Article 2
(article 42-11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet
1984)
Extension du champ d'application de la peine complémentaire
d'interdiction de stade
I. Commentaire du texte adopté par
l'Assemblée nationale
Dans sa rédaction actuelle, l'article 42-11 de la loi du 16 juillet
1984, qui résulte de la loi n° 93-1282 du
16 décembre 1993 relative à la sécurité des
manifestations sportives, permet de condamner à une peine
complémentaire d'interdiction d'assister aux manifestations sportives
dans une ou plusieurs enceintes sportives, pendant une période ne
pouvant excéder 5 ans, les personnes coupables :
- de l'une des infractions spécifiques prévues aux articles 42-4
(ivresse dans une enceinte sportive), 42-5 (introduction d'alcool dans une
enceinte sportive), 42-7 (provocation à la haine à l'égard
de l'arbitre), 42-7-1 (exhibition d'insignes, de symboles rappelant une
idéologie raciste ou xénophobe), 42-8 (introduction d'artifices
et d'armes par destination), 42-9 (jet de projectiles), 42-10
(pénétration sur l'aire de compétition) ;
- ou, lorsqu'elles ont été commises dans une enceinte sportive
lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une
manifestation sportive, de l'une des infractions prévues aux articles
222-11 à 222-13 (violences), 322-1 à 322-4 (destructions,
dégradations et détériorations), 322-6 (destructions,
dégradations et détériorations dangereuses pour les
personnes) et 322-11 (tentative), 433-6 (rébellion) du Code pénal.
Cette peine complémentaire, qui existe également dans d'autres
législations européennes (Espagne, Grande-Bretagne, Italie,
Pays-Bas), permet d'écarter durablement des stades certains fauteurs de
troubles et de dissuader de jeunes supporters de se laisser entraîner
dans des comportements répréhensibles. Elle participe ainsi au
souci d'agir autant que possible par la prévention et la dissuasion.
La personne condamnée à cette peine peut être astreinte
à répondre, au moment des manifestations sportives, à une
convocation " de toute autorité, de toute personne
qualifiée " désignée par le juge.
Les personnes de nationalité étrangère non
résidentes en France peuvent, si la gravité des faits commis le
justifie, être condamnées à une peine complémentaire
d'interdiction du territoire pour une durée qui ne peut excéder
deux ans.
Le texte de l'
article 2
de la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale prévoit, dans la perspective de la Coupe du
monde, d'étendre le champ d'application de ces peines
complémentaires à toutes les infractions ainsi définies,
dès lors qu'elles seront commises " en relation directe "
avec
une manifestation sportive.
Selon le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale, cette rédaction,
préférée à celle de la proposition initiale, qui
étendait le champ d'application des peines complémentaires aux
infractions commises "
à l'occasion du déroulement ou de
la retransmission en public d'une manifestation sportive "
,
répond à la nécessité d'établir un
"
lien de causalité
" entre la manifestation sportive
et les faits reprochés, "
de manière à
éviter que la peine soit prononcée pour des faits
étrangers à cet événement
".
Elle soulève quelques interrogations.
Il convient d'abord de s'interroger sur le lien de causalité qu'il est
ainsi proposé d'établir entre un match de football et les
débordements de quelques énergumènes et sur le danger
qu'il y aurait à considérer qu'une manifestation sportive puisse
être considérée comme la " cause " de violences,
de déprédations ou d'actes de rébellion.
Il faut aussi s'interroger sur l'extension du champ d'application -dans le
temps comme dans l'espace- de la peine complémentaire qui pourra
résulter de la rédaction proposée. Pour reprendre
certaines questions posées lors du débat à
l'Assemblée nationale, pourra-t-on considérer comme " en
relation directe " avec un match les incidents liés à un
défilé célébrant sur les Champs-Elysées une
victoire de l'équipe de France, les délits commis, à des
milliers de kilomètres, par des téléspectateurs
échauffés dans un département d'outre-mer ?
