B. UN BUDGET EN FORT RECUL
Avec 3,1 milliards de francs, les crédits relatifs
à l'espace inscrits dans le projet de budget pour 1998 régressent
de 5,6 % par rapport à 1997 et sont inférieurs de plus de 10 % au
niveau prévu par la programmation.
S'il ne remet pas en cause les programmes SYRACUSE et HÉLIOS, ce recul
traduit en revanche l'incertitude qui pèse désormais sur le
programme HORUS.
1. L'évolution générale des crédits
L'enveloppe consacrée aux programmes spatiaux par la
loi de programmation s'élevait à 20,7 milliards de francs sur 6
ans, soit 4 % des crédits d'équipement de la défense. Elle
incluait pour plus de 6,2 milliards de francs le financement des programmes de
télécommunications (2,2 milliards de francs pour SYRACUSE II, 4
milliards de francs pour SYRACUSE III) et pour plus de 11,6 milliards de francs
les programmes d'observation (2,8 milliards de francs pour HÉLIOS I, 6,4
milliards de francs pour HÉLIOS II et 2,4 milliards de francs pour
HORUS).
Le montant du budget spatial militaire devait représenter en moyenne 3,5
milliards de francs par an, et croître légèrement
d'année en année tout au long de la période. Il faut
observer que ce niveau consacrait un maintien des crédits par rapport
aux années antérieures, l'espace se trouvant de ce fait
préservé de la réduction générale des
crédits d'équipement.
Le projet de budget pour 1998 tranche nettement avec les orientations retenues
par la loi de programmation.
Crédits consacrés à l'espace (en millions de francs)
1997 |
1998 |
% |
|
Autorisations de programme |
3 407 |
2 790 |
- 18,1 % |
Crédits de paiement |
3 298 |
3 112 |
- 5,6 % |
Comme le montre le tableau ci-dessus, la diminution des
autorisations de programme est particulièrement forte et si celle des
crédits de paiement est plus modérée, le niveau est de
loin inférieur à celui prévu par la loi de programmation
(près de 3,5 milliards de francs, compte tenu des coefficients
d'actualisation).
On doit cependant se féliciter que conformément à la loi
de programmation, le budget spatial militaire ne supporte plus de contribution
au budget civil de recherche et de développement. Une dotation de 500
millions de francs a été inscrite à cet effet au titre VI,
pour la participation de la défense au financement de la recherche duale.
Pour l'essentiel, la diminution de crédits résulte du
moratoire d'un an décidé sur le programme HORUS
, en
l'absence de décision allemande. Le programme de satellite de
télécommunication SYRACUSE III sera ralenti et le programme de
surveillance de l'espace verra son lancement suspendu.
2. Les programmes de télécommunications SYRACUSE
Le programme SYRACUSE I, entré en service à
partir de 1984, a permis de doter les armées de capacités de
télécommunications par satellites.
Le
programme SYRACUSE II
visait à assurer la continuité du
service au delà de 1995, à étendre le réseau
à de nouveaux types de stations et à accroître la
protection d'un certain nombre de liaisons.
Mis en service en 1991, le système SYRACUSE II a définitivement
pris le relais de SYRACUSE I en 1995. Le lancement des deux derniers satellites
en décembre 1995 et en août 1996 permet de garantir la
continuité de service jusqu'en 2005
. A la fin de l'année
1997, l'ensemble des stations, au nombre d'une centaine contre 23 seulement
pour SYRACUSE I, aura été livré. Le programme fait l'objet
d'améliorations successives qui visent notamment à permettre une
meilleure interopérabilité avec les systèmes
alliés, notamment le système britannique SKYNET.
Le coût total du programme, y compris les compléments, est
évalué à 13,6 milliards de francs, 10,8 milliards de
francs ayant déjà été consommés.
Le projet de budget pour 1998 consacre 509 millions de francs de crédits
de paiement à SYRACUSE II.
Le
système successeur SYRACUSE III
doit remplacer en 2005 le
système SYRACUSE II. Il devra en outre accroître la
capacité de résistance d'un nombre important de liaisons aux
moyens de guerre électronique et étendre la zone de couverture,
tout en améliorant la cohérence interarmées et
l'interopérabilité avec nos alliés. La composante spatiale
devrait comprendre 4 ou 5 satellites. Le nombre de stations devrait passer
à près de 400 et leurs types seront diversifiés (notamment
petites stations tactiques).
En phase de faisabilité depuis 1993, le programme devrait prochainement
passer en phase de définition, de manière à respecter
l'échéance fixée pour le lancement du premier satellite
(2005).
Toutefois, les
différentes options de coopération
internationale
pour la réalisation de ce programme n'ont toujours
pas été tranchées.
Si une réalisation purement nationale demeure à l'étude,
le coût prévisible du programme et la recherche d'une meilleure
interopérabilité avec les alliés font privilégier
la recherche de partenaires.
L'option la plus probable
semble aujourd'hui consister en une
coopération trilatérale
(projet TRIMILSATCOM) entre la
France et le Royaume-Uni (dont les besoins sont complémentaires compte
tenu de la nécessité de remplacer SYRACUSE II et SKYNET) auxquels
se joindrait l'Allemagne.
Le retard pris dans les discussions relatives à la coopération
sur ce programme justifie la mise en place en 1998 de crédits d'un
montant inférieur à celui prévu en programmation
(255 millions de francs).
Dans l'hypothèse d'une coopération entre la France, le
Royaume-Uni et l'Allemagne, le coût budgétaire de SYRACUSE III se
monterait à
15,7 milliards de francs.
3. Les programmes d'observation optique HÉLIOS
Le
système d'observation optique HÉLIOS I
est opérationnel depuis octobre 1995. Il permet déjà
d'assurer les fonctions de base du renseignement spatial mais
ses
capacités sont limitées à l'observation de jour et par
temps clair.
