ARTICLE 58 (nouveau)

Modification du financement de la Chambre nationale
de la batellerie artisanale

Commentaire : le présent article modifie le mode de financement de la Chambre nationale de la batellerie artisanale de façon à lui permettre de mieux remplir ses missions dans la perspective de la libéralisation du transport fluvial.

La Chambre nationale de la batellerie artisanale (CNBA) est née de l'article 40 de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) n°82-1153 du 30 décembre 1982. Son mode d'organisation et ses missions ont été précisés par le décret n°84-365 du 14 mai 1984, dont l'article 3 dispose notamment que " doivent être immatriculées au registre de la batellerie artisanale les entreprises dont l'activité est le transport de marchandises par voies d'eau au moyen d'un ou plusieurs bateaux de navigation intérieure immatriculés en France et qui n'emploient pas plus de six salariés ".

Les artisans bateliers étaient environ 3500 à l'époque de la rédaction du décret. Aujourd'hui, la population pour laquelle la CNBA joue le rôle de chambre des métiers est d'environ 1000 personnes.

Les missions de la CNBA sont énumérées à l'article 2 du décret de 1984 :

a) tenir les registres des entreprises, des patrons et des compagnons ;

b) représenter les intérêts généraux de la batellerie artisanale ;

c) émettre un avis sur les projets de lois et les décrets relatifs au transport fluvial ;

d) gérer tout fonds qui serait créé en vue de favoriser l'adaptation de la capacité de la flotte artisanale ;

e) organiser ou concourir à l'organisation de l'apprentissage et de la formation continue ;

f) coordonner l'action des entreprises de batellerie artisanale, notamment par la création de services communs destinés à améliorer la rentabilité, la qualité, les techniques et les méthodes de cette batellerie ;

g) créer des institutions d'entraide et d'assistance ou concourir à leur fonctionnement.

Afin de donner à la CNBA les moyens de remplir ses missions, l'article 93 de la loi de finances pour 1985 (n°84-1208 du 29 décembre 1984) a organisé son financement en instaurant deux prélèvements :

- le premier, dit " taxe CNBA ", est destiné à financer le fonctionnement de la Chambre. Il est acquitté par les entreprises inscrites au registre des entreprises de la batellerie artisanale, selon la définition de l'article 3 du décret du 14 mai 1984 déjà cité. La taxe est égale à 0,105 centime par tonne kilométrique de marchandises transportées sur les voies navigables situées en territoire français, à l'exception des voies navigables à statut international ;

- le second prélèvement alimente un fonds dont la gestion est confiée à la CNBA, conformément au d) de l'article 2 du décret de 1984. Le rôle du Fonds d'adaptation des capacités de la flotte artisanale (FACFA) est contenu dans son intitulé. Contrairement à la " taxe CNBA " qui est acquittée uniquement par les artisans bateliers (mais tous les artisans), la " taxe FACFA " est payée par l'ensemble des bateliers (artisans ou compagnies 80( * ) ) qui effectuent du transport de marchandises générales 81( * ) . Elle s'élève à 0,13 centime par tonne kilométrique transportée sur les voies navigables situées en territoire français, à l'exception des voies navigables

I - LE MODE DE FINANCEMENT DE LA CNBA CONSTITUE UN OBSTACLE À UNE ALLOCATION OPTIMALE DES RESSOURCES

Les difficultés actuelles rencontrées par la CNBA ne proviennent pas d'un manque de ressources mais de l'organisation de son financement.

1. La " taxe CNBA " ne suffit pas à financer les dépenses de fonctionnement de la Chambre.

Depuis 1991, le produit de la " taxe CNBA " est inférieur aux dépenses de la Chambre. Toutefois, celle-ci a jusqu'à présent toujours pu équilibrer son budget en puisant dans les réserves constituées grâce aux excédents dégagés au cours des premières années d'activité et à la subvention de 2 millions de francs versée par l'Etat en 1985.

En 1997, pour la première fois, le montant du déficit d'exploitation est supérieur à celui des réserves (411 844 francs contre 393 315). Par conséquent, sans réforme de son mode de financement, la CNBA n'aurait pas été en mesure de financer seule ses dépenses de fonctionnement en 1998.

Montants perçus de la taxe CNBA depuis 1985

Année

Montant de la taxe perçue

Subvention de l'Etat

Recettes diverses

Dépenses

Reliquat

Résultat cumulé

1985

1.272.091,57

2.000.000,00

 

1.023.928,29

2.248.163,28

2.248.163,28

1986

2.358.118,50

 

640,00

1.525.813,25

832.945,25

3.081.108,53

1987

2.282.833,29

 
 

2.238.785,76

144.047,53

3.225.156,06

1988

2.268.267,52

 

4.315,66

2.077.483,75

195.099,43

3.420.255,49

1989

2.0408.601,88

 

1.095,00

2.276.749,94

131.946,94

3.552.202,43

1990

2.458.240,11

 

17.511,98

2.247.371,10

228.380,99

3.780.583,42

1991

2.455.171,86

 
 

2.660.026,18

- 204.854,32

3.575.729,10

1992

2.202.574,80

 

330.611,00

2.593.173,42

- 59.987,62

3.515.741,48

1993

1.961.403,22

 

192.524,00

2.455.454,15

- 301.526,93

3.214.214,55

1994

1.413.672,18

 

389.883,28

3.273.301,61

- 1.469.746,15

1.744.468,40

1995

1.795.540,74

 

347.187,21

2.815.397,24

- 672.669,29

1.071.799,11

1996

1.966.754,41

 

224.895,38

2.458.288,40

- 266.638,61

805.160,50

1997

1.819.120,08

 

204.231,00

2.435.195,80

- 411.844,72

393.315,78

2. Cette situation difficile est rendue incompréhensible par les réserves accumulées par le FACFA, dans lesquelles la CNBA n'a pas le droit de puiser.

L'origine des réserves du FACFA ne réside pas dans l'évolution du produit de la taxe, qui n'a jamais atteint l'objectif de 6 millions de francs par an avancé lors des débats parlementaire sur l'article 93 de la loi de finances pour 1985.

