LES AUDITIONS DE LA COMMISSION
La
commission a effectué le mercredi 29 avril 1998 un ensemble d'auditions.
Elle a successivement entendu :
- M. Régis de Belenet, directeur des affaires stratégiques, de
sécurité et du désarmement au ministère des
affaires étrangères
- le Général Jean-Philippe Roux, directeur adjoint de la
délégation aux affaires stratégiques au ministère
de la défense
- Mme Nicole Gnesotto, professeur à l'Institut d'études
politiques de Paris, chargée de mission auprès du directeur de
l'Institut français des relations internationales (IFRI).
Par ailleurs, avec M. Xavier de Villepin, président, votre rapporteur
s'est entretenu avec Son Exc. M. Béla Szombati, ambassadeur de Hongrie,
Son Exc. M. Stefan Meller, ambassadeur de Pologne, et Son Exc. M. Petr Lom,
ambassadeur de la République tchèque.
M. RÉGIS DE BELENET,
DIRECTEUR DES AFFAIRES
STRATÉGIQUES, DE SÉCURITÉ ET DU DÉSARMEMENT AU
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
- M.
Régis de Belenet : "Cette séance d'auditions que vous avez bien
voulu organiser à l'occasion de l'examen par votre Commission du projet
de loi autorisant la ratification des protocoles au Traité de
l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Hongrie, de la
République de Pologne et de la République tchèque me
donnent l'occasion d'évoquer successivement deux séries de
questions :
1/ -
Les raisons de la décision d'élargissement
prise par l'OTAN.
2/ - Les problèmes
qui ont
été soulevés,
à ce titre
,
et les solutions
qui leur ont été
apportées
ou qu'il est envisagé d'apporter.
I/ -
POURQUOI CET ELARGISSEMENT DE L'OTAN
?
Il faut garder à l'esprit les fondements juridiques et politiques que
représentent l'article 10 du traité de Washington et l'Acte final
d'Helsinki.
A/
Le fondement juridique et politique
1)
Traité de l'Atlantique Nord du 4 avril 1949
article X
:
"Les Parties peuvent, par accord unanime, inviter à accéder au
Traité tout autre
Etat européen
susceptible de
favoriser le développement des principes du présent
Traité
et de
contribuer à la sécurité de la
région de l'Atlantique Nord.
Tout Etat ainsi invité peut
devenir Partie au Traité en déposant son instrument d'accession
auprès du Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique" (Etat
dépositaire).
2)
S'agissant du cadre politique général :
l'Acte Final
d'Helsinki
adopté en 1975 dans la "déclaration sur les
principes régissant les relations mutuelles des Etats participants"
indique au titre du premier principe ("Egalité souveraine, respect des
droits inhérents à la souveraineté") : "Les Etats
participants ont le droit d'appartenir ou de ne pas appartenir à des
Organisations internationales, d'être partie ou non à des
traités bilatéraux ou multilatéraux y compris le droit
d'être partie ou non à des traités d'Alliance. Ils ont
également le droit à la neutralité".
Depuis l'adoption du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN s'est
déjà élargie à trois reprises :
en 1952 : à la Grèce et à la Turquie ;
en 1955 : à la R.F.A. ;
en 1982 : à l'Espagne.
