GÉNÉRAL JEAN-PHILIPPE ROUX,
DIRECTEUR ADJOINT DE LA
DÉLÉGATION AUX AFFAIRES STRATÉGIQUES AU MINISTÈRE
DE LA DÉFENSE
- M. le
Général Roux : "A leur réunion du 1
er
décembre 1994, les Ministres des affaires étrangères de
l'Alliance ont décidé d'engager un processus d'examen au sein de
l'Alliance, pour déterminer la manière dont elle
s'élargira.
Ceci faisait suite à un certain nombre de décisions capitales
visant à sortir de la situation générée par la
guerre froide : Création du Conseil de coopération Nord
Atlantique en 1991, du Partenariat pour la Paix, en 1994.
Lors du sommet de Madrid des 8 et 9 juillet 1997 était prise
solennellement la décision de lancer les démarches
concrètes visant à intégrer une première vague de
trois pays : La Hongrie, la Pologne et la République
tchèque. Malgré les efforts soutenus de la France pour
accroître la liste, notamment à la Roumanie, l'Alliance se fondant
avant tout sur une analyse militaire, s'est limitée à ces trois
pays. Elle a cependant affirmé qu'elle resterait ouverte à de
nouveaux membres, conformément à l'article 10 du traité de
Washington.
Après avoir rappelé les grandes lignes des raisons fondamentales,
qui, d'un point de vue Défense, font de ces trois premiers grands pays
de l'ex-Pacte de Varsovie, d'excellents candidats à une entrée
dans l'Alliance, je décrirai les perspectives générales
ouvertes par leur adhésion, avant d'en tirer quelques conclusions quant
aux perspectives qui sont ainsi créées pour nous-mêmes.
Rappelons d'abord les engagements que doivent prendre les nouveaux membres qui
entrent dans l'Alliance :
. Unir de manière réaliste leurs efforts pour la défense
collective et la préservation de la paix et de la sécurité
et s'engager à régler par des moyens pacifiques tous
différends internationaux dans lesquels ils pourraient être
impliqués.
Compte tenu des tensions inhérentes aux décisions internationales
imposées par l'histoire à ces pays en matière de
délimitation des frontières, l'appartenance à l'Alliance,
et surtout la préparation de cette appartenance, entraînent une
garantie réelle de stabilité pour l'Europe.
. Contribuer au développement de relations internationales pacifiques et
amicales en renforçant leurs libres institutions et en
développant les conditions propres à assurer la stabilité
et le bien être.
Ceci constitue une démarche fondamentale, dans le droit fil de ce que
les populations de ces pays ont obtenu, en se dégageant de la tutelle
soviétique. La marche vers le progrès, ainsi
déclenchée, qui implique une renonciation à un effort en
matière d'armement et de préparation des forces hors de
proportion avec la réalité internationale, donne là aussi
une garantie supplémentaire de stabilité à la nouvelle
architecture européenne. Le Pacte de stabilité en Europe,
initié par la France, et dont le suivi a été confié
à l'OSCE, qui comporte déjà de nombreux traités et
accords bilatéraux, reçoit là une nouvelle impulsion.
. Enfin, l'engagement de maintenir l'efficacité de l'Alliance, en
partageant les rôles les risques et les responsabilités et les
coûts.
Ceci entraîne l'assurance que ces pays joueront un rôle à
part entière dans la nouvelle Alliance, sans impliquer une augmentation
hors de propos de l'effort de défense des 16 membres actuels de l'OTAN.
Resituons l'événement dans son cadre général, afin
d'en tirer les leçons.
Il est clair, que l'élargissement de l'Alliance se produit dans des
conditions essentiellement différentes que celles qui prévalaient
jusqu'ici. Les risques de conflit auxquels l'OTAN doit faire face sont
notoirement diminués, et surtout ils ne sont plus, fort heureusement,
à horizon raisonnable dans une problématique d'affrontement de
super puissances. La Russie, par son engagement dans une concertation
étroite avec l'OTAN, par sa participation effective à des
opérations de maintien de la paix aux côtés des
occidentaux, n'est plus l'ennemi d'hier, et le nouveau concept de l'Alliance,
qui sera adopté au sommet de Washington de 1999 en prendra clairement
acte.
