ARTICLE 37
Régime des actifs de la société
nationale des poudres et explosifs
Commentaire : afin de sceller le projet de filiale
commune entre la SNPE et son homologue britannique,
Royal Ordnance
, le
présent article autorise le transfert au secteur privé des actifs
de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE)
nécessaires à la production et à la vente de poudres et
substances explosives destinées à des fins militaires.
Bien que la société nationale des poudres et explosifs (SNPE),
société créée en 1970 et détenue à
100 % par l'Etat, affiche un excédent d'une cinquantaine de
millions de francs
21(
*
)
grâce au développement de ses ventes dans la chimie et la
pyrotechnie civiles, certaines de ses activités ne sont pas rentables.
Ainsi,
la fabrication des poudres et explosifs à des fins
militaires
, qui ne représente plus que 7 à 8 % du
chiffre d'affaires du groupe (350 millions de francs sur un chiffre
d'affaires total de 4,9 milliards de francs en 1997)
continue à
enregistrer des pertes
(112 millions de francs en 1996 et
60 millions de francs en 1997
22(
*
)
) et des baisses de commandes,
malgré des efforts importants de restructuration
23(
*
)
Cette situation découle de la saturation du marché
européen qui est elle-même la conséquence de la restriction
des budgets militaires. En effet, les douze producteurs de poudres et explosifs
militaires d'Europe occidentale disposent d'une capacité de production
de 8 milliards de francs pour un marché estimé à
1,5 milliard de francs.
Pour préserver leur potentiel industriel et technologique dans un
contexte de très forte contraction des besoins en munitions des
armées et pour rétablir l'équilibre économique de
l'activité, les deux principaux fabricants de poudres et explosifs
européens, la SNPE et la société britannique
Royal
Ordnance
, filiale de British Aerospace, ont conçu le projet de
regrouper leurs activités dans ce domaine afin d'optimiser leurs moyens.
Le nouvel ensemble devrait compter un chiffre d'affaires de quelque
650 millions de francs et l'essentiel des fabrications devrait être
regroupé dans 4 établissements principaux.
Or, comme le précise la note d'impact jointe au présent projet de
loi, "
les Britanniques posent comme condition sine qua non de leur
acceptation du projet que la future société soit détenue
à parité, et soit donc de droit privé.
"
Le rapport général de l'Assemblée nationale précise
que la SNPE et de
Royal Ordnance
devraient au préalable
transférer leurs activités respectives de fabrication des poudres
et explosifs militaires à des filiales nationales qui apporteraient
à leur tour leurs actions dans une société de droit
britannique, détenue à parité par la SNPE et
Royal
Ordnance
. Toutefois, la SNPE conservera directement 10 % du capital
avec droit de vote de la filiale française, tandis que
Royal
Ordnance
conservera 5 % de la filiale anglaise.
La filialisation par la SNPE de ses activités de fabrication des poudres
et explosifs militaires aurait pu être autorisée par une simple
décision administrative dans la mesure où la SNPE restera
actionnaire, mais le Conseil d'Etat consulté n'en a pas jugé
ainsi.
En effet, tout en considérant qu'aucun texte ni principe de valeur
constitutionnelle ne s'opposait à ce que la fabrication des poudres et
explosifs militaires soit confiée au secteur privé, le Conseil
d'Etat a, dans un avis du 2 octobre 1997, estimé que la
privatisation de la partie des actifs de la SNPE destinée à
être mise en commun avec ceux de Royal Ordnance, devait être
autorisée par le législateur, conformément à
l'article 34 de la Constitution
24(
*
)
. Il écrit en effet :
" L'activité de fabrication des poudres et explosifs à
usage militaire, monopole d'Etat dont l'organisation a été
fixée par la loi du 13 Fructidor an V et dont la SNPE
créée par la loi du 1
er
octobre 1971 a repris
l'ensemble des activités industrielles et commerciales, constitue par
elle-même un service public national dont l'existence ne peut
qu'être regardée comme consacrée par la loi. En
conséquence, seul le législateur peut mettre un terme à
l'existence de ce service public dans des conditions qui ne soient pas
contraires à la Constitution
. "
C'est l'objet du présent article qui modifie la loi n° 70-575
du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et
substances explosives de façon à prévoir explicitement la
possibilité de transférer au secteur privé, selon les
dispositions de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux
modalités des privatisations, la propriété des actifs
nécessaires à la vente de poudres et substances explosives.
On peut néanmoins mettre en doute la nécessité d'une
disposition législative dans la mesure où, comme le relève
le rapporteur général du budget de l'Assemblée
nationale
25(
*
)
, l'article
premier de la loi précitée dispose déjà que
" en application des dispositions du traité de Rome,
le
monopole de l'Etat en matière de production, d'importation,
d'exportation et de commerce des poudres et substances explosives est
,
à dater de la publication de la présente loi,
aménagé de telle sorte que l'Etat puisse
soit
déléguer certaines opérations à des entreprises
publiques, soit
autoriser des entreprises
publiques ou
privées
à exécuter ces opérations
. "
Il convient de préciser en tout état de cause que cette
disposition n'a pas pour effet de faire figurer la SNPE sur la liste des
entreprises privatisables annexée à la loi de privatisation
précitée. Son objet est strictement circonscrit à
l'activité poudres et explosifs militaires. Comme l'indiquait le
ministre de la défense devant les députés :
" En fait, il s'agit d'un réaménagement des
activités de participation de la SNPE. Il n'en résultera aucun
transfert d'actions au secteur privé. L'Etat conserve toutes ses actions
et la SNPE devient actionnaire à 50 % d'une société
franco-britannique commune. "
Le ministre de la défense a en outre précisé qu'une
majorité des activités de production serait maintenue en France
et que
Royal Ordnance
réduirait la part d'activité de ses
propres installations en Grande-Bretagne (Bridgewater et Bishopton) ou aux
Pays-Bas où elle possède également une usine (Muiden). Il
a cependant ajouté que l'alliance modifierait la répartition de
l'activité entre les trois sites français : le site
d'Angoulême, qui est le plus dépendant des marchés de
l'armement, serait privé d'une partie de son activité à
partir de 1999 alors que les établissements de Bergerac et de Sorgues
bénéficieraient de la création nette d'une centaine
d'emplois.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.