b) Un premier bilan de la libéralisation des échanges agricoles mondiaux
C'est
dans cet esprit que les Etats-Unis ont provoqué de manière
unilatérale la négociation de l'Uruguay Round
8(
*
)
. Il convient d'insister encore sur la
réalité du constat américain. Désormais, la
croissance économique sera tirée par les exportations et une
libéralisation accrue du commerce mondial apparaît
impérative. Le défi d'une internationalisation croissante des
échanges fait que l'économie américaine ne peut contourner
le modèle de croissance tirée par les exportations et impose, par
conséquent, à la fois un réexamen de sa politique
commerciale dans un sens plus conforme au rang qu'elle occupe dans le monde, et
une redéfinition des accords commerciaux.
Deux caractéristiques marquent l'évolution récente de la
mondialisation des échanges agricoles : d'une part, la
progressivité de cette libéralisation, et d'autre part, la
régionalisation des échanges mondiaux.
Une libéralisation " à petits pas "
Les effets de l'accord de Marrakech ne montrent pas de bouleversement des flux
commerciaux en 1995, 1996 et 1997. La mise en oeuvre, depuis le
1er juillet 1995, du volet agricole, ne peut faire apparaître
que des effets très limités.
En effet, les parties signataires ont pris soin d'entériner les
périodes de référence qui leur étaient les plus
favorables et d'anticiper le contenu de l'Accord en adaptant, en tant que de
besoin, leur politique agricole
9(
*
)
.
Par ailleurs, aux termes mêmes de son article 20, l'Accord de
Marrakech ne constitue pas un point d'arrivée, mais s'inscrit dans un
processus de réforme à long terme. Ainsi on ne peut
déceler pour ces premières années une augmentation des
échanges et ni la France, ni l'Union européenne n'ont ressenti
sur leurs marchés de pression sensiblement accrue de la part de produits
concurrents.
Au niveau de la zone européenne, le règlement de base transposant
l'accord sur l'agriculture -règlement n° 3290/94 du
22 décembre 1994 - a su concilier le respect des engagements
internationaux de l'Union européenne et la nécessité de
maintenir sa capacité exportatrice.
Ce règlement a fixé, pour l'ensemble des secteurs agricoles
concernés, les grands principes suivants :
- la suppression des prélèvements compte tenu de l'adoption
du système de tarification ;
- le recours systématique aux certificats d'importation afin de
suivre l'accès courant et l'accès minimum ;
- la généralisation de l'obligation de certificats
d'exportation (pour le suivi de la contrainte en volume) avec
préfixation (pour le suivi de la contrainte budgétaire).
Sauf pour les produits transformés, ne relevant pas de l'annexe II
du Traité, plusieurs acquis ont pu être
préservés :
- le régime de préfinancement des restitutions ;
- le maintien de la tolérance d'utilisation des certificats
à +/- 5 %.
- la durée de validité des certificats n'a pas
été limitée à chaque fin de campagne, grâce
au report possible des quantités non utilisées d'une année
GATT sur l'autre ;
Votre rapporteur note que, si la mise en oeuvre de l'OMC n'a pas
entraîné pour l'instant de bouleversements dans les
échanges commerciaux, plusieurs secteurs sont assez durement
touchés par les limitations à l'exportation.
Il s'agit des
secteurs des
volailles
, des
fromages
et
autres produits
laitiers
, des
fruits et légumes
et la
viande porcine
.
Les demandes de certificats d'exportation ayant été plus
importantes que ce que nos engagements nous permettent d'exporter avec
subventions, la commission a dû prendre des mesures de restrictions
drastiques telles les baisses répétées du niveau des
restitutions, la suspension de la délivrance de certificats, la
suppression de la restitution sur certaines destinations.
Une régionalisation accrue des échanges mondiaux
L'ouverture croissante des économies sur le monde devrait constituer
désormais un facteur contribuant à la croissance
économique et, également à la différenciation des
taux de croissance entre les pays. Mais la mondialisation
" actuelle " est davantage une régionalisation qu'une
globalisation.
La création du marché commun et de la PAC a ouvert la voie
à ce processus de régionalisation. Aujourd'hui, en dépit
d'une montée en puissance des exportations en provenance des pays d'Asie
en développement (Chine, Inde, Corée du Sud...), près de
50 % des exportations mondiales sont assurées par l'Union
européenne, les États-Unis et le Japon.
L'économie mondiale repose donc aujourd'hui en partie sur une logique de
blocs. Ainsi, l'Amérique du Sud a renforcé
considérablement ces échanges régionaux afin d'affirmer sa
politique commerciale face aux régions du monde. Si l'agriculteur ne
semble guère profiter des avantages escomptés de l'ouverture
à la libéralisation, la création du Mercosur entre le
Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay constitue l'axe central de
cette politique, les exportations de produits agricoles et alimentaires
représentant 20 % des exportations totales du Brésil et plus
de 60 % pour l'Argentine. De même, l'Association des pays de l'Asie
du sud-est (ANASE) contribue fortement à l'économie de cette
région, grosse importatrice et dont l'agriculture constitue le principal
moteur de l'économie et la principale source d'emploi.
Enfin l'Accord de libre échange nord-américain (Alena) entre le
Canada, les États-Unis et le Mexique s'applique au commerce de produits
agricoles.