CHAPITRE II -

L'ÉVOLUTION DE L'EXCÉDENT COMMERCIAL

I. 1996 : LE TROISIÈME RECORD CONSÉCUTIF

A. ÉVOLUTION GÉNÉRALE ET COMPÉTITIVITÉ FRANÇAISE

1. Une évolution favorable

En 1996, pour la troisième fois, l'excédent commercial de la France tous produits confondus a progressé encore sensiblement, atteignant le montant record de 122,3 milliards de francs en données FAB/FAB (y compris le matériel militaire).

Ce résultat est supérieur de près de 18 milliards de francs au précédent record de 1995 (104,5 milliards).

En dix ans, le solde du commerce extérieur de la France sera passé de l'équilibre en 1986 au déficit pendant cinq ans, puis à l'excédent les cinq années suivantes.

Le taux d'exportation (c'est-à-dire la part des exportations dans la production distribuée) s'est élevé à 31,7 % en 1996. Il enregistre une progression moyenne de 0,8 point par an.

En 1996, la part de marché de la France (tous produits confondus) a perdu 0,1 point dans l'Union européenne et dans les pays de l'OCDE (respectivement 9 % et 6,1 %). Cette évolution résulte d'une baisse de nos parts de marché dans la plupart des pays européens, sauf en Espagne et en Suisse.

Le taux de pénétration du marché intérieur par les produits étrangers a atteint 42 % en volume et 38 % en valeur en 1996 . Il augmente en moyenne de plus de 1 point par an en volume et de 3/4 de point en valeur.

Il est intéressant de noter que la tendance à la progression du taux de pénétration se situe dans les branches où globalement notre commerce extérieur est excédentaire. En revanche, elle est plus limitée, mais aussi plus irrégulière, dans les secteurs où globalement notre commerce extérieur est déficitaire.

2. L'évolution de la compétitivité française

a) Une amélioration de la compétitivité-prix à l'exportation

Sur les douze derniers mois, la France a amélioré sa compétitivité-prix à l'exportation de près de 4 %. Si l'on tient compte des efforts de marge des exportateurs, l'indicateur -plus précis- de la Direction de la prévision évalue cette compétitivité plutôt à 3 % du fait du relâchement de l'effort relatif de marge à l'exportation, les exportateurs ayant eu tendance à reconstituer leurs marges (calcul exprimé par rapport à nos huit principaux partenaires de l'OCDE).

b) Des gains de productivité globalement en ralentissement

Mesurée par rapport à l'activité de la main d'oeuvre, les gains de productivité enregistrent un ralentissement continu depuis 30 ans. En 1993, avec une progression de 3 %, ils étaient inférieurs de plus de moitié par à ce qu'ils étaient 30 ans auparavant.

D'ici l'an 2000, ils devraient converger vers un rythme de 2,7 % par an dans l'industrie, si l'on s'appuie sur le déterminisme apparent de leur évolution historique.

Commandée par le ministre de l'Industrie sous le précédent Gouvernement, un rapport réalisé par les cabinets Bipe-Conseil et Price-Waterhouse vient d'être remis au Gouvernement, intitulé : " France industrie 2000, étude sur l'attractivité du territoire national et le développement industriel ".

Le constat est sévère . C'est ainsi qu'Hern Lachmann 1( * ) , président de Strafor-Facom et président du comité de pilotage du rapport, pose le diagnostic suivant :

" La France est le pays où le coût du travail est le plus élevé, où le temps de travail est le plus court, où les rigidités sont les plus grandes, où la fiscalité est la plus lourde, où la visibilité est la plus faible et la rentabilité des capitaux investis la plus basse. Le problème est l'accumulation de ces faiblesses qui nous rend de moins en moins compétitifs ".

