N° 85
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du Règlement et d'administration
générale (1) sur la proposition de loi de M. Claude ESTIER
et les membres du groupe socialiste et apparentés, portant modification
de la loi
n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement
du
volontariat
dans les corps de
sapeurs-pompiers
,
Par M.
René-Georges LAURIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir le numéro :
Sénat
:
19
(1998-1999).
Sécurité civile. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 24 novembre 1998 sous la présidence de
M.
Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné, sur le rapport de M. René-Georges Laurin, la
proposition de loi portant modification de la loi n° 96-370 du 3 mai
1996 relative au développement du volontariat dans le corps des
sapeurs-pompiers.
Elle a assoupli les conditions d'attribution de l'allocation de
vétérance attribuée aux sapeurs-pompiers volontaires, en
supprimant la condition de poursuite de l'engagement jusqu'à la limite
d'âge de leur grade et en maintenant celle de vingt années de
service.
La commission des Lois a adopté la suppression de la contribution des
volontaires au financement de cette allocation, qui serait supportée par
les collectivités territoriales et établissements publics,
autorités d'emploi des sapeurs-pompiers volontaires.
Mesdames, Messieurs,
Les 205.000 sapeurs-pompiers volontaires (soit plus de 85 % des effectifs
totaux de sauveteurs
1(
*
)
)
constituent la charpente de la sécurité civile en France. Ils
sont le plus souvent les seuls, en zone rurale, à pouvoir intervenir
dans un délai rapide.
Ils doivent assurer aujourd'hui des interventions de plus en plus nombreuses et
diversifiées, avec des effectifs en diminution et nettement moins
importants que dans les pays voisins (1 sapeur-pompier volontaire pour
270 habitants en France, contre 1 pour 70 habitants en Allemagne).
Leur recrutement apparaît insuffisant et la durée moyenne de leur
engagement décroît.
La loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au
développement du volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers
,
adoptée par le Sénat sur le rapport de notre ancien
collègue Jean-Pierre Tizon, a constitué la première
réponse à cette crise, en dotant les sapeurs-pompiers volontaires
d'un statut législatif qui leur faisait défaut auparavant.
Ce texte facilite la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires en
instituant un régime
d'autorisation d'absence
pour leur permettre
de participer à des missions opérationnelles urgentes ou à
des activités de formation.
Ce dispositif, incitatif sans être trop contraignant afin de ne pas
dissuader les entreprises d'embaucher des sapeurs-pompiers volontaires,
comporte des
compensations financières
pour celles qui consentent
à maintenir la rémunération pendant la durée de
l'absence (subrogation dans le droit des sapeurs-pompiers volontaires de
percevoir les vacations horaires, exonérées de tout
prélèvement fiscal ou social ; réductions diverses de
charges, prime d'assurance incendie notamment).
La loi du 3 mai 1996 précitée consacre le droit du
sapeur-pompier volontaire de percevoir des
vacations horaires
, se
substituant à une grande disparité de pratiques locales.
Afin de concrétiser la reconnaissance de la Nation pour les services
rendus par les sapeurs-pompiers volontaires tout en remédiant à
des pratiques locales diverses, le texte institue une
allocation de
vétérance
au bénéfice du sapeur-pompier
volontaire dont l'engagement prend fin lorsqu'il atteint la limite d'âge
de son grade après avoir effectué au moins 20 ans de service.
Enfin, la loi du 3 mai 1996 comporte des dispositions destinées
à favoriser l'accomplissement du service national en qualité de
sapeur-pompier auxiliaire
et à améliorer la
protection
sociale
des sapeurs-pompiers volontaires.
L'entrée en vigueur des dispositions sur l'allocation de
vétérance a été fixée au 1er janvier
1998. Cependant,
faute de parution du décret d'application
devant
définir les critères de calcul de la part variable de
l'allocation "
compte tenu des services accomplis, y compris en
formation, par le sapeur-pompier volontaire
",
les personnes
concernées ne perçoivent actuellement que la part forfaitaire de
cette allocation
.
Les difficultés tiennent principalement aux
conditions de financement
de la part variable
.
La proposition de loi
soumise à notre examen,
déposée par M. Claude Estier et les membres du groupe
socialiste,
ne concerne que
l'allocation de
vétérance
pour en redéfinir les règles de
financement et en assouplir les conditions d'attribution. Elle comporte aussi
un aménagement d'une disposition transitoire de la loi du 3 mai
1996.
Cette proposition de loi, en revanche,
ne porte pas sur les autres
dispositions de la loi du 3 mai 1996
, qui ne seraient donc pas remises
en cause.
I. LA LOI N° 96-370 DU 3 MAI 1996 A GÉNÉRALISÉ ET UNIFORMISÉ L'ATTRIBUTION DE L'ALLOCATION DE VÉTÉRANCE
Avant
l'entrée en vigueur de cette loi, le versement d'une allocation de
vétérance était facultatif.
