3. L'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie pour 1998 : un objectif contestable en ce qu'il permet de financer l'offre de soins hospitalière à périmètre constant et qu'il comporte encore 10 % de dépenses non encadrées

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe à 613,6 milliards de francs l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 1998.

Cet objectif est en progression de 2,2 % par rapport à celui qui a été adopté l'an dernier par le Parlement.

Dans la mesure où une dépense doit être analysée à l'aune de ce qu'elle permet de financer, votre commission estime que l'ONDAM 1998 appelle quatre réflexions.

a) La croissance retrouvée ne saurait à elle seule jusifier une progression des dépenses

La première réflexion concerne la maîtrise des dépenses, qui doit être poursuivie malgré le regain de croissance.

Votre commission estime en effet qu'une dépense n'est fondée que si elle correspond à de véritables besoins de santé, et que la croissance économique ne saurait, en elle-même, servir de justification à une augmentation des dépenses.

En outre, elle rappelle que les prévisions de croissance élevée sont toujours plus aléatoires que des prévisions de dépenses élevées.

La croissance ne saurait donc constituer un prétexte à l'augmentation des dépenses, et devrait au contraire permettre de diminuer les prélèvements, ce que ne fait pas non plus le Gouvernement dans son projet de loi de financement.

b) La nécessaire récompense des professionnels de santé pourrait être réalisée avec un objectif inférieur

La deuxième réflexion concerne la nécessaire récompense des professionnels de santé, dans le cadre conventionnel, pour les efforts accomplis cette année, dans l'hypothèse où l'objectif 1997 est respecté.

L'ONDAM 1998 permettra assurément de récompenser les professionnels, mais un objectif un peu plus strict aurait également permis de financer de telles mesures, à condition, nous le verrons (cf. d/) que toutes les dépenses comprises dans l'ONDAM (secteur médico-social, prescriptions effectuées par des médecins salariés...) soient encadrées.

La nécessaire récompense de l'effort des professionnels ne peut donc à elle seule justifier un taux de progression de 2,2 % de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie.

c) L'objectif des dépenses hospitalières cautionne le gel des restructurations

La troisième réflexion, complémentaire des deux premières, traduit le constat du caractère indispensable de l'adaptation de l'offre de soins, notamment l'offre de soins hospitalière. De ce point de vue, l'ONDAM 1998 est très critiquable car il s'accompagne d'un gel des restructurations. Il permettra donc de financer l'offre hospitalière à périmètre constant.

A cet égard, le conseil d'administration de la CNAMTS, le 30 septembre 1997, a adopté l'avis suivant :

" Le conseil d'administration approuve le choix de l'élargissement de l'assiette du financement de l'assurance maladie qui doit contribuer à la stabilisation de ses ressources. Néanmoins, il rappelle que le redressement des comptes de l'assurance maladie passe par la maîtrise des dépenses : une politique fondée sur une augmentation continue des recettes aurait des conséquences néfastes sur la croissance et l'emploi, sans pour autant améliorer l'état de santé de la population.

Ce choix ne doit donc en aucun cas conduire à abandonner les efforts de restructuration de l'offre de soins. Le taux d'évolution des dépenses inscrit dans la loi de financement ne reflète pas spontanément cette exigence.

La restructuration de l'offre est indispensable pour répondre aux besoins de la population dans des conditions de qualité et de sécurité satisfaisantes. Une action volontariste doit donc être poursuivie pour la résorption de l'excédent de l'offre, en particulier dans le domaine hospitalier ".


A cet égard, votre commission aurait préféré un taux d'évolution des dépenses un peu plus rigoureux, quitte à mieux doter le fonds de modernisation des hôpitaux institué par le projet de loi de financement, qui recevra seulement 300 millions de francs de l'assurance maladie et surtout le fonds d'aide à l'investissement institué en loi de finances.

d) Votre commission propose de poursuivre la maîtrise des dépenses : dans un souci de répartition équitable de l'effort, elle propose de placer sous un mécanisme de régulation les quelque 10 % de l'ONDAM qui en sont dépourvus.

La quatrième réflexion concerne le caractère équitable des efforts demandés aux professionnels de santé dans le cadre de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

Ainsi, votre commission estime que le Gouvernement commet une erreur, dans la présentation du projet de loi de financement, d'annoncer qu'il accordera aux hôpitaux une progression de leur enveloppe supérieure à celle qu'il compte concéder à la médecine de ville.

De même, il faut rappeler qu'alors que l'ONDAM fixé par le Parlement a une portée essentielle pou la majorité des professionnels de santé, dans la mesure où il est décliné, pour eux, en autant d'enveloppes opposables, il n'en est pas de même pour tous les professionnels.

Les contours de cet objectif correspondent en effet, pour la plupart, à des dépenses faisant l'objet de mesures de régulation négociées annuellement avec les professionnels de santé.

Néanmoins, et c'est une faiblesse importante du dispositif, toutes les dépenses inscrites dans l'objectif ne sont pas encadrées.

La Cour des Comptes, dans son rapport, a recensé ces dépenses non encadrées. Il s'agit :

· pour les soins de ville :

- honoraires des médecins et dentistes salariés des centres de santé ;

- honoraires non prescrits des sages-femmes salariées des centres de santé ;

- médicaments prescrits par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux ;

- indemnités journalières prescrites par des professionnels autres que les libéraux ;

- autres prestations prescrites par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux : transport des malades, actes KB, TB, PB, cures thermales, TIPS (autres que prothèses internes), actes de pédicure, prestations exécutées par des professionnels salariés des centres de santé ;

- autres dépenses hors OQN des professionnels libéraux ;

- forfaits non individualisés : aide sociale, PMI, dispensaires antituberculeux.