B/ Le contexte politique
de l'élargissement décidé
lors du Sommet de Madrid de juillet 1997 :
La décision prise à Madrid le 8 juillet 1997 par les Chefs d'Etat
et de Gouvernement des pays membres de l'Alliance d'inviter la Hongrie , la
Pologne et la République tchèque à engager des pourparlers
d'adhésion avec l'OTAN s'inscrit dans
un double contexte :
1)
Le mouvement général de redéfinition de
l'architecture européenne de sécurité, en
conséquence de la fin de la guerre froide
:
Avec la chute du mur de Berlin (novembre 89), la réunification de
l'Allemagne (octobre 90), la désintégration de 'l'Union
Soviétique (décembre 91), les changements spectaculaires
intervenus ailleurs en Europe centrale et orientale, l'attention au sein de
l'OTAN s'est concentrée sur la contribution que l'Alliance pouvait
apporter à l'établissement de la sécurité et de la
stabilité en Europe ;
Cette attention s'est traduite par la création du
Conseil de
coopération nord-atlantique
(CCNA) en 1991, cadre de concertation,
d'abord avec les pays d'Europe centrale et orientale ; en 1994 a
été mis en place le
Partenariat pour la Paix
qui s'est
voulu un instrument plus concret de coopération militaire entre l'OTAN
et ses partenaires, à travers la conclusion d'accords individuels, de
programmes individuels, de coopération. La Russie a adhéré
au PPP en juillet 94 et à signé à ce titre des accords de
coopération en mai 95. Cette évolution a connu une nouvelle
étape en 1997, avec la création du Conseil du Partenariat
Euro-atlantique qui s'est substitué au CCNA et coiffe le Partenariat
pour la Paix. Il regroupe aujourd'hui 44 Etats, les 16 Etats membres de
l'Alliance et 28 Etats partenaires.
2) Le deuxième élément important a été la
volonté de nombre de pays d'Europe centrale et orientale de
s'intégrer pleinement aux structures européennes et
euro-atlantiques.
A ce titre -et à l'occasion d'un dialogue intensifié conduit par
l'OTAN-
douze d'entre eux
ont fait part de leur désir de devenir
membre de l'OTAN : la Hongrie, la Pologne, la République tchèque,
la Roumanie, la Slovénie, la Bulgarie, la Slovaquie, l'Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, l'Albanie et la Macédoine.
Cette demande répond en fait, de la part de chacun de ces Etats,
à une double préoccupation :
trouver pleinement sa place dans la Communauté euro-atlantique ;
se prémunir contre tout développement imprévisible
concernant sa sécurité en obtenant l'application à son
territoire, par l'adhésion à l'Alliance, des dispositions de
l'article V du Traité de l'Atlantique Nord.
C/ La réponse de l'OTAN
(p. 1) Une réponse de principe positive
a été
donnée dans
la déclaration adoptée lors du Sommet de
Bruxelles de Janvier 1994
(para. 12).)
"Nous souhaitons voir se consolider les liens avec les Etats
démocratiques à l'Est. Nous réaffirmons que l'Alliance,
selon les dispositions de l'article 10 du Traité de Washington, reste
ouverte à d'autres Etats européens susceptibles de favoriser le
développement des principes du Traité et de contribuer à
la sécurité de la région de l'Atlantique Nord. Nous
escomptons un élargissement de l'OTAN aux Etats démocratiques
à l'Est et nous l'envisagerions favorablement dans le cadre d'un
processus évolutif, compte tenu des développements politiques et
de sécurité dans l'ensemble de l'Europe".
Cette réponse de principe favorable reposait non seulement sur le
sentiment d'un devoir historique et moral à l'égard des pays de
l'"autre Europe", mais aussi sur la conviction que l'élargissement
contribuerait à la fois à renforcer l'Alliance et à
accroître la stabilité et la sécurité de tous les
pays de la zone euro-atlantique en permettant :
d'encourager et de soutenir les réformes démocratiques et de
promouvoir les relations de bon voisinage et la coopération, sur la base
des valeurs démocratique ;
de mettre l'accent sur la défense commune et d'accroître la
capacité de l'Alliance à contribuer à la
sécurité.
2) Une
étude sur l'élargissement
adopté par le
Conseil atlantique à l'automne 95 a fixé les
principes
auxquels l'élargissement devait obéir
. Parmi ces principes,
on peut relever notamment :
la nécessité pour les nouveaux membres de se conformer aux
principes fondamentaux de l'Alliance Atlantique (démocratie, le respect
des libertés individuelles, règne du droit) ;
la stricte conformité à l'article 10 du Traité de
Washington (Etat européen ; contribution à la
sécurité de la région nord atlantique) ;
le bénéfice pour les nouveaux membres de tous les droits mais
aussi l'acceptation par eux de toutes les obligations que comporte
l'appartenance à l'Alliance ;
le renforcement de l'efficacité et de la cohésion de l'Alliance
et la préservation de sa capacité politique et militaire à
remplir ses fonctions essentielles de défense commune.
