ARTICLE 58 (nouveau)
Modification du financement de la Chambre
nationale
de la batellerie artisanale
Commentaire : le présent article modifie le mode de
financement de la Chambre nationale de la batellerie artisanale de façon
à lui permettre de mieux remplir ses missions dans la perspective de la
libéralisation du transport fluvial.
La Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) est née de
l'article 40 de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI)
n°82-1153 du 30 décembre 1982. Son mode d'organisation et ses
missions ont été précisés par le décret
n°84-365 du 14 mai 1984, dont l'article 3 dispose notamment que
"
doivent être immatriculées au registre de la batellerie
artisanale les entreprises dont l'activité est le transport de
marchandises par voies d'eau au moyen d'un ou plusieurs bateaux de navigation
intérieure immatriculés en France et qui n'emploient pas plus de
six salariés
".
Les artisans bateliers étaient environ 3500 à l'époque de
la rédaction du décret. Aujourd'hui, la population pour laquelle
la CNBA joue le rôle de chambre des métiers est d'environ 1000
personnes.
Les missions de la CNBA sont énumérées à l'article
2 du décret de 1984 :
a) tenir les registres des entreprises, des patrons et des compagnons ;
b) représenter les intérêts généraux de la
batellerie artisanale ;
c) émettre un avis sur les projets de lois et les décrets
relatifs au transport fluvial ;
d) gérer tout fonds qui serait créé en vue de favoriser
l'adaptation de la capacité de la flotte artisanale ;
e) organiser ou concourir à l'organisation de l'apprentissage et de la
formation continue ;
f) coordonner l'action des entreprises de batellerie artisanale, notamment par
la création de services communs destinés à
améliorer la rentabilité, la qualité, les techniques et
les méthodes de cette batellerie ;
g) créer des institutions d'entraide et d'assistance ou concourir
à leur fonctionnement.
Afin de donner à la CNBA les moyens de remplir ses missions, l'article
93 de la loi de finances pour 1985 (n°84-1208 du 29 décembre 1984)
a organisé son financement en instaurant deux prélèvements
:
- le premier, dit
" taxe CNBA ",
est destiné à
financer le fonctionnement de la Chambre. Il est acquitté par les
entreprises inscrites au registre des entreprises de la batellerie artisanale,
selon la définition de l'article 3 du décret du 14 mai 1984
déjà cité. La taxe est égale à 0,105 centime
par tonne kilométrique de marchandises transportées sur les voies
navigables situées en territoire français, à l'exception
des voies navigables à statut international ;
- le second prélèvement alimente un fonds dont la gestion est
confiée à la CNBA, conformément au
d)
de l'article
2 du décret de 1984. Le rôle du Fonds d'adaptation des
capacités de la flotte artisanale (FACFA) est contenu dans son
intitulé. Contrairement à la " taxe CNBA " qui est
acquittée uniquement par les artisans bateliers (mais
tous
les
artisans), la "
taxe FACFA
" est payée par l'ensemble
des bateliers (artisans ou compagnies
80(
*
)
) qui effectuent du transport de
marchandises générales
81(
*
)
. Elle s'élève à
0,13 centime par tonne kilométrique transportée sur les
voies navigables situées en territoire français, à
l'exception des voies navigables
I - LE MODE DE FINANCEMENT DE LA CNBA CONSTITUE UN OBSTACLE À UNE
ALLOCATION OPTIMALE DES RESSOURCES
Les difficultés actuelles rencontrées par la CNBA ne proviennent
pas d'un manque de ressources mais de l'organisation de son financement.
1. La " taxe CNBA " ne suffit pas à financer les
dépenses de fonctionnement de la Chambre.
Depuis 1991, le produit de la " taxe CNBA " est inférieur aux
dépenses de la Chambre. Toutefois, celle-ci a jusqu'à
présent toujours pu équilibrer son budget en puisant dans les
réserves constituées grâce aux excédents
dégagés au cours des premières années
d'activité et à la subvention de 2 millions de francs
versée par l'Etat en 1985.
En 1997, pour la première fois, le montant du déficit
d'exploitation est supérieur à celui des réserves (411 844
francs contre 393 315). Par conséquent, sans réforme de son mode
de financement, la CNBA n'aurait pas été en mesure de financer
seule ses dépenses de fonctionnement en 1998.
Montants perçus de la taxe CNBA depuis 1985
Année |
Montant de la taxe perçue |
Subvention de l'Etat |
Recettes diverses |
Dépenses |
Reliquat |
Résultat cumulé |
1985 |
1.272.091,57 |
2.000.000,00 |
|
1.023.928,29 |
2.248.163,28 |
2.248.163,28 |
1986 |
2.358.118,50 |
|
640,00 |
1.525.813,25 |
832.945,25 |
3.081.108,53 |
1987 |
2.282.833,29 |
|
|
2.238.785,76 |
144.047,53 |
3.225.156,06 |
1988 |
2.268.267,52 |
|
4.315,66 |
2.077.483,75 |
195.099,43 |
3.420.255,49 |
1989 |
2.0408.601,88 |
|
1.095,00 |
2.276.749,94 |
131.946,94 |
3.552.202,43 |
1990 |
2.458.240,11 |
|
17.511,98 |
2.247.371,10 |
228.380,99 |
3.780.583,42 |
1991 |
2.455.171,86 |
|
|
2.660.026,18 |
- 204.854,32 |
3.575.729,10 |
1992 |
2.202.574,80 |
|
330.611,00 |
2.593.173,42 |
- 59.987,62 |
3.515.741,48 |
1993 |
1.961.403,22 |
|
192.524,00 |
2.455.454,15 |
- 301.526,93 |
3.214.214,55 |
1994 |
1.413.672,18 |
|
389.883,28 |
3.273.301,61 |
- 1.469.746,15 |
1.744.468,40 |
1995 |
1.795.540,74 |
|
347.187,21 |
2.815.397,24 |
- 672.669,29 |
1.071.799,11 |
1996 |
1.966.754,41 |
|
224.895,38 |
2.458.288,40 |
- 266.638,61 |
805.160,50 |
1997 |
1.819.120,08 |
|
204.231,00 |
2.435.195,80 |
- 411.844,72 |
393.315,78 |
2. Cette situation difficile est rendue
incompréhensible par les réserves accumulées par le FACFA,
dans lesquelles la CNBA n'a pas le droit de puiser.
L'origine des réserves du FACFA ne réside pas dans
l'évolution du produit de la taxe, qui n'a jamais atteint l'objectif de
6 millions de francs par an avancé lors des débats parlementaire
sur l'article 93 de la loi de finances pour 1985.
