EXPOSE GENERAL
Mesdames, Messieurs,
"
Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française
ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas
". C'est par
ces mots que le Général de Gaulle a conclu, le 18 juin 1940,
son
Appel à tous les Français
. Cette exigence conserve
aujourd'hui encore toute son actualité et c'est dans cette perspective
que s'inscrit le présent projet de loi.
Créé en novembre 1940, l'Ordre de la Libération avait
à l'origine vocation à récompenser ceux qui
s'étaient tout particulièrement distingués dans l'oeuvre
de la Libération. 1.036 hommes et femmes, 5 communes et
18 unités combattantes ont ainsi obtenu la Croix de la
Libération. La mission de l'Ordre a ensuite progressivement
évolué. L'Ordre, devenu le "
symbole de la
Libération
" selon l'expression d'André Malraux, est
désormais le gardien de la mémoire de la Libération et de
l'esprit de la Résistance.
Mais, fragilisée par la disparition progressive des Compagnons de la
Libération, la pérennité de l'Ordre est aujourd'hui
menacée. L'extinction de l'Ordre semble pourtant inacceptable tant
celui-ci incarne la mémoire de la Libération et de la
Résistance.
Le présent projet de loi vise précisément à
garantir la pérennité de l'Ordre et à confirmer sa mission
de gardien de la mémoire de cette période à la fois
tragique et glorieuse de l'histoire de notre pays.
Elaboré en étroite concertation avec la chancellerie de l'Ordre,
déposé à deux reprises et dans les mêmes termes par
deux gouvernements différents sur le bureau de l'Assemblée
nationale en avril puis en juin 1997, adopté à l'unanimité
à l'Assemblée nationale en première lecture en
décembre 1998, ce texte consensuel participe au " devoir de
mémoire ". Il repose sur une logique à la fois simple et
cohérente : il s'agit d'assurer l'avenir de l'Ordre en le structurant
autour d'une nouvelle architecture institutionnelle stable, fondée sur
les seuls Compagnons de la Libération dont la permanence est garantie :
les cinq communes (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, Ile-de-Sein).
Il propose ainsi de créer un nouvel établissement public national
à caractère administratif, le Conseil national des communes
" Compagnon de la Libération ", qui succédera à
l'actuel Conseil de l'Ordre.
Evoquant les Compagnons de la Libération morts pour la Libération
de la France, le Général de Gaulle écrivait, en 1961 :
"
votre pensée fut, naguère, la douceur de nos deuils.
Votre exemple est, aujourd'hui, la raison de notre fierté. Votre gloire
sera, pour jamais, la compagne de notre espérance
". Ce sont ce
passé, ce présent et cet avenir dont sera dépositaire le
futur Conseil national des communes " Compagnon de la
Libération ".
I. LE PASSÉ : UN ORDRE EXEMPLAIRE
Exemplaire, l'Ordre de la Libération l'est tout autant par ses origines à la fois tragiques et glorieuses que par l'engagement de ses membres, qui symbolisent aujourd'hui l'oeuvre de la Libération et l'esprit de la Résistance.
A. UNE NAISSANCE " AU MOMENT LE PLUS GRAVE DE L'HISTOIRE DE FRANCE "
1. Une création étroitement associée aux débuts de la France Libre
Dans ses
Mémoires de Guerre
1(
*
)
,
le Général de Gaulle
décrit ses préoccupations à son arrivée à
Londres en juin 1940. "
Devant le vide effrayant du renoncement
général, ma mission m'apparut, d'un seul coup, claire et
terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c'était à moi
d'assumer la France. Mais il n'y a pas de France sans épée.
Constituer une force de combat, cela importait avant tout. "
Les
difficultés étaient pourtant énormes. Le
Général de Gaulle le reconnaissait le premier :
" Huit
jours après mon appel du 18 juin, le nombre de volontaires campés
dans la salle de l'Olympia, que les Anglais nous avait prêtée, ne
se montait qu'à quelques centaines. "
Dans ces circonstances tragiques, il apparaissait prioritaire de rallier des
combattants aux troupes naissantes de la Résistance extérieure et
de fonder le cadre structuré de la France Libre. C'est dans ce contexte
que le Général de Gaulle conçut pour la première
fois l'idée de créer l'Ordre de la Libération. L'Ordre
devait en effet à la fois distinguer ceux qui, au nom d'immenses
sacrifices et par des actions exemplaires, risquaient leur vie pour la
Libération de la France et symboliser la constitution progressive de la
France Libre comme seule incarnation légitime de la France.
