III. LES INCERTITUDES QUANT AU RÉGIME ET AU FINANCEMENT DU PRÊT À TAUX ZÉRO

Les menaces qui pèsent sur l'avenir du prêt à taux zéro sont très directement liées au succès du dispositif et à l'absence d'un financement suffisant et pérenne pour répondre à ce succès.

A. LA DIMINUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES PRÉVUS POUR LE FINANCEMENT DU PRÊT À TAUX ZÉRO

Pour 1998, les dotations inscrites au sein du CAS n° 902-30, pour le financement du prêt à taux zéro, s'élèvent à 6,26 milliards en autorisations de programme et 6, 52 milliards de francs en crédit de paiement en baisse par rapport aux dotations inscrites en 1997 (7 milliards de francs en autorisations de programme et 7 milliards de francs en crédits de paiement). On peut rappeler que 500 millions de francs sont prélevés pour alimenter les aides à la personne et que, de plus, sur les 6,52 milliards de francs, 0,26 milliard de francs sont affectés à la garantie des prêts à l'accession sociale.

Or, compte tenu de la consommation des crédits en 1996 et en 1997, le montant de cette dotation, qui correspond à un coût unitaire de 56.909 francs pour 110.000 prêts, sera sans doute insuffisant.

Il convient de rappeler que l'équation devra se résoudre au sein du compte d'affectation spéciale qui ne pourra dépenser plus qu'il n'a reçu et qui ne fera pas l'objet d'un abondement budgétaire.

Pour limiter la progression de ces prêts, le Gouvernement vient d'adopter une série de correctifs techniques, mais il laisse en suspens le problème beaucoup plus grave du financement du dispositif au-delà du 1er janvier 1999.

B. LES CORRECTIFS TECHNIQUES POUR LIMITER LA PROGRESSION DES PRÊTS À TAUX ZÉRO

Les modifications prévues dans le décret n° 97-1000 du 30 octobre 1997 et l'arrêté du même jour publiés au Journal officiel du 31 octobre 1997 s'appliquent aux offres de prêts faites à compter du 1er novembre 1997.

Le bénéfice du prêt à taux zéro est désormais réservé aux seuls primo-accédants. Il s'agit, en définitive, des personnes physiques qui n'ont pas été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux dernières années précédant l'offre de prêt.

Cette restriction n'est pas opposable aux personnes propriétaires de leur résidence principale et qui doivent la vendre et en acquérir une nouvelle, pour des raisons de mobilité professionnelle.

Le motif de mobilité professionnelle sera retenu si la distance entre l'ancienne résidence et le nouveau lieu de travail est de plus de 70 kilomètres.

- Cette disposition relative aux primo-accédants devrait écarter du dispositif 7 % seulement des actuels bénéficiaires. Lors de son audition devant la Commission, M. Louis Besson a déclaré que cette réforme ne devrait pas avoir d'effet significatif sur le volume des prêts accordés.

Néanmoins, ce correctif complique la lisibilité du dispositif et nuit à la fluidité du marché immobilier.

De plus, l'arrêté du 30 octobre 1997 réduit une nouvelle fois la durée maximale d'amortissement de la période 1 en la fixant à quinze ans et six mois au lieu de dix-sept ans pour les quatre premières tranches de revenus.

Pour les tranches suivantes, la réduction est la suivante :

- 13 ans et 6 mois au lieu de 15 ans ;

- 10 ans au lieu de 11 ans ;

- 7 ans au lieu de 8 ans.

A priori, ces mesures sont de portée limitée mais il devrait en résulter 1 milliard d'économie en année pleine. Selon votre rapporteur, il conviendrait surtout de ne pas trop raccourcir la durée de la période 1 pendant laquelle peut jouer le différé de remboursement partiel ou total, étant donné le profil " très social " des bénéficiaires du prêt à taux zéro. On peut rappeler que ce prêt est un prêt complémentaire et son grand succès résulte de l'existence du différé de remboursement qui permet à l'accédant d'avoir achevé ou largement entamé l'amortissement de son prêt principal avant de commencer à rembourser le prêt à taux zéro. En 1996, en raison de la faiblesse de leurs revenus, 78 % des bénéficiaires d'un prêt à taux zéro ont bénéficié d'un différé de remboursement, dont 40 % d'un différé total.

La restriction trop importante de la période de différé du prêt à taux zéro risque d'écarter les accédants aux revenus très modestes, ou de fragiliser leur situation si ils doivent faire face à de trop lourdes échéances de remboursement.