Les réserves s'expliquent par :

- le produit de la taxe perçue en 1985, année au cours de laquelle aucune dépense n'a été engagée ;

- des subventions de l'Etat importantes jusqu'en 1989, qui ont permis d'éviter de puiser dans les réserves de la CNBA ;

- des dépenses de montants variables selon les années, conduisant à de fréquents excédents budgétaires depuis 1991.

Montants perçus de la taxe FACFA depuis 1985

Année

Montant de la taxe perçue

Subvention de l'Etat

Recettes diverses

Dépenses

Reliquat

Résultat cumulé

1985

5.419.038,58

 
 

0,00

5.419.038,58

5.419.038,58

1986

5.173.867,60

5.000.000,00

 

10.458.045,42

- 284.177,82

5.134.860,76

1987

4.658.096,05

7.000.000,00

 

11.776.396,74

- 118.300,69

5.016.560,07

1988

4.416.299,92

1.000.000,00

 

6.661.405,80

- 1.245.105,88

3.771.454,19

1989

4.951.270,98

1.000.000,00

 

5.458.603,44

492.667,54

4.264.121,73

1990

5.402.526,55

 
 

5.856.635,00

- 554.108,45

3.710.013,28

1991

5.302.381,33

 
 

444.918,00

4.857.463,33

8.567.476,61

1992

4.775.797,90

 
 

2.191.875,00

2.583.922,90

11.151.399,51

1993

4.054.350,31

 

4.628,00

375.472,27

3.683.506,04

14.834.905,55

1994

2.895.691,53

 
 

9.337.842,86

- 6.442.151,33

8.392.754,22

1995

3.522.856,36

 
 

6.368.642,56

- 2.845.786,20

5.546.968,02

1996

4.219.592,53

 
 

907.679,41

3.311.913,12

8.858.881,14

1997

3.416.523,83

 
 

388.250,00

3.028.273,83

11.887.154,97

Les fluctuations de l'évolution des dépenses du FACFA proviennent de la nature de ses missions. Si le texte de la loi de finances pour 1985 définit les missions du fonds en termes très généraux (" favoriser l'adaptation de la capacité de la flotte artisanale "), le rapport de votre commission des finances précisait qu'il avait vocation à faciliter l'adaptation de la flotte aux mouvements de la conjoncture en finançant des " indemnités d'attente à l'affrètement pour les artisans sans chargement ou bien des aides au déplacement à vide afin d'inciter les bateliers à se déplacer dans les régions où une demande de fret est suffisamment importante " 82( * ) .

Ainsi, les années au cours desquelles les dépenses sont importantes, voire supérieures aux recettes de la taxe, correspondent généralement à celles où les conditions climatiques ont interrompu le trafic fluvial (crues, gels) et où la CNBA a par conséquent été amenée à soutenir financièrement les artisans.

3. Non seulement la CNBA fonctionne de manière précaire, mais les moyens dont elle dispose ne lui permettent d'assurer que ses missions de représentation.

La CNBA est un établissement public de très petite taille, dont les dépenses sont essentiellement consacrées à la rémunération des trois salariés et au paiement des vacations du président et des membres de son conseil d'administration. Ces effectifs réduits permettent tout juste à la CNBA d'assurer ses missions de représentation (les missions a) , b) et c) mentionnées plus haut) ainsi que la gestion du FACFA.

La Chambre n'a ni les moyens ni les personnels requis pour " créer des institutions d'entraide et d'assistance ou de concourir à leur fonctionnement " ou encore pour " organiser ou concourir à l'organisation de l'apprentissage et de la formation continue " des bateliers.

Quant à sa mission de " coordination de l'action des entreprises de batellerie artisanale par la création de services communs destinés à améliorer la rentabilité, la qualité, les techniques et les méthodes de cette batellerie ", elle aurait pu être confiée au FACFA, comme le laisse entendre la note de la direction des transports terrestres évoquée plus haut. Mais le fonds, s'il dispose de trop de crédits pour financer l'adaptation de la flotte à la conjoncture, n'a pas l'envergure nécessaire pour mener des opérations de restructuration de la profession, que la CNBA, qui gère le fonds, n'aurait pas pu assumer pour les raisons matérielles déjà évoquées.

4. Une telle situation est de plus en plus préjudiciable : les missions délaissées par la CNBA sont essentielles à l'accompagnement des artisans bateliers vers la libéralisation.

L'organisation du transport fluvial traverse actuellement une phase de profonds bouleversements. En effet, la directive n° 96-75 du 19 novembre 1996 organise le démantèlement du système actuel d' " affrètement au tour de rôle " 83( * ) . La période de transition entre le système administré actuel et la libéralisation, qui se traduit par le fait que " les contrats sont librement conclus entre les parties " (article 2), prendra fin le 1er janvier 2000.

Le France a anticipé la libéralisation par la loi n° 94-576 du 12 juillet 1994 relative à l'exploitation commerciale des voies navigables qui, par ses article 6, 7 et 8 notamment, prévoit que certains contrats sont (ou peuvent être) conclus en dehors du système du tour de rôle 84( * ) . De plus, l'article premier de la loi dispose qu'elle ne sera applicable que " pour une période de six années au plus ", soit jusqu'à l'an 2000.

Malgré cette loi, les artisans bateliers restent encore fortement dépendants du système du rôle puisque, selon les informations transmises à votre rapporteur par la CNBA, 80% des artisans bateliers travaillent dans une bourse d'affrètement réglementé.

Afin de mettre fin aux surcapacités du secteur et de préparer les bateliers aux échéances à venir, la France a mis en place dès 1986 un plan économique et social (PES) financé conjointement par l'Etat et Voies navigables de France. La prolongation de ce plan en 1997 et 1998 a été acceptée par la Commission européenne car il comporte des dispositions relatives à la formation des bateliers et des incitations aux regroupements, sous forme de coopérative notamment. Ces volets du plan économique et social sont particulièrement de nature à permettre aux bateliers de résister au choc de l'ouverture à la concurrence.

Dans ce contexte, il est souhaitable que la CNBA se saisisse enfin de ces questions. Elle doit notamment :

- aider les artisans à surmonter leurs réticences psychologiques au regroupement, et leur apporter un soutien plus appuyé en matière commerciale et de gestion ;

- inciter les artisans à développer leurs avantages comparatifs sur certains marchés de marchandises spécialisées qui nécessitent des prestations délicates et de qualité, dégageant une plus forte valeur ajoutée.

