B. LES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE ET L'EMPLOI
1. Les effets sur l'économie
Lorsque
l'on évalue les conséquences d'un allégement des charges
sociales sur l'ensemble de l'économie, on observe que la diminution du
coût du travail engendre une baisse du prix de production qui
entraîne à la fois un accroissement de la
compétitivité et donc une amélioration du solde
extérieur, un abaissement du coût du capital, un accroissement de
la demande par augmentation du pouvoir d'achat du revenu disponible et par un
effet d'encaisses réelles.
Il a déjà été précisé que
l'augmentation des profits pouvait, dans certains cas, conduire à un
accroissement de l'investissement. Celui-ci peut être favorable à
l'emploi, d'autant plus que le travail est substituable au capital. A moyen
terme, l'augmentation de la demande de travail peut donner lieu à des
augmentations de salaires défavorables à la
compétitivité de l'économie.
Pour résumer les mécanismes à l'oeuvre lors d'une baisse
des cotisations sociales non financées (c'est-à-dire avec une
dégradation du solde budgétaire), on peut dire que
l'amélioration de l'emploi résulte principalement à court
terme, de l'ampleur du déficit budgétaire et des effets de
substitution, et à moyen terme, de la répartition des revenus
(hausse des salaires) qui conditionne la compétitivité et, dans
certains cas, la relance de l'investissement.
Lorsque la réduction des cotisations sociales est financée
intégralement, les résultats macro-économiques sont
très différents : à court terme, disparaissent les effets
" keynésiens " de déficit et ce sont principalement les
substitutions et les conséquences des effets-revenu qui jouent. Le moyen
terme est également dépendant des répartitions de revenu,
notamment de la hausse éventuelle des salaires nets due à
l'augmentation de l'emploi, mais aussi de la structure des
prélèvements nécessaires au financement de la
mesure.
2. Les effets sur l'emploi
L'évaluation des effets sur l'emploi des
différentes
mesures d'allégement des charges sociales décidées depuis
1993 a été entreprise
7(
*
)
. Elle s'avère d'autant plus
délicate que le cadre de ces allégements a beaucoup
évolué au cours des années et que les effets sont longs
à apparaître.
Selon le modèle Amadeus de l'INSEE, lorsque la mesure, ciblée sur
les bas salaires, n'est pas financée par un prélèvement
fiscal supplémentaire, les créations d'emploi sont plus fortes
à court terme mais légèrement moins élevées
à moyen-long terme que dans le cas de la même mesure non
ciblée.
Une réduction de 10 milliards de francs des
cotisations sociales sur les bas salaires conduit ainsi à une
augmentation de l'emploi de 40.000 personnes au bout de dix ans.
A long terme, la dynamique macro-économique et le maintien durable des
gains en emploi sont tributaires de la hausse des salaires qu'engendre la
diminution du chômage : si cette hausse est trop rapide, les pertes de
compétitivité érodent progressivement les effets
bénéfiques de la mesure. A très long terme, la mesure
n'aura pratiquement plus d'effet.
Sans financement, c'est-à-dire avec un creusement du déficit des
administrations, les mesures aboutissent à la création de 209.000
emplois au bout de cinq ans. Ce résultat est à rapprocher de ceux
qui peuvent être déduits des autres exercices : 280.000 emplois
avec Amadeus, 250.000 à 350.000 pour le CSERC, 275.000 pour Metric
(cité par le CSERC). Avec un modèle d'équilibre
général appliqué, on obtient une fourchette de 300.000
à 480.000 emplois.
Si l'on rapporte le déficit
ex ante
de l'ordre de 50 milliards de
francs au nombre moyen d'emplois créés issu de toutes les
études disponibles (environ 300.000), on obtient le chiffre de 170.000
francs par emploi créé. Même
ex post
, en tenant
compte du déficit résiduel, le coût de chaque emploi
créé reste élevé : 120.000 francs.
Les économistes qui ont réalisé ces calculs
considèrent que ces résultats ne prennent pas en compte les
effets d'aubaine, les effets de seuil ou encore les modifications du
progrès technique induites par celle des coûts des facteurs ou la
création de nouvelles activités intensives en main-d'oeuvre peu
qualifiée.
Par ailleurs, si les études mettent en évidence les substitutions
entre le travail et les autres facteurs de production ou entre les
différentes catégories de travail, les estimations
économétriques portant sur la demande de travail, à
travers des modèles très diversifiés ne permettent pas
d'évaluer très précisément
l'élasticité de la demande de travail à son coût.
Elle se situerait dans une fourchette comprise entre - 1 et - 0,1, même
si des études récentes semblent militer en faveur d'une certaine
robustesse de la liaison coût du travail-demande de travail.
Les experts insistent par ailleurs sur la nécessité d'une
stabilité des prix pour que les gains en emplois soient durables. Par
conséquent, la réussite d'une telle politique d'allégement
des coûts sur les bas salaires est tributaire de la maîtrise de la
spirale prix-salaires, faute de quoi les gains de cette politique ne seraient
que provisoires.
Les effets d'une politique d'allégement des charges sociales sur les bas
salaires sont donc réels. Ils devraient être, à terme,
d'autant plus importants que les allégements seront massifs et durables.