Si le rapport souligne les traditionnels atouts de la France : infrastructures, environnement industriel, productivité de la main-d'oeuvre, dont la qualification est soulignée, il souligne aussi ses faiblesses et en tire des recommandations : réduire la dépense publique sans nuire à l'investissement ; saisir l'actualité du débat sur le temps de travail pour négocier des accords sur l'annualisation ; réduire les charges sociales ; limiter l'évolution du pouvoir d'achat des salaires horaires à celle de la productivité ; encourager la prise de risque grâce à un régime fiscal attrayant des stock-options ; réformer " résolument " la taxe professionnelle en faisant contribuer le résultat imposable ; inciter à l'essaimage ; favoriser le développement des autoroutes de l'information en en développant la pratique à l'école.

B. L'ÉVOLUTION SECTORIELLE

L'amélioration de notre solde commercial en 1996, en dépit d'un léger alourdissement de la facture énergétique, s'explique par les records enregistrés tant pour l'excédent agro-alimentaire que pour celui du solde industriel .

1. Un léger alourdissement de la facture énergétique

Après six années consécutives de réduction, la facture énergétique, s'est creusée en 1996, atteignant 79,1 milliards de francs contre 60,8 milliards en 1995 ( soit + 30 % ).

Cette évolution résulte du renchérissement du prix du pétrole importé (+ 23 % en un an à 21 dollars le baril en 1996) et de la croissance de la demande (+ 9 %). Par ailleurs, les exportations françaises d'électricité ont diminué de 2 % en 1996 après plusieurs années de hausse et notre excédent en ce domaine diminue légèrement de 18 à 17,7 milliards de francs.

2. Un record absolu pour l'excédent agro-alimentaire

Si l'on observe l'évolution de la balance commerciale française depuis 10 ans, on ne peut que se féliciter de la forte contribution de l'excédent agro-alimentaire dans son redressement .

Cet excédent a, en effet, plus que doublé entre 1986 et 1996, passant de 27 milliards de francs à 57 milliards de francs. Dans le même temps, le solde du commerce extérieur français passait d'un déficit de 62 milliards de francs à un excédent de 61 milliards de francs (hors matériel militaire).

Les exportations agricoles et agro-alimentaires (217 milliards de francs en 1996) ont progressé de 56 %, alors que la croissance des importations (160 milliards de francs) était de 44 %. La part des exportations agricoles et agro-alimentaires dans l'ensemble des exportations est passée de 17 % à 15 % de 1986 à 1996. Sur dix ans, la part des importations agricoles et agro-alimentaires s'infléchit légèrement, pour s'élever à 11 % des importations totales.

Cette évolution favorable est surtout due aux échanges de produits transformés qui, en 1996, ont dépassé pour la troisième année consécutive celle des produits agricoles bruts.

Ainsi, alors qu'en 1986 les produits agricoles dégageaient un solde commercial positif de 18,8 milliards de francs contre 8 milliards de francs pour les produits agro-alimentaires, en 1996, l'excédent agricole s'élève à 23,9 milliards de francs contre 33,1 milliards de francs pour les produits transformés. Ces résultats confirment le poids croissant dans le commerce extérieur agro-alimentaire des produits à valeur ajoutée, résultant de l'effort de compétitivité des entreprises du secteur, comme le montre le tableau ci-dessous.

Au total, en 1996, le solde agro-alimentaire s'est élevé à 61 milliards de francs (contre 51,1 milliards de francs en 1995), montant supérieur au record obtenu en 1993.

LE SOLDE DES ÉCHANGES AGRO-ALIMENTAIRES DE 1986 À 1996

(en milliards de francs)

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Total (*)