La diversification de l'activité des bateliers doit également être encouragée afin d'éviter que l'ensemble des artisans ne dépende des mêmes secteurs d'activité. Aujourd'hui, le transport de marchandises spécialisées ne représente que 5% des tonnes kilométriques transportées par la flotte artisanale, et une cinquantaine de bateliers.

II - POUR REMÉDIER AUX DIFFICULTÉS ACTUELLES, IL EST PROPOSÉ DE SUPPRIMER LE FACFA ET DE CRÉER UNE TAXE UNIQUE

L'article 58 du texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale dispose qu' " il est pourvu aux dépenses de la Chambre nationale de la batellerie artisanale au moyen d' une taxe acquittée par les entreprises inscrites au registre des entreprises de la batellerie artisanale . "

La création d'une taxe unique payée par les artisans comporte des avantages :

1. La taxe unique exonère les bateliers non artisans transportant des marchandises générales du paiement de l'ancienne " taxe FACFA ", dont le produit était réservé à des actions en faveur des artisans.

Les représentants des entreprises non artisanales, les compagnies, réclamaient depuis de nombreuses années la fin de leur assujettissement 85( * ) à la " taxe FACFA ", dont le bénéfice ne profitait qu'aux artisans.

Le paiement par les compagnies d'une taxe au profit des artisans s'expliquait par des considérations de solidarité entre les plus solides et les plus fragiles au sein du secteur de la batellerie. De plus, selon les informations recueilles par votre rapporteur auprès de Voies navigable de France, l'activité de nombreux artisans dépend des transports que leur sous-traitent les compagnies. Par conséquent, il n'était pas absurde que les compagnies participent au soutien aux artisans en période de basse conjoncture.

Néanmoins, à l'approche de la libéralisation, la situation financière des compagnies et la perspective d'une mise en concurrence avec les compagnies étrangères ont conduit à la nécessité de renforcer la compétitivité des armements industriels.

2. La taxe unique ne remet pas en cause les actions anciennement menées par le FACFA, que la CNBA exercera désormais directement et non plus par le truchement d'un fonds.

La disparition du FACFA n'emporte pas celle des actions financées par le fonds puisque ce dernier agissait dans le cadre général des missions de la CNBA, qui assurera dorénavant elle-même, en tant que chambre des métiers et en puisant des ses réserves, l'indemnisation des artisans en cas de difficulté conjoncturelle.

La libéralisation ne devrait pas remettre en cause le principe de ces aides, du moins tant qu'elles ne sont pas financées par des crédits budgétaires. De plus, une intervention communautaire est prévue par l'article 7 de la directive de 1996 qui dispose qu' " en cas de perturbation grave du marché 86( * ) , la Commission peut prendre (...) , à la demande d'un Etat membre les mesures appropriées, notamment des mesures visant à empêcher toute nouvelle augmentation de la capacité de transport offerte sur le marché concerné . "

Votre rapporteur s'inquiète néanmoins de la manière dont sera assurée l'indemnisation des artisans lorsque les réserves du FACFA seront épuisées et que le budget de fonctionnement de la CNBA consommera la quasi-totalité du produit de la taxe.

3. La taxe unique permet à la CNBA d'accroître ses moyens de fonctionnement et d'être en mesure d'assumer l'ensemble de ses missions.

Le dispositif proposé met fin au caractère absurde et bureaucratique du système actuel, dans lequel un établissement public perçoit le produit de deux taxes mais, en l'absence de fongibilité des crédits, doit faire cohabiter en son sein déficits de fonctionnement et excédents du fonds de soutien.

La CNBA voit aujourd'hui une de ses revendications satisfaites, il lui appartiendra à l'avenir de prouver qu'elle est capable d'accompagner les bateliers à travers les nécessaires mutations que leur profession va connaître dans les années à venir.

Le nouveau système comporte cependant un inconvénient : le volume des ressources à la disposition de la CNBA va diminuer puisque les compagnies transportant des marchandises générales n'acquitteront plus la " taxe FACFA ". Le chiffrage fournit plus loin évalue l'ampleur de la perte de recette pour la batellerie artisanale.

III - LA RÉFORME DOIT S'EFFECTUER À NIVEAU DE PRÉLÈVEMENT CONSTANT

Contre l'avis du Gouvernement, et afin de ne pas modifier le niveau de prélèvement pesant sur les artisans, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif comportant deux taux, l'un applicable aux artisans bateliers transportant des marchandises générales et l'autre aux artisans transportant des marchandises spécialisées :

- les artisans transportant des marchandises générales acquittaient auparavant les deux taxes, la " taxe FACFA " et la " taxe CNBA ". Le nouveau système leur applique un taux équivalent à la somme des deux anciens taux, soit 0,105 + 0,13 = 0,235 centime par tonne kilométrique.

- les artisans transportant des marchandises spécialisées, en revanche, n'étaient redevables que de la " taxe CNBA " de 0,105 centime par tonne kilométrique. La nouvelle taxe leur sera appliquée au même taux.

Le Gouvernement ne souhaitait pas distinguer entre artisans selon le type de marchandises transporté. Il invoquait trois arguments, de portée inégale :

- si la distinction entre types de marchandises est pertinente dans certains cas, la CNBA fournit à l'ensemble des bateliers des prestations équivalentes. Par conséquent, une taxation différenciée n'est pas justifiée ;

- l'exonération de " taxe FACFA " accordée aux transporteurs de marchandises spécialisées se justifie dans le système actuel notamment par le fait que le FACFA est réservé aux transporteurs de marchandises générales. Aujourd'hui, le FACFA disparaissant, l'exonération perd son fondement ;

- la distinction entre marchandises générales et marchandises spécialisées est parfois difficile à établir.

Ce dernier argument souligne la nécessité d'harmoniser la terminologie utilisée en matière de type de marchandise transporté. En effet, il n'existe pas de critère précis d'appartenance à l'une ou l'autre catégorie.