Les réserves s'expliquent par :
- le produit de la taxe perçue en 1985, année au cours de
laquelle aucune dépense n'a été engagée ;
- des subventions de l'Etat importantes jusqu'en 1989, qui ont permis
d'éviter de puiser dans les réserves de la CNBA ;
- des dépenses de montants variables selon les années, conduisant
à de fréquents excédents budgétaires depuis 1991.
Montants perçus de la taxe FACFA depuis 1985
Année |
Montant de la taxe perçue |
Subvention de l'Etat |
Recettes diverses |
Dépenses |
Reliquat |
Résultat cumulé |
1985 |
5.419.038,58 |
|
|
0,00 |
5.419.038,58 |
5.419.038,58 |
1986 |
5.173.867,60 |
5.000.000,00 |
|
10.458.045,42 |
- 284.177,82 |
5.134.860,76 |
1987 |
4.658.096,05 |
7.000.000,00 |
|
11.776.396,74 |
- 118.300,69 |
5.016.560,07 |
1988 |
4.416.299,92 |
1.000.000,00 |
|
6.661.405,80 |
- 1.245.105,88 |
3.771.454,19 |
1989 |
4.951.270,98 |
1.000.000,00 |
|
5.458.603,44 |
492.667,54 |
4.264.121,73 |
1990 |
5.402.526,55 |
|
|
5.856.635,00 |
- 554.108,45 |
3.710.013,28 |
1991 |
5.302.381,33 |
|
|
444.918,00 |
4.857.463,33 |
8.567.476,61 |
1992 |
4.775.797,90 |
|
|
2.191.875,00 |
2.583.922,90 |
11.151.399,51 |
1993 |
4.054.350,31 |
|
4.628,00 |
375.472,27 |
3.683.506,04 |
14.834.905,55 |
1994 |
2.895.691,53 |
|
|
9.337.842,86 |
- 6.442.151,33 |
8.392.754,22 |
1995 |
3.522.856,36 |
|
|
6.368.642,56 |
- 2.845.786,20 |
5.546.968,02 |
1996 |
4.219.592,53 |
|
|
907.679,41 |
3.311.913,12 |
8.858.881,14 |
1997 |
3.416.523,83 |
|
|
388.250,00 |
3.028.273,83 |
11.887.154,97 |
Les fluctuations de l'évolution des dépenses du
FACFA proviennent de la nature de ses missions. Si le texte de la loi de
finances pour 1985 définit les missions du fonds en termes très
généraux ("
favoriser l'adaptation de la capacité
de la flotte artisanale
"), le rapport de votre commission des
finances précisait qu'il avait vocation à faciliter l'adaptation
de la flotte aux mouvements de la conjoncture en finançant des
"
indemnités d'attente à l'affrètement pour les
artisans sans chargement ou bien des aides au déplacement à vide
afin d'inciter les bateliers à se déplacer dans les
régions où une demande de fret est suffisamment
importante
"
82(
*
)
.
Ainsi, les années au cours desquelles les dépenses sont
importantes, voire supérieures aux recettes de la taxe, correspondent
généralement à celles où les conditions climatiques
ont interrompu le trafic fluvial (crues, gels) et où la CNBA a par
conséquent été amenée à soutenir
financièrement les artisans.
3. Non seulement la CNBA fonctionne de manière précaire, mais
les moyens dont elle dispose ne lui permettent d'assurer que ses missions de
représentation.
La CNBA est un établissement public de très petite taille, dont
les dépenses sont essentiellement consacrées à la
rémunération des trois salariés et au paiement des
vacations du président et des membres de son conseil d'administration.
Ces effectifs réduits permettent tout juste à la CNBA d'assurer
ses missions de représentation (les missions
a)
,
b)
et
c)
mentionnées plus haut) ainsi que la gestion du FACFA.
La Chambre n'a ni les moyens ni les personnels requis pour
"
créer des institutions d'entraide et d'assistance ou de
concourir à leur fonctionnement
" ou encore pour
"
organiser ou concourir à l'organisation de l'apprentissage et
de la formation continue
" des bateliers.
Quant à sa mission de "
coordination de l'action des entreprises
de batellerie artisanale par la création de services communs
destinés à améliorer la rentabilité, la
qualité, les techniques et les méthodes de cette
batellerie
", elle aurait pu être confiée au FACFA, comme
le laisse entendre la note de la direction des transports terrestres
évoquée plus haut. Mais le fonds, s'il dispose de trop de
crédits pour financer l'adaptation de la flotte à la conjoncture,
n'a pas l'envergure nécessaire pour mener des opérations de
restructuration de la profession, que la CNBA, qui gère le fonds,
n'aurait pas pu assumer pour les raisons matérielles déjà
évoquées.
4. Une telle situation est de plus en plus préjudiciable : les
missions délaissées par la CNBA sont essentielles à
l'accompagnement des artisans bateliers vers la libéralisation.
L'organisation du transport fluvial traverse actuellement une phase de profonds
bouleversements. En effet, la directive n° 96-75 du 19 novembre 1996
organise le démantèlement du système actuel d'
" affrètement au tour de rôle "
83(
*
)
. La période de transition
entre le système administré actuel et la libéralisation,
qui se traduit par le fait que "
les contrats sont librement conclus
entre les parties
" (article 2), prendra fin le 1er janvier 2000.
Le France a anticipé la libéralisation par la loi n° 94-576
du 12 juillet 1994 relative à l'exploitation commerciale des voies
navigables qui, par ses article 6, 7 et 8 notamment, prévoit que
certains contrats sont (ou peuvent être) conclus en dehors du
système du tour de rôle
84(
*
)
. De plus, l'article premier de la
loi dispose qu'elle ne sera applicable que
" pour une période de
six années au plus
", soit jusqu'à l'an 2000.
Malgré cette loi, les artisans bateliers restent encore fortement
dépendants du système du rôle puisque, selon les
informations transmises à votre rapporteur par la CNBA, 80% des artisans
bateliers travaillent dans une bourse d'affrètement
réglementé.
Afin de mettre fin aux surcapacités du secteur et de préparer les
bateliers aux échéances à venir, la France a mis en place
dès 1986 un plan économique et social (PES) financé
conjointement par l'Etat et Voies navigables de France. La prolongation de ce
plan en 1997 et 1998 a été acceptée par la Commission
européenne car il comporte des dispositions relatives à la
formation des bateliers et des incitations aux regroupements, sous forme de
coopérative notamment. Ces volets du plan économique et social
sont particulièrement de nature à permettre aux bateliers de
résister au choc de l'ouverture à la concurrence.
