2. Un dispositif qui privilégie la création d'emplois durables
Bien entendu, on pourra considérer que la montée en puissance du dispositif nécessite un dispositif technique assez compliqué, toutefois les chefs d'entreprises sont maintenant assez familiers des mesures d'allégement de charges et le déploiement de l'aide se fera naturellement sans qu'il soit besoin de procéder au moindre calcul, puisque c'est la situation de l'entreprise, diagnostiquée au départ, qui déterminera le calendrier des allégements qui lui sera applicable.
Calendrier de l'extension de l'allégement des charges
sur
les bas salaires
selon la proportion de bas salaires et de
main-d'oeuvre
|
Produit P
=
(
nombre de salariés recevant
jusqu'à 1,33 SMIC
) x (
nombre de travailleurs manuels
)
|
||
|
P > 0,36 |
0,20 < P < 0,36 |
P < 0,20 |
1999 |
Réduction applicable jusqu'à 1,4 SMIC dans la limite de 1.730 francs par mois |
Réduction applicable jusqu'à 1,36 SMIC dans la limite de 1.470 francs par mois |
Réduction applicable jusqu'à 1,33 SMIC dans la limite de 1.213 francs par mois |
2000 |
Réduction applicable
jusqu'à 1,4 SMIC
|
Réduction applicable jusqu'à 1,36 SMIC dans la limite de 1.470 francs par mois |
|
2001 |
Réduction applicable jusqu'à 1,4 SMIC dans la limite de 1.730 francs par mois |
Le
coût de ce dispositif comme ses modalités de financement ont pu
être considérés comme des obstacles à sa mise en
oeuvre.
Ainsi, lors du débat à l'Assemblée nationale, Mme Martine
Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a fait état
d'une estimation qui chiffrait ce coût à 30 milliards par an, ce
qui, compte tenu des 40 milliards que coûte déjà la
ristourne dégressive, porterait à 70 milliards de francs le
coût des allégements de charges sur les bas salaires.
Il ne peut être question de s'engager ici dans une bataille de chiffres ;
les estimations sont très difficiles lorsque l'on cherche à
évaluer ce genre de dispositif. Il convient seulement de rappeler que M.
Yves Nicolin, rapporteur de l'Assemblée nationale estimait le coût
total de ce dispositif à 21 milliards de francs qu'il comparait au
coût estimé à 75 milliards de francs de la
généralisation de la réduction du temps de travail.
En fait, comme c'était le cas pour la réduction du temps de
travail dans le dispositif " de Robien ", ces allégements
généreront des recettes publiques grâce aux emplois
créés ; ils s'autofinanceront donc avec un léger
décalage nécessaire pour créer ces emplois, même si
l'exemple du textile montre que l'impact sur l'emploi peut être
immédiat et l'autofinancement largement assuré.
Cependant, et pour des raisons évidentes de recevabilité, la
proposition de loi est gagée par une taxe additionnelle aux taxes
prévues aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts (article 4). Il s'agit de la taxe sur les tabacs.
De toute façon, une réforme des différents dispositifs
d'aide à l'emploi permettrait d'éviter, le cas
échéant, que le coût lié à la montée
en puissance du dispositif ne se répercute sur les finances publiques.
Par ailleurs, on pourrait s'étonner que l'on mette en avant le seul
coût d'un dispositif de lutte contre le chômage pour justifier son
rejet. Lorsque plusieurs millions de personnes sont confrontées chaque
jour à la détresse de l'inactivité et de l'insuffisance de
revenu, lorsque le risque de l'exclusion pointe avec son cortège de
souffrances, seules l'efficacité des dispositifs créés et
l'utilité des activités aidées devraient être prises
en compte.
Baisse des charges : l'exemple de la région Auvergne
Partant
du constat que le montant des charges patronales constituait un
véritable " mur de l'emploi ", M. Valéry Giscard
d'Estaing, président de la région Auvergne, a initié un
dispositif d'exonération massive des cotisations sociales en
contrepartie de créations d'emplois.
L'objectif est de ramener à 10 % du SMIC brut payé, soit
666,36 francs le montant des charges patronales afin d'abaisser le
coût du travail.
La région Auvergne prend en charge la différence entre le total
des charges sociales patronales et l'objectif à atteindre, compte tenu
des abattements de droit commun.
Le calcul de la prime sur la base d'un SMIC
Les charges patronales SMIC brut 6.663,67 francs
charges nettes 2.976,00 francs
cas moyen 10 salariés CDI
soit un coût par salarié par mois de : 9.639,67 francs
La prime ramène ces charges à 10 % du salaire, soit
666,36 francs.
2.976,00 francs total des charges sociales patronales
- 666,36 francs objectif à atteindre
- 1.212,84 francs
d'abattement automatique de l'URSSAF
1.096,84 francs
Soit une prime de 1.100 francs par mois pour atteindre cet objectif,
c'est-à-dire 26.400 francs sur deux ans.
L'aide est versée sur deux ans pour insérer ce nouvel
employé dans l'entreprise (sa période d'essai étant
effectuée dans ce délai).
Cette aide concerne toutes les entreprises implantées en Auvergne de
moins de 500 salariés, pour toute signature de contrat à
durée indéterminée à temps plein dans la limite de
trois par entreprise, sans limite d'âge pour la personne
concernée. Les commerces sont également éligibles si leur
surface de vente est inférieure à 300 m
2
.
Elle n'est pas accordée si l'embauche est liée au licenciement ou
au départ d'un salarié. Il doit y avoir véritablement
création d'emploi.
Près de 2.500 emplois ont été créés ou
sont en cours de création, dans 1.619 entreprises au 1
er
juin 1998, essentiellement dans le domaine productif, car de nombreux artisans
ont bénéficié de cette mesure.
Devant le succès du dispositif, le conseil régional devrait
porter à 3.000 son objectif de créations d'emplois pour 1998.
Deux autres régions, Languedoc-Roussillon et Champagne-Ardenne ont
d'ores et déjà décidé d'adopter un dispositif
comparable, d'autres y réfléchissent.
Cette expérience démontre tout l'intérêt d'un
allégement massif des charges sociales pour favoriser l'emploi.
La présente proposition de loi étant centrée sur les bas
salaires et sur l'ensemble des salariés -et non seulement sur les
emplois créés- l'impact ne manquerait pas d'être d'autant
plus considérable en termes de création ou de sauvegarde
d'emplois.
Quels pourraient être les résultats en termes d'emplois d'un
allégement massif des charges sociales sur les bas salaires ? Il est
bien entendu très difficile de faire des estimations. L'exemple de la
région Auvergne qui a décidé de compléter les
dispositifs d'allégement existants pour ramener à 10 % du
coût du SMIC le total des cotisations sociales pour toute nouvelle
embauche de salariés, peu ou moyennement qualifiés dans les
entreprises de moins de 500 salariés, peut donner des indications
encourageantes. La mesure a permis la création de près de 2.500
emplois en huit mois.
Il est tout à fait envisageable que, dans ces conditions, une extension
massive de l'allégement des charges sociales à l'ensemble du pays
et à tous les salariés qui reçoivent une
rémunération inférieure ou égale à 1,4 SMIC,
et pas seulement aux nouveaux embauchés comme c'est le cas dans
l'exemple auvergnat, pourrait créer plusieurs centaines de milliers
d'emplois en peu de temps.
C'est pourquoi votre commission des affaires sociales a retenu pour ses
conclusions le texte initial de la proposition de loi.