Les marchandises spécialisées sont décrites comme étant tantôt les liquides 87( * ) (parfois associés aux pulvérulents), tantôt les produits dangereux (qui sont souvent liquides). La distinction liquide-solide n'est cependant pas totalement opérante car certains produits peuvent être liquides ou pas selon leur teneur en eau (les boues, par exemple, peuvent être sèches). Une distinction par type de bateau est également parfois mise en avant, les bateaux à cale sèche transportant des marchandises générales et les bateaux à cale citerne transportant les marchandises spécialisées.

L'absence de critère précis de distinction entre les types de marchandises ne suffit cependant pas à justifier une remise cause de l'exonération accordée aux transporteurs de marchandises spécialisées car, d'une part, le système a fonctionné correctement depuis 1985 et, d'autre part, le type de marchandises qu'un bateau est réputé transporter est précisé sur le certificat d'agrément délivré par Voies navigables de France 88( * ) .

L'argument selon lequel la suppression du FACFA, dont seuls les transporteurs de marchandises générales étaient censés bénéficier, doit conduire à mettre fin à l'avantage fiscal des transporteurs de marchandises spécialisées ne peut pas être retenu non plus.

En effet, le fait que le FACFA serait réservé aux transporteurs de marchandises générales est une idée reçue, qui ne repose sur aucun texte. En pratique, le FACFA a bénéficié aussi bien aux transporteurs de marchandises générales qu'aux transporteurs de marchandises spécialisées.

L'arbitrage entre le taux unique et les deux taux ne va cependant pas de soi :

- sur le plan des principes, votre commission des finances doit arbitrer entre sa volonté de mettre un terme aux niches fiscales et sa réticence à accepter des hausses de prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises ;

- en pratique, il est indéniable qu'il n'est pas justifié que les artisans bateliers, à qui la CNBA fournit des prestations similaires, rémunèrent ces services de manière différenciée selon le type de marchandise que leurs bateaux transportent.

Pour autant, la remise en cause de cet avantage ne serait pas forcément pertinente car :

- elle serait sans effet sur le niveau de prélèvement supporté par les autres artisans ;

- elle conduirait à accroître la pression fiscale sur le segment de l'activité batelière qu'il est souhaitable d'encourager à l'avenir ;

- la vraie inégalité fiscale ne provient pas des différences de taux applicables aux deux types de marchandise mais de la localisation géographique des bateliers. Les artisans installés dans des régions frontalières sont en effet amené à travailler dans des pays étrangers, exonérant ainsi leurs cargaisons du paiement de la taxe.

Il apparait donc que l'approche " égalitariste ", consistant à soumettre tous les bateliers au même taux, doit être écartée au profit du maintien du niveau actuel des prélèvements, qui a pour effet secondaire de provoquer une forme de " discrimination positive " entre les artisans bateliers.

IV - LE COÛT DE LA MESURE


La direction des transports terrestres a réalisé l'étude d'impact de la mesure en considérant que le produit actuel de la " taxe CNBA " était de 1,86 million de francs et celui de la " taxe FACFA " de 3,4 millions de francs. Les recettes de la CNBA s'élèvent donc aujourd'hui à 5,26 millions de francs.

La DTT considère également que le total des tonnes kilométriques actuellement transportées sur les voies navigables par les artisans bateliers est de 1 830 000 000 t/km.

Si la solution du taux unique était retenue, le produit de la taxe s'élèverait à :

1 830 000 000 t/km X 0,00235 F = 4 300 000 F

Sachant que VNF prélève 3% de frais de recouvrement, le produit de la taxe serait de 4 271 000 F.

Si le système des deux taux est maintenu, on peut estimer que le produit de la taxe serait de :

- s'agissant des marchandises spécialisées (5% des tonnes kilométriques) :

91 500 000 X 0,00105 = 96 075 F ;

- s'agissant des marchandises générales :

1 738 500 000 X 0,00235 = 4 085 475 F.

Compte tenu du prélèvement de 3% opéré par VNF, le produit total de la taxe s'élèverait à 4 056 103 francs .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 59 (nouveau)

Renforcement de la lutte contre le blanchiment des capitaux
provenant du trafic des stupéfiants

Commentaire : cet article tend à renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants instauré par la loi n °90-614 du 12 juillet 1990 en étendant l'obligation de déclaration de soupçon aux intermédiaires immobiliers.

I - LE DISPOSITIF ACTUEL

A. LE DISPOSITIF DE LA LOI DU 12 JUILLET 1990 RELATIVE À LA PARTICIPATION DES ORGANISMES FINANCIERS À LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DES CAPITAUX PROVENANT DU TRAFIC DES STUPÉFIANTS


Créé lors du sommet de l'Arche des 14 et 15 juillet 1989 à l'initiative de la France, le Groupe d'Action Financière Internationale (GAFI), qui regroupe les 26 pays alors membres de l'OCDE a une double mission :

- évaluer les résultats de la coopération déjà mise en oeuvre pour prévenir l'utilisation du système bancaire et des institutions financières aux fins de blanchir l'argent ;

- étudier des mesures préventives supplémentaires dans ce domaine, y compris d'adaptation des systèmes juridiques et réglementaires de façon à renforcer l'entraide judiciaire multilatérale.

En conclusion de ses travaux, le GAFI a émis 40 recommandations dont les pays membres se sont inspirés pour élaborer un dispositif législatif de lutte contre le blanchiment des capitaux.

Ainsi, la France a publié le 12 juillet 1990 la loi n ° 90-614 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants.

Cette loi oblige les établissements de crédit, les sociétés d'assurance, les mutuelles, les société de bourse et les bureaux de change de déclarer les sommes inscrites dans leurs livres et les opérations qui portent sur ces sommes lorsque celles-ci paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou de l'activité d'organisations criminelles.

Ces déclarations sont recueillies par Tracfin, un service placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie et des finances qui rassemble tous les renseignements propres à établir l'origine des sommes ou la nature des opérations faisant l'objet de la déclaration. Dès que les informations recueillies mettent en évidence des faits susceptibles de relever du trafic des stupéfiants ou de l'activité d'organisations criminelles, il en réfère au procureur de la République.