II/ -
PROBLEMES SOULEVES ET SOLUTIONS
APPORTEES OU QU'IL EST ENVISAGE D'APPORTER
:
En dehors des aspects liés à l'état des forces
armées des pays candidats, aux réorganisations en cours des
structures militaires et aux perspectives de modernisation de l'outil de
défense qui seront traités par le représentant du
Ministère de la Défense lors de son audition, la mise en oeuvre
de la décision d'élargissement de l'Alliance a posé quatre
séries de questions : 1) la gestion de la relation avec la Russie et la
gestion de la relation avec l'Ukraine ; 2) le choix des pays à inviter ;
3) l'évaluation du coût financier de l'élargissement ; 4)
l'adaptation du Traité sur les Forces Conventionnelles en Europe.
(p. 1) La gestion de la relation avec la Russie et avec l'Ukraine.)
a/
Elargissement et Russie
:
Les perspectives d'élargissement de l'OTAN n'ont, semble-t-il, pas
suscité de grandes émotions au sein de la population russe dont
les préoccupations prioritaires sont d'une autre nature. Au sein de la
classe politique russe, différentes opinions se sont manifestées
(par exemple le Général LEBED s'est prononcé en faveur,
considérant que la cohésion de l'Alliance s'en trouverait
réduite). En revanche, au sein de la Douma un consensus des
différentes forces politiques contre l'élargissement existait.
Les Alliés -sous l'impulsion du Président de la République
et du Gouvernement ainsi que du Chancelier Kohl qui ont fait partager cette
opinion au Président Clinton- sont tombés d'accord pour
considérer tout à la fois :
que la Russie n'avait pas de droit de veto à l'égard de
l'élargissement ;
mais que l'élargissement ne devait pas être conduit de
façon à humilier la Russie ou à lui donner le sentiment
d'être tenue à l'écart de la réorganisation de
l'architecture européenne de sécurité. En d'autres termes,
qu'il fallait éviter le passage en force, même si, dans
l'immédiat, on pouvait avoir des doutes sur les capacités de
réaction de la Russie. (Comme le disait à ce sujet M. KOZYNEV,
"on ne crache pas contre le vent").
Il fallait donc démontrer :
que l'OTAN se transformait et entendait transformer ses relations avec la
Russie ;
que l'élargissement ne serait pas une source de menaces pour la Russie
(sans pour autant prendre des engagements susceptibles de faire des nouveaux
membres de l'Alliance, des Alliés de seconde zone) ;
que l'élargissement de l'OTAN ne ferait pas disparaître le
rôle de l'OSCE, seule organisation de sécurité
paneuropéenne.
C'est pourquoi deux séries d'actions ont été menées
:
d'une part, l'élargissement de l'OTAN a été
précédé de la
signature
, lors d'un Sommet des Chefs
d'Etat et de Gouvernement des 16 et de la Russie, le 27 mai 1997, à
Paris
de "l'Acte Fondateur sur les relations, la coopération et la
sécurité mutuelles entre la Fédération de Russie et
l'OTAN" ;
d'autre part, les Alliés sont convenus d'élaborer, dans le cadre
de l'OSCE, une Charte de sécurité européenne
destinée à renforcer les principes communs en matière
d'organisation de la Sécurité en Europe.