-62,3

-87,3

-87,9

-114,1

-124,7

-96,1

37,7

27,2

20,4

51,1

61

agro-alimentaire

26,8

30

39,2

48,1

51

44,3

53

56,2

44,6

50,8

57

produits agricoles

18,8

21,5

30,2

34,1

34,5

28,5

33,3

32,1

18

19,8

23,9

industrie agro-alimentaire

8

8,4

9

14

16,5

15,8

19,7

24,1

26,6

31

33,1

(*) hors matériel militaire et DOM-TOM

En termes sectoriels , il faut noter qu'en 1996, les boissons -notamment les vins et spiritueux- représentent le premier solde excédentaire avec 34 milliards de francs. Les céréales et les produits de la minoterie arrivent en seconde position avec 29,9 milliards de francs. Les produits laitiers contribuent toujours d'une manière importante à l'excédent commercial du secteur : leur solde est de 12,5 milliards de francs. Le sucre contribue d'une manière très positive au solde avec près de 6 milliards de francs. Les animaux vivants précèdent de peu le secteur du sucre, avec un solde de plus de 6 milliards de francs. Il faut noter également la bonne progression du solde des viandes et abats comestibles qui pesait négativement depuis huit ans sur notre solde (- 6 milliards de francs en 1986) et atteint en 1996 la valeur excédentaire de 3,2 milliards de francs. Cette évolution résulte principalement de celle des ventes de volailles.

Ce sont toujours les mêmes produits que la France continue à importer plus qu'elle n'exporte : les poissons et crustacés dont le solde s'aggrave (-8,2 milliards de francs en 1996), les fruits comestibles (-6 milliards de francs). On trouve évidemment aussi les produits que nous ne produisons pas ou peu : tabac, café, thé, épices...

3. Un excédent proche du niveau record de 1984 pour les produits industriels

De 1984 à 1990, notre solde industriel s'était fortement détérioré, passant d'un excédent de l'ordre de 70 milliards de francs à un déficit de 80 milliards de francs. Depuis lors, il s'est amélioré de façon continue pour atteindre en 1996 un excédent proche du niveau record de 1984, soit 66 milliards de francs. Cette amélioration concerne tous les grands secteurs de l'industrie à l'exception du matériel militaire dont l'excédent a diminué de façon continue jusqu'en 1995 pour se redresser légèrement depuis.

ÉVOLUTION DU SOLDE DES ÉCHANGES INDUSTRIELS PAR GRANDS SECTEURS

(en milliards de francs)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

6 mois 1996

6 mois 1997 (*)

Biens intermédiaires

-44,0

-34,1

-29,5

-4,8

-17,4

-21,8

-7,3

-9,3

-3,0

Biens d'équipement professionnel

-30,8

-18,6

13,0

28,5

27,2

49,5

50,2

21,4

28,0

Biens destinés aux ménages

-54,7

-56,1

-44,9

-33,3

-26,6

-23,8

-15,8

-7,3

-1,0

Matériel de transport terrestre

21,6

29,5

28,6

25,6

26,7

20,5

24,7

13,3

34,2

Total industrie civile

-107,9

-79,3

-32,8

16,0

9,9

24,4

51,9

18,1

58,2

Matériel militaire

28,3

14,7

16,4

10,6

7,6

7,1

14,5

6,7

7,9

Total industrie

-79,6

-64,6

-16,4

26,6

17,4

31,5

66,4

24,8

66,1

Source : douanes

(*) estimation à partir des 5 premiers mois


Les biens d'équipement professionnels

Parmi les grands secteurs de l'industrie civile, c'est celui des biens d'équipement professionnel qui a enregistré la plus forte progression, avec cependant un léger tassement en 1996. L'amélioration est de 81 milliards de francs en 6 ans.

Tous les sous-secteurs (à l'exception des machines agricoles et du matériel de précision) enregistrent une amélioration depuis 1990, notamment l'aéronautique (+ 28 milliards de francs), l'équipement industriel (+ 18 milliards de francs) et l'électronique professionnelle (dont le déficit se réduit également de 18 milliards de francs).

En 1996, deux sous-secteurs améliorent leur solde par rapport à l'année précédente : l'électronique professionnelle (de plus de 5 milliards de francs) et le matériel de manutention (de près de 4 milliards de francs).

Les biens intermédiaires

Depuis 1990, le solde de ce secteur a fluctué assez sensiblement du fait du caractère cyclique de son activité. Cependant, sur la période, il enregistre une nette amélioration, de l'ordre de 37 milliards de francs, principalement dans la chimie et les demi-produits divers.

