E. AUDITION DE M. EDMOND MALINVAUD, PROFESSEUR HONORAIRE AU COLLÈGE DE FRANCE
Réunie le
mardi 13 octobre 1998
, sous la
présidence de M. Jean Delaneau, président,
la commission a
procédé à
l'audition de M. Edmond Malinvaud, professeur
honoraire au collège de France,
sur le
projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999
.
Elle a tout d'abord entendu
M. Edmond Malinvaud
,
Professeur honoraire
au collège de France,
sur son rapport au Premier ministre
consacré aux cotisations sociales à la charge des employeurs.
M. Edmond Malinvaud
a tenu à préciser que son
étude, qualifiée d'analyse économique, avait eu pour objet
de donner des repères et non de proposer une réforme
particulière. Il a insisté sur le fait qu'elle s'adressait aux
effets à long terme (10 ans et plus) à attendre de
réformes adoptées immédiatement et
considérées comme devant être maintenues durablement sans
changement.
M. Edmond Malinvaud
a indiqué que l'arrière-plan
scientifique du travail accompli n'était pas aussi robuste qu'il
l'aurait souhaité, évoquant les obstacles constitués par
les interdépendances complexes entre prix et quantités, les
substitutions entre facteurs de production ou encore les incertitudes
concernant les effets à attendre d'une réforme des cotisations
patronales sur la croissance.
M. Edmond Malinvaud
a déclaré que son étude visait
à éclairer les réponses à trois questions : la
première tendant à valider l'intuition consistant à penser
qu'une réforme des cotisations patronales, s'appliquant à tous
les niveaux de qualification, stimulerait assez l'emploi pour justifier ses
difficultés pratiques de mise en oeuvre ; la deuxième ayant pour
objet de déterminer quelles seraient les modalités des
réformes de ce type les plus favorables à l'emploi ; la
troisième essayant de prendre position sur l'intérêt de la
pérennisation, voire du renforcement, d'une différenciation des
taux de cotisation en faveur des bas salaires.
M. Edmond Malinvaud
a déclaré qu'il avait pensé,
dans un premier temps, ne pouvoir donner que des indications qualitatives en
réponse à ces questions. Il a observé qu'il lui avait
été finalement possible d'introduire des éléments
de quantification.
Concernant les principales conclusions de son étude,
M. Edmond
Malinvaud
a considéré que les réformes de la
fiscalité et de la parafiscalité qui concerneraient
indistinctement toutes les qualifications auraient beaucoup moins d'effet sur
le coût réel du travail que leurs impacts directs ne conduisaient
à le faire penser. S'agissant d'un traitement différentiel des
bas salaires,
M. Edmond Malinvaud
a estimé que la conclusion
serait autre en raison d'un déséquilibre plus marqué et
plus durable entre offre et demande de travail et du fait également de
l'existence d'un salaire minimal légal. Il a plaidé en faveur de
l'introduction, à titre définitif, d'un barème des
cotisations patronales comportant de faibles taux en bas de l'échelle.
M. Edmond Malinvaud
a ensuite fait part des résultats qui
pouvaient être escomptés d'une diminution des charges sociales
pesant sur les salaires compensée, à due concurrence, par un
prélèvement reposant respectivement sur la taxe sur la valeur
ajoutée (TVA), l'ensemble des revenus (contribution sociale
généralisée), les résultats des entreprises
(impôts sur les sociétés) ou encore à travers
l'introduction d'une nouvelle assiette " valeur ajoutée ".
Dans le cas d'une baisse du taux des cotisations patronales de trois points,
compensée par une hausse de la TVA,
M. Edmond Malinvaud
a
estimé qu'il en résulterait une baisse du coût du travail
de 3 %, qui se traduirait en termes d'emploi par la création de
70.000 postes au bout de dix ans. Dans l'hypothèse d'une baisse des
cotisations accompagnée de l'introduction d'une nouvelle assiette sur la
valeur ajoutée,
M. Edmond Malinvaud
a déclaré que
les résultats en termes d'emploi resteraient comparables à ceux
induits par un basculement sur la TVA, c'est-à-dire un gain d'environ
70.000 emplois. Il a toutefois mis en évidence les difficultés
créées par une telle assiette qui taxerait les amortissements
ainsi que le profit pur ; celui-ci rémunérant le risque, il
pourrait en résulter une moindre incitation au développement
d'activités nouvelles dans les hautes technologies par exemple.
Evoquant l'intérêt d'un traitement différentiel des bas
salaires,
M. Edmond Malinvaud
a estimé qu'il pourrait
être justifié par le fait que l'on pouvait diagnostiquer, pour les
années à venir, des difficultés d'emploi
particulières pour les salariés les moins bien
rémunérés. Il a par ailleurs considéré que
les bas salaires, étant fortement liés au salaire minimum
interprofessionnel de croissance (SMIC), étaient assez peu sensibles
à l'état du marché du travail, ce qui constituait un
facteur de chômage pouvant justifier des allégements particuliers
sous la forme d'un barème progressif.
M. Edmond Malinvaud
a estimé que le barème actuel
était trop progressif, entre 1 et 1,3 fois le SMIC.