Quelques précisions sur ces deux points :
L'Acte Fondateur :
la Russie et l'OTAN déclarent qu'elles ne se considèrent pas
comme des adversaires ;
des mécanismes de consultation et de coopération sont
établis et des domaines de consultation et de coopération sont
précisés ;
des engagements unilatéraux sont pris par l'OTAN : les Alliés
réitèrent qu'ils n'ont aucune intention, aucun projet et aucune
raison de déployer des armes nucléaires ; ils ajoutent qu'il en
va de même s'agissant de l'établissement de dépôts
d'armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres ou de
l'adaptation d'anciennes installations de stockages nucléaires ;
l'Acte Fondateur précise aussi que l'OTAN remplira ses missions en
veillant à assurer l'interopérabilité,
l'intégration et la capacité de renforcement nécessaires
plutôt qu'en recourant à un stationnement permanent
supplémentaire d'importantes forces de combat et qu'en
conséquence, l'OTAN devra pouvoir compter sur une infrastructure
à la mesure de ces missions.
La Charte de Sécurité de l'OSCE :
le principe avait été esquissé lors du Sommet OSCE de
Lisbonne de décembre 1996 ;
le contenu possible et le calendrier d'adoption de ce document ont
été précisés à la réunion
ministérielle de l'OSCE de décembre 1997 à Copenhague : le
prochain Sommet de l'OSCE qui se réunira à l'été ou
à l'automne 1999, devrait être l'occasion de l'adoption de la
Charte de Sécurité Européenne ;
les travaux relatifs à l'élaboration de ce texte sont
actuellement en cours à l'OSCE.
b/
La gestion de la relation avec l'Ukraine
Les problèmes à résoudre n'étaient pas de
même nature que ceux qui se sont posés dans la relation avec la
Russie. En effet, l'Ukraine n'a pas manifesté, pour sa part,
d'opposition à l'élargissement de l'OTAN. Sa préoccupation
tenait à son souci -tout en n'étant pas candidat à
l'adhésion- à ne pas se retrouver dans une situation d'isolement.
Aussi, une Charte de coopération spécifique a-t-elle
été conclue à Madrid entre l'OTAN et l'Ukraine qui
prévoit, elle aussi, des mécanismes particuliers de consultation
et de coopération.
2)
Le choix des pays à inviter
:
Compte tenu des critères retenus par l'Alliance, le débat entre
les Alliés lors de la préparation du Sommet de Madrid a
porté sur la question de savoir s'il convenait d'inviter trois pays
candidats (Hongrie, Pologne, République tchèque) ou cinq (les
trois déjà cités plus la Roumanie et la Slovénie).
Les candidatures de la Hongrie, de la Pologne et de la République
tchèque ont été soutenues par l'ensemble des Alliés
; seule une majorité d'Alliés -dont la France, mais aussi
l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Grèce, la Turquie, le Canada, la
Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg- souhaitant voir invitées aussi la
Roumanie et la Slovénie et cela pour des raisons politiques (les
mérites propres de ces pays en termes de démocratie ; la
nécessité d'éviter de créer une division Nord-Sud)
et pour des raisons stratégiques (la nécessité de
renforcer le flanc sud de l'Alliance).
Parmi les autres Alliés, certaines (RFA) se sont déclaré
prêts à accepter aussi bien un élargissement à cinq
qu'un élargissement à trois ; d'autres (Etats-Unis, Royaume
Uni) estimaient qu'un élargissement trop vaste risquait de mettre en
cause l'efficacité de l'Alliance ; d'autres enfin (les pays nordiques
-Norvège, Danemark, Islande-) considéraient qu'élargir
l'Alliance à un trop grand nombre de pays risquait d'isoler les Etats
baltes.
Le compromis à Madrid s'est dégagé autour des
éléments suivants :
invitation adressée seulement à la Hongrie, à la Pologne
et à la République tchèque ;
affirmation du principe du maintien de la
porte ouverte
,
c'est-à-dire que l'Alliance continuera à accueillir de nouveaux
membres au-delà de ce premier élargissement et que ces
considérations s'appliquent aux futurs candidats, qu'elle que soit leur
situation géographique ;
engagement de réexaminer la question de l'élargissement en avril
1999 lors du Sommet organisé à Washington à l'occasion du
Cinquantième anniversaire du Traité de Washington ;
mention, dans ce contexte, des développements positifs dans le sens de
la démocratie et de la primauté du droit intervenus dans un
certain nombre de pays d'Europe du Sud Est, en particulier la Roumanie et la
Slovénie.
