II. LE PROJET DE LOI
Le
projet de loi qui nous est soumis ne se contente pas de compléter la loi
du 28 juin 1989 pour en combler les lacunes ou en renforcer certaines
dispositions.
Il procède à une réécriture intégrale de
l'ensemble des dispositions en vigueur relatives à la prévention
et à la répression du dopage des sportifs et, en
conséquence, à un surprenant dépeçage de la loi de
1989, dont il est proposé de réduire le champ d'application au
dopage des animaux participant aux manifestations et compétitions
sportives, c'est-à-dire aux montures des cavaliers participants aux
compétitions de sports équestres et aux attelages canins des
courses de traîneau.
Votre rapporteur admet et comprend parfaitement le souci de la ministre de la
jeunesse et des sports de présenter au Parlement et à l'opinion
un projet de loi " global " et qui mette en relief son intention
-parfaitement justifiée et que personne d'ailleurs ne met en doute- de
faire porter son effort aussi bien sur le volet préventif que sur le
volet répressif de la politique de lutte contre le dopage.
Il n'en reste pas moins que la procédure retenue n'est pas de bonne
méthode et qu'elle ne s'inscrit ni dans la politique de simplification
administrative ni dans le nécessaire combat contre l'inflation
législative. Elle contribue aussi, de surcroît, à la
prolifération des "
textes d'affichage
" justement
dénoncée en 1991 par un mémorable rapport du Conseil
d'Etat
2(
*
)
.
Votre rapporteur analysera successivement les dispositions relatives à
la santé des sportifs et à la prévention du dopage, qui
procèdent essentiellement de cet exercice de réécriture,
pour aborder ensuite les aspects véritablement innovants du projet de
loi- la création du Conseil de prévention et de lutte contre le
dopage et le renforcement des moyens de lutte contre les pourvoyeurs de
produits dopants-et se pencher enfin sur le triste sort réservé
à la loi de 1989.
A. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À LA PRÉVENTION DU DOPAGE ET À LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES SPORTIFS
Elles
encourent les mêmes reproches que celles qu'elles remplacent : elles
sont plus déclaratives que normatives, et plus réglementaires que
législatives.
Au surplus, elles ne comportent qu'une seule disposition nouvelle, et qui
aurait pu être prise par voie réglementaire : l'obligation
d'un contrôle médical préalable à la première
délivrance d'une licence sportive et valable pour toutes les disciplines
sportives à l'exception des disciplines " à risque "
dont la liste sera déterminée par un arrêté
interministériel.
Pour le reste, elles reprennent des dispositions en vigueur figurant soit dans
la loi du 28 juin 1989, soit dans la loi du 16 juillet 1984 relative à
l'organisation et à la promotion des activités physiques et
sportives (article 35), soit encore dans le décret
n° 87-473 du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance
médicale des activités physiques sportives, dont un certain
nombre de dispositions connaissent ainsi une promotion aussi flatteuse
qu'imméritée dans la hiérarchie des normes.
Cette solennisation législative de dispositions réglementaires
répondrait, pour certaines d'entre elles, au souci d'améliorer
leur application, ainsi de celles de l'article 6 du décret de 1987
(reprises à l'article 4 du projet de loi) qui imposent aux
fédérations sportives de "
veiller à la
santé du sportif
" et de prendre à cet effet les
dispositions nécessaires,
" notamment en ce qui concerne la
nature des entraînements, les modes de sélection et le calendrier
des épreuves ".
On conviendra aisément que ces dispositions ont été
fréquemment et largement bafouées (que l'on pense notamment
à la récente création de la Coupe de la Ligue de football,
et à bien d'autres exemples peut-être moins éclatants).
Mais si elles ont été si peu respectées, est-ce parce
qu'elles étaient réglementaires, ou tout simplement parce que,
faute d'imposer des obligations précises et assorties de sanctions,
elles étaient inapplicables ?
" La loi ordonne, permet ou interdit "
: lorsqu'elle
s'écarte de cette définition, toute règle de droit risque
de n'être pas appliquée, quelle que soit sa valeur juridique.
Votre rapporteur est le premier à considérer que la politique de
prévention du dopage, qui doit mettre l'accent sur l'information,
l'éducation, la formation des formateurs, qui doit s'appuyer sur la
recherche médicale, est un élément essentiel de la
politique anti-dopage.
Il a également toujours plaidé pour la mise en place d'une
véritable surveillance médicale des sportifs, qui ne devrait
d'ailleurs pas se limiter aux sportifs de haut niveau, et qui est aussi
indispensable pour prévenir les risques que peut toujours
présenter une activité sportive intense, que pour déceler
d'éventuelles anomalies révélatrices de pratiques
interdites.
Simplement, il se trouve que ni la prévention du dopage, ni
l'organisation de la surveillance médicale des sportifs n'exigent
l'intervention de mesures législatives nouvelles.
Leur développement, certes bien nécessaire et qui requiert
surtout des moyens financiers, est en effet du ressort du pouvoir
réglementaire, de l'action administrative et de la politique
contractuelle.
Etait-il dès lors nécessaire de revoir et d'augmenter des
dispositions dont, déjà, l'inscription dans les lois de 1984 ou
1989 était loin d'être indispensable ? Votre commission ne le
pense pas. C'est pourquoi elle s'est abstenue de les développer encore
et s'en est tenue à tenter de simplifier et de préciser leur
énoncé.
Elle vous proposera cependant d'adopter trois amendements tendant :
-
à donner au Conseil de prévention et de lutte contre le
dopage un pouvoir de recommandation aux fédérations sportives
pour la mise en oeuvre des actions de prévention prévue à
l'article 4 du projet de loi
: il a en effet semblé à
votre commission que c'était là le seul moyen pour que ces
dispositions trop générales aient une chance d'être
appliquées et de se traduire par des actions concrètes ;
- à donner aux ministres des sports et de la santé
compétence pour définir les modalités de la surveillance
médicale des sportifs de haut niveau,
d'une part parce cette
responsabilité leur revient tout naturellement et, d'autre part, parce
que cette procédure paraît plus susceptible d'assurer la
nécessaire harmonisation du suivi médical et biologique dont
doivent bénéficier les sportifs, sans préjudice bien
entendu de la prévention de certains risques spécifiques à
certaines disciplines ;
- à maintenir en vigueur les dispositions du premier aliéna
de l'article 35 de la loi de 1984 imposant
la délivrance
à tous les sportifs
-et non aux seuls sportifs de haut niveau-
d'un livret médical
. Le projet de loi propose d'abroger cette
disposition au motif qu'elle n'a pas été appliquée -ce qui
d'ailleurs offre un fâcheux exemple de ces " effets d'annonce "
qui "
se révèlent souvent être des annonces non suivies
d'effets
"
3(
*
)
.
Votre rapporteur estime pour sa part que cette disposition, qui est utile, doit
demeurer en vigueur, et qu'elle peut parfaitement être appliquée.
Certes, comme l'a fait observer lors de son audition devant la commission la
ministre de la jeunesse et des sports, il existe en France 13 millions de
licenciés. Mais il ne s'agit que de délivrer un livret aux
personnes demandant pour la première fois une licence, ce qui
paraît parfaitement réalisable. Il n'y a donc aucune raison de
demander aujourd'hui au législateur d'abroger la règle qu'on lui
a hier demandé d'adopter.