ARTICLE 29 bis

Création d'un Conseil de la gestion financière

Le présent article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jérôme Cahuzac, avait initialement pour objet d'élargir les compétences du Conseil de discipline des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) à l'ensemble des gestionnaires pour compte de tiers : sociétés de gestion de portefeuille ou prestataires de services d'investissement, exerçant la gestion sous mandat sur une base individuelle ou collective.

I. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

En première lecture, le Sénat, suivant sa Commission des finances, a décidé de pousser plus avant la réforme esquissée par l'Assemblée nationale et d'instituer, conformément aux orientations qu'il s'était fixées lors des travaux préparatoires de la loi financière du 2 juillet 1996, un Conseil de la gestion financière (CGF), par regroupement de l'actuel Conseil de discipline des OPCVM et du Comité consultatif de la gestion financière.

Cette nouvelle autorité professionnelle aurait été dotée, à l'instar du Conseil des marchés financiers, de pouvoirs de contrôle, de réglementation et de décision en matière de délivrance des programmes d'activités, formalité nécessaire pour obtenir l'agrément délivré par la Commission des opérations de bourse (COB).

Toutefois, cette autorité aurait été soumise au contrôle hiérarchique de la COB, autorité publique, laquelle aurait été chargée de donner un avis conforme sur le règlement général de cette autorité et aurait pu, dans un délai d'un mois à compter de leur notification, rapporter les décisions de portée générale ou individuelle du CGF et y substituer les siennes propres.

II.LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

Lors de l'examen du texte en nouvelle lecture, la Commission des finances de l'Assemblée nationale a considéré qu'une réforme de cette ampleur nécessitait un examen plus approfondi. En outre, son rapporteur général a fait part de ses interrogations sur le bien-fondé d'une réforme " qui transfère de nouveau des pouvoirs de la COB, autorité publique, vers une autorité professionnelle, surtout en matière de gestion pour le compte de tiers ".

Aussi, l'Assemblée, suivant sa Commission des finances, a-t-elle limité la réforme proposée à la modification de la composition du Conseil de discipline et à l'extension de ses compétences, tout en y apportant trois séries de modifications nouvelles par rapport au texte de première lecture.

Tout d'abord, l'Assemblée, qui avait initialement décidé de nommer le Conseil de discipline des OPCVM  " Conseil de discipline de la gestion pour compte de tiers ", a finalement opté pour la dénomination de " Conseil de discipline de la gestion financière " ( paragraphe I du présent article).

Ensuite, les députés ont souhaité préciser que les nouvelles compétences disciplinaires dévolues au Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) en matière de gestion pour compte de tiers, s'exerceront " sans préjudice " des compétences détenues par la COB en cette même matière (texte proposé par le paragraphe 1° a du II du présent article pour modifier l'article 33-1 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux OPCVM). Par souci de symétrie, les députés ont indiqué que les compétences disciplinaires de la COB sur les gestionnaires pour compte de tiers en application de l'article 71 de la loi financière s'exercent " sans préjudice " des compétences du Conseil de discipline de la gestion financière ( paragraphe III du présent article).

Enfin, l'Assemblée nationale a précisé le régime du renouvellement des membres du Conseil de la gestion financière. D'une part, elle a prévu que les membres remplacés en cours de mandat le seraient pour la durée de mandat résiduelle (texte proposé par le paragraphe 2° b du II du présent article pour compléter l'article 33-2 de la loi du 23 décembre 1988). D'autre part, elle a prévu, de façon expresse, que les mandats en cours des membres de l'actuel Conseil de discipline des OPCVM prendraient fin lorsque seront nommés les membres du Conseil de discipline de la gestion financière ( paragraphe IV) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre Commission des finances considère que la réforme proposée par l'Assemblée nationale, non seulement ne simplifie pas l'organisation actuelle du contrôle de la gestion pour compte de tiers, mais la complique dangereusement.

En premier lieu, le fait de donner à la COB et au CDGF des compétences identiques entraînera immanquablement des conflits de compétences entre ces deux institutions, que la locution " sans préjudice " ne suffira pas à régler.

En effet, le paragraphe II de l'article 71 de la loi financière, tel que modifié par le présent article, disposerait :

" Sans préjudice des compétences du Conseil de discipline de la gestion financière, les prestataires de services d'investissement agréés pour exercer les services visés au d de l'article 4 ( gestion de portefeuille pour compte de tiers) ou une société de gestion de portefeuille sont passibles des sanctions prononcées par la Commission des opérations de bourse à raison des manquements à leurs obligations professionnelles définies par les lois et les règlements en vigueur ".

Alors que, l'article 33-1 de la loi du 23 décembre 1988 précitée, tel que modifié par le présent article, prévoirait que :

" Sans préjudice des compétences de la Commission de bourse, toute infraction aux lois et règlements applicables aux organismes de placement en valeurs mobilières et au service d'investissement mentionné au d de l'article 4 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, tout manquement aux règles de pratique professionnelle de nature à nuire à l'intérêt des actionnaires, des porteurs de parts ou des mandants, donnent lieu à des sanctions disciplinaires prononcées par le Conseil de discipline de la gestion financière ".

Ce recouvrement des compétences n'apparaît pas de bonne méthode législative.

En second lieu, le refus de subordonner l'autorité professionnelle à l'autorité publique, tout en leur confiant des compétences identiques, conduit à placer l'autorité professionnelle sur le même plan que l'autorité publique et à lui accorder finalement plus de pouvoirs que n'en prévoyait le Sénat. Cette situation est pour le moins paradoxale au regard des positions de principe invoquées par le rapporteur général de l'Assemblée nationale.

Au demeurant, cette question n'est pas sans rappeler le débat sur la nécessité de hiérarchiser les relations entre autorités professionnelles et autorités publiques, qui avait surgi entre le Sénat et la précédente Assemblée nationale lors de l'examen de la loi financière, et qui s'était finalement achevé, comme le souhaitaient les députés de l'époque, en confiant des compétences similaires au Conseil des marchés financiers et à la Commission des opérations de bourse 8( * ) .

Tout en considérant qu'une absence de réforme est préférable à une mauvaise réforme, votre Commission des finances est forcée de prendre acte de l'opposition conjuguée de l'Assemblée nationale et du gouvernement, sur un sujet qui n'appelle pas de compromis. C'est pourquoi, laissant à ses auteurs le soin d'assumer la responsabilité d'une telle réforme, votre Commission vous demande d'accepter le présent article sans modification.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le présent article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

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