Le programme d'observation optique HÉLIOS I a été
lancé par la France en 1986 mais l'Ialie en 1987, puis l'Espagne en 1988
se sont joints au programme à hauteur respectivement de 14,1 % et 7 % et
disposent d'un droit d'utilisation potentielle des images à due
concurrence. Le système inclut un module expérimental
d'écoute électromagnétique (EURACOM) qui est exclusivement
réalisé par la France.
Ce programme a été mené en liaison avec le programme civil
SPOT 4, les deux satellites utilisant une plate-forme commune.
Le premier satellite, HÉLIOS I A, est entrée en phase
opérationnelle en octobre 1995. Le second, HÉLIOS I B, est
disponible et stocké depuis fin 1996 en vue de la relève
d'HÉLIOS I A, qui doit normalement intervenir en 1999.
Le coût total du programme HÉLIOS I s'élève à
9,6 milliards de francs. Plus de 8 milliards de francs avaient
déjà été consommés au début de
l'année.
Le projet de budget pour 1998 inscrit un crédit de 557 millions de
francs au titre d'HÉLIOS I.
Le
système HÉLIOS II
doit normalement
permettre
d'assurer la continuité du service dès 2001
, en remplacement
du système HÉLIOS I.
Sa phase de définition a débuté en 1994 avec les objectifs
suivants :
· permettre l'observation de nuit grâce à une
capacité infrarouge
,
· améliorer les capacités de prise de vue et de
transmission des images afin d'en augmenter le nombre et de réduire les
délais d'acquisition de l'information,
· améliorer la résolution des images pour mieux
détecter les objectifs d'intérêt militaire.
Le système comporterait
trois satellites
dont le premier devait
normalement pouvoir être lancé dès 2001.
Comme HÉLIOS I, HÉLIOS II doit être réalisé
en coopération européenne. L'Italie et l'Espagne,
déjà partie prenantes dans le cadre d'HÉLIOS I ont bien
entendu été sollicitées. Le principe d'un
élargissement à l'Allemagne
de cette coopération a
été décidé au sommet franco-allemand de Baden-Baden
en décembre 1995 puis confirmé au sommet de Dijon en mai dernier.
Pour le moment, la participation de chacun de nos partenaires à ce
programme n'est pas clarifiée.
L'hypothèse d'un taux de coopération de 20 % dont 10 % pour
l'Allemagne et 10 % répartis entre l'Espagne et l'Italie, a
été retenue. Le coût global du programme étant
estimé à plus de 14 milliards de francs, la part incombant
à la France, dans cette hypothèse, dépasserait 11,2
milliards de francs.
Pour l'heure, la participation allemande paraît compromise. La France a
annoncé qu'elle poursuivrait le développement d'HÉLIOS II
tout en ménageant à l'Allemagne la possibilité de
rejoindre le programme ultérieurement.
La France a déjà consacré (fin 1996) près de 2
milliards de francs à HÉLIOS II. Les crédits inscrits au
budget 1997 pour ce programme se montaient à 1,049 milliard de francs et
ils passeront à 1,42 milliard de francs en 1998.
La
date de lancement du premier satellite a été
décalée de 6 mois
et si la non-participation allemande se
confirme, il faudra soit accroître significativement les dotations
consacrées à ce programme dans les toutes prochaines
années, soit revoir à nouveau la date du passage du relais entre
HÉLIOS I et HÉLIOS II.
4. Le programme d'observation radar HORUS menacé par l'absence de participation allemande
Le
programme d'observation radar HORUS
a
été conçu
en complément
du programme optique
HÉLIOS pour obtenir des images par tous les temps, même en cas de
couverture nuageuse, de jour comme de nuit, y compris sous des couverts
(fumée, camouflage), avec des possibilités de surveillance de
larges zones.
L'ensemble des avantages de l'observation radar est toutefois
contrebalancé par une plus grande difficulté
d'interprétation des images, si bien que
la référence
aux observations optiques demeure indispensable
.
Il existe donc une
très forte complémentarité entre
observation optique visible ou infrarouge et observation radar
, la fusion
de ces trois types d'images enrichissant considérablement l'information
et permettant le recueil des renseignements quelles que soient les conditions
sur le terrain.
Seule la mise en oeuvre du programme d'observation radar HORUS peut donc
permettre, associée au système HÉLIOS, de construire un
système d'observation spatiale militaire complet et cohérent.
Le programme HORUS, qui comporterait le lancement de trois satellites à
partir de 2005, devait faire l'objet d'une coopération européenne
avec l'Allemagne et l'Italie. Le principe d'une répartition de la charge
industrielle à hauteur de 60 % pour l'Allemagne et de 40 % pour la
France avait été retenu au Sommet de Baden-Baden. La
participation d'autres partenaires éventuels devait s'imputer sur la
part des deux pays, de manière à respecter la proportion 60 %/40
% entre la France et l'Allemagne. Dans la perspective d'une participation
italienne, l'Allemagne assurant la maîtrise d'oeuvre et prenant à
sa charge la plus grosse part du financement, la France n'aurait financé
le programme qu'à hauteur du tiers et l'Italie du cinquième.
L'absence de confirmation de l'engagement allemand a d'ores et
déjà conduit à appliquer un
moratoire sur ce
programme
, si bien que le lancement du premier satellite interviendrait au
mieux en 2006.
Le projet de budget tire les conséquences de cette situation et
n'inscrit que 30 millions de francs au titre du programme HORUS.
Si l'Allemagne renonçait définitivement à sa
participation, on ne voit pas comment ce programme pourrait être
maintenu, sinon dans une version profondément remaniée et revue
à la baisse.