De plus, on peut encore rappeler que l'investissement immobilier pour être encouragé, doit être encadré par une réglementation qui ne soit pas sans cesse modifiée, voire remise en question. A trop vouloir restreindre les conditions du prêt à taux zéro, on risque de l'asphyxier progressivement, et tel avait été le cas du prêt PAP.

On peut enfin indiquer que les établissements distributeurs sont également mis à contribution, puisque leur taux de marge, actuellement fixé entre 1,6 % et 1,3 % est abaissé de 0,3 % à partir du 1er janvier 1998.

C. LES INTERROGATIONS SUR LE FINANCEMENT DU PRÊT À TAUX ZÉRO ET LES INQUIÉTUDES SUR L'AVENIR DU 1 % LOGEMENT

1. L'absence de financement pérenne pour le dispositif du prêt à taux zéro au-delà du 1er janvier 1999

Depuis 1995, les organismes collecteurs du 1 % versent une contribution annuelle au " Fonds pour l'accession à la propriété " qui finance les aides à l'accession à la propriété. En 1995, un milliard de francs avait été versé et en 1996, le principe d'un prélèvement correspondant à 6,8% de la collecte et des retours de prêts, soit 900 millions de francs, avait été décidé.

Pour 1997 et pour 1998 également, une contribution exceptionnelle a fait l'objet d'un accord des partenaires sociaux à travers la signature avec l'Etat, le 17 septembre 1996, d'une convention qui avait pour ambition de conserver et de développer le système du 1 % logement. En contrepartie, les collecteurs du 1 % logement acceptaient un prélèvement exceptionnel annuel représentant 50% du total des sommes perçues (collecte + encours de prêts), soit environ 7 milliards de francs.

Ce prélèvement venait alimenter le compte d'affectation spéciale " Fonds pour le financement de l'accession à la propriété " pour financer les prêts à taux zéro.

Dans l'avis budgétaire de l'an dernier, votre rapporteur avait fait siennes les craintes de M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur du projet de loi sur l'Union d'économie sociale du logement.

En effet, au-delà du prélèvement exceptionnel de 7 milliards de francs pour 1997, reconduit en 1998 par l'article 23 du projet de loi de finances pour 1998, et sur le principe duquel il convient d'être très réservé, il y a tout lieu de s'inquiéter de l'avenir du dispositif au-delà de 1999.

Force est de constater que rien n'est encore prévu en octobre 1997, alors même qu'il est inenvisageable de supprimer brutalement un dispositif dont on connaît le succès et qui correspond si exactement aux aspirations de nos concitoyens.

Comme l'a reconnu M. Louis Besson, lors de son audition devant la commission des Affaires économiques, la solution n'est pas encore trouvée à ce jour et toutes les réflexions sont les bienvenues.

La solution la plus mauvaise serait sans doute de retenir le principe de la pérennisation au-delà du 1er janvier 1999 du prélèvement exceptionnel opéré sur les ressources du 1 %. On peut rappeler que ce prélèvement de 7 milliards de francs représente 50% des sommes reçues annuellement au titre des versements effectués par les employeurs au titre du 1 % logement et des remboursements de prêts consentis antérieurement par les collecteurs. En réalité, c'est la totalité de la collecte annuelle qui a été prélevée en 1997 et qui le sera une fois encore en 1998.

Cette solution, si elle était retenue, montrerait que l'Etat ne tient pas ses engagements, puisque la convention signée avec les partenaires sociaux le 17 octobre 1996 portait sur un prélèvement exceptionnel de deux ans. On peut d'ailleurs relever, comme cela a été dit plus haut, qu'en affectant une fraction de la contribution du 1 % logement (500 millions de francs) au financement du Fonds national d'aide au logement, c'est-à-dire aux aides à la personne, l'Etat ne respecte déjà plus le contenu de la convention du 16 septembre 1996, qui avait pour seul objectif le financement des aides à la pierre.

2. Le devenir de la participation des employeurs à l'effort de construction

La loi n° 96-1237 du 30 décembre 1996 sur l'Union d'économie sociale du logement a fait l'objet des décrets n° 97-143 du 14 janvier 1997 et n° 97-271 du 21 mars 1997 approuvant les statuts de l'UESL et ses modalités de fonctionnement, notamment l'engagement de l'UESL de se substituer à ses associés collecteurs pour les derniers versements de la contribution exceptionnelle prévue pour 1997.

L'Union d'économie sociale du logement a par ailleurs signé deux conventions avec l'Etat pour définir ses engagements et ses actions.