En outre, Tracfin accuse réception de la déclaration. L'accusé de réception, qui peut être assorti d'une opposition, est émis dans le délai d'exécution de l'opération. L'opposition oblige à un report de cette exécution qui ne peut toutefois pas excéder douze heures. Au-delà de cette échéance, seul le Président du tribunal de grande instance de Paris ou, le cas échéant, le juge d'instruction, a compétence pour ordonner la prorogation de l'opposition.

B. UNE LOI TRÈS EFFICACE MAIS QUI PEUT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

Cette loi s'est avérée très efficace.

En effet, les enquêtes conduites par Interpol et les informations recueillies par le GAFI soulignaient le rôle central du système financier international dans le blanchiment de l'argent.

L'instauration de la levée du secret professionnel en cas de transaction suspecte paraissant avoir un lien avec le trafic de stupéfiants a eu un effet très dissuasif.

Toutefois, et c'est le revers de la médaille, le resserrement du contrôle sur les opérations réalisées dans le secteur financier a entraîné un déplacement des systèmes de blanchiment vers d'autres professions.

Cette tendance a été renforcée par les disparités observées dans l'attitude des autorités de contrôle. L'article 7 de la loi du 12 juillet 1990 précise que l'autorité ayant pouvoir disciplinaire sur les organismes financiers engage une procédure sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs et en avise le procureur de la République en cas de défaut grave de vigilance ou d'une carence dans l'organisation des procédures internes de contrôle.

Or, la diligence des autorités de contrôle varie fortement de l'une à l'autre. En témoigne le nombre de déclarations recueillies par Tracfin.

Depuis la publication de la loi jusqu'au 1er janvier 1997, les banques (soumises au contrôle de la commission bancaire) ont déposé 4.000 déclarations. En revanche, ce nombre s'élève seulement à 107 pour les compagnies d'assurance (contrôlées par la commission de contrôle des assurances) et à 13 pour les sociétés de bourse (contrôlées par le conseil des marchés financiers).

Devant ces disparités, Tracfin, qui s'est jusqu'en 1995 intéressé essentiellement aux établissements de crédit, s'est tourné vers les autres organismes financiers concernés par la loi, à savoir les sociétés d'assurance en 1997 et les sociétés de bourse à partir du 1er janvier 1998. Une telle politique apparaît efficace puisque pour la seule année 1997, les dépositions effectuées par les sociétés d'assurance se sont élevées à 123, soit plus que sur la période 1990-1996.

Toutefois, cette plus grande sensibilisation des organismes financiers pousse les responsables du blanchiment de l'argent à trouver de nouveaux canaux.

Depuis son premier rapport annuel datant de 1991, le GAFI appelle régulièrement l'attention de ses membres sur la diversification des filières de blanchiment pour contourner les mesures de prévention prises par le secteur bancaire. Les professions non financières dont l'activité consiste à vendre et à acheter des biens d'une grande valeur, parmi lesquelles celle d'agent immobilier, ou les professions liées, telle celle de notaire, sont présentées comme particulièrement exposées à une utilisation frauduleuse par les blanchisseurs.

Par ailleurs, la directive CEE du 10 juin 1991 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment, incite les Etats européens à étendre ses dispositions aux " professions... qui exercent des activités particulièrement susceptibles d'être utilisés à des fins de blanchiment de capitaux ". Le Conseil et le Parlement européen viennent de rappeler à la Commission la nécessité de s'assurer de l'effectivité de la transposition de ces dispositions dans le droit positif des Etats membres.

L'investissement de capitaux illicites dans le secteur immobilier constitue une méthode et un débouché classique pour le blanchiment.

En France, pays très attractif en raison de sa stabilité économique et monétaire, cette technique est utilisée au cours des deuxième et troisième étapes du processus de blanchiment, appelées respectivement empilage et intégration. Des transactions immobilières, souvent sous couvert de sociétés civiles immobilières, sont réalisés en chaîne pour empêcher de retracer l'origine illicite des fonds, ou bien les capitaux criminels sont investis dans l'activité économique, par le biais de complexes immobiliers touristiques ou loisirs, qui leur confèrent une apparence de légalité.

II - LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'EXTENSION DE L'OBLIGATION DE DÉCLARATION DE SOUPÇON AUX INTERMÉDIAIRES IMMOBILIERS


Le présent article propose donc de renforcer la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants en étendant le champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 aux intermédiaires immobiliers.

Cet élargissement du champ d'application nécessite certaines adaptations.

Ainsi, le présent article propose d'insérer un alinéa à l'article premier de la loi du 12 juillet 1992 pour compléter la liste des six catégories déjà concernés et y ajouter une septième catégorie constituée par " les personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations portant sur l'acquisition, la vente, la cession ou la location de biens immobiliers ".

Pour éviter toute confusion, le présent article propose de préciser dans le dernier alinéa de l'article premier de la loi du 12 juillet 1990 que les six catégories déjà existantes sont désignées sous le nom d'organismes financiers.

Quant à la septième catégorie, elle est désignée sous le nom de " personnes ". Le premier alinéa de l'article 3 est modifié afin de soumettre les intermédiaires immobiliers de manière explicite à l'obligation de déclaration.

Enfin, l'article 11 est complété par un paragraphe III qui soumet les intermédiaires immobiliers aux mêmes obligations et aux mêmes sanctions que les organismes financiers.

B. LA QUESTION DU CONTRÔLE DU RESPECT DE LA LOI

Si votre rapporteur est favorable à l'extension du champ d'application de la loi relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, il craint que le respect de cette loi par les personnes concernées soit de plus en plus difficile à contrôler.

Jusqu'à présent, ce contrôle était effectué par les autorités de contrôle de chaque catégorie d'organismes financiers et, au coup par coup, par les agents de Tracfin. Or, et ce problème a déjà été évoqué, l'implication des autorités compétentes est très variable.

En outre, l'extension du champ d'application de la présente loi se heurte à une difficulté lorsqu'il n'existe pas d'autorités de contrôle. Ainsi, concernant les intermédiaires immobiliers, si le Parquet a un pouvoir de contrôle sur les notaires, les agents immobiliers ne sont contrôlés par aucun organisme. Certes, le nombre des régions susceptibles de connaître du blanchiment d'argent à travers des opérations immobilières est limité, mais les 12 agents de Tracfin pourront difficilement contrôler l'activité de toutes les agences immobilières.