Il demeure, et tous les Alliés en conviennent, des risques pour la
sécurité de l'Europe, qui se présentent sous des formes
complexes, politiquement difficilement prévisibles, mais que l'analyse
stratégique, et aussi la mémoire de l'Histoire,
réussissent quand même à cerner.
Il est donc indispensable, sans que cela constitue une alarme excessive pour la
Russie, d'engerber dans une Alliance aussi structurée que l'OTAN, les
grands pays de l'Est, qui vivraient sinon, de manière difficile, leurs
premiers pas de liberté vis-à-vis de l'ancienne puissance
dominatrice.
On peut le vérifier en observant la situation dans le glacis de la
Russie.
La dynamique ainsi créée, ainsi que les efforts énergiques
des nouveaux membres pour se mettre aux standards techniques, mais aussi
démocratiques de leurs nouveaux alliés, aura, on peut en
être certain, un effet d'influence, sur les autres pays, qui aspirent
à être eux-mêmes admis, et aussi, pourquoi pas sur les
anciens membres de l'Alliance, qui ont quelquefois, pour certains d'entre eux,
trop perdu de vue l'esprit du traité de Washington.
L'élargissement de l'Alliance s'inscrit également dans
l'élargissement de l'Union européenne, et introduit un
élément de cohérence entre l'organisation principale de
défense commune des européens et l'Union économique et
monétaire du troisième millénaire.
Dès la décision politique initiale de l'Alliance, des
dispositions précises ont été prises afin de
déterminer les conditions dans lesquelles les pays se trouvaient en
matière de défense, et les engagements qu'ils prendraient pour
appuyer leurs candidatures.
Une première série de travaux s'est centrée sur les
questions spécifiques de la relation future des trois pays avec la
structure militaire de l'Alliance, et surtout sur leur participation à
la planification de défense de l'organisation militaire
intégrée.
Mais les discussions les plus difficiles ont eu trait aux questions
budgétaires et à la détermination des quote-parts et
modalités régissant la participation aux activités de
l'OTAN financées en commun.
Les trois candidats se sont ainsi engagés à souscrire sans
réserve au concept stratégique de l'OTAN, et tout
particulièrement au volet nucléaire. Ils ont bien noté que
dans sa déclaration du 10 décembre 1996, l'OTAN a
déclaré « qu'il n'a aucune intention, aucun projet, et
aucune raison de déployer des armes nucléaires sur le territoire
de nouveaux membres, et n'a aucunement besoin de modifier un quelconque aspect
de son dispositif ou de sa politique nucléaire et n'en prévoit
nullement le besoin pour l'avenir. »
En ce qui concerne la planification opérationnelle, les trois pays se
sont déclarés prêts à participer à toutes les
gammes des missions de l'Alliance.
La République tchèque s'est ainsi engagée à entrer
dans l'Alliance « dans toute la mesure de ses moyens ».
Elle prévoit actuellement, en effet, d'y affecter 90% de ses forces
armées, soit l'intégralité de ses forces
opérationnelles.
La Hongrie a attribué également le gros de ses forces à la
force de défense principale alliée multinationale, et s'est
engagée à fournir des unités au dispositif d'appui
tactique et de soutien aux forces de réaction.
La Pologne, quant à elle destine toutes ses forces
opérationnelles au dispositif militaire de l'Alliance
L'effort le plus sensible, accepté par les trois candidats se situe
incontestablement sur le plan de l'affectation des ressources
financières, qu'ils se proposent de consacrer à la Défense.
La République tchèque dès le 18 septembre 1996, a
adopté une résolution en vertu de laquelle la part des
dépenses militaires dans le PIB augmenterait de 0.1% par an, pour
atteindre environ 2% du PIB d'ici à l'an 2000. Suivant cette
résolution le gouvernement a prévu pour le budget 1998,
d'accroître ses dépenses de défense de 17% en valeur
réelle, soit 26% en valeur nominale, par rapport à 1997.
La république de Hongrie, s'est engagée à faire
enregistrer à ses dépenses de défense une hausse graduelle
et constante dans les prochaines années. Il est planifié
d'accroître chaque année le budget d'environ 10 % en valeur
réelle, et ce sur la période 1999-2001. La part des
dépenses dans le PIB augmenterait ainsi annuellement de 0,1% pour
atteindre 1.81% d'ici 2001. Le budget 1998 affiche en objectif une part de 1,51
% du PIB soit une progression en valeur réelle de 10,2% par rapport
à 1997.