Dans la convention signée le 13 mai 1997, l'Union s'engage à prendre les mesures nécessaires pour permettre à ses associés collecteurs de maintenir leurs investissements malgré le paiement de la contribution exceptionnelle de 7 milliards de francs.

Pour ce faire, elle a décidé des mesures suivantes :

- pour les prêts aux personnes physiques sur fonds réglementés pour l'accession à la propriété : d'appliquer un taux effectif global unique de 2 % l'an hors assurance et garanties, sans aucun frais de dossier ;

- pour les prêts aux personnes physiques sur fonds réglementés pour l'amélioration : de les limiter aux travaux de mise aux normes d'habitabilité, avec déblocage des fonds sur factures de travaux émises par des entreprises ;

- pour les prêts locatifs à long terme sur fonds réglementés : d'appliquer un taux nominal de 2 % l'an et de mettre en place un dispositif de fluidité des fonds entre les associés collecteurs.

En outre, l'Union a décidé de compléter ces dispositions en consentant aux associés collecteurs des concours financiers. A cet effet, elle a mobilisé successivement les ressources internes provenant des excédents de trésorerie des associés collecteurs (la mobilisation de la trésorerie interne directement entre les CIL/CCI est évaluée à 2 milliards de francs et par l'intermédiaire de l'UESL à 750 millions de francs), puis des ressources externes par le recours à l'emprunt bancaire (il serait de 2 milliards de francs en 1997 et de 4 et 5 milliards de francs en 1998).

Conformément à l'engagement qui a été pris dans la convention du 17 septembre 1996, la capacité totale d'investissement dans l'accession à la propriété, l'amélioration et le secteur locatif, arrêtée à 14 milliards de francs pour 1997 et pour 1998 est de ce fait maintenue. Elle a été confirmée dans la convention du 13 mai 1997 signée entre l'Etat et l'UESL.

La seconde convention, celle du 14 mai 1997, est relative à l'emploi de la participation des employeurs à l'effort de construction en faveur du logement des populations ayant des difficultés particulières. Ce texte se substitue au dispositif 1/9ème existant et à la convention du 9% " insertion sociale " qui est abrogée pour les collecteurs membres de l'UESL.

Cette convention comporte deux volets : une participation à un plan quinquennal pour les foyers des travailleurs migrants à hauteur de 360 millions de francs par an et des aides prioritaires pour les populations salariées ou en recherche d'emploi et leurs familles ayant des difficultés d'accès ou de maintien dans le logement.

Les interventions s'effectuent sous les formes suivantes : financements destinés aux bailleurs sociaux et associations en vue de faciliter les opérations de logement d'insertion, de logements de type PLA-TS, de foyers et de résidences sociales et les opérations de rachat de logement des accédants en difficulté ; financement de dépôts de garantie ou octroi de caution pour les jeunes en situation ou en recherche du premier emploi ; octroi de prêts relais pour les salariés en situation difficile et octroi de prêts pour les salariés en situation de déséquilibre financier.

Cette rapide présentation du bilan d'activité de l'UESL pour 1997 témoigne du dynamisme de cette structure et de sa volonté de participer efficacement au financement du logement social.

On peut rappeler que la participation des employeurs à l'effort de construction contribue, chaque année, à la construction et l'acquisition de 60.000 logements locatifs sociaux. Elle permet également, en complément de la PALULOS, de réhabiliter 100.000 logements. Elle facilite l'acquisition, la construction ou la réhabilitation par les salariés de 150.000 logements. Elle contribue ainsi au maintien de 150.000 emplois dans le bâtiment et industrie annexes.

Il convient donc de lui rendre ces capacités de financement à compter du 1er janvier 1999 sinon on peut craindre pour sa survie à très court terme.

Pour trouver d'autres sources de financements pour le prêt à taux zéro, il faut explorer de nouvelles voies. La réflexion pourrait porter sur une contribution de l'épargne-logement. Il est paradoxal en effet que l'Etat verse des primes sur les plans d'épargne-logement pour encourager l'acquisition de logements alors que sur 1.100 milliards de francs d'encours d'épargne-logement, seulement 300 milliards de francs sont utilisés en prêts, soit par seulement 27 % des détenteurs de plans. Il ne faut pas négliger le fait que d'autres sont dans l'attente d'une opération à réaliser, mais force est de reconnaître que pour une part non négligeable de détenteurs de plans épargne-logement, il s'agit simplement d'un placement d'épargne intéressant, parce que non fiscalisé, avec un taux de rémunération correct, amélioré par la prime versée par l'Etat. On peut donc considérer que le produit n'est sans doute plus utilisé selon sa vocation d'origine.

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