Cette question du contrôle s'avère d'autant plus cruciale que le champ d'application de la loi du 12 juillet 1990 a toutes les chances d'être peu à peu étendu. En effet, le blanchiment touche des secteurs aussi variés que les concessionnaires automobiles, les négociants en métaux précieux, les restaurants, les bars...

Même si la loi a essentiellement un but préventif, son efficacité ne manquera pas d'être affectée si l'obligation de déclaration des opérations douteuses ne peut pas être contrôlée.

Votre rapporteur souhaite donc que le gouvernement précise les moyens qu'il compte utiliser pour s'assurer que l'obligation de déclaration sera bien respectée.

Décision de la commission : votre commission propose d'adopter cet article sans modification .

ARTICLE 60 (nouveau)

Prolongation du dispositif de mise à la disposition de fonctionnaires
de l'Etat auprès de la CNP Assurances SA

Commentaire : le présent article a pour objet de prolonger de dix ans la période pendant laquelle des fonctionnaires de l'Etat en activité à la CNP Assurances SA peuvent être mis à la disposition de cette entreprise.

Cet article, introduit à l'Assemblée nationale par un amendement du gouvernement, vise à prolonger pour une période de dix ans le dispositif de mise à la disposition de fonctionnaires institué pour une durée maximale de six ans par l'article 5 de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et de crédit.

A l'issue de cette période de 10 ans, ces fonctionnaires devraient soit être réaffectés dans les services de la Caisse des Dépôts et Consignations, soit employés par la CNP Assurances SA et placés, par voie de conséquence dans l'une des positions prévues par la loi de 1984 portant statut de la Fonction publique de l'Etat.

I - LE STATUT DE LA CNP ASSURANCES SA

A. SON STATUT A ÉTÉ PROFONDÉMENT MODIFIÉ

D'établissement public à caractère administratif, la CNP est devenue une société anonyme d'assurances.


En 1850 a été créée la première caisse de retraite pour la vieillesse. Regroupée en 1949 avec la Caisse nationale d'assurance en cas de décès (1868), elle a formé la Caisse nationale d'assurance sur la vie. De la fusion de cette dernière et de la Caisse nationale d'assurance en cas d'accident (1868), est née en 1959 la Caisse nationale de prévoyance (CNP), établissement public à caractère administratif.

Le décret n° 87-833 du 12 octobre 1987 relatif à l'organisation et au fonctionnement de la CNP l'a transformée en établissement public industriel et commercial, permettant ainsi à celle-ci de rapprocher ses conditions de gestion de celles d'une entreprise.

Cette première étape vers une transformation plus importante, afin notamment de lui donner un statut juridique plus compatible avec les perspectives d'unification du marché européen de l'assurance, s'est traduite par la création d'une société anonyme à directoire et à conseil de surveillance soumise au droit commun du code des assurances et appartenant au secteur public en vertu notamment des dispositions de l'article 3 de la loi n° 92-665 précitée.

Par ailleurs, la "CNP Assurances" figure dans la liste des entreprises, annexée à l'article 2 de la loi n° 93-923 de privatisation du 19 juillet 1993.

La CNP Assurances SA, société anonyme d'assurance, dispose depuis le 9 décembre 1992 d'un capital social qui était composé, au 31 décembre 1997, de 126.880.000 actions, d'une valeur nominale de 25 francs, soit 3.172.000.000 francs. Ce capital est détenu à 42,5 % par l'Etat, 30 % par la Caisse des Dépôts et Consignations, 17,5 % par La Poste et 10 % par les Caisses d'Epargne.

B. LA CNP ASSURANCES SA EST LE PREMIER ASSUREUR DE PERSONNES EN FRANCE

Depuis ces dernières années, et notamment 1992, les résultats de la CNP ont régulièrement progressé , témoignant "d'une grande vitalité et d'un rapide développement", ainsi que l'avait déjà souligné votre rapporteur lors de l'examen en mai 1992 de la loi n° 92-664 précitée.

La CNP Assurances SA exerce un seul métier, celui de l'assurance des personnes pour lequel elle détient plus de 19 % de parts de marché devant Axa-UAP (12 %) et Prédica (10 %).

Premier assureur de personnes en France avec 14 millions d'assurés, elle est également au 6ème rang des entreprises européennes d'assurances. Elle a réalisé en 1997 un chiffre d'affaires de 110,8 milliards de francs qui se répartissait comme suit : épargne (78 %) ; assurance en couverture de prêts (8 %) ; retraite (7 %) ; prévoyance (6 %) ; et garantie rentes (1 %).

Le montant total de ses placements s'élève à 553 milliards de francs en 1997, contre 160 milliards de francs en 1992. Ils sont constitués à plus de 88 % par des obligations et assimilés. Son résultat pour 1997 est de 1,637 millions de francs (1,118 en 1992), soit une rentabilité sur fonds propres de 12 %.

Les indications chiffrées concernant le premier trimestre de 1998, qui ont été communiquées à votre rapporteur, font état d'une légère diminution de son chiffre d'affaires, de l'ordre de 4 à 5 %. En tout état de cause, la CNP Assurances SA continue à afficher de meilleures performances que le marché de l'assurance des personnes qui, de façon générale, a reculé de manière significative au cours de la même période.

Pour proposer ses produits au public, la CNP Assurances SA bénéficie d'un réseau de distribution original, constitué pour l'essentiel de ses principaux partenaires et actionnaires, à savoir la Poste, les caisses d'épargne et le Trésor public.

A ce titre, elle a créé en 1988 une filiale commune Écureuil Vie détenue à 50 % par le réseau et à 50 % par la CNP, et signé en 1994 une convention la liant avec La Poste pour dix ans. De même une convention similaire a été conclue en 1995 avec le Trésor public.

Parallèlement, depuis 1990 elle a mis en place des partenariats internationaux qui lui permettent d'échanger des savoir-faire complémentaires : des filiales ont ainsi été crées en Italie, Argentine, Pologne, et un bureau de représentation a été ouvert, au début de l'année 1997, en Chine.

