2. La directive sur l'utilisation des péages d'infrastructures
Curieusement, aucune campagne de presse n'est
orchestrée par
le Gouvernement sur la compatibilité de notre système de
péages avec la directive 93/89/CEE du conseil "
relative
à l'application par les Etats membres des taxes sur certains
véhicules utilisés pour le transport de marchandises par route,
ainsi que des péages et droits d'usage perçus pour l'utilisation
de certaines infrastructures
". Il y aurait pourtant quelques
enseignements intéressants à tirer sur ce sujet.
La Commission de l'Union européenne prône le principe d'une
tarification équitable des infrastructures de transport à leurs
usagers. Ce principe a été étendu aux chemins de fer
français par la création de Réseau ferré de France.
Ce principe a un objectif de multimodalité : la tarification de la
route à son juste coût, contrairement à ce qui est
généralement pratiqué, est susceptible de favoriser les
autres modes de transport. Il a aussi un double objectif
économique :
faire reposer autant que possible sur l'usager, plutôt que le
contribuable, le coût d'usage et les nuisances qu'il occasionne aux
infrastructures ;
rentabiliser les infrastructures plutôt que de les transformer en
sources de recettes fiscales.
Cet objectif nécessite que les
péages bénéficient à l'exploitant du réseau
sur lequel ils sont perçus
.
Les interlocuteurs de la direction générale VII avec lesquels se
sont entretenus votre président et votre rapporteur ont affirmé
que pour être efficace et équitable la tarification d'usage doit
couvrir les coûts sous-jacents occasionnés par l'usager. A cet
égard, ils n'ont pas formulé de remarque quant au
niveau
des péages français. En revanche, ils en ont formulé quant
à
leur affectation
, remarquant en particulier que le financement
par le péage de la taxe d'aménagement du territoire posait des
problèmes de compatibilité avec la directive, puisque cette taxe
ne finance en rien les coûts occasionnés par l'usager sur une
autoroute donnée.
En revanche, il a paru admissible à ces interlocuteurs que la
tarification s'apprécie au niveau d'un réseau
. On peut
comprendre en effet que l'usager régulier de la liaison
Fontainebleau-Montargis paie un péage qui puisse être
utilisé pour réparer un jour une glissière de
sécurité située au nord de Lyon, et qu'il ne puisse exiger
que le prix de son péage soit affecté section par section. Ce
raisonnement peut être étendu : l'usager de l'A6 a
intérêt, grâce au prix qu'il acquitte sur cette autoroute,
à ce que l'A5 qui la déleste soit construite et entretenue.
Ce principe de la tarification en fonction des coûts du
réseau
, et non seulement de ceux de la section empruntée,
justifie la pratique de l'adossement au regard de la directive sur les
péages. Ainsi, on peut concevoir qu'un usager de l'A10 se voit
répercuter une partie du coût de la construction de l'A28 entre le
Mans et Tours, car il bénéficie de l'achèvement du
réseau.
En revanche, ce principe ne peut légitimer nombre de
prélèvements effectués sur les sociétés
d'autoroutes, tels que la taxe d'aménagement du territoire, mais aussi
et surtout les prélèvements destinés à financer la
gendarmerie ou les frais de contrôle des travaux. En effet, ces
prélèvements sont dépourvus de lien avec l'exploitation du
réseau et n'obéissent en aucun cas à une logique de
couverture des coûts de ce réseau. Ces prélèvements,
critiqués par la Cour des Comptes, censurés par le Conseil d'Etat
pour certains d'entre eux,
paraissent également incompatibles avec la
directive
.
La directive sur les péages, méconnue, apporte donc un argument
supplémentaire à l'opposition à un système qui
affecterait une partie des péages à un établissement qui
ne serait pas l'exploitant des autoroutes sur lesquelles ils sont perçus.