
dépenses agricoles
en valeur serait, elle, plus
modérée avec une croissance annuelle moyenne de 2,7 %
à partir du niveau atteint en 1999.
Cette progression globale s'accompagnerait d'une croissance des crédits
nécessaires aux seuls besoins de la PAC, dont on suppose acquise la
réforme, de 2,1 % par an.
Le dynamisme de l'ensemble de dépenses agricoles serait plus grand du
fait de l'introduction de charges nouvelles dans la rubrique 1 dans le domaine
du développement rural, des mesures vétérinaires et
phytosanitaires et de l'aide pré-adhésion.
Au total, la marge disponible sous la ligne directrice agricole après un
mouvement de réduction en début de période dû
à la montée en charge de la réforme de la PAC augmenterait
à partir de 2003 pour se situer en fin de période à
9,7 milliards d'euros. Ce dernier chiffre doit être rapproché
de celui de la marge prévue pour 1999 (4,8 milliards d'euros) -il
en représente à peu près le double-, et de celui des
dépenses agricoles que nécessiterait
l'élargissement : 3,9 milliards d'euros en 1999.
Ainsi, selon la Commission le mécanisme de la ligne directrice
agricole permettrait tout à la fois une croissance des dépenses
de la PAC de 2,1 % l'an, soit une stabilisation en volume, et un
financement sans difficulté des dépenses agricoles
résultant de l'adhésion.