II - LA SITUATION DES PERSONNELS DE LA CNP ASSURANCES SA

La CNP Assurances SA avait au 31 mars 1998, un effectif salarié de 2.186 personnes relevant de deux statuts différents : d'une part des fonctionnaires de l'Etat, d'autre part des salariés de droit privé.

Si la situation de ces derniers n'a pas été modifiée, celle des fonctionnaires travaillant au sein de la CNP a été affectée par les évolutions de son statut juridique.

A. LA SITUATION JUSQU'EN 1992

La CNP est alors un établissement public, soit une personne morale de droit public.


En 1992, près des deux tiers des agents de la CNP étaient des fonctionnaires. Cette proportion s'élevait à 85 % au sein des personnels non cadres. Ils dépendaient de la Caisse des dépôts et consignations et étaient simplement affectés auprès de la Caisse nationale de prévoyance. En effet, eu égard à son statut particulier, la Caisse des dépôts et consignations était assimilée à une direction d'administration centrale au sein de laquelle un fonctionnaire exerçait son activité.

B. L'ARTICLE 5 DE LA LOI DU 16 JUILLET 1992

La CNP devient la CNP Assurances SA, soit une personne morale de droit privé.


Les fonctionnaires qui, antérieurement, dépendaient de la Caisse des dépôts et consignations et étaient simplement affectés à la CNP, sont désormais, en vertu de l'article 5 de la loi n° 92-665 précitée, "mis à la disposition de la CNP Assurances SA pour une durée maximale fixée à 6 ans, à charge pour celle-ci de rembourser les charges correspondantes".

Ces charges qui comprennent les traitements et indemnités représentaient en 1997 un montant total de 270 millions de francs, soit 35 % de la masse salariale de la CNP Assurances SA 89( * ) .

Cette disposition avait alors fait l'objet d'un avis favorable de votre commission, votre rapporteur estimant que "la poursuite de la réussite des activités de la CNP reposera sur une bonne mobilisation de ses personnels, dont les grandes capacités d'adaptation n'ont plus, aujourd'hui, à être prouvées".

Cette position de mise à la disposition constituait cependant une dérogation et une exception par rapport au statut général de la fonction publique de l'Etat. La mise à disposition ne peut en effet s'effectuer qu'au sein d'une autre administration ou d'un organisme de droit privé d'intérêt général, ce qui n'était pas, en l'espèce, le cas. Par ailleurs, par nature, la mise à disposition est une procédure individuelle. Or, la mise à la disposition ainsi proposée présentait un caractère collectif.

De ce fait, une convention de gestion entre la CNP et la Caisse des dépôts et consignations fut conclue, après une concertation approfondie avec les organisations syndicales représentatives, qui fixait notamment le dispositif applicable à l'échéance de ces 6 ans, soit au 8 décembre 1998.

Il fut prévu, hors demande des intéressés, qu'aucun changement statutaire ne serait proposé ou imposé aux agents jusqu'à l'échéance fixée par le législateur. A son terme cependant, un choix leur était offert entre :

- une mise à disposition s'opérant par le biais d'une "disposition législative spécifique" non précisée qui aurait pu être considérée comme une dérogation au statut général de la fonction publique ;

- une mise à la disposition, dans l'hypothèse où le législateur aurait prolongé le dispositif législatif dérogatoire ;

- une mise en détachement, en position hors cadre ou en disponibilité. Ceci ne pouvant par ailleurs être effectué qu'avec l'accord des intéressés.

C'est donc la perspective de voir arriver à échéance le dispositif ainsi mis en place, et eu égard aux inquiétudes d'une partie de ses agents quant à leur avenir, que le gouvernement a souhaité vous proposer la mesure figurant au présent article.

C. LES EFFECTIFS DE LA CNP ASSURANCES SA AU 31 MARS 1998

Effectif de la CNP-Assurances SA au 31 mars 1998

 

Fonctionnaires (47 %)

Salariés de droit privé (53 %)

Total

Cadres (34 %)

152

588

740

Non cadres (66 %)

872

574

1.446

Total

1.024

1.162

2.186

Près de la moitié des agents de la CNP Assurances SA sont des fonctionnaires (47 %) cette proportion s'élève à 60 % chez les non-cadres, alors qu'elle n'est que de 20 % chez les cadres. Ces derniers qui représentent le tiers de l'effectif total relèvent donc pour les 4/5 d'un statut de droit privé.

Actuellement sur les 1.024 fonctionnaires travaillant à la CNP, 93 % d'entre eux sont considérés comme en position d'activité, c'est-à-dire qu'ils relèvent de la mise à la disposition. Ils ne sont que 73, soit 7 % à être placés en détachement ou hors cadre.

III - LA PROLONGATION DE LA MISE A LA DISPOSITION

A. LES ELEMENTS JURIDIQUES D'APPRECIATION


Deux éléments doivent être pris en compte afin de pouvoir porter un jugement sur le dispositif mis en place :

- d'une part, les dispositions de l'article 32 du statut de la fonction publique de l'Etat ;

- d'autre part, l'avis rendu le 23 septembre 1997 par la section des finances du Conseil d'Etat.

Les positions statutaires dans la fonction publique de l'Etat
(article 32 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat)

" Les fonctionnaires peuvent, au cours de leur carrière, être placés en diverses positions statutaires. ... L'une, l'activité, est la position normale, et en tout cas celle de la quasi-totalité des fonctionnaires, alors que les autres ont un caractère plus ou moins exceptionnel " 90( * ) .

L'activité est la position du fonctionnaire qui exerce effectivement les fonctions correspondant à son grade. Il peut, le cas échéant, être mis à disposition , d'une autre administration que la sienne ou d'un organisme de droit privé d'intérêt général, avec son accord, en cas de nécessité de service, et pour une durée de 3 ans renouvelable.

