B. L'ÉGAL ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
L'égal accès de tous à la culture scientifique et technique exige sa diffusion sur l'ensemble du territoire.
1. La concentration des moyens en région parisienne
La France consacre depuis quelques années d'importants
moyens à la diffusion de la culture scientifique et technique. En
dépit de cet effort, ils ne peuvent prétendre à une
réelle influence sur l'ensemble de la société compte tenu
de leur concentration excessive en région parisienne.
En effet, les quatre grands organismes qui contribuent à la diffusion de
la culture scientifique et technique sont situés à Paris. Il
s'agit :
- du Muséum d'histoire naturelle créé par l'ancien
régime, auquel a été adjoint le Musée de l'homme,
dont l'avenir n'est pas encore totalement déterminé ;
- du Conservatoire national des arts et métiers, créé par
la Convention ;
- du Palais de la découverte, créé en 1936 ;
- et de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette,
créée en 1985.
La Cité des sciences et de l'industrie de la Villette
bénéficie, au titre du ministère de la culture, d'une
subvention de fonctionnement de 279,9 millions de francs et d'une
subvention d'investissement qui s'élève à
235 millions de francs dont 205 millions de francs en soutien de
programmes. D'autres souffrent d'un manque de moyens ou de projets d'ensemble.
C'est le cas du Palais de la découverte dont l'avenir pourrait
être débattu dans le cadre des travaux de restauration du Grand
Palais.
En dépit des projets de rénovation dont ils font l'objet, ces
organismes nationaux ne sont pas structurés pour remplir une fonction
nationale, c'est-à-dire être présents dans un certain
nombre de lieux en province. Certes, le ministère dispose de quelques
moyens pour aider les centres de culture scientifique et technique
régionaux, les associations ainsi que les fondations qui agissent dans
ce domaine. Mais 80 % des Français reçoivent moins de
10 % des crédits consacrés chaque année à ces
actions.
Ce déséquilibre Paris-province est, par ailleurs, accentué
par l'inégale répartition sur le territoire des activités
de recherche qui sont susceptibles de constituer des centres de rayonnement de
la culture scientifique et technique.
2. La nécessité d'ancrer la culture scientifique et technique dans les régions
Les interventions des grands organismes de diffusion de la
culture scientifique et technique ne peuvent prétendre à
l'efficacité que si leurs interventions s'inscrivent aussi en dehors de
la région parisienne.
Une part de leurs moyens devrait être systématiquement
déconcentrée, et une autre part utilisée pour diffuser
leurs expériences, leurs démonstrations, leurs expositions en
utilisant les réseaux large bande, les lignes spécialisées
Télécom, les canaux satellitaires numérisés, etc.
Les moyens déconcentrés dotés par exemple d'une antenne
réceptrice, d'une capacité de stockage sur une plate-forme
numérisée permettraient de privilégier l'accès du
plus grand nombre à la culture scientifique et technique, notamment par
des actions de proximité qui ne peuvent qu'être conçues
à l'échelon local. La sensibilisation du jeune public, en
particulier, impose une telle évolution. Des initiatives ont
été prises ; elles méritent d'être
intensifiées et généralisées. Un projet pilote
à Sophia-Antipolis doit être mis en place en liaison entre la
Cité des Sciences et La Cinquième et rediffuserait sur Nice et
l'arc méditerranéen.
Les centres de culture scientifique et technique (CCST), au nombre d'une
trentaine, touchent directement plus de 1,8 million de personnes. Ils ont
vocation à exercer un rôle de diffusion et à être des
lieux de débats. Les centres thématiques Nausicaa à
Boulogne-sur-Mer et Océanopolis à Brest, forts de leurs
succès, bénéficieront d'une extension tandis que sera
lancé le programme CESTAR sur l'agro-alimentaire à Arras et le
projet culturel du Pic du Midi sur l'astronomie.
Un programme d'aide à la rénovation des musées d'histoire
naturelle de région susceptible d'accroître leur
fréquentation permet un renouvellement des présentations et
apporte un soutien à l'informatisation des inventaires.
3. Les possibilités offertes par les nouvelles technologies
Les nouvelles technologies de l'information doivent
constituer
un outil privilégié de la diffusion de la culture scientifique et
technique.
Combinant l'écrit, l'image et le son, et mettant en oeuvre des
procédés d'interactivité qui en renforcent
l'efficacité pédagogique, elles sont susceptibles de contribuer
à la démocratisation du savoir. Néanmoins, l'accès
des citoyens à ces nouvelles technologies doit être garanti. Leur
appropriation inégale par telle ou telle catégorie de population
risquerait d'accroître les différences sociales traditionnelles
fondées sur la richesse et le savoir.
Ceci implique donc, d'une part, la mise en réseau des écoles et
des lieux publics et, d'autre part, une éducation permettant de
conférer aux utilisateurs la maîtrise des nouveaux outils afin que
ceux-ci ne soient pas réduits à un usage ludique mais deviennent
les vecteurs d'un nouvel appétit de savoir.