Faudrait-il aussi considérer que tous les délits commis par des
supporters au cours des voyages, parfois fort longs, effectués pour
assister à un match, et revenir ensuite chez eux, seront passibles des
peines complémentaires prévues à l'article 42-11 ?
Il faut, enfin, s'interroger sur l'intérêt d'une trop large
extension du champ d'application de la peine complémentaire, qui n'est
dissuasive et efficace que si elle frappe des supporters ou des
" hooligans " fréquentant habituellement les stades, et non
des " casseurs " qui auront saisi l'occasion de se joindre à
une bagarre ou de commettre des violences dans le sillage d'un
défilé, et que ne retiendra sûrement pas la crainte
d'être empêchés d'assister à des manifestations qui
ne les intéressent pas.
Certes, il reviendrait au juge de n'appliquer qu'à bon escient la peine
complémentaire, mais ne changerait-elle pas alors de nature pour
n'être plus une peine réprimant les excès des supporters
lors des rencontres sportives, mais une peine réprimant tous les
délits que peut commettre un supporter dans des circonstances qui
peuvent être rattachées, par un lien qui tout en étant
direct pourrait être très extensible, à la tenue d'une
manifestation sportive ?
Enfin, on relèvera que la rédaction adoptée par
l'Assemblée nationale pourrait être interprétée
comme étendant le champ d'application des articles 42-4, 42-5 et 42-7
à 42-10 de la loi de 1984 à des infractions commises hors des
enceintes sportives, alors qu'un des éléments constitutifs des
délits qu'ils définissent tient précisément au fait
que ces infractions sont commises dans un stade.
II. Position de la commission
La définition actuelle du champ d'application de la peine
complémentaire d'interdiction de stade est sans doute trop
étroite : elle peut même inciter, on l'a déjà
constaté, à un simple déplacement des violences, et au
développement des affrontements entre supporters aux abords de stades,
notamment à l'occasion de l'entrée ou de la sortie des
spectateurs, c'est-à-dire dans des circonstances où il est
difficile de prévenir tout contact entre les " supporters "
et
où ces affrontements peuvent avoir, au milieu d'un concours de foule,
des conséquences très graves.
Il paraît donc particulièrement nécessaire, dans la
perspective de la Coupe du monde, comme l'ont souligné nombre
d'intervenants dans le débat à l'Assemblée nationale, de
prévenir les manifestations de violence aux abords des stades qui
accueilleront les matches.
Par ailleurs, il convient, toujours dans la perspective de la Coupe du monde,
d'étendre le champ d'application des peines complémentaires aux
lieux accueillant des retransmissions en public, sur grand écran, des
manifestations sportives. Les retransmissions en public ne sont en effet
actuellement visées par l'article 42-11 que lorsqu'elles ont lieu dans
un stade, alors que la ministre de la jeunesse et des sports a prévu,
à juste titre, d'organiser de telles retransmissions en d'autres lieux
-parcs, places, etc.- afin de favoriser l'accès du plus grand nombre
à cet événement mondial, et que ces retransmissions
pourront attirer un public assez proche -supporters compris- de celui qui
fréquente habituellement les stades.
Il parait en revanche difficile, comme l'a illustré le débat
à l'Assemblée nationale, d'étendre plus largement le champ
d'application de la peine complémentaire sans renoncer du même
coup à définir avec la précision nécessaire les
conditions dans lesquelles elle sera applicable.
C'est pourquoi votre commission a adopté un
amendement
proposant
une nouvelle rédaction du texte proposé pour le premier
alinéa de l'article 42-11, et qui tend :
* à supprimer toute ambiguïté quant au champ d'application
des articles 42-4, 42-5 et 42-7 à 42-10 de la loi de 1984 ;
* à punir des peines complémentaires prévues à
l'article 42-11 les autres délits mentionnés à cet article
lorsqu'ils auront été commis :
- dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission
en public d'une manifestation sportive,
- lors de la retransmission publique d'une manifestation sportive dans un lieu
spécialement aménagé à cet effet,
- aux abords de ces lieux ou des enceintes sportives, à l'occasion de
l'entrée ou de la sortie du public d'une manifestation sportive ou de sa
retransmission.