La naissance de l'Ordre de la Libération se dessine alors
progressivement.
Le Général de Gaulle envisage d'abord la création d'une
décoration spéciale, se distinguant de la Légion d'honneur
par son objet bien spécifique : la Libération de la France.
Ainsi, à Fort-Lamy, en octobre 1940, il déclarait :
" Notre entreprise est hérissée de difficultés.
Les Français seront lents à nous rallier... Je suis
décidé à créer un insigne nouveau face à
l'imprévisible conjoncture. Il récompensera ceux des nôtres
qui se seront signalés dans cette haute et âpre campagne, pour la
libération de la France. "
Le 15 novembre 1940, dans un télégramme adressé de
Brazzaville au Colonel Fontaine, de Gaulle évoque pour la
première fois un Ordre de la Libération et non plus une simple
marque de reconnaissance spécifique :
" J'ai
décidé de créer un ordre ayant pour titre
" Ordre
de la Libération "
avec, comme décoration, la Croix de
la Libération ; les titulaires de cet ordre porteront le titre de
" Croisés de la Libération ".
L'intention de cet
Ordre est de reconnaître les services des militaires et des civils qui
ont rendu des services distingués à la cause de la
libération de la France. L'opportunité de la création de
cette distinction ne vous échappera pas. Elle s'est imposée
à la suite des événements du Gabon où il y a de
nombreux officiers et hommes qui se sont distingués par des actions
remarquables. "
Le lendemain, le 16 novembre 1940, il signe l'ordonnance n° 7
créant l'Ordre de la Libération. C'est sur la suggestion du
Général de Larminat que le terme " croisé " fut,
en définitive, remplacé par celui de
" compagnon ".
2. Les fondements juridiques de l'Ordre
La
création de l'Ordre de la Libération repose sur trois textes
fondateurs
2(
*
)
: l'ordonnance
n° 7 du 16 octobre 1940 créant l'Ordre de la Libération, le
décret du 29 janvier 1941 réglant l'organisation de l'Ordre de la
Libération, l'arrêté du 1
er
août 1941
relatif à la remise et au port de la Croix de la Libération.
Ces textes fixent les conditions d'admission dans l'Ordre et de son
organisation et témoignent de sa spécificité.
S'agissant des conditions d'admission dans l'Ordre, l'article premier de
l'ordonnance du 16 novembre 1940 précise que cet
" Ordre est
destiné à récompenser les personnes ou les
collectivités militaires et civiles qui se seront signalées dans
l'oeuvre de libération de la France et de son Empire ".
L'admission se fait donc exclusivement en fonction du mérite personnel
et n'exige le respect d'aucun critère fondé sur la
nationalité ou le statut militaire. L'article 3 indique que l'admission
dans l'Ordre est prononcée par le Chef des Français Libres. Le
décret du 29 janvier 1941 précise cependant que le Conseil de
l'Ordre émet un avis sur toute admission.
S'agissant de l'organisation de l'Ordre, celle-ci repose sur un Conseil de
l'Ordre créé par le décret du 29 janvier 1941.
Présidé par le chef des Français Libres -le
Général de Gaulle sera d'ailleurs le seul Grand-Maître de
l'Ordre-, il maintient la discipline de l'Ordre et émet un avis sur les
admissions. L'Ordre a également la particularité d'être un
ordre égalitaire : il n'existe pas de grade et donc pas de
hiérarchie entre les titulaires de la Croix de la Libération.
S'agissant de la Croix de la Libération, ces textes déterminent
enfin sa forme et les conditions de sa remise. La Croix est constituée
d'un écu, portant un glaive surchargé d'une croix de Lorraine
avec, au revers, inscrit en exergue, la devise
" Patriam servando
victoriam tulit "
(En servant la Patrie, il apporte la victoire). Le
ruban de moire verte et noire symbolise le deuil et l'espérance. La
remise de la Croix se fait au cours d'une prise d'armes et les termes
employés sont les suivants :
" Nous vous reconnaissons comme
notre Compagnon pour la Libération de la France, dans l'honneur et pour
la victoire ".
Ces textes définissent ainsi un cadre très solennel pour l'Ordre
de la Libération, correspondant finalement à la mission
assignée à celui-ci : assurer une reconnaissance pour tous ceux
qui se sont particulièrement distingués dans la Libération
de la France.