IV. LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
La diffusion de la culture scientifique et technique doit
être aujourd'hui au coeur des préoccupations d'un Etat moderne.
Elle s'avère indispensable pour préparer le citoyen à se
situer dans un monde où le rythme des évolutions technologiques
s'accélère. Seul un égal accès de tous à la
connaissance scientifique et technique permettra en effet d'éviter que
s'accroissent les phénomènes d'exclusion sociale.
Par ailleurs, la meilleure connaissance des progrès de la science rend
impossible une adhésion plus large du citoyen à la politique de
recherche, ce qui est susceptible d'en accroître la
légitimité. Enfin, l'ouverture à l'esprit de
découverte apparaît comme une condition nécessaire pour
assurer la valorisation de l'innovation dans le tissu industriel.
La diffusion de la culture scientifique et technique exige, d'une part, un
rapprochement entre la communauté scientifique et la
société, condition essentielle pour une valorisation efficace de
la recherche, d'autre part, une diffusion de la connaissance scientifique sur
l'ensemble du territoire et, enfin, une modification de la perception du
développement technologique par la société.
A. LE RAPPROCHEMENT DE LA COMMUNAUTÉ SCIENTIFIQUE ET DE LA SOCIÉTÉ, CONDITION ESSENTIELLE POUR UNE VALORISATION EFFICACE DE LA RECHERCHE
La diffusion de l'innovation technologique dans le tissu
industriel, condition de la compétitivité nationale, passe par un
rapprochement de la communauté scientifique et de la
société.
Le personnel scientifique des établissements publics de recherche doit
donc, à ce titre, être incité à s'impliquer dans le
développement économique.
1. Accroître les recrutements en entreprises des jeunes docteurs
Le rapport sur les études doctorales établi pour
l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés
fait apparaître que 15 % seulement des docteurs sont recrutés
par des entreprises. Ces recrutements, s'ils marquent une certaine reprise
depuis 1995, n'atteignent pas encore le niveau souhaité.
Certes, et c'est assez normal pour qui connaît la vie et la culture dans
les laboratoires de recherche, que les jeunes doctorants privilégient
les débouchés dans les grands organismes de recherche au
détriment d'un recrutement en entreprises.
Il importe donc d'inciter les entreprises à recruter et de
préparer les futurs docteurs à s'orienter le plus tôt
possible vers un projet professionnel tourné vers le monde
économique, les emplois en entreprises ou la création
d'entreprises. Il s'agit là d'une condition nécessaire pour
garantir l'adaptation du tissu industriel national aux avancées
technologiques.
Des efforts ont été engagés en ce sens.
Afin d'améliorer la connaissance qu'ont des entreprises et des pratiques
industrielles les jeunes docteurs et les directeurs de thèse, a
été lancé depuis la rentrée 1996, à
l'attention des écoles doctorales, des centres d'initiation à
l'enseignement supérieur (CIES) et des établissements
universitaires, un appel à propositions pour l'organisation de
séminaires de sensibilisation et de formation des doctorants (les
" doctorales "). En 1997, 31 séminaires concernant
environ 2.300 auront été organisés. Le soutien du
ministère s'est élevé à 6 millions de francs.
Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) visent
à assurer une formation à la recherche de haut niveau en
favorisant l'insertion professionnelle des jeunes docteurs dans les
entreprises. Le titulaire de la convention est embauché dès son
inscription en thèse par l'entreprise partenaire de la convention ;
il se trouve donc confronté très tôt aux
réalités de l'entreprise. Ce dispositif a permis à de
nombreux jeunes docteurs d'accéder à des responsabilités
industrielles.
Etant donné les excellents résultats auxquels elles ont
donné lieu, à la fois en termes de formation doctorale et en
termes d'embauches effectives dans les entreprises, les CIFRE, lancées
à titre expérimental en 1981, ont été
progressivement portées à 700 pour l'année 1997 et
à 800 pour l'année 1998.
Néanmoins, cette action volontariste se heurte à un plafonnement
des embauches industrielles. S'il se traduit aujourd'hui essentiellement par un
allongement de la période de recherche d'emploi à l'issue de la
thèse, il risque néanmoins d'hypothéquer la politique
volontariste d'augmentation du nombre des CIFRE. Un effort particulier de
sensibilisation doit donc être déployé pour relancer
l'intérêt des entreprises pour ce dispositif, notamment
auprès des petites et moyennes entreprises.