Le rôle de l'école apparaît primordial. Plusieurs rapports
de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques et du Sénat ont apporté des conclusions
très claires. Les expériences de terrain ont à juste titre
été privilégiées. Là encore, l'exemple
américain est éclairant. Sur le plan des écoles primaires,
l'effort accompli l'a été pour l'essentiel dans le cadre d'un
projet faisant coopérer collectivités locales,
mécénat industriel et volontariat individuel (projet netday
initié par John Gage).
Permettre à la France de rattraper son retard en matière de
nouvelles technologies de l'information est désormais une
nécessité reconnue et nous sommes sur la bonne voie.
En 1996, on comptait en France 246.000 foyers branchés sur
Internet, contre 635.000 en Angleterre et 1.105.000 en Allemagne ;
17 % des foyers français étaient équipés d'un
micro-ordinateur contre 43 % aux Etats-Unis.
Depuis lors, il semble que les choses s'améliorent et pour
l'éducation nationale, le ministre Claude Allègre a
annoncé un programme cohérent. Le financement prévu par le
budget devra sans doute être renforcé par les
mécènes, le bénévolat et les collectivités
locales. Beaucoup l'espèrent et y travaillent, notamment au Sénat.
4. Promouvoir la culture scientifique et technologique et la compréhension des avancées que le progrès peut apporter
Si l'opinion publique reste fascinée par la science,
elle doute souvent des progrès que ses avancées engendrent. Et
les milieux décisionnels, qu'ils soient politiques, sociaux,
économiques ou qu'ils aient pour métier d'informer comme les
journalistes, n'ont pas compris la nouvelle donne ainsi que les enjeux en
matière de compétitivité, d'emploi, de
développement durable.
Seule la santé échappe à cette méconnaissance et
relative indifférence manifestée par ceux qui devraient
être au courant. Il faut réagir.
En France, aujourd'hui, seuls les prix de la culture scientifique et technique
remis par l'académie des sciences visent à récompenser les
chercheurs qui s'attachent à sa diffusion.
Outre les actions évoquées ci-dessus, il convient de
créer un événement annuel à fort retentissement
social et médiatique symbolisant la rencontre entre la
société et la science
et faisant le point de l'état
des connaissances dans le monde et en France. Votre rapporteur, depuis des
années, estime que l'exemple suédois est particulièrement
digne d'intérêt et devrait être suivi.
Chaque année, l'académie des sciences de l'ingénieur
suédoise, à laquelle votre rapporteur a le grand honneur
d'appartenir, dresse un état des progrès de la science, des
techniques et de l'économie dans le monde en général, et
en Suède en particulier.
La réalisation du rapport qui mobilise les acteurs principaux de la
recherche, du développement, de l'industrie et des finances constitue
une première occasion de pratiquer le
transfert de technologie au
plus haut niveau décisionnel.
La remise du rapport s'effectue à l'occasion d'une
cérémonie présidée par le couple royal. Tous les
décideurs du Royaume : académiciens, présidents et
directeurs d'entreprises, banquiers, scientifiques, hommes politiques
influents, journalistes, se doivent d'être présents. Cet
événement permet de mettre en lumière les
évolutions scientifiques et techniques les plus récentes et leurs
implications économiques.
Tous les acteurs économiques et scientifiques du pays sont
associés à la préparation du rapport.
L'événement permet de médiatiser l'utilisation des
progrès de la science pour le bien-être de la population.
Il serait opportun que la France développe elle aussi un tel
événement.
Il devrait être organisé conjointement par le comité
d'application de l'académie des sciences (CADAS), embryon de
l'académie des sciences de l'ingénieur qui reste à
créer, l'ensemble de l'Institut et la communauté scientifique et
les représentants du monde économique (CNPF, Chambres de
commerce, syndicats). Le Président de la République, le
Gouvernement, le Parlement et les conseils régionaux y seraient
évidemment conviés, ainsi que les forces économiques,
sociales et morales du pays.
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* *
En guise de conclusion, votre rapporteur regrettera tout
particulièrement l'obscurité qui persiste en matière de
recherche dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la
communication compte tenu de l'incertitude sur le financement des recherches en
amont par rapport à celles du centre de recherche de France
Télécom, l'ancien CNET.
Compte tenu de l'ensemble des remarques ci-dessus et en espérant que le
Gouvernement, comme le ministre s'y est engagé verbalement, en tiendra
compte, votre rapporteur soulignera la nécessité :
- d'introduire de la souplesse dans la gestion, ce qui implique de
réserver les postes budgétaires créés, pour
l'essentiel, à des postes d'accueil de chercheurs étrangers ou
d'universitaires et à titre temporaire (moins de 5 ans) à
des personnels du CNET ;
- de renforcer encore les mécanismes d'aide à la création
d'entreprise par tous les moyens juridiques, fiscaux et les incitations
personnalisées ;
- et de compléter le dispositif d'ancrage de la culture scientifique et
technique sur l'ensemble du territoire notamment en développant des
plateformes multimédia numérisées en réseau,
véritables bibliothèques de France en réseau.