Un arrêté du 18 août 1981
permettait
le
versement d'une allocation de vétérance aux anciens
sapeurs-pompiers non professionnels ayant accompli en cette qualité
vingt années de service effectif et qui avaient atteint la limite
d'âge de leur grade (60 ans pour les officiers, 55 ans pour les
non-officiers, la condition de limite d'âge étant ramenée
à 50 ans pour les sapeurs-pompiers reconnus médicalement
inaptes au service).
Le montant maximum de cette allocation annuelle, actualisé chaque
année, était de 1.871 F pour 1995.
Dans la pratique, les conditions d'attribution et les montants effectivement
versés variaient suivant les départements.
Le montant maximum était accordé dans la plupart des
départements, quelques uns d'entre eux n'attribuant cependant pas cette
allocation.
Dans certains départements, l'allocation était abondée par
les sommes versées par les amicales de corps ou les unions
départementales, elles-mêmes fréquemment
subventionnées par les collectivités territoriales.
Sur l'ensemble du territoire, l'allocation était versée à
80 % des bénéficiaires potentiels, pour un montant moyen de
1.550 F par an.
La loi n° 96-370 du 3 mai 1996
a entendu
remédier aux disparités
dans le versement de cette
allocation et
unifier les conditions de son financement.
L'article 12
de cette loi
a généralisé
l'allocation de vétérance
en rendant son versement
obligatoire en faveur de tous les sapeurs-pompiers volontaires dont
l'engagement prend fin lorsqu'ils atteignent la limite d'âge de leur
grade, après avoir effectué au moins vingt ans de service.
L'attribution de l'allocation de vétérance est donc soumise
à
deux conditions cumulatives
:
- le sapeur-pompier a accompli vingt années de service,
- l'engagement prend fin à la date de la limite d'âge.
La condition de limite d'âge est ramenée à 45 ans en
cas d'incapacité opérationnelle reconnue médicalement.
L'allocation de vétérance est composée de deux
éléments
:
- une
part forfaitaire
, identique pour tous, dont le montant est
fixé par arrêté. Pour cette année, la part
forfaitaire a été fixée à 1.927,86 F par un
arrêté du 17 mars 1998.
La part forfaitaire se situe donc au niveau du montant maximum de l'allocation
de vétérance instituée par l'arrêté du
18 août 1981 (1.871 F pour 1995) ;
- une
part variable
"
modulée compte tenu des services
accomplis, y compris en formation, par le sapeur-pompier volontaire, suivant
des critères de calcul définis par décret
".
La loi du 3 mai 1996 prévoit qu'un arrêté fixe le
montant maximum de cette part variable.
Pour des raisons que l'on exposera plus loin,
les dispositions
réglementaires concernant la part variable n'ont pas été
prises et, pour l'heure, seule la part forfaitaire de l'allocation de
vétérance est versée à ceux qui remplissent les
conditions légales.
L'allocation de vétérance ne constitue pas à proprement
parler une pension de retraite mais une indemnisation du temps consacré
au service du public et la reconnaissance matérielle de
l'accomplissement d'une mission d'intérêt général.
Elle n'est donc assujettie à aucun impôt ni soumise aux
prélèvements prévus par la législation sociale.
Elle est incessible et insaisissable et peut se cumuler avec tout revenu ou
prestation sociale.
L'allocation de vétérance est versée par le service
départemental d'incendie et de secours (SDIS) dans lequel le
sapeur-pompier volontaire a effectué la durée de service la plus
longue.
L'article 13
de la loi du 3 mai 1996 prévoit, en cas de
décès du sapeur-pompier volontaire en service commandé, le
versement de l'allocation de vétérance maximale au
conjoint
survivant
, sa vie durant, ou, à défaut, à ses
descendants
directs jusqu'à leur majorité.
Les
conditions de financement
de l'allocation de vétérance
sont fixées par
l'article 14
de la loi du 3 mai
1996 :
- la
part forfaitaire
est supportée par les contributions des
collectivités territoriales et des établissements publics,
autorités d'emploi des sapeurs-pompiers volontaires ;
- la
part variable
est financée,
pour la moitié au
moins
, par les contributions des mêmes collectivités et
établissements et, pour le surplus, par celles des sapeurs-pompiers
volontaires en activité.
Le texte a prévu que les contributions des sapeurs-pompiers volontaires
sont prélevées sur leurs vacations horaires et que celles des
autorités d'emploi constituent des dépenses obligatoires.
Le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) est
chargé de percevoir les contributions et de verser l'allocation
(article 15 de la loi du 3 mai 1996).
La loi entendait mettre fin à des modes de financement
hétérogènes et, selon les évaluations faites
à l'époque par le ministère de l'intérieur, devait
entraîner une charge financière nouvelle de 38 millions de
francs pour les collectivités territoriales et établissements
publics concernés.