Les autres positions statutaires lui ouvrent des possibilités diverses de sortie temporaire du corps d'origine. Il s'agit notamment :

- du détachement : le fonctionnaire est placé hors de son corps d'origine, mais continue à bénéficier de ses droits à l'avancement et à la retraite. Révocable avant terme dans l'intérêt du service, il s'effectue sur demande du fonctionnaire, dans un autre corps, une entreprise publique, une institution privée, pour une durée maximum de 5 ans renouvelable. Le fonctionnaire a toujours droit à réintégration dans son corps d'origine ;

- de la position hors cadre : elle bénéficie aux fonctionnaires ayant 15 ans de service, remplissant les conditions pour être détachés dans un emploi ne conduisant pas à pension du régime général de retraite, et qui souhaitent servir dans cette administration ou entreprise. Ils bénéficient d'un droit à réintégration, mais perdent leur droit à l'avancement et à la retraite dans leur corps d'origine ;

- de la disponibilité : prononcée pour permettre à son bénéficiaire de se livrer à "des études d'intérêt général" ou pour "convenances personnelles", elle exclut toute rémunération publique : les fonctionnaires perdent leur droit à l'avancement et à la retraite, et le droit à réintégration n'existe que tant que la mise en disponibilité n'a pas excédé une durée déterminée.

L'avis du Conseil d'Etat du 23 septembre 1997
Section des finances

Saisi par le ministre de l'économie de différentes questions relatives au statut des fonctionnaires de l'Etat en service au sein de la CNP, ainsi qu'à l'évolution de celui-ci, le Conseil d'Etat a dans son avis apporté les précisions suivantes ;

- à l'issue du délai de 6 ans fixé par l'article 5 de la loi du 16 juillet 1992 précitée, hors disposition législative nouvelle "les fonctionnaires de l'Etat encore en service à la CNP se trouveront automatiquement remis à la disposition de la CDC à laquelle sont rattachés les corps dont ils sont membres" .

- ils devront être alors placés dans l'une des positions définies par l'article 32 du statut général de la fonction publique. Cette position ne peut être la mise à disposition , la CNP n'ayant pas le caractère d'organisme d'intérêt général, mais serait le détachement, "procédure rendue possible du fait de l'appartenance de la CNP au secteur public".

- en tout état de cause, le "principe constitutionnel selon lequel les corps de fonctionnaires de l'Etat ne peuvent être constitués et maintenus qu'en vue de pourvoir à l'exécution de missions de service public fait obstacle à ce que les agents des corps concernés puissent se trouver directement placés en activité auprès de cette société la CNP" . De même, serait censuré tout dispositif de détachement ou de mise à disposition d'office auprès de la CNP, et cela sans limitation de durée puisque celle-ci ne participe pas à l'exécution d'une mission de service public ;

- en revanche, ce principe constitutionnel ne s'oppose pas à ce que le législateur puisse proroger la période transitoire instituée par la loi du 16 juillet 1992 précitée "afin de permettre à l'administration et, le cas échéant, aux agents concernés de tirer toutes les conséquences de la transformation de la CNP en société anonyme" . La reconduction de la " mise à la disposition " ne devrait cependant pas " excéder un délai raisonnable " non fixé de manière intangible, mais que le Conseil d'Etat "n'envisage pas" supérieur à une durée de 4 ans. "Dans ce cadre, le législateur peut être conduit à préciser les conditions auxquelles devraient obéir les mesures d'accompagnement ainsi que les options éventuellement ouvertes aux personnels durant cette période transitoire", et renvoyer à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les modalités d'application.

B. LE DISPOSITIF PREVU

Les fonctionnaires de l'Etat travaillant au sein de la CNP Assurances SA ont été mis à sa disposition : ils sont donc actuellement considérés comme des fonctionnaires d'Etat en activité.

Le premier alinéa de cet article reconduit pour une nouvelle période de 10 ans le dispositif mis en place en 1992, pour une durée de 6 ans : les fonctionnaires sont mis à la disposition de la CNP Assurances SA qui continue à rembourser les charges correspondantes. Les fonctionnaires bénéficient cependant d'un droit à réintégration, au plus tard à la fin de ces 10 années, au sein des services de la Caisse des dépôts et consignations.

Le deuxième alinéa tend à régulariser la situation actuelle de ces fonctionnaires : eu égard au changement de statut de la CNP Assurances SA il apparaît difficile de pouvoir continuer à les considérer comme mis "à sa disposition" dans la mesure où cette position statutaire apparaît comme dérogatoire au droit commun de la fonction publique d'Etat.

De ce fait, les fonctionnaires concernés, se verront proposer par la CNP Assurances SA un contrat de travail et seront placés dans l'une des trois positions statutaires prévues à cet effet par le statut de la fonction publique de 1984 : le détachement, la position hors cadre ou la disponibilité. Le choix entre l'une de ces trois positions sera effectué par chaque fonctionnaire, en fonction des avantages et inconvénients respectifs de chacune d'entre elles. S'ils refusent, ceux-ci seront réaffectés automatiquement dans les services de la Caisse des dépôts et consignations.

 

1998

Au plus tard en 2008

 

Dans l'une des positions statutaires, hors de leur corps d'origine : détachés ou placés en situation hors cadre
(73 soit 7 %)

Dans l'une des positions statutaires de la loi de 1984

Fonctionnaires
travaillant au sein

de CNP Assurances
SA (1024)

 
 
 
Considérés comme en activité : mis à la disposition de la CNP Assurances SA

(951 soit 93 %)
 
 
 

Réaffectation au sein de la Caisse des dépôts et consignations

Le dernier alinéa de cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera "en particulier les modalités d'application des positions visées aux 2°, 3° et 4° de l'article 32 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée". Il pourra s'agir notamment de tirer les conséquences des engagements qui ont pu être pris à l'issue de la grève du personnel de la CNP Assurances SA en février 1998.

C. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission entend donner un avis favorable à l'adoption du présent article qui permettra de régler de façon définitive et dans le sens d'une plus grande rigueur juridique, conformément aux engagements qui ont pu être pris, le statut des fonctionnaires de l'Etat travaillant au sein de la CNP Assurances SA.

Néanmoins, votre rapporteur tient à rappeler, ainsi que M. le Secrétaire d'Etat au Budget l'avait souligné lors de la discussion de cet article à l'Assemblée nationale 91( * ) , qu'il y a "deux questions fondamentales qui conditionnent l'avenir de cette entreprise : la stratégie à moyen terme et le statut des personnels fonctionnaires".

Si cette dernière question est réglée par les dispositions du présent article, celle de la stratégie à moyen terme de la CNP Assurances SA, et notamment une éventuelle ouverture de son capital ne l'est pas encore.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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