Dans ce contexte, il est souhaitable que la CNBA se saisisse enfin de ces
questions. Elle doit notamment :
- aider les artisans à surmonter leurs réticences psychologiques
au regroupement, et leur apporter un soutien plus appuyé en
matière commerciale et de gestion ;
- inciter les artisans à développer leurs avantages comparatifs
sur certains marchés de marchandises spécialisées qui
nécessitent des prestations délicates et de qualité,
dégageant une plus forte valeur ajoutée.
La diversification de l'activité des bateliers doit également
être encouragée afin d'éviter que l'ensemble des artisans
ne dépende des mêmes secteurs d'activité. Aujourd'hui, le
transport de marchandises spécialisées ne représente que
5% des tonnes kilométriques transportées par la flotte
artisanale, et une cinquantaine de bateliers.
II - POUR REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS ACTUELLES, IL EST
PROPOSÉ DE SUPPRIMER LE FACFA ET DE CRÉER UNE TAXE UNIQUE
L'article 58 du texte adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale dispose qu' "
il est pourvu aux
dépenses de la Chambre nationale de la batellerie artisanale au moyen
d'
une taxe acquittée par les entreprises inscrites au registre des
entreprises de la batellerie artisanale
.
"
La création d'une taxe unique payée par les artisans comporte
des avantages :
1. La taxe unique exonère les bateliers non artisans transportant des
marchandises générales du paiement de l'ancienne " taxe
FACFA ", dont le produit était réservé à des
actions en faveur des artisans.
Les représentants des entreprises non artisanales, les compagnies,
réclamaient depuis de nombreuses années la fin de leur
assujettissement
85(
*
)
à
la " taxe FACFA ", dont le bénéfice ne profitait qu'aux
artisans.
Le paiement par les compagnies d'une taxe au profit des artisans s'expliquait
par des considérations de solidarité entre les plus solides et
les plus fragiles au sein du secteur de la batellerie. De plus, selon les
informations recueilles par votre rapporteur auprès de Voies navigable
de France, l'activité de nombreux artisans dépend des transports
que leur sous-traitent les compagnies. Par conséquent, il n'était
pas absurde que les compagnies participent au soutien aux artisans en
période de basse conjoncture.
Néanmoins, à l'approche de la libéralisation, la situation
financière des compagnies et la perspective d'une mise en concurrence
avec les compagnies étrangères ont conduit à la
nécessité de renforcer la compétitivité des
armements industriels.
2. La taxe unique ne remet pas en cause les actions anciennement
menées par le FACFA, que la CNBA exercera désormais directement
et non plus par le truchement d'un fonds.
La disparition du FACFA n'emporte pas celle des actions financées par le
fonds puisque ce dernier agissait dans le cadre général des
missions de la CNBA, qui assurera dorénavant elle-même, en tant
que chambre des métiers et en puisant des ses réserves,
l'indemnisation des artisans en cas de difficulté conjoncturelle.
La libéralisation ne devrait pas remettre en cause le principe de ces
aides, du moins tant qu'elles ne sont pas financées par des
crédits budgétaires. De plus, une intervention communautaire est
prévue par l'article 7 de la directive de 1996 qui dispose qu'
"
en cas de perturbation grave du marché
86(
*
)
, la Commission peut prendre
(...)
, à la demande d'un Etat membre les mesures
appropriées, notamment des mesures visant à empêcher toute
nouvelle augmentation de la capacité de transport offerte sur le
marché concerné
. "
Votre rapporteur s'inquiète néanmoins de la manière dont
sera assurée l'indemnisation des artisans lorsque les réserves du
FACFA seront épuisées et que le budget de fonctionnement de la
CNBA consommera la quasi-totalité du produit de la taxe.
3. La taxe unique permet à la CNBA d'accroître ses moyens de
fonctionnement et d'être en mesure d'assumer l'ensemble de ses
missions.
Le dispositif proposé met fin au caractère absurde et
bureaucratique du système actuel, dans lequel un établissement
public perçoit le produit de deux taxes mais, en l'absence de
fongibilité des crédits, doit faire cohabiter en son sein
déficits de fonctionnement et excédents du fonds de soutien.
La CNBA voit aujourd'hui une de ses revendications satisfaites, il lui
appartiendra à l'avenir de prouver qu'elle est capable d'accompagner les
bateliers à travers les nécessaires mutations que leur profession
va connaître dans les années à venir.
Le nouveau système comporte cependant un inconvénient
:
le volume des ressources à la disposition de la CNBA va diminuer puisque
les compagnies transportant des marchandises générales
n'acquitteront plus la " taxe FACFA ". Le chiffrage fournit plus loin
évalue l'ampleur de la perte de recette pour la batellerie artisanale.
III - LA RÉFORME DOIT S'EFFECTUER À NIVEAU DE
PRÉLÈVEMENT CONSTANT
Contre l'avis du Gouvernement, et afin de ne pas modifier le niveau de
prélèvement pesant sur les artisans, l'Assemblée nationale
a adopté un dispositif comportant deux taux, l'un applicable aux
artisans bateliers transportant des marchandises générales et
l'autre aux artisans transportant des marchandises spécialisées :
- les artisans transportant des marchandises générales
acquittaient auparavant les deux taxes, la " taxe FACFA " et la
" taxe CNBA ". Le nouveau système leur applique un taux
équivalent à la somme des deux anciens taux, soit 0,105 + 0,13 =
0,235 centime par tonne kilométrique.
- les artisans transportant des marchandises spécialisées, en
revanche, n'étaient redevables que de la " taxe CNBA " de
0,105 centime par tonne kilométrique. La nouvelle taxe leur sera
appliquée au même taux.
Le Gouvernement ne souhaitait pas distinguer entre artisans selon le type de
marchandises transporté. Il invoquait trois arguments, de portée
inégale :
- si la distinction entre types de marchandises est pertinente dans certains
cas, la CNBA fournit à l'ensemble des bateliers des prestations
équivalentes. Par conséquent, une taxation
différenciée n'est pas justifiée ;
- l'exonération de " taxe FACFA " accordée aux
transporteurs de marchandises spécialisées se justifie dans le
système actuel notamment par le fait que le FACFA est
réservé aux transporteurs de marchandises
générales. Aujourd'hui, le FACFA disparaissant,
l'exonération perd son fondement ;
- la distinction entre marchandises générales et marchandises
spécialisées est parfois difficile à établir.