· pour les établissements hospitaliers

- versements aux établissements hospitaliers hors dotation globale et relevant du secteur à tarification administrative ;

- versements aux établissements hospitaliers hors dotation globale et relevant du secteur à tarification conventionnelle pour les prestations ne relevant pas de l'OQN cliniques privées.

· pour les établissements médico-sociaux

- prestations médico-sociales relevant du secteur hors dotation (enfance inadaptée, adultes handicapés).

Votre commission estime urgent que toutes les dépenses d'assurance maladie comprises dans l'ONDAM soient pourvues d'un mécanisme de régulation, à la fois pour une question de principe et une raison d'efficacité.

Une question de principe d'abord.

En effet, alors que l'immense majorité des professionnels de santé voit les dépenses qu'il engage encadrées par des mécanismes de plus en plus rigoureux et que les politiques de maîtrise des dépenses tendent à répartir équitablement l'effort demandé, il est anormal que certains secteurs de dépenses de l'assurance maladie continuent à fonctionner " à guichets ouverts ".

Une question d'efficacité et de crédibilité, ensuite.

Le Parlement est en effet appelé à voter, chaque année, l'objectif national d'évolution des dépenses. Cet objectif est global, le Gouvernement, les caisses et les professionnels participant ensuite à sa déclinaison et à sa mise en oeuvre.

Pour que ce vote ait un sens, il faut que les conditions de l'opposabilité de l'objectif soient clairement établies secteur par secteur, ce qui n'est pas le cas actuellement.

D'autant que le volume des dépenses non encadrées est important et progresse d'année en année à des taux beaucoup plus élevés que, par exemple, les dépenses de médecine de ville ou les dépenses hospitalières .

Récapitulatif des dépenses du régime général sur le champ de l'ONDAM
Résultats de l'année 1996 - Métropole
Evolutions 1996/1995

En millions de francs

SOINS DE VILLE

208.647

2,8 %

OQN Médecins libéraux

169.286

2,5 %

OQN Dentistes libéraux

11.994

3,3 %

OQN sages-femmes libérales pour les deux rubriques suivantes :

- Honoraires non prescrits (SF, C)

177

25,5 %

- Honoraires prescrits par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux (SFI)

6

- 14,3 %

OQN des autres professionnels de santé libéraux (infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, laboratoires) pour la part prescrite par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux

3.615

4,4 %

Hors OQN des professionnels libéraux

23.752

5,8 %

dont - Honoraires des médecins et dentistes salariés des centres de santé et honoraires des sages-femmes salariées des centres de santé pour leurs honoraires non prescrits

1.653

4,1 %

- Prothèses internes et produits d'origine humaine (quel que soit le prescripteur)

3.548 (a)

7,2 %

- Médicaments prescrits par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux

6.208

13,3 %

- Indemnités journalières prescrites par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux

6.322

3,4 %

- Autres prestations prescrites par des prescripteurs autres que les médecins et dentistes libéraux : transport des malades, KB, TB, PB, cures thermales, TIPS (hors prothèses internes), actes de pédicure, prestations exécutées par des professionnels salariés des centres de santé

5.101

0,2 %

- Forfaits non individualisés (aide sociale, PMI, dispensaires anti-tuberculeux)

912

6,3 %

- Autres dépenses hors OQN des professionnels libéraux

8

- 11,1 %

DOTATION GLOBALE HOSPITALIERE (y compris régularisation)

190.297

3,5 %

VERSEMENTS AUX ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS HORS DOTATION

40.331

3,0 %

Secteur à tarification administrative

9.564

8,4 %

Secteur à tarification conventionnelle

- Prestations relevant de l'OQN des cliniques privées

27.807 (a)

2,1 %

- Prestations ne relevant pas de l'OQN des cliniques privées

2.960

- 4,3 %

PRESTATIONS MEDICO-SOCIALES

33.231

9,1 %

Secteur sous dotations (hébergement des personnes âgées, soins à domicile)

8.397

6,7 %

Secteur hors dotations (enfance inadaptée, adultes handicapés)

24.834

10,0 %

TOTAL

472.506

3,5 %

(a) La majeure partie des dépenses de remboursement de prothèses internes et de produits d'origine humaine sont incluses dans l'OQN des cliniques privées, en tant que consommations intermédiaires. Ces dépenses ne sont pas reportées dans le présent tableau au titre des prestations relevant de l'OQN des cliniques privées, de même que les autres dépenses de consommations intermédiaires relevant de l'OQN cliniques privées. Ces dernières dépenses sont en très grande partie incluses dans l'OQN médecins libéraux, et pour une partie résiduelle, incluses dans le poste " Autres prestations prescrites par des prescripteurs autres que médecins et dentistes libéraux ".

en gras : dépenses non encadrées par un OQN ou une dotation globale

Source : Cour des Comptes


Ainsi, la Cour des Comptes estime le total de ces dépenses non encadrées à près de 67 milliards de francs, soit plus de 10 % du montant de l'ONDAM.

Les taux de progression de ces dépenses se situent entre 6 % (professionnels libéraux) et 9 % (prestations médico-sociales), à comparer avec la progression de 1,7 % accordée à l'ONDAM par la loi de financement pour 1997.

Pour les raisons d'efficacité et de crédibilité mentionnées plus haut, votre commission vous proposera donc de placer sous un mécanisme de régulation la majeure partie des dépenses non encadrées et, en conséquence, de réduire de 3,5 milliards de francs l'objectif national de dépenses d'assurance maladie tel qu'il est affiché dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page