N° 151
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ,
Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Xavier de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean
Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques
Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre
Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André
Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure,
Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry,
Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune,
Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry,
MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait,
Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
365
(1996-1997).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
C'est au sein de la Conférence de La Haye de droit international
privé qu'est née l'idée, en janvier 1988,
d'élaborer un instrument juridique international en vue d'encourager la
coopération internationale en matière d'adoption
interétatique.
La prise de conscience de la nécessité d'élaborer un texte
adapté est liée à l'
augmentation
récente
du nombre d'enfants adoptés en vertu de procédures
transfrontières
. La France est tout particulièrement
concernée. En effet, le désir d'enfant est, dans notre pays,
fréquemment contrarié par la stérilité liée
à l'élévation de l'âge à la première
maternité. Par ailleurs, peu d'enfants sont abandonnés et
adoptables en France. De 1 000 enfants environ en 1979, le nombre d'enfants
étrangers adoptés par des Français est, en effet,
passé à 3 600 environ en 1996, le nombre de pays d'origine des
enfants étant désormais supérieur à 65 (10 en
1980).
L'adoption internationale est donc devenue un
phénomène
mondial
, caractérisé par le déplacement d'enfants sur
de très longues distances, et par l'intégration des enfants
adoptés à un
environnement culturel souvent très
différent de leur milieu d'origine
. Il s'agit, dans la plupart des
cas, d'enfants originaires de pays défavorisés accueillis par des
familles résidant dans des pays dits riches.
L'existence de problèmes humains indiscutables découlant de ces
pratiques, joints à des difficultés juridiques nombreuses, a
conduit à constater l'insuffisance des instruments internationaux
élaborés à une époque où l'adoption
internationale ne connaissait pas la même ampleur qu'aujourd'hui, et
à engager une
nouvelle approche multilatérale du
phénomène.
Les négociations entreprises au sein de la Conférence de La Haye
ont, dès le départ, associé des pays qui n'appartenaient
pas à cette conférence mais dont sont originaires de nombreux
enfants adoptés par des parents étrangers, de même que des
organisations intergouvernementales engagées dans les procédures
de l'adoption internationale (Service social international, Association
internationale de droit de la famille, ONU, Haut commissariat des Nations unies
pour les réfugiés, Fédération internationale Terre
des Hommes, Défense des enfants-International ...).
La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération
en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 s'inscrit dans la
filiation de la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant
du 20 novembre 1989
. Rappelons que l'article 21 de la convention de l'ONU
subordonne l'adoption à " l'intérêt supérieur
de l'enfant " et, dans cet esprit, engage les Parties à veiller
notamment à ce que le placement de l'enfant ne soit pas effectué
de manière mercantile.
Ratifiée à ce jour par 16 Etats, signée par 30, la
convention de La Haye vise deux objectifs. D'une part, la convention
prévoit un dispositif de
contrôle des procédures
d'adoption internationale,
afin de garantir que les adoptions
internationales aient lieu dans l'
intérêt supérieur de
l'enfant
, ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou
la traite d'enfants. Dans cet esprit, la convention prescrit que les adoptions
soient effectuées par des organismes spécialement
agréés, satisfaisant à certaines exigences minimales (de
compétence, de moralité), et exclut la réalisation de
profits indus à l'occasion d'une adoption internationale. D'autre part,
la convention tend à assurer la
cohérence internationale du
statut des personnes adoptées
.
Votre rapporteur envisagera, de manière très classique, une
présentation d'ensemble de la convention de La Haye de 1993, avant
d'évoquer les spécificités et les difficultés de
l'adoption internationale, et d'envisager les conséquences, pour la
France, de la ratification de la présente convention.
I. UN TEXTE SOUCIEUX DE GARANTIR LES INTÉRÊTS ET LES DROITS DES ENFANTS
Dès son préambule, la convention de La Haye se réfère à l'" épanouissement harmonieux " de la personnalité de l'enfant, qui passe par le " climat de bonheur, d'amour et de compréhension " suscité par le " milieu familial ". A cet effet, la convention a pour objet de garantir que les adoptions internationales s'effectuent dans le " respect des droits fondamentaux " reconnus à l'enfant par le droit international 1( * ) (article 1er a). La coopération à laquelle les Etats parties sont invités en matière d'adoption (article 1er b) doit prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants, à une époque où des filières mercantiles interviennent parfois de manière frauduleuse dans des processus d'adoption alors très contestables.
A. STIPULATIONS TENDANT À ASSURER LE CONTRÔLE DES PROJETS D'ADOPTION
Les chapitres II à IV de la présente convention définissent les responsabilités de l'Etat d'origine et de l'Etat d'accueil de l'enfant adopté, les structures chargées d'exercer le contrôle des projets d'adoption, et encadrent les procédures d'adoption par des règles communes à tous les Etats-Parties.
1. Responsabilités de l'Etat d'origine (article 4)
Aucune adoption ne peut avoir lieu si les autorités
compétentes de l'Etat d'origine ne se sont pas assurées :
- de l'
adoptabilité
de l'enfant ;
- de l'obtention des
consentements nécessaires
d'autres personnes
que l'enfant ;
- de l'expression de
souhaits éventuels de l'enfant
;
- du fait que le
consentement de la mère,
si celui-ci est requis
par la législation de l'Etat d'origine, a été donné
après la naissance de l'enfant
(le délai dans lequel le
consentement de la mère peut être révoqué
relève de la loi locale) ;
- que les
consentements n'ont pas été achetés
:
rappelons que le préambule de la présente convention se
référe à l'objectif de prévenir la vente ou la
traite d'enfants ;
- que les personnes dont le consentement est requis ont été
informées des conséquences de leur décision
,
notamment sur l'éventualité d'une rupture des liens entre
l'enfant et sa famille biologique (telle est, par exemple, la
conséquence des
adoptions plénières
) que
n'admettent pas tous les pays (ainsi au Rwanda les liens avec la famille
d'origine sont-ils maintenus même en cas d'adoption ; la Chine non plus
ne reconnaît pas les conséquences de l'adoption
plénière) ;
- et que l'adoption internationale intervient
après épuisement
des solutions de placement de l'enfant dans son Etat d'origine
.
Cette dernière condition est particulièrement importante. En
effet, la présente convention s'appuie sur le
principe de
subsidiarité
, selon lequel, dans l'intérêt de l'enfant,
l'adoption internationale ne constitue pas une fin en soi, mais doit
suppléer à la défaillance ou à l'inexistence des
solutions de placement susceptibles d'exister dans le pays d'origine de
l'enfant.
Notons aussi que les contacts personnels entre les adoptants et la famille
biologique de l'enfant sont proscrits par l'article 29 de la présente
convention tant que les consentements requis n'ont pas été
donnés, ce qui vise également à prévenir les
adoptions mercantiles.
Rappelons que l'adoptabilité de l'enfant est déterminée
par les autorités compétentes de l'Etat d'origine en fonction de
la loi locale applicable. A cet égard, par exemple, la loi
péruvienne exige une déclaration d'abandon pour que l'enfant soit
déclaré " adoptable ".
Ces diverses conditions sont définies comme des garanties minimum,
l'Etat où l'adoption a lieu pouvant poser des conditions
supplémentaires.