La réduction sensible du déficit en 1996 résulte d'une amélioration concernant pratiquement tous les sous-secteurs, en particulier les produits non-ferreux (+4,4 milliards de francs), les produits de la sidérurgie (+2,6 milliards de francs) et le secteur des pâtes à papier (+1,8 milliard de francs).

Le matériel de transports terrestres

L'excédent dégagé par ce secteur a été relativement stable tout au long de la période, dans une fourchette de 20 à 30 milliards de francs. L'essentiel de l'excédent provient des pièces et équipement de véhicules, le solde des échanges de voitures particulières dégageant un excédent annuel de 3 à 6 milliards de francs au cours de la période.

Les biens de consommation destinés aux ménages

Leur solde, encore fortement déficitaire en 1990 d'environ 55 milliards de francs, enregistre sur la période une évolution très favorable, puisque leur déficit s'est réduit à 16 milliards de francs en 1996. Hors matériel d'équipement ménager, autrement dit pour les seuls biens de consommation courante, le déficit est inférieur à 9 milliards de francs en 1996. C'est dans le secteur de la parachimie et la pharmacie que la progression est le plus spectaculaire, l'excédent passant de 16 milliards de francs à 38 milliards de francs.

En 1996, tous les sous-secteurs sont en amélioration, à l'exception du textile-habillement et des cuirs et chaussures .

C. LA VENTILATION GÉOGRAPHIQUE

Les parts de marché de la France tendent à décliner sur l'ensemble de l'année 1996. On l'a dit précédemment, globalement pour l'année 1996, la part de marché de la France (tous produits confondus) a perdu 0,1 point dans l'Union européenne (à 9 %) et 0,1 point dans l'OCDE (à 6,1 %). Cette évolution est le résultat d'une baisse de nos parts de marché dans la plupart des pays européens.

Dans l'Union européenne , la France a, pour l'année 1996, gagné des parts de marché principalement en Espagne où elle est le premier pays fournisseur (+0,7 point à 17,9 %). Malgré son recul (-0,4 point), sa position reste forte en Italie où elle se maintient au deuxième rang derrière l'Allemagne. Elle reste stable au Royaume-Uni à 9,6 %, après avoir enregistré une forte dégradation l'année précédente. Par contre, elle continue à fléchir légèrement sur le marché allemand (-0,1 point, à 10,6 %) et plus fortement au Portugal (- 0,7 point, à 11,1 %).

S'agissant des pays entrés dans l'Union européenne en 1995, la position française s'améliore de 0,4 point pour atteindre 4,5 % en Finlande et à 5,8 % en Suède ; les résultats en Autriche ne sont pas encore connus pour 1996.

Hors Union européenne , les parts de marché françaises continuent de s'améliorer en Suisse (+0,2 point à 11,6 %), mais se détériorent en Norvège (- 0,1 point, à 4,3 %). La part française fait une légère avancée de 0,1 point sur le marché américain (à 2,4 %) et sur le marché australien (à 2,5 %). En revanche, elle recule à nouveau au Japon (-0,2 point, à 1,8 %).

Nos échanges avec les pays de l'Est sont restés caractérisés par un fort dynamisme, les exportations progressant de 32 % en 1996 (contre 22 % en 1995) et notre balance commerciale avec cette zone est devenue positive.

L'excédent de nos échanges avec le Moyen-Orient a en revanche sérieusement fléchi (- 40 %), en raison à la fois du renchérissement de nos achats de pétrole brut et du recul de nos exportations, pénalisées par l'évolution économique globalement défavorable de cette région.

Bien qu'en légère réduction, notre solde positif avec l'Afrique reste conséquent (près de 22 milliards de francs en 1996).

Nos échanges avec l'Amérique latine évoluent favorablement et se soldent par un excédent de plus de 5 milliards de francs.

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