B. DES NÉGOCIATIONS PLUS DIFFICILES POUR LE PROJET DE DIRECTIVE SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR DU GAZ NATUREL
Après cinq années de négociations
communautaires, la proposition de directive concernant des règles
communes pour le marché intérieur du gaz naturel a fait l'objet
d'un nouvel examen lors du
Conseil
extraordinaire des ministres
européens de l'énergie
du 27 octobre 1997
.
Si des avancées significatives ont été
réalisées au cours des derniers mois, deux points majeurs de la
proposition continuent cependant de poser de sérieux problèmes
à la France.
1. Des avancées significatives
Le Conseil du 27 octobre dernier a travaillé sur
la base d'une proposition de compromis de la présidence luxembourgeoise
qui emportait trois motifs de satisfaction pour la France :
- les
missions de service public
sont désormais prises en
compte de façon satisfaisante et votre commission s'en félicite ;
- le
respect de la confidentialité des informations commerciales
sensibles
est mieux assuré dans le cadre de la séparation
comptable des activités de production, de transport, de distribution et
de stockage du gaz naturel qu'impose la proposition de directive aux
entreprises gazières intégrées. Ceci est essentiel dans le
contexte de cartellisation du marché gazier ;
-
la faculté d'obtenir certaines dérogations aux
règles de l'accès au réseau pour les contrats
d'approvisionnement à long terme assortis de clauses "
take or
pay
"
est acquise. Elle permettra aux entreprises gazières
concernées -dont Gaz de France- d'honorer les contrats de ce type
qu'elles ont conclus dans le passé ou qu'elles pourront conclure
à l'avenir.
Sur ce point, des progrès importants ont été
enregistrés lors du dernier Conseil, puisque les Quinze se sont entendus
sur la procédure à suivre et sur les prérogatives
respectives de la Commission européenne et des Etats membres concernant
la délivrance de telles dérogations.
En vertu de cet accord politique, les contrats existants seront maintenus. Pour
ceux à venir, l'instance régulatrice désignée par
chaque pays décidera si une entreprise peut ou non refuser, en
dérogation à la directive, l'accès à son
réseau de transport en raison de ces contrats. Elle disposera d'une
semaine pour notifier sa décision à Bruxelles, qui se prononcera
à son tour dans les quatre semaines suivantes.
Il semble cependant que, sur ce point, certaines divergences
d'interprétation subsistent, que votre commission demandera au ministre
de clarifier
. En effet, selon le Gouvernement, la décision de l'Etat
membre serait directement applicable. Il semble, en revanche, que pour le
président luxembourgeois, c'est la Commission qui aurait le dernier mot,
l'Etat membre contestant son verdict ayant alors à faire appel à
la Cour de Justice européenne
1(
*
)
.
2. Des points de blocage non négligeables
Deux points de blocage majeurs subsistent, qui rendent la proposition de directive inacceptable en l'état par notre pays. Il s'agit de l'organisation de la distribution de gaz et du degré d'ouverture du marché gazier.
a) L'organisation de la distribution de gaz
En l'état actuel, la proposition de directive
entraînerait, purement et simplement, la suppression du quasi-monopole de
distribution confié à Gaz de France, ce qui est inacceptable.
Or, sur ce point, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à
l'Industrie, a déclaré n'avoir reçu aucune réponse
claire, au cours du dernier Conseil, sur le caractère subsidiaire de la
distribution.
Rappelons qu'en application de l'article 88-4 de la Constitution, votre
Commission des Affaires économiques a adopté -le 22 octobre
dernier- une résolution, devenue
résolution du
Sénat
2(
*
)
, sur cette
proposition de directive et a demandé au Gouvernement
" d'obtenir que, conformément au
principe de
subsidiarité
, l'organisation de la distribution du gaz relève
de la compétence de chaque Etat membre ".
b) Le degré d'ouverture du marché gazier
Le second point de blocage concerne le degré
d'ouverture du marché gazier. Il a été exposé dans
l'excellent rapport présenté par M. Henri Revol, au nom de
la Commission des Affaires économiques, sur la résolution
précitée
3(
*
)
.
On rappellera seulement que
l'application immédiate du double seuil
prévu
: une ouverture minimum du marché de 28 % de la
consommation annuelle totale de gaz et un seuil d'éligibilité de
25 millions de mètres cubes de gaz par an par site de consommation,
aboutirait à une ouverture brutale du marché gazier
français. Eu égard aux spécificités de notre
marché, l'objectif de mise en place progressive du marché
intérieur du gaz naturel -pourtant affirmé dans les
considérants de la proposition de directive- ne serait donc pas
respecté.
En outre, le principe de réciprocité se trouverait
bafoué.
En effet, comme le relève le rapport précité :
"
Une telle situation est inacceptable car elle serait
profondément inique et risquerait de déstabiliser brutalement le
marché français du gaz. Ceci d'autant plus que la France serait
le seul pays
4(
*
)
où de
nombreux clients industriels seraient considérés comme
éligibles dès la première phase d'ouverture du
marché
. Nos partenaires européens, dont les structures
de marché sont très différentes, auront -dans un premier
temps- pour clients éligibles les producteurs
d'électricité à partir de gaz (il s'agit là d'un
marché très spécifique) et les plus gros consommateurs
industriels "
.
C'est pourquoi, dans la résolution qu'elle a adopté, votre
Commission des Affaires économiques demande au Gouvernement de veiller
à ce que l'adoption de la directive conduise à une ouverture
maîtrisée et progressive du marché français du gaz
à la concurrence et de
s'opposer
en conséquence
aux
propositions formulées par la présidence de l'Union
européenne sur ce point.
Cette proposition de directive devrait être de nouveau examinée
par le
Conseil Energie du 8 décembre prochain
.
La
France doit rester fermement sur ses positions
. La partie n'est cependant
pas gagnée, car elle se trouve assez isolée sur ce terrain.
Toutefois, la Belgique et l'Autriche lui ont apporté un soutien
fidèle jusqu'ici et l'Italie et le Danemark, un soutien plus fluctuant.
Votre commission souhaite que le Gouvernement l'informe, le moment venu, de
l'évolution de cet important dossier
.