EXAMEN PAR LA COMMISSION
Réunie le mercredi 19 novembre 1997 sous la
présidence de M. Jean François-Poncet, président, la
commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M.
William Chervy sur
les crédits consacrés au logement dans le
projet de loi de finances pour 1998.
Ayant rappelé que la priorité reconnue au logement par le
Gouvernement s'était traduite en juillet 1997 par l'actualisation et la
revalorisation des aides personnelles au logement (APL), le financement de
50.000 primes à l'amélioration des logements à usage
locatif et à occupation sociale (PALULOS) supplémentaires, un
complément de 300 millions de francs pour la prime à
l'amélioration de l'habitat (PAH) et de 200 millions de francs pour
l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH),
M. William Chervy, rapporteur pour avis,
a souligné l'effort
remarquable en faveur du logement affiché dans le projet de loi de
finances pour 1998.
Faisant valoir que pour avoir une vision complète de l'effort
budgétaire en faveur du logement, il fallait, outre le produit des
comptes d'affectation spéciale, tenir compte également des
dépenses fiscales relatives au logement social qui constituaient des
substituts aux aides à la pierre, il a indiqué que le montant des
dépenses budgétaires et fiscales en faveur du logement
s'élevait à 51,3 milliards, soit une augmentation d'environ
13 %.
Le rapporteur pour avis a exposé que la première priorité
concernait les aides à la personne dont les crédits
s'élevaient à 32,65 milliards de francs, soit une
progression de 9,8 %.
Il a indiqué que la réforme de l'APL initiée par le
précédent Gouvernement en avril 1997 avait eu pour objet
l'instauration d'un barème unique fondé sur le taux d'effort des
ménages pour l'ensemble du parc locatif, et il a estimé que, sous
réserve d'une enquête de la Caisse nationale d'allocations
familiales (CNAF) non encore publiée, les ménages modestes
n'avaient subi aucune perte significative du fait de cette réforme.
Rappelant qu'au 1er juillet 1997, le Gouvernement avait
décidé de l'actualisation et de la revalorisation des
barèmes, ce qui représentait 2,9 milliards de francs
supplémentaires en année pleine, il a souligné qu'une
provision de 500 millions de francs était également inscrite
au budget, en prévision d'une actualisation au
1er juillet 1998.
Tout en se déclarant très favorable à une actualisation
régulière des barèmes, le rapporteur pour avis a enfin
attiré l'attention sur certaines aberrations du régime des aides
à la personne -parfois flagrantes dans le cas de l'allocation de
logement social, versées aux étudiants, qui ne tient pas compte
de la situation des familles, ou très complexes à corriger
lorsqu'il s'agissait de la prise en compte des revenus d'activité ou de
remplacement des ménages-.
En ce qui concerne l'effort de solidarité en faveur du logement des
personnes défavorisées, le rapporteur pour avis s'est
félicité de la rebudgétisation des dépenses
afférentes aux fonds de solidarité pour le logement et aux aides
au logement temporaire.
S'agissant du logement locatif social, le rapporteur pour avis a exposé
que le Gouvernement élargissait le dispositif de la TVA à taux
réduit voté l'an dernier pour la construction de logements
sociaux, aux travaux de rénovation subventionnés ou
financés sur fonds propres des organismes d'habitation à loyer
modéré.
Il a fait valoir qu'en contrepartie de la diminution des subventions
autorisée par cette baisse du taux de TVA, le Gouvernement
améliorait le financement des prêts locatifs
aidés-très sociaux (PLA-TS), à propos desquels il a
souligné l'insuffisante réalisation des programmes physiques au
regard des engagements affichés. Il a indiqué que l'offre de
PLA-TS serait également diversifiée pour mieux répondre
aux cas sociaux les plus lourds ou programmer des opérations de
reconstruction-démolition.
Tout en se félicitant de l'effort budgétaire en faveur de la
construction de logements sociaux, le rapporteur pour avis a appelé
l'attention sur le problème des taux d'intérêt réels
trop élevés des crédits au logement social.
Il a, en outre, considéré que le parc de logements privés
bénéficiait également de l'effort budgétaire
consenti pour 1998 en indiquant que les majorations de dotations
décidées en juillet 1997 concernant les primes à
l'amélioration de l'habitat et pour l'Agence nationale
d'amélioration de l'habitat étaient confirmées dans le
projet de loi de finances pour 1998.