La Pologne s'est déclarée prête, quant à elle,
à mettre en chantier un plan à 15 ans de développement et
de modernisation des forces armées. Au cours des cinq prochaines
années la part du budget de la défense consacrée à
l'acquisition et à la modernisation des équipements devrait
augmenter de 3% de plus que le budget global de l'Etat. D'ici à 2012, le
budget de la défense serait supérieur de 56% en valeur
réelle à celui de 1998.
Les besoins militaires peuvent être traduits en capacités à
l'intérieur de chaque grande fonction étudiée.
L'amélioration des systèmes de commandement des trois pays
invités doit conduire à assurer une
interopérabilité complète avec les systèmes
alliés et surtout à étendre le système de
commandement de l'OTAN à tout le territoire des nouveaux membres.
Mais c'est surtout l'extension du système de défense
aérienne de l'Alliance, qui est significatif. Il est en effet
nécessaire de construire sur des infrastructures souvent
défaillantes, d'une part, un système de communication performant,
compatible avec celui de l'Alliance (stations sol et interface avec le
système allié de détection aéroporté AWACS),
mais aussi de réaliser un réseau de radars de défense
aérienne et des centres de détection et de contrôle, en
mesure de conduire des opérations aériennes de grande ampleur.
En matière d'infrastructure le bilan général est bon, en
ce qui concerne les voies ferroviaires et routières, mais un effort
important est à faire sur les bases aériennes, qui doivent dans
leur ensemble faire l'objet de modernisations.
L'engagement consenti, par l'Alliance, sur 10 ans, au profit des trois pays
candidats, pour leur permettre de rejoindre la "terre promise" de l'OTAN, est
considérable. Notons, par exemple, que pour le commandement et
contrôle, la défense aérienne et l'entraînement; plus
de 7 milliards de francs seront engagés par les 16 membres de
l'Alliance, au profit de leurs nouveaux alliés.
Pour financer cet effort, il a été choisi de redéployer
les ressources rendues disponibles par les économies résultant de
la restructuration de l'OTAN. C'est à ce titre, que l'on est en droit de
se demander si les plans prévus seront bien tenus, car on doute qu'une
organisation aussi lourde que l'OTAN échappe à une augmentation
de son coût de fonctionnement, même au prix de la réduction
de près de deux tiers de ses états-majors.
La France a un intérêt stratégique évident à
promouvoir l'avènement de ces trois candidats, même si sa vision
n'est pas identique à celle de certains de ses alliés.
En effet, l'offre faite de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 10 du
traité de Washington est totalement compatible avec la vision
française de l'identité européenne de défense.
Accroître la zone de stabilité et de sécurité plus
à l'Est, ne pas laisser livrés à eux-mêmes les
anciens obligés de l'URSS, relève de la plus
élémentaire prudence.
En revanche, limiter cette ouverture à trois pays revient à
donner un signal doublement négatif.
Négatif d'abord vis à vis de la Russie qui tirera vite la
conclusion que sont uniquement admis dans l'Alliance les pays qui
représentent un potentiel militaire significatif pour l'OTAN, donnant
ainsi une connotation résolument offensive à cet
élargissement. Il ne s'agit pas, selon nous, de reporter à l'Est
ce qui fut pendant 40 ans la ligne de démarcation des deux blocs
antagonistes, issus de la deuxième guerre mondiale.
Négatif aussi vis-à-vis des autres pays, qui se sentiront
victimes d'un jugement discriminatoire et dotés d'un statut moins
honorable que leurs plus puissants voisins. Par définition dans une
situation moins enviable, ils risquent de perdre leur élan vers la
démocratie et même, pour certains, de retourner vers une nostalgie
du passé. Personne ne peut souhaiter une telle situation.
C'est pourquoi, dès le sommet de Madrid, la France a plaidé
jusqu'au dernier moment, pour une conception plus généreuse, plus
stratégique de l'élargissement et aussi, admettons-le, moins
militaire. Cet effort sera poursuivi dans la perspective du sommet de
Washington.