Ce dernier argument souligne la nécessité d'harmoniser la
terminologie utilisée en matière de type de marchandise
transporté. En effet, il n'existe pas de critère précis
d'appartenance à l'une ou l'autre catégorie.
Les marchandises spécialisées sont décrites comme
étant tantôt les liquides
87(
*
)
(parfois associés aux
pulvérulents), tantôt les produits dangereux (qui sont souvent
liquides). La distinction liquide-solide n'est cependant pas totalement
opérante car certains produits peuvent être liquides ou pas selon
leur teneur en eau (les boues, par exemple, peuvent être sèches).
Une distinction par type de bateau est également parfois mise en avant,
les bateaux à cale sèche transportant des marchandises
générales et les bateaux à cale citerne transportant les
marchandises spécialisées.
L'absence de critère précis de distinction entre les types de
marchandises ne suffit cependant pas à justifier une remise cause de
l'exonération accordée aux transporteurs de marchandises
spécialisées car, d'une part, le système a
fonctionné correctement depuis 1985 et, d'autre part, le type de
marchandises qu'un bateau est réputé transporter est
précisé sur le certificat d'agrément délivré
par Voies navigables de France
88(
*
)
.
L'argument selon lequel la suppression du FACFA, dont seuls les
transporteurs de marchandises générales étaient
censés bénéficier, doit conduire à mettre fin
à l'avantage fiscal des transporteurs de marchandises
spécialisées ne peut pas être retenu non plus.
En effet, le fait que le FACFA serait réservé aux transporteurs
de marchandises générales est une idée reçue, qui
ne repose sur aucun texte. En pratique, le FACFA a
bénéficié aussi bien aux transporteurs de marchandises
générales qu'aux transporteurs de marchandises
spécialisées.
L'arbitrage entre le taux unique et les deux taux ne va cependant pas
de soi :
- sur le plan des principes, votre commission des finances doit arbitrer entre
sa volonté de mettre un terme aux niches fiscales et sa réticence
à accepter des hausses de prélèvements obligatoires pesant
sur les entreprises ;
- en pratique, il est indéniable qu'il n'est pas justifié que les
artisans bateliers, à qui la CNBA fournit des prestations similaires,
rémunèrent ces services de manière
différenciée selon le type de marchandise que leurs bateaux
transportent.
Pour autant, la remise en cause de cet avantage ne serait pas
forcément pertinente car :
- elle serait sans effet sur le niveau de prélèvement
supporté par les autres artisans ;
- elle conduirait à accroître la pression fiscale sur le segment
de l'activité batelière qu'il est souhaitable d'encourager
à l'avenir ;
- la vraie inégalité fiscale ne provient pas des
différences de taux applicables aux deux types de marchandise mais de la
localisation géographique des bateliers. Les artisans installés
dans des régions frontalières sont en effet amené à
travailler dans des pays étrangers, exonérant ainsi leurs
cargaisons du paiement de la taxe.
Il apparait donc que l'approche " égalitariste ",
consistant à soumettre tous les bateliers au même taux, doit
être écartée au profit du maintien du niveau actuel des
prélèvements, qui a pour effet secondaire de provoquer une forme
de " discrimination positive " entre les artisans bateliers.
IV - LE COÛT DE LA MESURE
La direction des transports terrestres a réalisé l'étude
d'impact de la mesure en considérant que le produit actuel de la
" taxe CNBA " était de 1,86 million de francs et celui de
la " taxe FACFA " de 3,4 millions de francs.
Les recettes de la
CNBA s'élèvent donc aujourd'hui à 5,26 millions de francs.
La DTT considère également que le total des tonnes
kilométriques actuellement transportées sur les voies navigables
par les artisans bateliers est de 1 830 000 000 t/km.
Si la solution du taux unique était retenue, le produit de la taxe
s'élèverait à :
1 830 000 000 t/km X 0,00235 F = 4 300 000 F
Sachant que VNF prélève 3% de frais de recouvrement, le produit
de la taxe serait de
4 271 000
F.
Si le système des deux taux est maintenu, on peut estimer que le
produit de la taxe serait de :
- s'agissant des marchandises spécialisées (5% des tonnes
kilométriques) :
91 500 000 X 0,00105 = 96 075 F ;
- s'agissant des marchandises générales :
1 738 500 000 X 0,00235 = 4 085 475 F.
Compte tenu du prélèvement de 3% opéré par VNF, le
produit total de la taxe s'élèverait à
4 056 103
francs
.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.
ARTICLE 59 (nouveau)
Renforcement de la lutte
contre le blanchiment des capitaux
provenant du trafic des
stupéfiants
Commentaire : cet article tend à renforcer le
dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des
stupéfiants instauré par la loi n °90-614 du 12 juillet
1990 en étendant l'obligation de déclaration de soupçon
aux intermédiaires immobiliers.
I - LE DISPOSITIF ACTUEL
A. LE DISPOSITIF DE LA LOI DU 12 JUILLET 1990 RELATIVE À LA
PARTICIPATION DES ORGANISMES FINANCIERS À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT
DES CAPITAUX PROVENANT DU TRAFIC DES STUPÉFIANTS
Créé lors du sommet de l'Arche des 14 et 15 juillet 1989
à l'initiative de la France, le Groupe d'Action Financière
Internationale (GAFI), qui regroupe les 26 pays alors membres de l'OCDE a une
double mission :
- évaluer les résultats de la coopération
déjà mise en oeuvre pour prévenir l'utilisation du
système bancaire et des institutions financières aux fins de
blanchir l'argent ;
- étudier des mesures préventives supplémentaires dans ce
domaine, y compris d'adaptation des systèmes juridiques et
réglementaires de façon à renforcer l'entraide judiciaire
multilatérale.
En conclusion de ses travaux, le GAFI a émis 40 recommandations
dont les pays membres se sont inspirés pour élaborer un
dispositif législatif de lutte contre le blanchiment des capitaux.
Ainsi, la France a publié le 12 juillet 1990 la loi n °
90-614 relative à la participation des organismes financiers à la
lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des
stupéfiants.
Cette loi oblige les établissements de crédit, les
sociétés d'assurance, les mutuelles, les société de
bourse et les bureaux de change de déclarer les sommes inscrites dans
leurs livres et les opérations qui portent sur ces sommes lorsque
celles-ci paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de
l'activité d'organisations criminelles.
Ces déclarations sont recueillies par Tracfin, un service placé
sous l'autorité du ministre chargé de l'économie et des
finances qui rassemble tous les renseignements propres à établir
l'origine des sommes ou la nature des opérations faisant l'objet de la
déclaration. Dès que les informations recueillies mettent en
évidence des faits susceptibles de relever du trafic des
stupéfiants ou de l'activité d'organisations criminelles, il en
réfère au procureur de la République.
