B. LA CRÉATION DU CONSEIL DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE
La
création d'une autorité administrative indépendante
dotée d'un pouvoir de proposition et d'impulsion dans le domaine de la
politique de lutte contre le dopage, et, surtout, d'un pouvoir autonome de
sanction constitue incontestablement l'innovation majeure prévue par le
projet de loi.
Cette innovation a suscité, on le sait, certaines objections : la
presse s'est notamment fait l'écho de celles soulevées par le
Conseil d'Etat.
Votre commission, après mûre réflexion, ne partage pas ces
préventions. Tout en admettant la valeur des raisons qui les inspirent,
elle considère en effet qu'aucune autre solution ne permettrait
aujourd'hui de " refonder " le dispositif de lutte contre le dopage.
Elle considère, d'autre part, que le dispositif proposé, qui
présente notamment l'avantage de ne pas porter atteinte au rôle et
aux responsabilités des fédérations sportives -dont
l'engagement est une condition essentielle du succès de la politique
anti-dopage- paraît adapté aux résultats recherchés,
sous réserve évidemment que la nouvelle autorité
administrative indépendante dispose de moyens en rapport avec sa
mission.
1. Les justifications de la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage
On peut
tout à fait admettre que la création d'une autorité
administrative indépendante soulève des objections.
Les autorités administatives indépendantes n'appartiennent pas,
c'est vrai, à notre tradition administrative centralisée et
hiérarchisée et leur développement peut être
jugé peu compatible avec les règles constitutionnelles qui
prévoient que le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire
et que le gouvernement dispose de l'administration. Car elles
représentent, par définition, une administration dont le
gouvernement ne dispose pas, et se voient parfois concéder quelques
compétences réglementaires.
Le double contrôle du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat a
cependant encadré les " AAI " et prévenu tout risque
qu'elles puissent constituer une menace sérieuse pour notre
système juridique. Elles sont surtout devenues un moyen commode de faire
survivre les traditions nationales de contrôle administratif et de
sauvegarde de l'intérêt général dans des secteurs
que l'administration centrale ne peut ou ne veut plus contrôler -comme
l'audiovisuel- ou qui lui échappent pour cause de
déréglementation d'inspiration nationale ou communautaire
(Conseil de la concurrence, COB, ART ...).
Certes, leur création comporte toujours un élément de
pari : on ne peut jamais être assuré, à l'avance, de
leur réussite.
Cependant, ce pari est quelquefois " incontournable ". En
l'occurrence, il paraît difficile d'envisager une autre solution que la
création d'une AAI pour sortir de l'impasse dans laquelle l'échec
de la commission nationale de lutte contre le dopage a mis la politique de
prévention et de répression du dopage :
- • la renaissance de la commission nationale de lutte contre le dopage n'est pas sérieusement envisageable . On pourrait certes songer à alléger sa composition, à élargir ses compétences, par exemple en lui donnant, sans saisine préalable du ministre, le pouvoir de lui proposer des sanctions lorsque les procédures disciplinaires fédérales n'auraient pas ou mal fonctionné, ou lorsque les auteurs d'infraction ne relèveraient pas de la compétence disciplinaire des fédérations.
- • Un retour pur et simple au pouvoir de tutelle ministérielle ne serait pas davantage envisageable.
- • Et cet inconvénient se retrouverait si l'on en revenait à la pénalisation du dopage , même sur le fondement d'un texte un peu moins mal conçu que la loi de 1965.
Mais il ne se justifie pas seulement pour des raisons négatives.
Une autorité " indépendante ", qui sera donc insensible aux pressions politiques ou médiatiques, et qui se situera en dehors aussi bien des milieux sportifs que de leur administration de tutelle, ne sera en effet pas exposée aux soupçons de partialité et aux polémiques qui ont toujours empoisonné le traitement des affaires de dopage.
Il est d'ailleurs significatif que le recours à une autorité administrative indépendante ait eu la préférence de trois ministres ou anciens ministres des sports, M. Roger Bambuck, qui a dû, contre son gré, se contenter en 1989 de la création de la commission nationale de lutte contre le dopage, M. Guy Drut, qui a récemment déposé une proposition de loi en ce sens, et enfin Mme Marie-George Buffet.