Il était également tout aussi primordial de ne pas donner aux
futurs nouveaux alliés le sentiment que la position de la France vis
à vis de l'organisation militaire intégrée, sa vision plus
généreuse de l'élargissement en faisait un allié
moins enthousiaste pour accueillir les nouveaux arrivants. C'est donc sans
aucune arrière pensée, que la France a déployé ses
efforts pour apporter toute l'aide possible aux trois candidats à
l'intégration, soit en bilatéral, soit en multinational,
notamment dans le cadre du partenariat pour la paix.
Venons-en maintenant pays par pays, à une approche plus analytique du
problème, à travers le prisme de notre propre vision
stratégique.
La Pologne est, de par ses caractéristiques exceptionnelles, au premier
rang des efforts français de coopération de défense. Sa
population de 39 millions d'habitants, et ses effectifs militaires qui
dépassent les 200 000 hommes la placent aisément à la
première place parmi les pays ECOB.
La Pologne participe activement à la sécurité et à
la coopération régionale, sans d'ailleurs cacher sa
légitime ambition de faire la preuve de son rang de puissance à
part entière. Depuis 1989, sa politique étrangère poursuit
quatre objectifs majeurs :
- l'ancrage occidental
- la normalisation et le développement des relations avec l'Allemagne
- le développement des relations avec les nouveaux Etats issus de l'URSS
- la recherche d'une coopération régionale active.
Elle s'est fortement engagée dans la coopération régionale
dite de « VISEGRAD », avec la république
tchèque la Slovaquie et la Hongrie, mais surtout, au sein du triangle
de WEIMAR (France Allemagne Pologne). Elle y déploie, notamment en
matière de défense, une politique équilibrée et
résolue, visant à obtenir le meilleur appui de ses deux grands
alliés, pour faciliter son intégration dans l'OTAN.
Dans leur déclaration clôturant leur réunion des 2 et 3
novembre 1997, les trois ministres ont d'ailleurs solennellement
déclaré qu'ils entendaient faire porter l'effort sur les domaines
suivants :
. la mise en oeuvre complète du programme triennal pour la
coopération militaire et politico-militaire, incluant une
révision annuelle des objectifs en fonction des résultats
déjà obtenus
. la poursuite des travaux d'harmonisation dans la perspective d'une politique
de défense commune ;
. l'intensification des mesures de soutien à l'intégration de la
Pologne à l'Alliance atlantique en particulier dans le domaine des
infrastructures de l'OTAN, de la préparation du personnel, du processus
de planification des forces armées, ainsi que des procédures
opérationnelles.
A cette occasion, M. Alain Richard, ministre de la défense, a
indiqué à ses deux collègues, M. Ruehe et M. Onyzskiewicsz
qu'il lançait trois initiatives visant à promouvoir l'effort
ainsi défini :
. la participation d'un groupe d'avions de combat français à des
activités de formation et d'entraînement commun en Pologne dont la
première étape serait matérialisée par la mise en
place d'un demi-escadron de Mirage 2000, à l'été prochain
. la mise à disposition des autorités polonaises d'un concours
français en experts spécialisés dans l'audit des bases
aériennes
. la constitution à Varsovie d'une véritable mission militaire
française suffisamment étoffée, pour faire face aux
besoins et à la dynamique de la coopération en procédant
par redéploiement de nos moyens en personnels dès 1998.
Lors de la dernière réunion du triangle de Weimar, le 19 avril 98
à St Rémy de Provence, ont été
réitérées ces intentions et signé, le lendemain,
entre les deux ministres français et polonais, un accord relatif aux
procédures liées aux principes du trafic aérien
réciproque des aéronefs d'Etat dans l'espace aérien
contrôlé par les deux Pays.
Dans notre effort bilatéral de coopération, la Pologne est donc
bien identifiée parmi les pays d'Europe centrale, comme le pays
prioritaire, avec un rôle de pays relais dans sa zone géographique
naturelle d'influence.
La coopération franco-polonaise repose sur un arrangement signé
le 15 juin 1992. Il est apparu, depuis, compte tenu de l'intensité de
notre coopération que cet arrangement de 1992 méritait
d'être complété. Les deux ministres de la défense
ont ainsi convenu de procéder au cours de l'année 1998 à
la signature d'un accord intergouvernemental sur la coopération de
défense, juridiquement plus contraignant et d'une portée
politique supérieure.
Par ailleurs, un projet d'accord de sécurité de protection des
informations classifiées est en cours.