A la suite de l'invitation adressée aux trois pays, des
négociations d'accession ont été engagées qui se
sont conclues par l'envoi par les ministres des affaires
étrangères hongrois, polonais et tchèque de lettres
confirmant la volonté de leur pays d'adhérer, de participer
à la structure militaire intégrée, l'acceptation de tous
les engagements de l'OTAN et de dispositions financières (clés de
répartition). Les protocoles d'accession ont été
signés, lors de la session de décembre 1997, par les ministres
des affaires étrangères de l'Alliance.
3)
L'évaluation du coût financier de élargissement
pour l'OTAN
:
Cette question a, un temps, donné lieu à des analyses quelque peu
fantaisistes de la part de certains aux Etats-Unis (Cf. par exemple
l'étude de la Rand Corporation) dans la mesure où ont
été mêlés trois types d'évaluations :
le coût à supporter par les pays candidats pour mettre leur
système de défense aux normes OTAN et renouveler des
matériels majeurs qui, à l'horizon des cinq ou six prochaines
années, deviendront obsolètes ;
les conséquences pour les membres actuels de l'Alliance de l'extension
du champ d'application de l'article V en termes de capacité de
projection et de renforcement ;
enfin, les coûts communs pour l'OTAN de l'élargissement
(notamment en termes d'infrastructures, d'interoperabilité et de
communications).
En fait, les travaux conduits au sein de l'Alliance en 1997 ont conclu que :
seuls les coûts communs -c'est-à-dire les dépenses
financées collectivement par les membres de l'OTAN selon la clef de
répartition agréée- devaient être pris en
considération ;
s'agissant des deux autres types de dépenses :
d'une part, les futurs membres sont en mesure d'apporter une importante
contribution à leur propre défense. Les lacunes actuelles de
leurs capacités doivent être traitées par eux
progressivement. Et nous ajoutons pour notre part, que la priorité doit
porter plus sur la formation des hommes que sur l'acquisition immédiate
d'équipements.
d'autre part, les membres actuels de l'Alliance disposent d'ores et
déjà de moyens suffisants, notamment en termes de projection et
de renforcement, pour faire face aux obligations liées à
l'élargissement (étant précisé en outre qu'il
s'agit là d'éventuelles dépenses à la charge de
l'allié concerné).
Les coûts communs pour les Alliés du fait de l'adhésion des
trois pays invités ont été évalués à
7,7 Mds de francs au total sur une période de dix ans soit de l'ordre,
en moyenne, de 9% par an du budget total de l'OTAN (Cf. budget civil + budget
militaire + budget infrastrucuture = 8,5 à 9 milliards de francs).
Il est prévu de financer ces dépenses additionnelles par des
redéploiements et par des économies, qu'il s'agisse des
économies résultant de l'allègement des structures
militaires de l'OTAN (Cf. la diminution du nombre de quartiers
généraux qui va passer de 65 à 20) ou de celles
résultant de l'étalement de certains programmes d'infrastructure.
Les études à ce sujet démarrent à l'OTAN.
De plus, bien évidemment, les nouveaux Etats membres participeront
à l'ensemble des dépenses, selon une clé de
répartition définie (Pologne, 2,48%; République
tchèque, 0,9%; Hongrie, 0,65%).