En outre, Tracfin accuse réception de la déclaration.
L'accusé de réception, qui peut être assorti d'une
opposition, est émis dans le délai d'exécution de
l'opération. L'opposition oblige à un report de cette
exécution qui ne peut toutefois pas excéder douze heures.
Au-delà de cette échéance, seul le Président du
tribunal de grande instance de Paris ou, le cas échéant, le juge
d'instruction, a compétence pour ordonner la prorogation de l'opposition.
B. UNE LOI TRÈS EFFICACE MAIS QUI PEUT ENCORE ÊTRE
AMÉLIORÉE
Cette loi s'est avérée très efficace.
En effet, les enquêtes conduites par Interpol et les informations
recueillies par le GAFI soulignaient le rôle central du système
financier international dans le blanchiment de l'argent.
L'instauration de la levée du secret professionnel en cas de
transaction suspecte paraissant avoir un lien avec le trafic de
stupéfiants a eu un effet très dissuasif.
Toutefois, et c'est le revers de la médaille, le resserrement du
contrôle sur les opérations réalisées dans le
secteur financier a entraîné un déplacement des
systèmes de blanchiment vers d'autres professions.
Cette tendance a été renforcée par les disparités
observées dans l'attitude des autorités de contrôle.
L'article 7 de la loi du 12 juillet 1990 précise que l'autorité
ayant pouvoir disciplinaire sur les organismes financiers engage une
procédure sur le fondement des règlements professionnels ou
administratifs et en avise le procureur de la République en cas de
défaut grave de vigilance ou d'une carence dans l'organisation des
procédures internes de contrôle.
Or, la diligence des autorités de contrôle varie fortement de
l'une à l'autre. En témoigne le nombre de déclarations
recueillies par Tracfin.
Depuis la publication de la loi jusqu'au 1er janvier 1997, les banques
(soumises au contrôle de la commission bancaire) ont
déposé 4.000 déclarations. En revanche, ce
nombre s'élève seulement à 107 pour les compagnies
d'assurance (contrôlées par la commission de contrôle des
assurances) et à 13 pour les sociétés de bourse
(contrôlées par le conseil des marchés financiers).
Devant ces disparités, Tracfin, qui s'est jusqu'en 1995
intéressé essentiellement aux établissements de
crédit, s'est tourné vers les autres organismes financiers
concernés par la loi, à savoir les sociétés
d'assurance en 1997 et les sociétés de bourse à partir du
1er janvier 1998. Une telle politique apparaît efficace puisque pour la
seule année 1997, les dépositions effectuées par les
sociétés d'assurance se sont élevées à 123,
soit plus que sur la période 1990-1996.
Toutefois, cette plus grande sensibilisation des organismes financiers pousse
les responsables du blanchiment de l'argent à trouver de nouveaux
canaux.
Depuis son premier rapport annuel datant de 1991, le GAFI appelle
régulièrement l'attention de ses membres sur la diversification
des filières de blanchiment pour contourner les mesures de
prévention prises par le secteur bancaire. Les professions non
financières dont l'activité consiste à vendre et à
acheter des biens d'une grande valeur, parmi lesquelles celle d'agent
immobilier, ou les professions liées, telle celle de notaire, sont
présentées comme particulièrement exposées à
une utilisation frauduleuse par les blanchisseurs.
Par ailleurs, la directive CEE du 10 juin 1991 relative à la
prévention de l'utilisation du système financier aux fins de
blanchiment, incite les Etats européens à étendre ses
dispositions aux
" professions... qui exercent des activités
particulièrement susceptibles d'être utilisés à des
fins de blanchiment de capitaux
". Le Conseil et le Parlement
européen viennent de rappeler à la Commission la
nécessité de s'assurer de l'effectivité de la
transposition de ces dispositions dans le droit positif des Etats membres.
L'investissement de capitaux illicites dans le secteur immobilier constitue
une méthode et un débouché classique pour le blanchiment.
En France, pays très attractif en raison de sa stabilité
économique et monétaire, cette technique est utilisée au
cours des deuxième et troisième étapes du processus de
blanchiment, appelées respectivement empilage et intégration. Des
transactions immobilières, souvent sous couvert de
sociétés civiles immobilières, sont réalisés
en chaîne pour empêcher de retracer l'origine illicite des fonds,
ou bien les capitaux criminels sont investis dans l'activité
économique, par le biais de complexes immobiliers touristiques ou
loisirs, qui leur confèrent une apparence de légalité.
II - LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. L'EXTENSION DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON AUX
INTERMÉDIAIRES IMMOBILIERS
Le présent article propose donc de renforcer la lutte contre le
blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants en
étendant le champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 aux
intermédiaires immobiliers.
Cet élargissement du champ d'application nécessite certaines
adaptations.
Ainsi, le présent article propose d'insérer un alinéa
à l'article premier de la loi du 12 juillet 1992 pour compléter
la liste des six catégories déjà concernés et y
ajouter une septième catégorie constituée par
"
les personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent
des opérations portant sur l'acquisition, la vente, la cession ou la
location de biens immobiliers
".
Pour éviter toute confusion, le présent article propose de
préciser dans le dernier alinéa de l'article premier de la loi du
12 juillet 1990 que les six catégories déjà existantes
sont désignées sous le nom d'organismes financiers.
Quant à la septième catégorie, elle est
désignée sous le nom de " personnes ". Le premier
alinéa de l'article 3 est modifié afin de soumettre les
intermédiaires immobiliers de manière explicite à
l'obligation de déclaration.
Enfin, l'article 11 est complété par un paragraphe III qui
soumet les intermédiaires immobiliers aux mêmes obligations et aux
mêmes sanctions que les organismes financiers.
B. LA QUESTION DU CONTRÔLE DU RESPECT DE LA LOI
Si votre rapporteur est favorable à l'extension du champ d'application
de la loi relative à la participation des organismes financiers à
la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des
stupéfiants, il craint que le respect de cette loi par les personnes
concernées soit de plus en plus difficile à contrôler.
Jusqu'à présent, ce contrôle était effectué
par les autorités de contrôle de chaque catégorie
d'organismes financiers et, au coup par coup, par les agents de Tracfin. Or, et
ce problème a déjà été évoqué,
l'implication des autorités compétentes est très variable.
