B. DES RETARDS DANS LE DÉROULEMENT DES PROGRAMMES DONT LA POURSUITE SERAIT PORTEUSE DE GRAVES INCERTITUDES A LONG TERME
La forte régression des dotations consacrées au nucléaire impose dès 1998 des retards et des étalements dans les programmes. Ces mesures palliatives permettent d'absorber les restrictions budgétaires sans remise en cause fondamentale des objectifs, du moins si l'on considère qu'aucune autre diminution de crédits ne viendra frapper ces programmes après 1998. S'il n'en était pas ainsi, la poursuite de la modernisation de nos deux composantes et la mise en oeuvre de la simulation se trouveraient alors incontestablement fragilisées.
1. L'impact des réductions de crédits en 1998 : des retards dans le développement des programmes
Même si elle ne conduit pas, à ce stade, à
remettre en cause les différents programmes en cours dans le domaine de
la dissuasion nucléaire, la diminution de 2,3 milliards de francs
opérée en 1998 par rapport au niveau de dotations attendues en
application de la loi de programmation entraînera des conséquences
importantes sur leur déroulement.
La Direction des applications militaires du CEA, dont les crédits
sont inférieurs de près de 600 millions de francs au montant
attendu,
fera essentiellement porter l'effort d'économies sur ses
activités " matières " et " armes ". Le
démantèlement de l'usine de production d'uranium enrichi de
Pierrelatte, qui devait démarrer en 1998 et durer six ans, sera
considérablement ralenti. L'activité de
récupération des matières nucléaires sera elle
aussi ralentie. Les programmes de recherche-amont seront réduits, ainsi
que les programmes de simulation effectués avec les matériels
actuels. Un certain nombre d'expérimentations (non nucléaires),
importantes pour la mise au point des charges de renouvellement, seront
repoussées.
En ce qui concerne la
FOST, l'économie demandée
représente environ 740 millions de francs,
dont près de 400
millions de francs sur le programme SNLE/NG, plus de 200 millions de francs sur
l'adaptation des SNLE/NG au futur missile M51, 100 millions de francs sur
l'entretien programmé des bâtiments et 40 millions de francs sur
l'adaptation opérationnelle du SNLE/NG. L'admission au service actif du
3ème SNLE/NG, le Vigilant, équipé de missiles M45, sera
décalée d'un an, de 2002 à 2003, et imposera le maintien
en service durant une année supplémentaire du Tonnant,
équipé de missiles M4. Le programme d'adaptation des SNLE-NG au
M51 fait l'objet d'un moratoire d'un an, qui ne remet pas en cause
l'échéance de remplacement du M 45 par le M 51 (2010). S'agissant
des SNLE de type Redoutable, un étalement sera opéré sur
leur adaptation opérationnelle, notamment dans le domaine de la
navigation et de la discrétion acoustique, et sur la mise en condition
opérationnelle, par une réduction des travaux et des rechanges.
Une
réduction de crédits de près de 450 millions de
francs sera également opérée sur le développement
du missile M 51
, par application d'un moratoire d'une année. Cette
mesure intervient alors que dans le cadre de la loi de programmation, une
économie de 20 % sur l'ensemble du programme avait déjà
été réalisée par le passage du programme M5 au M51.
Le moratoire appliqué en 1998 devrait, selon le ministère de la
Défense, rester
sans incidence sur le calendrier de mise en
service
, le développement étant réalisé dans un
temps plus court. On notera que le respect de cet objectif impliquera donc de
concentrer l'enveloppe de crédits sur une période plus
brève et, par conséquent, d'allouer à ce programme
à partir de 1999 des dotations supérieures à celles
prévues en programmation.
D'une manière générale, les économies
imposées ne 1998 ne font en réalité que reporter des
charges inéluctables, correspondant à des opérations qui
ne peuvent être purement et simplement annulées.
2. L'apparition d'incertitudes sur l'avenir des programmes nucléaires à long terme
Comme votre rapporteur l'a rappelé en début de
ce chapitre, les grands choix opérés en 1996 tendaient à
maintenir la crédibilité de la dissuasion nucléaire en
définissant deux objectifs à moyen terme : la modernisation puis
le renouvellement de nos deux composantes, la mise en oeuvre de la simulation,
moyen essentiel pour garantir la fiabilité et la sûreté des
armes futures.
Pour atteindre cet objectif, la
loi de programmation
avait défini
une
enveloppe financière
sur six ans, que votre commission des
Affaires étrangères, de la Défense et des Forces
armées avait alors considéré comme
" calculée au plus juste ",
en soulignant qu'elle
correspondait, pour la force de dissuasion, à un
seuil strictement
incompressible
.
De ce point de vue, même s'il ne faut observer pour le moment que
quelques " glissements " dans le déroulement de programmes
par
ailleurs maintenus,
l'importante ponction
, supérieure à
2,3 milliards de francs,
opérée en 1998 sur les crédits
de la dissuasion nucléaire constitue un signe très
négatif.
Pour votre commission, une réduction durable des crédits du
nucléaire, c'est-à-dire au delà de 1998, impliquerait une
remise en cause profonde de l'édifice bâti en 1996. En effet,
comment maintenir deux composantes, les moderniser et assurer le renouvellement
des armes tout en menant à bien le défi considérable
constitué par la simulation avec des ressources très
inférieures à celles prévues par la programmation ?
Certes, ces objectifs sont officiellement réaffirmés, mais pour
les atteindre, il faudrait qu'après les restrictions budgétaires
de 1998, le nucléaire retrouve en 1999 et au delà
l'intégralité des dotations inscrites dans la programmation.
Aussi les orientations de ce budget paraissent-elles inquiétantes, car
si elles n'étaient pas corrigées après 1998, le
financement de la dissuasion nucléaire atteindrait un nouveau palier peu
compatible avec la réalisation des programmes prévus dans notre
modèle d'armée.
Votre commission tient à rappeler avec force que le maintien de la
crédibilité de la dissuasion nucléaire exige la
modernisation et le renouvellement des deux composantes océanique et
aéroportée qui apparaissent plus que jamais
complémentaires. Il ne saurait davantage être question de
fragiliser le programme de simulation, enjeu essentiel pour l'avenir de la
dissuasion après l'arrêt des essais.
Aussi estime-t-elle que l'entorse très importante au respect de la loi
de programmation, dans un domaine aussi fondamental que la dissuasion
nucléaire, n'est pas acceptable si aucune garantie n'est apportée
sur l'évolution des crédits indispensables à la poursuite
des programmes après 1998.