IV. LES ORIENTATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Votre commission des Affaires sociales considère que la
situation économique et sociale actuelle de notre pays aurait
justifié une
autre approche
du financement de la
sécurité sociale et partant, un
autre projet de loi
à la hauteur des enjeux.
Aussi, vous propose-t-elle un dispositif différent, articulé
autour de trois objectifs :
-
conforter
le retour à l'équilibre de la
sécurité sociale avec un déficit ramené à
12 milliards de francs pour 1998 (soit moins de 1 % des
dépenses) ;
-
réaffirmer
les principes qui fondent notre politique
familiale et qui régissent le financement des régimes de
sécurité sociale ;
-
rétablir
un véritable objectif de maîtrise
des dépenses car le rôle du Parlement dans le cadre des lois de
financement n'est pas de constater des économies tendancielles mais bien
d'arrêter des orientations.
A. SAUVEGARDER LA POLITIQUE FAMILIALE
Les mesures relative à la politique familiale
proposées dans le présent projet de loi sont les suivantes :
-
la mise sous condition de ressources des allocations familiales
(art. 19)
: désormais ces allocations ne seront plus
attribuées qu'aux ménages ou aux personnes, à partir du
deuxième enfant à charge, dont les ressources n'excéderont
pas un plafond fixé à 25.000 F de revenus nets mensuels. Ce
plafond sera majoré de 7.000 F lorsque les deux conjoints exercent une
activité professionnelle ou lorsqu'un parent élève seul
ses enfants et de 5.000 F pour chaque enfant à charge
supplémentaire ;
-
la réduction du montant de l'allocation de garde d'enfant
à domicile (art. 20)
: le Gouvernement proposait initialement de
réduire de moitié le montant maximum de l'AGED, actuellement
fixé à 45.000 F. A la suite des débats à
l'Assemblée nationale, ce montant ne devrait être réduit
que de 25 % pour les familles ayant moins de 300.000 francs de revenus annuels
et un enfant de moins de trois ans. On rappellera que cette prestation consiste
en une prise en charge directe des cotisations patronales et salariales par la
caisse d'allocations familiales, pour les ménages ou les personnes
employant à leur domicile une ou plusieurs personnes afin d'assurer la
garde d'un enfant de moins de six ans et lorsque chaque membre du couple ou la
personne seule exerce une activité professionnelle.
1. Un démantèlement inacceptable
D'un point de vue général, ces mesures
traduisent une telle
remise en cause des fondements de notre politique
familiale
que votre commission des Affaires sociales ne peut que les
rejeter.
Votre commission considère notamment que la mise sous condition de
ressources est absolument inacceptable, son adoption ne pouvant avoir que des
conséquences dramatiques pour notre pays.
Par ailleurs, malgré les aménagements apportés par
l'Assemblée nationale, le dispositif concernant l'AGED reste
profondément inéquitable, comme le démontre le rapport de
notre collègue Jacques Machet.
Le refus de la mise sous condition de ressources des allocations familiales est
pour votre commission
une question de principe
Comme l'a souligné le président de la CNAF, M. Jean-Paul Probst,
lors de son audition par votre commission le 16 octobre 1997, cette mesure
remet en cause le principe selon lequel toute contribution ouvre un droit. A
cet égard, on peut parler d'une
véritable rupture du contrat
social
instauré au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Cette évolution ne peut que provoquer l'exclusion d'un nombre croissant
de la population du fait de la non revalorisation du plafond à
l'égard de votre système de protection sociale.
En outre, un tel principe pourrait alors être étendu à
d'autres branches comme l'assurance maladie. Or la
sécurité
sociale n'a pas vocation à se substituer à la politique
fiscale.
Outre son impact prévisible, à moyen et long termes, sur le
taux de natalité dans notre pays
, la mise sous condition de
ressources, décidée par le Gouvernement, accroît donc le
risque de voir les classes moyennes se détourner d'une protection
sociale dont elles ne percevraient plus les prestations et ne distingueraient
plus le bien-fondé.
Par ailleurs, le dispositif proposé par le Gouvernement
générera des
effets de seuils
insupportables. Les
augmentations de salaire dans certaines familles pourront se traduire par une
diminution du niveau de vie du fait de la suppression des allocations
familiales.
Même si le Gouvernement met en place un dispositif de
" lissage ", la complexité du système rendra ce
dispositif ingérable pour les caisses d'allocations familiales
qui traitent déjà 25 prestations différentes et qui
attendent depuis plusieurs années des mesures de simplification.
Par ailleurs, les revenus sont de plus en plus aléatoires dans le
contexte économique et social actuel et nul est à l'abri
d'événements tels que le chômage, le divorce, le veuvage,
etc. De nombreuses familles risquent ainsi " du jour au
lendemain "
de se retrouver confrontées à des problèmes de ressources
dramatiques.
Parmi les nombreux effets pervers de cette mesure, on peut encore citer la
pénalisation du travail féminin
(on risque de faire peser
sur les femmes qui travaillent la responsabilité du franchissement du
seuil fatidique) et des
couples mariés
par rapport à ceux
qui ne le sont pas : un couple vivant en union libre bénéficiera
en pratique de seuils doublés par rapport à ceux d'un couple
marié.
Les raisons pour lesquelles votre commission des Affaires sociales rejette
solennellement les mesures proposées par le Gouvernement en
matière familiale sont développées dans le rapport de
M. Jacques Machet, consacré à la politique de la famille
(tome II).