Il a fait valoir que le mécanisme de l'amortissement
accéléré prévu jusqu'au
31 décembre 1998 n'était pas remis en cause, ce qui
devrait favoriser la construction de 30.000 logements par an.
Enfin, il s'est déclaré très favorable à la
définition d'un dispositif pérenne sur le statut du bailleur
privé, pour encourager l'émergence d'une nouvelle
génération de bailleurs, et définir aux côtés
du secteur locatif social, un secteur locatif privé conventionné,
dans lequel, en contrepartie d'avantages fiscaux ou de garanties sur le
paiement des loyers, les bailleurs s'engageraient sur des modérations de
loyers.
Le rapporteur pour avis a ensuite fait part de plusieurs inquiétudes,
soulignant que certaines avaient déjà été
exposées l'an dernier.
Il a reconnu que, de façon mécanique, l'alourdissement de
l'ensemble des prélèvements sociaux de 4,9 % à
10 % sur les revenus fonciers induisait un prélèvement
supplémentaire d'environ cinq milliards de francs, très
pénalisant pour de nombreux petits propriétaires privés.
Se félicitant du succès de l'accession sociale à la
propriété à travers le prêt à taux
zéro qui répond aux aspirations profondes de nombreux
concitoyens, il s'est inquiété a contrario de la diminution de
5,1 % des financements prévus pour 1998 et a dénoncé
le prélèvement de 500 millions de francs sur le compte
d'affectation spéciale alimenté par la contribution
exceptionnelle du 1 % logement, pour financer les aides à la
personne, alors même que la convention du 17 septembre 1997
signée avec les partenaires sociaux affectait le produit de cette
contribution au seul financement des aides à la pierre.
Il a considéré que la restriction de l'accès aux
prêts à taux zéro aux seuls primo-accédants risquait
de segmenter le marché immobilier et que le raccourcissement de la
période de différé de remboursement total ou partiel
allait fragiliser la situation financière des acquéreurs les
moins aisés.
De plus, il a reconnu que rien n'était prévu après le
31 décembre 1998 pour financer le prêt à taux
zéro et que le Gouvernement se trouvait dans une impasse.
Evoquant la position très réservée de la commission sur le
principe du prélèvement exceptionnel opéré sur les
avoirs du 1 % logement en 1997 et en 1998, le rapporteur pour avis a
réaffirmé son attachement à ce dispositif, indispensable
pour permettre localement le bouclage d'opérations de constructions
sociales, voire de réhabilitations lourdes.
S'agissant de l'Union d'économie sociale du logement, nouvellement
créée, il a fait valoir qu'en mobilisant ses ressources internes
et en recourant à l'emprunt, elle avait, conformément à
l'engagement pris dans la convention du 17 septembre 1996,
porté sa capacité totale d'investissement à
14 milliards de francs pour 1997 et pour 1998, mais qu'il ne pourrait en
être de même en 1999 si le prélèvement exceptionnel
était prorogé.
Soulignant l'urgence de trouver des moyens de financement nouveaux en dehors du
strict cadre budgétaire, il a évoqué une éventuelle
contribution de l'épargne-logement, dont une très faible part est
effectivement affectée à l'acquisition de logements
-300 milliards de francs sur 1.100 milliards de francs d'encours-
alors même que l'Etat verse une prime sur chaque plan
épargne-logement pour encourager l'accession à la
propriété.
En conclusion, le rapporteur pour avis s'est félicité de la
progression des crédits consacrés au logement et a
souhaité que soient définis de nouveaux outils pour
améliorer la politique du logement. Sous réserve des observations
formulées, il a proposé d'émettre un avis favorable
à l'adoption des crédits du logement pour 1998.
Au cours de la discussion générale qui a suivi,
M. Jacques de
Menou
est intervenu pour faire part de son désaccord sur les
limitations des conditions d'accès au prêt à taux
zéro en vigueur depuis le 1er novembre dernier et souhaiter que le
Gouvernement module les exceptions au critère du primo-accédant
pour tenir compte des obligations de mobilité imposées pour des
raisons familiales. Il s'est félicité de la diminution du taux de
TVA sur les opérations de réhabilitation dans le secteur locatif
social, en rappelant que le précédent Gouvernement l'avait
décidée pour le secteur de la construction sociale et il a
demandé au rapporteur si le bénéfice du taux réduit
de TVA bénéficiait aux opérations menées dans les
maisons de retraite.
