EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER -
LA RESPONSABILITÉ EN
MATIÈRE DE DOMMAGES CONSÉCUTIFS À L'EXPLOITATION
MINIÈRE
Article premier -
Nullité des clauses d'exonération de
responsabilité
Le
paragraphe I
de cet article tend à insérer un
article 75-3 dans le code minier, dont les dispositions ont vocation
à se substituer à celles de l'article 17 de la loi
n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du
code minier et l'article L.711-12 du code du travail.
Ainsi qu'il a été précisé dans l'exposé
général, cet article 17 frappe de nullité d'ordre
public, dans les contrats de mutation immobilière que les exploitants
concluent avec les collectivités locales ou les personnes physiques non
professionnelles, toute clause exonérant l'exploitant de la
responsabilité des dommages liés à son activité
minière.
Introduisant un régime juridique différent selon la
qualité de l'acquéreur, il sous-entend que les personnes
physiques professionnelles -c'est-à-dire intervenant au titre de leur
activité professionnelle et non en tant que particuliers- sont
visées par les clauses d'exonération de responsabilité de
l'exploitant. Cette rédaction n'apparaît pas satisfaisante au
regard de la jurisprudence établie qui considère que de telles
clauses sont valides uniquement entre professionnels de même
spécialité -l'acheteur devant être en mesure
d'apprécier les risques, défauts et nuisances inhérents au
bien vendu-, c'est-à-dire lorsque l'acheteur exerce une activité
similaire à celle du vendeur (Chambre commerciale
8 octobre 1973 et Chambre commerciale 19 avril 1980).
Elle met, par ailleurs, en situation délicate les collectivités
locales qui peuvent -telles les communes d'Auboué ou de Moutiers- se
trouver démunies et sans recours en cas de dommages atteignant leur
patrimoine immobilier.
C'est pourquoi, le texte proposé par l'article premier
prévoit de
frapper de nullité d'ordre public les
" clauses minières " dans quelque contrat de mutation
immobilière qu'il figure
. Tous les contractants, quel que soit leur
statut, se trouveraient donc ainsi en situation d'équité.
En conséquence, le
paragraphe II
de l'article premier
propose d'abroger l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994
précitée.
Le
paragraphe III
de cet article donne un
caractère
rétroactif
aux dispositions ainsi introduites qui concerneraient,
sauf décision de justice passée en force de chose
jugée
, les dommages survenus postérieurement au
15 juillet 1994, quelle que soit la date de conclusion du contrat de
mutation immobilière
.
En effet, ainsi que le précise le Conseil d'Etat dans son avis du
23 septembre 1997 sur les arrêts des travaux miniers, la
nullité des " clauses minières " prévue par
l'article 17 de la loi du 15 juillet 1994 ne s'applique pas aux
contrats conclus avant l'entrée en vigueur de ladite loi. En effet, sauf
rétroactivité expressément prévue par le
législateur, une loi nouvelle ne s'applique pas aux conditions d'un
contrat définitivement conclu avant son entrée en vigueur.
En l'état, cet article 17 n'apporte donc pas de solution au
problème de la responsabilité des dégâts liés
aux affaissements miniers, puisqu'ils ne relèvent -sauf pour les
contrats futurs- ni du code des assurances
7(
*
)
, ni de la responsabilité de
l'exploitant. Les incidents d'Auboué et de Moutiers ont récemment
illustré cette lacune.
C'est pourquoi il vous est proposé de prévoir cette
rétroactivité.
D'aucuns s'interrogent sur la faculté du législateur d'adopter
une telle disposition.
Plusieurs arguments peuvent leur être opposés :
- le principe de la non-rétroactivité des lois
8(
*
)
ne s'impose pas au législateur,
sauf en matière pénale ;
- au plan juridique, rien ne permet de penser que la remise en cause des
ventes déjà réalisées du fait de l'abrogation des
clauses minière pourrait être envisagée.
Il ne faudrait certes pas qu'une telle disposition aboutisse à
" geler " toute transaction immobilière, les exploitants ne
trouvant plus d'intérêt suffisant à céder leur
patrimoine. D'après les informations soumises à votre rapporteur,
la nullité frappant les clauses minières depuis 1995 n'aurait
cependant pas modifié sensiblement le rythme des transactions.
Par ailleurs, les sociétés minières n'auront sans doute
pas intérêt à conserver
ad vitam eternam
des
logements à l'issue de l'exploitation.
En définitive, dans l'intérêt de tous, il apparaît
indispensable de mieux mesurer la nature et l'ampleur des risques potentiels.
A cet égard, on peut se féliciter du travail entrepris depuis
1988 par la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement (DRIRE) de Lorraine. Celle-ci établit des cartes
d'affaissements potentiels sur la base des archives d'exploitation : selon
les zones, les constructions nouvelles sont gelées (zone rouge),
limitées à l'habitat pavillonnaire (zone orange, emprise maximale
au sol de 150 m², hauteur maximale d'un étage) ou
semi-collectif (zone jaune, emprise au sol maximale de 400 m²,
hauteur maximale de trois étages).
Votre commission vous propose d'adopter l'article premier dans la
rédaction retenue par la proposition de loi n° 247.