B. DES PRIORITÉS QUI SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES
1. L'augmentation des effectifs des personnels de recherche
a) Les créations d'emplois dans le secteur public
Le BCRD prévoit la création de 600 emplois dans
les établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST). Sont prévues d'une part, 400 créations
d'emplois de chercheurs dont 121 dès la rentrée 1997 et, d'autre
part, 200 emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs). S'y
ajoutent les créations d'emplois dans l'enseignement supérieur
examinées par ailleurs. En effet, il convient de rappeler que
1.800 créations de postes d'enseignants-chercheurs sont
également inscrites au budget de l'enseignement supérieur.
Ces créations d'emplois ne bénéficient pas
également à tous les établissements publics scientifiques
et technologiques. Les deux principaux bénéficiaires sont le CNRS
et l'INSERM qui se voient attribuer, respectivement, 297 et 50 emplois de
chercheurs et 128 et 40 emplois d'ITA.
RÉPARTITION DES CRÉATIONS D'EMPLOIS DANS LES
ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE ET
TECHNOLOGIQUE EN 1998
EPST |
Créations d'emplois de chercheurs en 1998 |
Effectifs totaux 1998 |
Augmentation 1998/1997 (%) |
INRA | 14 | 1 784 | 0,8 |
CEMAGREF | 2 | 75 | 2,7 |
INRETS | 2 | 152 | 1,3 |
INRIA | 14 | 341 | 4,28 |
CNRS | 297 | 11 683 | 2,6 |
INSERM | 50 | 2 165 | 2,36 |
ORSTOM | - | 823 | - |
INED | - | 57 | - |
Cette politique de création d'emplois appelle, de la
part de votre rapporteur, trois remarques :
- cet effort est censé contribuer au développement de la
mobilité entre EPST et universités, d'une part, et recherche
publique et entreprises, d'autre part.
Encourager la mobilité correspond, en effet, à une
nécessité. En ce qui concerne l'ensemble des EPST, le taux de
mobilité des chercheurs demeure très insuffisant : il
s'établit, en effet, en moyenne à 1,4 % si l'on exclut les
retours dans l'enseignement supérieur des enseignants-chercheurs.
Une telle situation présente deux inconvénients. D'une part, les
entreprises ne bénéficient que très peu du haut niveau de
qualification des équipes de la recherche publique. D'autre part, le
renouvellement des personnels des laboratoires n'est pas favorisé et sa
moyenne d'âge augmente.
Mais la solution consistant à créer des emplois nouveaux et
à les affecter en priorité aux organismes ou la mobilité
est très faible n'est pas satisfaisante, surtout en période de
quasi-stabilité budgétaire.
Or, on constate que les EPST qui bénéficient le plus des
créations d'emplois ne sont pas ceux qui se distinguent par des taux de
mobilité satisfaisants
. C'est le cas en particulier du CNRS. Sur les
dix dernières années, 700 chercheurs ont quitté le CNRS
vers l'industrie, dont 7 seulement en 1997, ce qui constitue
indéniablement un échec de la politique conduite par l'Etat en
faveur de la mobilité des chercheurs.
- l'accroissement des effectifs des EPST se traduit mécaniquement par un
alourdissement des dépenses de fonctionnement incompressibles
.
Dans un contexte marqué par la rigueur financière , ceci se
traduit par une réduction de leur souplesse de gestion. Rappelons qu'en
1997, les dépenses de personnel représentaient 73 % des
ressources des EPST, cette proportion étant plus élevée
pour le CNRS.
- Enfin, il convient de souligner que, pour l'année 1998,
la
croissance des effectifs ne s'accompagne pas d'une augmentation suffisante des
crédits d'investissement des EPST
.
Le montant des crédits de paiement rapporté au nombre de
chercheurs par EPST diminue en francs courants de près de 1 % entre
1997 et 1998 et de près de 5 % entre 1996 et 1998, alors que la
sophistication croissante des moyens de recherche demanderait une augmentation
en francs constants des investissements et frais de fonctionnement hors
salaires qui avait été évaluée à environ
3 % par an. Votre rapporteur s'interroge sur le bien-fondé d'une
politique visant à augmenter le nombre de chercheurs sans leur donner
les moyens nécessaires pour mener à bien leurs travaux. Il
suggère fortement que ces postes soient réservés pour
l'essentiel à des
postes d'accueil
, notamment pour des
scientifiques étrangers ou venant de l'industrie, et que d'autre part
certains servent à l'accueil de spécialistes issus du CNET afin
de créer des équipes de recherche dans le secteur hautement
prioritaire des techniques de l'information et de la técommunication.
b) Des mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs
Le nombre des allocations de recherche est augmenté
afin de permettre le recrutement de 3.700 allocataires à la
rentrée 1997-1998 et de 3.800 allocataires à la
rentrée 1998-1999.