M. Jean François-Poncet, président,
a souligné tout
l'intérêt de cette mesure, pour l'ensemble du secteur du
bâtiment et notamment pour les artisans et les petites et moyennes
entreprises.
M. Gérard Braun
a déclaré partager les
inquiétudes du rapporteur sur l'avenir du prêt à taux
zéro et a souhaité également que le critère de
l'agrandissement des familles puisse être pris en compte pour le
bénéfice du prêt à taux zéro. S'agissant du
taux réduit de TVA, il a souhaité qu'il s'applique à tous
les travaux de réhabilitation, en soulignant tout l'intérêt
des opérations de ce type menées par les communes.
Il a déclaré que le prélèvement de
500 millions de francs opéré sur la contribution
exceptionnelle du 1 % logement et décidé par
l'article 23 de la loi de finances pour 1998 était inacceptable,
car il s'agissait d'un détournement de fonds pour le financement des
aides à la personne.
M. Dominique Braye
a déclaré partager les mêmes
inquiétudes que ses collègues s'agissant des restrictions aux
conditions de distribution du prêt à taux zéro, jugeant que
la limitation du bénéfice du dispositif aux seuls
primo-accédants cassait le rythme naturel d'acquisitions
immobilières successives adaptées aux évolutions de la
cellule familiale. Il a dénoncé l'insuffisance des moyens publics
pour en assurer le financement et jugé que l'ensemble des mesures
fiscales récemment décidées allaient, dans le même
temps, décourager l'investissement privé immobilier, en
soulignant que l'accroissement du taux de la contribution sociale
généralisée (CSG) sur les revenus fonciers ne manquerait
pas de fragiliser nombre de petits propriétaires privés qui
avaient investi dans la pierre pour compléter des retraites
insuffisantes.
M. Jean Huchon
s'est associé aux remarques de ses
collègues sur les restrictions apportées au prêt à
taux zéro et sur l'impact très négatif pour les petits
propriétaires privés de la hausse de la CSG. Il a
interrogé le rapporteur sur les aides prévues pour les travaux
effectués par les propriétaires occupants et s'est
déclaré très inquiet des effets de l'abaissement de la
durée du travail, considérant que cela aurait pour effet de
favoriser le travail au noir pour les petits travaux d'entretien et de
réhabilitation.
Leur répondant,
M. William Chervy, rapporteur pour avis,
a
indiqué que le bénéfice du taux réduit de TVA sur
les travaux de réhabilitation concernait le logement social, y compris
celui appartenant aux communes et aux groupements de communes mais il a reconnu
que des précisions devaient être demandées pour les
communes n'ayant pas d'office municipal d'HLM et néanmoins
propriétaires de logements sociaux. S'agissant des aides prévues
pour les travaux effectués par les propriétaires-occupants, il a
rappelé que les crédits pour la prime à
l'amélioration de l'habitat avaient augmenté de 300 millions
de francs dès 1997 et il a fait valoir qu'un nouveau dispositif de
crédit d'impôt pour les travaux de rénovation était
institué, bénéficiant également aux contribuables
non imposés, sous forme de remboursement sur présentation de
factures.
S'agissant de la lutte contre le travail au noir, il s'est demandé s'il
ne faudrait pas, à l'occasion du dépôt d'une demande de
permis de construire en mairie, exiger la liste des entreprises retenues par
les travaux.
M. Alain Pluchet
, tout en félicitant le rapporteur pour avis pour
l'intérêt de son exposé, a souligné que la
majorité sénatoriale, défendant d'autres orientations en
matière de logement, ne pouvait accepter l'aggravation du taux de la CSG
sur les revenus fonciers et qu'en conséquence son groupe donnait un avis
défavorable à l'adoption des crédits du logement.
Puis, la commission, contre l'avis de son rapporteur, a émis
un avis
défavorable à l'adoption des crédits consacrés au
logement
, les groupes socialiste et communiste, républicain et
citoyen votant pour leur adoption, et MM. Georges Berchet et Jean-Marie Rausch
s'abstenant.