En outre, l'extension du champ d'application de la présente loi se
heurte à une difficulté lorsqu'il n'existe pas d'autorités
de contrôle. Ainsi, concernant les intermédiaires immobiliers, si
le Parquet a un pouvoir de contrôle sur les notaires, les agents
immobiliers ne sont contrôlés par aucun organisme. Certes, le
nombre des régions susceptibles de connaître du blanchiment
d'argent à travers des opérations immobilières est
limité, mais les 12 agents de Tracfin pourront difficilement
contrôler l'activité de toutes les agences immobilières.
Cette question du contrôle s'avère d'autant plus cruciale que le
champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 a toutes les chances
d'être peu à peu étendu. En effet, le blanchiment touche
des secteurs aussi variés que les concessionnaires automobiles, les
négociants en métaux précieux, les restaurants, les bars...
Même si la loi a essentiellement un but préventif, son
efficacité ne manquera pas d'être affectée si l'obligation
de déclaration des opérations douteuses ne peut pas être
contrôlée.
Votre rapporteur souhaite donc que le gouvernement précise les moyens
qu'il compte utiliser pour s'assurer que l'obligation de déclaration
sera bien respectée.
Décision de la commission : votre commission propose d'adopter
cet article sans modification
.
ARTICLE 60 (nouveau)
Prolongation du dispositif
de mise à la disposition de fonctionnaires
de l'Etat auprès de
la CNP Assurances SA
Commentaire : le présent article a pour objet de
prolonger de dix ans la période pendant laquelle des fonctionnaires de
l'Etat en activité à la CNP Assurances SA peuvent être mis
à la disposition de cette entreprise.
Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par un
amendement du gouvernement, vise à prolonger pour une période de
dix ans le dispositif de mise à la disposition de fonctionnaires
institué pour une durée maximale de six ans par l'article 5
de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au
marché unique européen de la législation applicable en
matière d'assurance et de crédit.
A l'issue de cette période de 10 ans, ces fonctionnaires devraient
soit être réaffectés dans les services de la Caisse des
Dépôts et Consignations, soit employés par la CNP
Assurances SA et placés, par voie de conséquence dans l'une des
positions prévues par la loi de 1984 portant statut de la Fonction
publique de l'Etat.
I - LE STATUT DE LA CNP ASSURANCES SA
A. SON STATUT A ÉTÉ PROFONDÉMENT MODIFIÉ
D'établissement public à caractère administratif, la CNP
est devenue une société anonyme d'assurances.
En 1850 a été créée la première caisse de
retraite pour la vieillesse. Regroupée en 1949 avec la Caisse nationale
d'assurance en cas de décès (1868), elle a formé la Caisse
nationale d'assurance sur la vie. De la fusion de cette dernière et de
la Caisse nationale d'assurance en cas d'accident (1868),
est née en
1959 la Caisse nationale de prévoyance (CNP), établissement
public à caractère administratif.
Le décret n° 87-833 du 12 octobre 1987 relatif à
l'organisation et au fonctionnement de la CNP l'a transformée
en
établissement public industriel et commercial,
permettant ainsi
à celle-ci de rapprocher ses conditions de gestion de celles d'une
entreprise.
Cette première étape vers une transformation plus importante,
afin notamment de lui donner un statut juridique plus compatible avec les
perspectives d'unification du marché européen de l'assurance,
s'est traduite par
la création d'une société anonyme
à directoire et à conseil de surveillance soumise au droit commun
du code des assurances et appartenant au secteur public en vertu notamment des
dispositions de l'article 3 de la loi n° 92-665
précitée.
Par ailleurs, la "CNP Assurances" figure dans la liste des entreprises,
annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 de privatisation
du 19 juillet 1993.
La CNP Assurances SA, société anonyme d'assurance, dispose
depuis le 9 décembre 1992 d'un capital social qui était
composé, au 31 décembre 1997, de 126.880.000 actions,
d'une valeur nominale de 25 francs, soit 3.172.000.000 francs. Ce
capital est détenu à 42,5 % par l'Etat, 30 % par la
Caisse des Dépôts et Consignations, 17,5 % par La Poste et
10 % par les Caisses d'Epargne.
B. LA CNP ASSURANCES SA EST LE PREMIER ASSUREUR DE PERSONNES EN
FRANCE
Depuis ces dernières années, et notamment 1992, les
résultats de la CNP ont régulièrement
progressé
, témoignant
"d'une grande vitalité et
d'un rapide développement",
ainsi que l'avait déjà
souligné votre rapporteur lors de l'examen en mai 1992 de la loi
n° 92-664 précitée.
La CNP Assurances SA exerce un seul métier, celui de l'assurance des
personnes pour lequel elle détient plus de 19 % de parts de
marché devant Axa-UAP (12 %) et Prédica (10 %).
Premier assureur de personnes en France avec 14 millions
d'assurés, elle est également au 6ème rang des entreprises
européennes d'assurances.
Elle a réalisé en 1997 un
chiffre d'affaires de 110,8 milliards de francs qui se répartissait
comme suit : épargne (78 %) ; assurance en couverture de
prêts (8 %) ; retraite (7 %) ; prévoyance
(6 %) ; et garantie rentes (1 %).
Le montant total de ses placements s'élève à
553 milliards de francs en 1997, contre 160 milliards de francs en
1992. Ils sont constitués à plus de 88 % par des obligations
et assimilés. Son résultat pour 1997 est de 1,637 millions
de francs (1,118 en 1992), soit une rentabilité sur fonds propres de 12
%.
Les indications chiffrées concernant le premier trimestre de 1998, qui
ont été communiquées à votre rapporteur, font
état d'une légère diminution de son chiffre d'affaires, de
l'ordre de 4 à 5 %. En tout état de cause, la CNP Assurances SA
continue à afficher de meilleures performances que le marché de
l'assurance des personnes qui, de façon générale, a
reculé de manière significative au cours de la même
période.
Pour proposer ses produits au public, la CNP Assurances SA
bénéficie d'un réseau de distribution original,
constitué pour l'essentiel de ses principaux partenaires et
actionnaires, à savoir la Poste, les caisses d'épargne et le
Trésor public.
A ce titre, elle a créé en 1988 une filiale commune
Écureuil Vie détenue à 50 % par le réseau et
à 50 % par la CNP, et signé en 1994 une convention la liant
avec La Poste pour dix ans. De même une convention similaire a
été conclue en 1995 avec le Trésor public.
Parallèlement, depuis 1990 elle a mis en place des partenariats
internationaux qui lui permettent d'échanger des savoir-faire
complémentaires : des filiales ont ainsi été
crées en Italie, Argentine, Pologne, et un bureau de
représentation a été ouvert, au début de
l'année 1997, en Chine.