L'article 18
de la loi du 3 mai 1996 comporte
deux
dispositions transitoires
:
- les sapeurs-pompiers volontaires
ayant cessé leur activité
avant l'entrée en vigueur de la loi
perçoivent la
part
forfaitaire
de cette allocation, s'ils remplissent les conditions
fixées par le texte ;
- ceux qui
bénéficiaient, au 1er janvier 1995, d'une
allocation de vétérance supérieure
à celle
résultant de l'application de la loi nouvelle, peuvent percevoir en
outre une somme égale à la différence entre ces deux
montants, si les autorités d'emploi le décident.
Enfin, les dispositions de la loi du 3 mai 1996 concernant l'allocation de
vétérance sont entrées en vigueur le 1er janvier 1998
(
article 21
).
II. LA PROPOSITION DE LOI ÉLARGIRAIT LE CHAMP DES BÉNÉFICIAIRES DE L'ALLOCATION DE VÉTÉRANCE ET TRANSFÉRERAIT L'INTÉGRALITÉ DE SON COÛT AUX AUTORITÉS D'EMPLOI
La
proposition de loi comporte trois dispositions :
-
l'allocation de vétérance ne serait plus soumise à la
condition de poursuite de l'activité de sapeur-pompier jusqu'à la
limite d'âge
, les 20 années de service étant
toujours exigées (durée abaissée à 15 ans en cas
d'incapacité opérationnelle). Le versement de l'allocation ne
serait en revanche assuré qu'à compter de cette limite
d'âge (
article 1er
).
Cette disposition éviterait de pénaliser les personnes qui se
sont engagées avant l'âge de 35 ans et qui, pour des raisons
diverses, ne souhaiteraient pas ou ne pourraient pas renouveler leur engagement
après 20 années de service, par rapport à ceux qui,
devenus plus tardivement sapeurs-pompiers volontaires, poursuivent cette
activité au moins pendant 20 ans et jusqu'à la limite
d'âge de leur grade.
-
le financement de la totalité de l'allocation de
vétérance
(part forfaitaire et part variable)
serait
intégralement supporté par les collectivités territoriales
et établissements publics, autorités d'emploi
alors
qu'actuellement une partie de la part variable doit être alimentée
par les contributions des futurs bénéficiaires
(
article 2
).
- une allocation différentielle pourrait être versée
à ceux qui bénéficiaient d'une allocation de
vétérance supérieure avant le 1er janvier 1998,
au lieu du 1er janvier 1995 (
article 3
).
III. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS : MARQUER LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ET MAÎTRISER L'ÉVOLUTION DES CHARGES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Votre
commission des Lois a, en premier lieu, considéré que
l'allocation de vétérance était destinée à
marquer la reconnaissance de la Nation pour l'action courageuse et le
dévouement quotidien des sapeurs-pompiers volontaires dont les
qualités sont unanimement appréciées par la population.
Les sapeurs-pompiers volontaires s'exposent pour secourir leurs concitoyens et
l'on déplore malheureusement plus d'une vingtaine de décès
de sauveteurs chaque année.
Aussi, votre commission des Lois ne peut qu'être sensible aux
propositions, formulées à l'article 1er de la proposition de
loi, tendant à
élargir, pour les rendre plus
équitables, les conditions d'attribution
de l'allocation de
vétérance.
Celles-ci, susceptibles de bénéficier à
3.000 bénévoles, selon les indications du ministère
de l'Intérieur, entraîneraient
une augmentation de
charges des collectivités et établissements concernés
évaluée à 8,1 millions de francs
par rapport
à la loi du 3 mai 1996, ce qui paraît acceptable, compte tenu de
l'objectif poursuivi.
La suppression de la contribution des sapeurs-pompiers volontaires
au
financement de la part variable de l'allocation de vétérance ne
serait pas choquante dans son principe, puisque cette allocation a
précisément pour objet d'exprimer matériellement une
reconnaissance pour des services rendus par des bénévoles au
péril de leur vie. Elle ne constitue pas à proprement parler une
pension de retraite.
Le
transfert de charges
au détriment des collectivités et
établissements publics concernés,
évalué
à 28 millions de francs
, paraît devoir être
accepté pour
permettre une pleine application de la loi du 3 mai
1996, que le Sénat avait adoptée.
Le coût total de ces dispositions s'établirait donc à 36,1
millions de francs.
Enfin, le versement d'une prestation différentielle pour les
sapeurs-pompiers volontaires qui bénéficiaient, à une date
qui serait reportée du 1
er
janvier 1995 au 1er janvier
1998, d'une allocation supérieure à celle instituée par la
loi, toujours subordonné à la décision des
autorités d'emploi, n'entraînerait pas de dépenses
supplémentaires pour ces derniers, s'agissant de la poursuite d'une
allocation précédemment versée.
En conséquence, votre commission des Lois vous demande d'adopter ses
conclusions comportant quatre articles.