Il a déclaré qu'un employeur qui souhaitait augmenter de 100
francs le salaire d'un de ses employés payé au SMIC devrait en
fait payer 300 francs compte tenu des charges sociales.
M. Edmond Malinvaud
a fait part de sa préférence pour un
barème moins progressif, qui s'appliquerait à l'ensemble des
salaires compris entre une et deux fois le SMIC.
Afin de financer un tel dispositif,
M. Edmond Malinvaud
a
envisagé trois possibilités, l'une d'entre elles consistant
à augmenter d'environ 2 % les cotisations sur les plus hautes
rémunérations. Il a estimé qu'une telle réforme
pourrait se traduire par la création de 300.000 emplois à
l'horizon de 10 ans.
M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers
généraux et l'assurance maladie,
a souhaité savoir si
le rapport présenté était un rapport demandé par le
Premier ministre dans le cadre du Conseil d'analyse économique ou s'il
devait être considéré comme étant le rapport du
Gouvernement au Parlement prévu par l'article 6 de la loi de financement
pour 1998, rapport " analysant les conséquences sur le financement
de la sécurité sociale et sur la situation des entreprises d'une
modification de l'assiette des cotisations sociales à la charge des
employeurs, notamment appuyée sur la valeur ajoutée ".
M. Edmond Malinvaud
a répondu que son rapport n'avait pas un tel
objet et qu'il devait être considéré comme un rapport
réalisé dans le cadre du Conseil d'analyse économique.
M. Charles Descours, rapporteur,
a demandé ensuite si le
diagnostic d'une évolution plus favorable que par le passé de la
masse salariale tenait compte de la modération en termes de hausse des
salaires observée depuis l'annonce de la loi d'orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail.
M. Edmond Malinvaud
a répondu que son étude ne prenait pas
en compte l'impact de la loi sur les 35 heures. Il a par ailleurs
observé qu'une distinction devrait être faite entre le taux de
salaire horaire, qui continuerait à croître, et la
rémunération globale qui pourrait effectivement évoluer en
fonction de la durée du travail.
M. Charles Descours, rapporteur,
s'est enfin interrogé sur le
risque qu'une surcotisation imposée aux salaires les plus
élevés puisse avoir un effet de " fuite des cerveaux ",
notamment dans le domaine des nouvelles technologies.
En réponse,
M. Edmond Malinvaud
a considéré que les
emplois les plus rémunérés étaient les moins
sensibles à une augmentation du coût du travail. Il a par ailleurs
observé qu'il avait proposé d'autres pistes de réforme.
M. Jean Delaneau, président,
a souhaité savoir si les
considérations contenues dans le rapport, relatives au SMIC en tant que
facteur de rigidité par rapport aux évolutions du marché
du travail devaient être considérées comme une critique
d'une rémunération minimale fixée par voie administrative.
En réponse,
M. Edmond Malinvaud
a indiqué qu'il avait
considéré la question des coûts salariaux et qu'il avait
retenu l'hypothèse d'un abaissement des charges sur les bas salaires
pour obtenir une réduction de ces coûts.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
et
M. François Autain
se
sont interrogés sur le nombre de créations d'emplois qui pourrait
être attendu d'un transfert plus important de cotisations patronales sur
la cotisation sociale généralisée (CSG) d'une part, et sur
la TVA d'autre part.
M. Edmond Malinvaud
leur a répondu que les résultats en
termes d'emplois seraient du même ordre, que le transfert ait lieu sur la
CSG ou sur la TVA. Afin de donner un ordre de grandeur, il a rappelé
qu'un transfert de trois points des cotisations patronales permettrait la
création de 70.000 emplois et qu'un transfert plus important
permettrait la création d'un supplément d'emplois
proportionnellement plus élevé.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est interrogée sur
l'intérêt qu'il pourrait y avoir à exonérer de
cotisations sociales les premiers 1.000 francs de l'ensemble des salaires.
M. Edmond Malinvaud
a considéré que ce système
avait des vertus à long terme, notamment du fait de sa
simplicité, mais il a estimé qu'il créerait moins
d'emplois que d'autres dispositifs envisagés.
Mme Nicole Borvo
s'est interrogée, quant à elle, sur
l'intérêt de baisser le coût du travail après avoir
constaté que la baisse observée ces dernières
années avait été sans effet sur l'emploi.
M. Edmond Malinvaud
a déclaré que le coût du travail
n'avait pas baissé mais qu'on avait simplement assisté au
développement des inégalités notamment au détriment
des jeunes qui devaient faire face à une plus grande
précarité des emplois. Il a considéré par ailleurs
que de nombreuses études avaient mis en évidence l'existence d'un
lien entre le coût du travail et la demande d'emploi.
Enfin,
M. André Jourdain
a demandé à M. Edmond
Malinvaud de donner son avis sur l'intérêt d'une cotisation assise
sur la valeur ajoutée.
M. Edmond Malinvaud
a souhaité simplement souligner qu'il
s'agirait d'un impôt nouveau difficile à mettre en oeuvre
notamment du fait des obstacles pouvant apparaître dans le contrôle
de son recouvrement.