II - LA SITUATION DES PERSONNELS DE LA CNP ASSURANCES SA
La CNP Assurances SA avait au 31 mars 1998, un effectif salarié de
2.186 personnes relevant de deux statuts différents : d'une part
des fonctionnaires de l'Etat, d'autre part des salariés de droit
privé.
Si la situation de ces derniers n'a pas été modifiée,
celle des fonctionnaires travaillant au sein de la CNP a été
affectée par les évolutions de son statut juridique.
A. LA SITUATION JUSQU'EN 1992
La CNP est alors un établissement public, soit une personne morale de
droit public.
En 1992, près des deux tiers des agents de la CNP étaient des
fonctionnaires. Cette proportion s'élevait à 85 % au sein
des personnels non cadres. Ils dépendaient de la Caisse des
dépôts et consignations et étaient simplement
affectés auprès de la Caisse nationale de prévoyance. En
effet, eu égard à son statut particulier, la Caisse des
dépôts et consignations était assimilée à une
direction d'administration centrale au sein de laquelle un fonctionnaire
exerçait son activité.
B. L'ARTICLE 5 DE LA LOI DU 16 JUILLET 1992
La CNP devient la CNP Assurances SA, soit une personne morale de droit
privé.
Les fonctionnaires qui, antérieurement, dépendaient de la Caisse
des dépôts et consignations et étaient simplement
affectés à la CNP, sont désormais, en vertu de l'article 5
de la loi n° 92-665 précitée,
"mis à la
disposition de la CNP Assurances SA pour une durée maximale fixée
à 6 ans, à charge pour celle-ci de rembourser les charges
correspondantes".
Ces charges qui comprennent les traitements et indemnités
représentaient en 1997 un montant total de 270 millions de francs,
soit 35 % de la masse salariale de la CNP Assurances SA
89(
*
)
.
Cette disposition avait alors fait l'objet d'un avis favorable de votre
commission, votre rapporteur estimant que
"la poursuite de la
réussite des activités de la CNP reposera sur une bonne
mobilisation de ses personnels, dont les grandes capacités d'adaptation
n'ont plus, aujourd'hui, à être prouvées".
Cette position de
mise à la disposition
constituait cependant
une dérogation et une exception par rapport au statut
général de la fonction publique de l'Etat. La mise à
disposition ne peut en effet s'effectuer qu'au sein d'une autre administration
ou d'un organisme de droit privé d'intérêt
général, ce qui n'était pas, en l'espèce, le cas.
Par ailleurs, par nature, la mise à disposition est une procédure
individuelle. Or, la
mise à la disposition
ainsi proposée
présentait un caractère collectif.
De ce fait, une convention de gestion entre la CNP et la Caisse des
dépôts et consignations fut conclue, après une concertation
approfondie avec les organisations syndicales représentatives, qui
fixait notamment le dispositif applicable à l'échéance de
ces 6 ans, soit au 8 décembre 1998.
Il fut prévu, hors demande des intéressés, qu'aucun
changement statutaire ne serait proposé ou imposé aux agents
jusqu'à l'échéance fixée par le législateur.
A son terme cependant, un choix leur était offert entre :
- une mise à disposition s'opérant par le biais d'une
"disposition législative spécifique"
non
précisée qui aurait pu être considérée comme
une dérogation au statut général de la fonction
publique ;
- une mise à la disposition, dans l'hypothèse où le
législateur aurait prolongé le dispositif législatif
dérogatoire ;
- une mise en détachement, en position hors cadre ou en
disponibilité. Ceci ne pouvant par ailleurs être effectué
qu'avec l'accord des intéressés.
C'est donc la perspective de voir arriver à échéance le
dispositif ainsi mis en place, et eu égard aux inquiétudes d'une
partie de ses agents quant à leur avenir, que le gouvernement a
souhaité vous proposer la mesure figurant au présent article.
C. LES EFFECTIFS DE LA CNP ASSURANCES SA AU 31 MARS 1998
Effectif de la CNP-Assurances SA au 31 mars 1998
|
Fonctionnaires (47 %) |
Salariés de droit privé (53 %) |
Total |
Cadres (34 %) |
152 |
588 |
740 |
Non cadres (66 %) |
872 |
574 |
1.446 |
Total |
1.024 |
1.162 |
2.186 |
Près de la moitié des agents de la CNP
Assurances SA sont des fonctionnaires (47 %) cette proportion
s'élève à 60 % chez les non-cadres, alors qu'elle
n'est que de 20 % chez les cadres.
Ces derniers qui
représentent le tiers de l'effectif total relèvent donc pour les
4/5 d'un statut de droit privé.
Actuellement sur les 1.024 fonctionnaires travaillant à la CNP,
93 % d'entre eux sont considérés comme en position
d'activité, c'est-à-dire qu'ils relèvent de la mise
à la disposition. Ils ne sont que 73, soit 7 % à être
placés en détachement ou hors cadre.
III - LA PROLONGATION DE LA MISE A LA DISPOSITION
A. LES ELEMENTS JURIDIQUES D'APPRECIATION
Deux éléments doivent être pris en compte afin de pouvoir
porter un jugement sur le dispositif mis en place :
- d'une part, les dispositions de l'article 32 du statut de la fonction
publique de l'Etat ;
- d'autre part, l'avis rendu le 23 septembre 1997 par la section des
finances du Conseil d'Etat.
Les positions statutaires dans la fonction publique de
l'Etat
(article 32 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de
l'Etat)
"
Les fonctionnaires peuvent, au cours de leur
carrière, être placés en diverses positions statutaires.
... L'une, l'activité, est la position normale, et en tout cas celle de
la quasi-totalité des fonctionnaires, alors que les autres ont un
caractère plus ou moins exceptionnel
"
90(
*
)
.
L'activité
est la position du fonctionnaire qui
exerce effectivement les fonctions correspondant à son grade. Il peut,
le cas échéant, être
mis à disposition
,
d'une autre administration que la sienne ou d'un organisme de droit
privé d'intérêt général,
avec son accord,
en cas de nécessité de service, et pour une durée de
3 ans renouvelable.