Enfin, pour l'année 1998, il convient de noter qu'une centaine
d'actions de coopération est programmée, dont la plus
spectaculaire est évidemment le déploiement, déjà
cité, de Mirage 2000 sur la base de Minsk MAZOWIECKI.
Sur le plan géostratégique, la Hongrie constitue un trait d'union
entre l'Europe orientale du Nord au Sud. Elle dispose de frontières avec
les Etats centre européens (Autriche, Slovaquie, Roumanie) avec des pays
issus de la recomposition de l'Ex-Yougoslavie (Slovénie, Croatie,
Serbie) et avec l'Ukraine issue de l'Ex-URSS. En revanche, elle ne
possède aucune frontière avec des Etats appartenant à
l'OTAN. Sa population de 10.2 millions d'habitants, et ses effectifs militaires
d'environ 44 000 hommes situent la Hongrie en bonne place parmi les pays ECOB.
Par ailleurs, la présence de minorités magyares dans les pays
proches stimule la normalisation des rapports avec les Etats abritant ces
minorités. (Roumanie, 1.7 millions, Slovaquie 600 000, ex Yougoslavie
400 000, Ukraine 200 000) ; Ne serait ce que dans ce domaine les efforts
déployés, dans la perspective de l'adhésion à
l'OTAN sont d'une valeur stratégique primordiale.
Le jeu de l'alternance et la stabilité institutionnelle
démontrent la maturité politique de la Hongrie. Il est important
de noter, que l'objectif d'intégration à l'OTAN est graduellement
rattrapé par celui de l'adhésion à l'Union. La Hongrie a
nettement opté, sans contredire ses déclarations initiales pour
« avoir l'armée de ses besoins et non l'armée que
pourrait désirer l'OTAN ». Elle affiche dans cette optique une
nette préférence pour l'intégration de ses forces
armées au commandement sud de l'Alliance (AFSOUTH) et indique,
déjà, qu'il faudrait faire évoluer ce commandement trop
marqué par sa dimension navale, afin de répondre aux
défis de l'Europe du Sud Est et du Caucase. C'est dire que la politique
de la France, vis à vis de ce commandement est comprise, même si
pour l'instant, pour des raisons évidentes, la Hongrie reste dans une
réserve prudente.
La coopération de défense de la Hongrie avec la France repose sur
l'arrangement administratif du 21 juin 1991, et comporte pour 1998, 53 actions
de coopération. La visite du Président de la République
à Budapest, en février 97, l'accueil très positif
réservé au Ministre de la défense les 22 23 février
derniers, ainsi que la première livraison, le 22 janvier des missiles
MISTRAL de MATRA, ainsi que la signature de l'accord de sécurité
franco-hongrois le 23 février, constituent autant de signes qui incitent
à développer, surtout qualitativement, notre coopération
de défense avec la Hongrie.
Elle s'articule sur des échanges bilatéraux d'unités et un
soutien visant à favoriser la mise aux normes occidentales des forces
armée hongroises.
Enfin, et compte tenu des bons résultats initiaux, la France s'efforce
de développer une coopération industrielle de premier plan, dans
une dynamique européenne.
Les Etats-Unis et l'Allemagne sont les pays qui ont mis en oeuvre les plans de
coopération les plus ambitieux avec la République tchèque.
La France se situe à la troisième place, et si le dialogue
franco-tchèque est très intense et emprunt d'une grande
franchise, en revanche, force est de constater que l'absolue priorité
à l'intégration dans l'OTAN, et partant, à la
consolidation des liens avec les Etats-Unis, freine les réalisations
concrètes franco-tchèques, en particulier dans le domaine de la
coopération en matière d'armement.
Il est intéressant de noter, pour illustrer ce propos, que la
république tchèque, en mars 97, a décidé
d'appliquer l'embargo sur les relations avec la Libye, et s'est
signalée, lors de la récente crise Nations Unies Irak, par
l'offre immédiate d'un soutien logistique, en cas d'attaque contre
l'Irak.
L'arrangement franco-tchèque, qui fonde notre coopération de
défense, a été signé le 14 novembre 1997, par nos
deux Ministres de la Défense. Sa véritable entrée en
vigueur dépend cependant de l'adoption d'un accord intergouvernemental
relatif au séjour temporaire des membres des forces armées sur le
territoire de l'autre Etat.