Votre rapporteur se félicite, par ailleurs, de la création
annoncée par M. Claude Allègre, ministre de
l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie d'un fonds
permettant de financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en
entreprises et dans les établissements publics de recherche. Il souhaite
que le fonctionnement de ce dispositif privilégie l'insertion des jeunes
docteurs en entreprises.
Développer l'esprit d'initiative et la créativité des
jeunes chercheurs, leur insuffler une culture entrepreneuriale est essentiel, y
compris pour mieux assurer la mobilité des personnels des
établissements publics de recherche vers les entreprises. Celle-ci ne
précédera pas celle des jeunes. Elle peut éventuellement
la suivre.
2. Favoriser les créations d'entreprises par le personnel des établissements publics à caractère scientifique et technologique
Un rapport public particulier de la Cour des comptes a
été consacré en juin 1997 à la valorisation de la
recherche dans les établissements publics à caractère
scientifique et technologique.
Il fait apparaître un incontestable motif de satisfaction qui tient dans
"
l'indiscutable prise en considération de l'objectif de
valorisation par des organismes qui n'y étaient pas spontanément
portés par leur culture traditionnelle "
.
Néanmoins, et votre rapporteur y a été
particulièrement sensible, il note que "
quant à la
création d'entreprise par des personnels de recherche issus des
établissements publics à caractère scientifique et
technologique, l'état actuel de la réglementation place souvent
ces derniers devant la difficile alternative, soit de ne pas répondre
aux invitations de la loi
3(
*
)
,
soit de risquer de se mettre en infraction avec le droit
existant
".
Le cadre juridique dans lequel s'inscrit la création d'une entreprise
pour les personnels des établissements publics à caractère
scientifique et technique est, en effet, particulièrement rigoureux. Le
respect des textes implique que la création d'entreprise par des
chercheurs n'est possible qu'à la condition que ces chercheurs rompent
toutes relations avec leur laboratoire d'origine, ce qui représente pour
eux une prise de risque considérable. Il apparaît donc qu'il
manque une position statutaire intermédiaire entre la mise à
disposition qui oblige le chercheur à quitter complètement son
laboratoire et la consultance qui limite son apport à l'entreprise en
création à quelques heures par semaine.
Malgré ces obstacles, plusieurs chercheurs issus des
établissements publics à vocation scientifique et technologique
ont créé des entreprises en quittant leur établissement,
après avoir été mis à disposition de celles-ci au
cours de leur première année d'existence. Selon le rapport de la
Cour des comptes, une vingtaine d'entreprises répondant à ce
schéma sont répertoriées par le CNRS, une vingtaine
également par l'INRIA, une demi-douzaine à l'INRA et à
l'INSERM, d'autres à partir des écoles d'ingénieurs. La
Cour des comptes aurait pu et peut-être aurait dû rapporter le
nombre de créations d'entreprises par rapport aux effectifs permanents
car 1 pour 1000 ou 20 pour 1000 n'est pas équivalent.
Par ailleurs, des chercheurs auraient pu également créer des
entreprises sans pour autant quitter leur laboratoire. Cette solution se heurte
à une contradiction. En effet, les règles de la fonction publique
interdisent à un chercheur de participer au capital d'une
société qu'il aurait contribué à fonder par ses
découvertes et qui serait liée par contrat à son
établissement. Elles ont été l'objet d'aménagements
de la part des établissements qui ont, dans certains cas relevés
par la Cour des comptes, donné lieu à des dérives.
Compte tenu de l'enjeu crucial que représente la création
d'entreprises valorisant les résultats de la recherche publique, il
importe en effet que soient élaborées des dispositions
statutaires spécifiques permettant aux chercheurs de créer des
entreprises dans des conditions juridiques satisfaisantes. Rappelons que votre
rapporteur a déposé une proposition de loi à cet effet.
L'ambiguïté des règles en vigueur ne peut, en effet,
qu'avoir un effet dissuasif.