Les autres positions statutaires lui ouvrent des possibilités
diverses de sortie temporaire du corps d'origine. Il s'agit notamment :
-
du détachement
: le fonctionnaire est
placé hors de son corps d'origine, mais continue à
bénéficier de ses droits à l'avancement et à la
retraite. Révocable avant terme dans l'intérêt du service,
il s'effectue sur demande du fonctionnaire, dans un autre corps, une entreprise
publique, une institution privée, pour une durée maximum de
5 ans renouvelable. Le fonctionnaire a toujours droit à
réintégration dans son corps d'origine ;
-
de la position hors cadre
: elle
bénéficie aux fonctionnaires ayant 15 ans de service,
remplissant les conditions pour être détachés dans un
emploi ne conduisant pas à pension du régime
général de retraite, et qui souhaitent servir dans cette
administration ou entreprise. Ils bénéficient d'un droit à
réintégration, mais perdent leur droit à l'avancement et
à la retraite dans leur corps d'origine ;
-
de la disponibilité
: prononcée
pour permettre à son bénéficiaire de se livrer à
"des études d'intérêt général" ou pour
"convenances personnelles", elle exclut toute rémunération
publique : les fonctionnaires perdent leur droit à l'avancement et
à la retraite, et le droit à réintégration n'existe
que tant que la mise en disponibilité n'a pas excédé une
durée déterminée.
L'avis du Conseil d'Etat du 23 septembre 1997
Section des
finances
Saisi par le ministre de l'économie de
différentes questions relatives au statut des fonctionnaires de l'Etat
en service au sein de la CNP, ainsi qu'à l'évolution de celui-ci,
le Conseil d'Etat a dans son avis apporté les précisions
suivantes ;
- à l'issue du délai de 6 ans fixé par
l'article 5 de la loi du 16 juillet 1992 précitée, hors
disposition législative nouvelle
"les fonctionnaires de l'Etat encore
en service à la CNP se trouveront automatiquement remis à la
disposition de la CDC à laquelle sont rattachés les corps dont
ils sont membres"
.
- ils devront être alors placés dans l'une des positions
définies par l'article 32 du statut général de la
fonction publique.
Cette position ne peut être la mise à
disposition
, la CNP n'ayant pas le caractère d'organisme
d'intérêt général, mais serait le
détachement,
"procédure rendue possible du fait de
l'appartenance de la CNP au secteur public".
- en tout état de cause, le
"principe constitutionnel selon lequel
les corps de fonctionnaires de l'Etat ne peuvent être constitués
et maintenus qu'en vue de pourvoir à l'exécution de missions de
service public fait obstacle à ce que les agents des corps
concernés puissent se trouver directement placés en
activité auprès de cette société la CNP"
. De
même, serait censuré tout dispositif de détachement ou de
mise à disposition d'office auprès de la CNP, et cela sans
limitation de durée puisque celle-ci ne participe pas à
l'exécution d'une mission de service public ;
- en revanche, ce principe constitutionnel ne s'oppose pas à ce que le
législateur puisse proroger la période transitoire
instituée par la loi du 16 juillet 1992 précitée
"afin de permettre à l'administration et, le cas
échéant, aux agents concernés de tirer toutes les
conséquences de la transformation de la CNP en société
anonyme"
. La reconduction de la "
mise à la disposition
" ne
devrait cependant pas "
excéder un délai raisonnable
" non
fixé de manière intangible, mais que le Conseil d'Etat
"n'envisage pas"
supérieur à une durée de
4 ans.
"Dans ce cadre, le législateur peut être conduit
à préciser les conditions auxquelles devraient obéir les
mesures d'accompagnement ainsi que les options éventuellement ouvertes
aux personnels durant cette période transitoire",
et renvoyer
à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les
modalités d'application.
B. LE DISPOSITIF PREVU
Les fonctionnaires de l'Etat travaillant au sein de la CNP Assurances SA ont
été mis à sa disposition : ils sont donc actuellement
considérés comme des fonctionnaires d'Etat en activité.
Le premier alinéa de cet article reconduit pour une nouvelle
période de 10 ans le dispositif mis en place en 1992, pour une
durée de 6 ans : les fonctionnaires sont mis à la disposition de
la CNP Assurances SA qui continue à rembourser les charges
correspondantes. Les fonctionnaires bénéficient cependant d'un
droit à réintégration, au plus tard à la fin de ces
10 années, au sein des services de la Caisse des
dépôts et consignations.
Le deuxième alinéa tend à régulariser la situation
actuelle de ces fonctionnaires : eu égard au changement de statut de la
CNP Assurances SA il apparaît difficile de pouvoir continuer à les
considérer comme mis "à sa disposition" dans la mesure où
cette position statutaire apparaît comme dérogatoire au droit
commun de la fonction publique d'Etat.
De ce fait, les fonctionnaires concernés, se verront proposer par la
CNP Assurances SA un contrat de travail et seront placés dans l'une des
trois positions statutaires prévues à cet effet par le statut de
la fonction publique de 1984 : le détachement, la position hors cadre ou
la disponibilité. Le choix entre l'une de ces trois positions sera
effectué par chaque fonctionnaire, en fonction des avantages et
inconvénients respectifs de chacune d'entre elles. S'ils refusent,
ceux-ci seront réaffectés automatiquement dans les services de la
Caisse des dépôts et consignations.
|
1998 |
Au plus tard en 2008 |
|
Dans l'une des positions
statutaires, hors de leur corps
d'origine : détachés ou placés en situation hors
cadre
|
Dans l'une des positions statutaires de la loi de 1984 |
Fonctionnaires
de CNP Assurances
|
|
|
|
Considérés comme en
activité : mis à la
disposition de la CNP Assurances SA
(951 soit 93 %) |
|
|
|
Réaffectation au sein de la Caisse des dépôts et consignations |
Le dernier alinéa de cet article prévoit qu'un
décret en Conseil d'Etat déterminera
"en particulier les
modalités d'application des positions visées aux 2°, 3°
et 4° de l'article 32 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
précitée".
Il pourra s'agir notamment de tirer les
conséquences des engagements qui ont pu être pris à l'issue
de la grève du personnel de la CNP Assurances SA en février 1998.
C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Votre commission entend donner un avis favorable à l'adoption du
présent article qui permettra de régler de façon
définitive et dans le sens d'une plus grande rigueur juridique,
conformément aux engagements qui ont pu être pris, le statut des
fonctionnaires de l'Etat travaillant au sein de la CNP Assurances SA.
Néanmoins, votre rapporteur tient à rappeler, ainsi que M. le
Secrétaire d'Etat au Budget l'avait souligné lors de la
discussion de cet article à l'Assemblée nationale
91(
*
)
, qu'il y a
"deux questions
fondamentales qui conditionnent l'avenir de cette entreprise : la
stratégie à moyen terme et le statut des personnels
fonctionnaires".
Si cette dernière question est réglée par les dispositions
du présent article, celle de la stratégie à moyen terme de
la CNP Assurances SA, et notamment une éventuelle ouverture de son
capital ne l'est pas encore.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.