La coopération bilatérale est organisée par un plan annuel
fourni, et a permis, en 97 la réalisation de 85 actions. Cette
coopération est à dominante terre avec un accent particulier sur
les forces spéciales. Dans le domaine technique, nos activités
sont diversifiées avec un effort sur la formation des cadres.
Nous entretenons également un dialogue politico-militaire à
fréquence semestrielle, sous l'égide du côté
français, de la Délégation aux affaires
stratégiques.
En matière d'équipement, nous avons fourni la totalité de
l'infrastructure de télécommunications des armées, mais
n'avons pas, en revanche, encore débouché sur des
réalisations d'envergure, comme la modernisation de la flotte
d'hélicoptères, la fourniture de missiles sol-air ou de postes
radios de la 4
ème
génération.
Nous portons nos efforts, actuellement sur la définition d'un projet
majeur pluriannuel sur un sujet transversal, notamment dans le domaine de la
formation des personnels.
Ainsi la France participe de manière efficace et transparente à
l'intégration dans l'Alliance des trois pays retenus lors du sommet de
Madrid, en application des orientations arrêtées par le Chef de
l'Etat, et de la politique menée par le Gouvernement.
Cette attitude est accueillie très favorablement par les futurs
alliés qui auraient pu redouter que la non-intégration de la
France dans les structures militaires, se répercute sur le calendrier de
leur propre adhésion.
La vitalité de notre coopération bilatérale,
l'indépendance de nos options stratégiques fondamentales, en
même temps que notre adhésion sans faille à l'esprit et
à la lettre du traité de Washington, assurent à la France,
une place particulière dans l'architecture européenne de
sécurité.
Les investissements matériels et moraux, consentis au profit des trois
futurs membres, donneront leurs pleins résultats, car les
intérêts stratégiques de ces derniers feront peser la
balance dans la direction que nous souhaitons, tant dans le domaine du
nécessaire rééquilibrage des responsabilités
euro-atlantiques que dans la mise en oeuvre d'une politique dynamique et
stabilisatrice d'élargissement de la nouvelle Alliance".
Le général Jean-Philippe Roux a ensuite répondu aux
questions des commissaires
.
En réponse à MM. André Dulait et Maurice Lombard, le
général Jean-Philippe Roux a estimé qu'à
l'égard des partenaires potentiels que constituaient les trois nouveaux
membres de l'OTAN, la France était desservie par deux facteurs
négatifs : la réticence de ces pays à sélectionner
des matériels français, elle-même issue de la disposition
à privilégier les propositions commerciales des Etats-Unis ;
l'existence d'un parc américain surabondant en matériels encore
de bonne qualité, permettant des propositions de prime abord
attractives, notamment dans le domaine aéronautique. La France se devait
donc d'obtenir avant tout, à l'OTAN, comme chez les nouveaux
partenaires, le respect des procédures d'appel d'offres. La France
était en mesure de proposer des produits compétitifs dans des
créneaux précis -radars et systèmes de communication par
exemple.
Le général Jean-Philippe Roux n'a pas exclu qu'après une
phase favorable aux matériels américains, les nouveaux pays
membres de l'OTAN se tournent vers des alliés européens plus
susceptibles d'offrir un partenariat équilibré, et notamment
français.
Le général Jean-Philippe Roux a également
précisé à M. André Dulait que la non-participation
de la France à la structure intégrée ne fragiliserait pas
notre position au sein de l'Alliance.
Le général Jean-Philippe Roux a également souligné
qu'il était essentiel, que, dans la démarche engagée, la
Russie ne se sente pas isolée, même si son potentiel militaire
nucléaire et conventionnel demeurait impressionnant. En outre, il
convenait de garder en mémoire l'immense sentiment de frustration
ressenti, en 1989, par les militaires russes, contraints dans des conditions
matérielles difficiles de quitter les pays de l'ex-pacte de Varsovie, et
qui pouvait se traduire ici et là par le développement d'un
sentiment de revanche.
En réponse à M. Xavier de Villepin, président, sur le
risque d'étendre la garantie de l'article 5 du traité de
Washington, le général Jean-Philippe Roux a rappelé que
cet article prévoyait uniquement "qu'une attaque contre un pays membre
sera considérée comme une attaque contre toutes les parties" mais
que chaque Etat restait maître des actions qu'il jugerait
nécessaires, "y compris l'emploi de la force armée".