4)
L'adaptation du Traité sur les Forces conventionnelles en
Europe
:
L'évolution de la situation stratégique en Europe notamment la
dissolution du Pacte de Varsovie rendait, en tout état de cause,
nécessaire une adaptation du Traité sur les Forces
conventionnelles en Europe, traité qui, comme on le sait, est
fondé sur un principe d'équilibre quantitatif (plafond collectif)
pour certains équipements conventionnels majeurs (chars, artillerie,
véhicules blindés de combat, hélicoptères
d'attaque, avions de combat) entre deux groupes de pays, ceux de l'Alliance
Atlantique et ceux du Pacte de Varsovie. L'élargissement de l'OTAN rend
cette adaptation encore plus nécessaire :
- l'élargissement n'est pas compatible avec le maintien des limitations
liées au plafond collectif d'autant que les droits à dotation au
titre du plafond collectif sont répartis par zone géographique;
si tel était le cas, l'élargissement serait beaucoup plus
difficile puisque les Alliés devraient faire une place aux
équipements des nouveaux membres sans dépasser les plafonds
collectifs tels qu'ils existent pour les 16.
- mais -c'est la deuxième considération- l'OTAN entend aussi
tenir compte de certaines préoccupations russes à savoir que
l'élargissement ne se traduise pas par une accumulation de forces
à ses frontières.
les Alliés sont convenus de prendre en compte cette préoccupation
mais sans pour autant accepter de dispositions qui pourraient être
discriminatoires à l'égard des nouveaux membres de l'Alliance.
Les solutions en cours de définition
:
Dans l'Acte Fondateur, il a été convenu que le niveau des
nouveaux plafonds nationaux - c'est à dire les droits à dotation
de chaque Etat - seraient agréés par consensus. L'existence de
marges significatives dans certains cas entre les droits à dotation
d'Etats parties au Traité et les dotations effectives de ces Etats
permettra de procéder à certaines réductions de plafonds
nationaux, ce qui constitue en pratique un premier élément de
réponse.
De même les Alliés ont considéré, s'agissant de
stationnements permanents
d'unités de combat de pays membres de
l'Alliance sur le territoire des nouveaux membres, que l'élément
essentiel était d'obtenir que ce
principe
soit
préservé et tel sera bien le cas. Il s'agit d'un point important
pour des raisons de défense mais aussi pour des raisons politiques, au
titre du développement de l'IESD (stationnement permanent
d'unités multinationales). S'ils se produisent, ces stationnements
permanents de forces étrangères doivent se situer dans le respect
des plafonds territoriaux prévus pour chaque Etat.
Il est également essentiel de maintenir dans le fonctionnement des
plafonds territoriaux - c'est à dire en ce qui concerne les niveaux
d'équipements déployés sur le territoire d'un Etat partie
quelle que soit la nationalité de ces équipements - suffisamment
de souplesse pour que des activités communes d'entrainement,
d'exercices, de mouvements de forces liés à des opérations
de maintien de la paix puissent se dérouler sans entrave. Cela est
également admis.
Une question en revanche n'est pas à ce stade résolue au sein de
l'Alliance, et à fortiori avec les autres participants aux
négociations d'adaptation du Traité FCE, c'est celle dite des
déploiements temporaires
, c'est à dire celle du volume de
forces qui pourrait être déployé à titre non
permanent mais pour d'autres activités ou dans d'autres circonstances ;
en cas de crise par exemple. L'évaluation des besoins continuent
à faire l'objet de débats au sein de l'Alliance, avec des
arbitrages délicats entre :
-préoccupations militaires, résultant d'analyses
unilatérales qui pousseraient à demander les marges les plus
fortes possibles pour pouvoir réagir en cas de crise sans avoir à
sortir du traité;
- et des préoccupations liées à la
réciprocité (ce que les Alliés pourront faire en Pologne
ou en Hongrie, les Russes pourraient le faire aussi en Belarus par exemple) et
aux conséquences possibles de telles flexibilités dans la zone
des flancs, au Caucase en particulier.
Je voudrais en conclusion appeler l'attention sur les points suivants :
1) la décision d'adhérer à l'OTAN bénéficie
dans les trois pays concernés d'un large appui :
cas de la Hongrie : un referendum a été organisé ; le
taux d'abstention a certes été élevé mais 85% des
votants se sont prononcés pour le oui à l'adhésion
cas de la Pologne : le vote à la Diete aura lieu au moment du
débat de ratification qui suivra la ratification par les 16 ; les
sondages donnent des pourcentages de plus de 70% en faveur de l'adhésion.
cas de la République Tchèque : approbation par les deux
assemblées, à des très fortes majorités (les trois
quarts) de l'autorisation de ratification.
2) La décision d'élargissement n'a pas eu de conséquences
négatives sur la relation OTAN/Russie comme elle n'a pas eu non plus de
conséquences négatives sur les relations avec la Russie des pays
qui ont signé en décembre 1997 leur protocole d'adhésion.
La relation et la coopération OTAN/Russie se sont
développées comme en témoigne par exemple la participation
de la Russie à l'opération conduite par l'OTAN en Bosnie.
3) Les discussions n'ont pas encore repris dans l'Alliance sur la façon
de poursuivre le processus d'élargissement. Il s'agit là à
l'évidence d'une question majeure pour les prochains mois.".
Le directeur des affaires stratégiques, de sécurité et
du désarmement a ensuite répondu aux questions des
commissaires
.
A l'intention de M. André Dulait, il a précisé que la
nécessité d'une mise à niveau de l'instrument militaire
qui se posait pour la plupart des pays candidats n'avait pas été
un élément suffisant pour écarter, dans un premier temps,
la Slovénie et la Roumanie. Il a souligné que ce dernier pays
avait soulevé quelques interrogations sur son évolution politique
et il a rappelé la crainte suscitée chez certains membres de
l'Alliance, et en particulier aux Etats-Unis, par les risques
qu'entraînerait pour l'efficacité opérationnelle de
l'Alliance un élargissement trop rapide de cette organisation. Il a
également indiqué que la Turquie n'avait pas donné suite
à ses menaces de lier l'élargissement de l'Alliance à son
intégration à l'Union européenne. Il a commenté par
ailleurs les conditions dont le Sénat américain pourrait assortir
la ratification par les Etats-Unis de l'adhésion au traité de
l'Atlantique Nord de la Pologne, de la Hongrie et de la République
tchèque, en soulignant que, si la mention habituelle du "partage du
fardeau" et le rappel que le Conseil atlantique garde sa
prééminence sur le Conseil conjoint OTAN-Russie ne posaient pas
de réels problèmes, d'autres éléments comme
l'établissement d'un lien entre l'élargissement de l'Alliance et
celui de l'Union européenne et un éventuel moratoire sur
l'élargissement (contradictoire avec le principe de la "porte ouverte")
pouvaient constituer des sujets de préoccupation.
M. Régis de Belenet a indiqué à M. Jacques Habert que
l'Acte fondateur signé entre l'Alliance atlantique et la Russie
constituait une déclaration politique destinée à poser des
principes ainsi que des mécanismes de consultation, tout en fixant
certains engagements dans le domaine militaire, s'agissant du
déploiement d'armes nucléaires ou de l'adaptation du
traité sur les forces conventionnelles en Europe ; en aucun cas, l'Acte
fondateur ne donnait à la Russie le moyen de bloquer le fonctionnement
de l'OTAN, les seize membres de l'Alliance retrouvant toute leur autonomie de
décision dans l'hypothèse où aucun accord ne pourrait
être trouvé avec la Russie.
Enfin, le directeur des affaires stratégiques, de sécurité
et du désarmement est revenu avec M. Xavier de Villepin,
président, sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN qui
devrait être adopté à Washington en avril 1999, en
indiquant qu'il viserait à mieux définir les nouvelles missions
de l'Alliance (gestion de crises, opérations de maintien de la paix...).
Il a marqué, à cet égard, l'opposition de la France
à un éventuel contournement du Conseil de sécurité
par une auto-saisine du Conseil de l'OTAN. Enfin, il a observé que la
France souhaitait que les mesures d'allègement (en particulier la
simplification des structures de commandement de l'Alliance) se poursuivent et
que leur nécessité soit rappelée dans le nouveau concept
stratégique.