Il s'agit là de la poursuite de l'effort engagé en 1996,
année où le nombre d'allocataires de recherche avait
été porté à 3.400, soit une augmentation de
près de 10 % par rapport à l'année
précédente.
Les mesures destinées à augmenter le nombre de docteurs sont
légitimes. En effet, l'impératif de compétitivité
exige que les entreprises puissent bénéficier de
compétences scientifiques de haut niveau. Votre rapporteur se
félicite de cette initiative.
c) Des dispositions favorisant le recrutement des chercheurs par les entreprises
100 nouvelles bourses de conventions industrielles de
formation par la recherche (CIFRE) sont offertes, ce qui porte leur nombre
à 800 en 1998. Ceci tient compte des excellents résultats de
cette procédure à la fois en termes de formation doctorale et en
termes d'embauches effectives en entreprises.
Par ailleurs, une incitation au développement des stages en entreprises
pour la préparation du diplôme de recherche technologique (DRT)
est mise en place, avec le financement de 100 diplômes en 1998.
Enfin, une provision de 50 millions de francs est prévue afin de
financer un dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprises et dans les
établissements publics à caractère scientifique et
technologique. Les modalités pratiques de mise en oeuvre de ce
dispositif sont en cours d'élaboration.
Ces mesures répondent à une nécessité. Elles ont
vocation à remédier à l'insuffisance des recrutements de
docteurs par les entreprises, situation propre à la France et dont les
inconvénients sont doubles : d'une part, elle ne permet pas aux
entreprises de bénéficier des connaissances acquises par le
personnel scientifique ; d'autre part, elle constitue une des causes de la
mauvaise insertion professionnelle des post-doctorants. Nous verrons par
ailleurs que le projet de budget comporte des incitations à la
création d'entreprises par les chercheurs, ce qui indiscutablement est
une nécessité mais qui implique des actions d'accompagnement
vigoureuses dans le secteur du financement des entreprises à croissance
rapide, dans la ligne de ce qui avait été très
heureusement lancé en 1997 (création des fonds commun de
placement dans l'innovation appuyée fortement par le Sénat,
notamment par le rapporteur spécial du budget de la recherche, M.
René Trégouët, et par votre rapporteur). De même, les
interventions de la société de bourse le Nouveau marché
ont permis de développer, dans un nombre encore trop limité de
sociétés, l'emploi de chercheurs.
L'étude des débouchés réalisée pour
l'année 1996 par l'observatoire des flux et des débouchés
de la Direction générale de la recherche et de la technologie
montre que seul un docteur sur deux occupe un emploi stable un an après
sa soutenance de thèse, l'insertion professionnelle définitive
n'intervenant, le plus souvent dans la fonction publique, qu'après un
délai dont la durée tend désormais à
dépasser les deux années suivant l'accession au doctorat.
2. Le soutien au développement technologique réaffirmé
Malgré l'affirmation de cette priorité, celle-ci
ne trouve pas dans le budget 1998 une traduction significative. Certes, le
budget civil de recherche et de développement marque une rupture par
rapport à la dégradation enregistrée au cours des
années antérieures mais il ne constitue qu'une première
étape vers une réelle impulsion donnée au
développement technologique.
Les crédits de soutien au développement technologique (hors
aéronautique) stagnent. Si on prend en compte les crédits
traditionnellement compris sous le vocable " aide à la recherche
industrielle ", les crédits de paiement correspondants passent de
3.415 millions de francs à 3.420 millions de francs, soit une
augmentation de 0,15 % et les autorisations de programme de
3.357 millions de francs à 3.384 millions de francs soit une
croissance de 0,8 %.
Votre rapporteur se félicite néanmoins que soit poursuivi le plan
de redressement du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT)
engagé à partir de 1994. Ce plan était en effet
indispensable pour rétablir un équilibre satisfaisant des
autorisations de programme et des crédits de paiement. A structure
constante, la dotation du FRT s'élève donc à
412 millions de francs en autorisations de programme (+ 1,2 %)
et à 726 millions de francs en crédits de paiement
(+ 23 %). Ce nouvel excédent devrait permettre, s'il est
reconduit en 1999, de restaurer les capacités d'incitation du fonds.
Votre rapporteur avait dès 1996 insisté pour qu'un changement
d'échelle dans le volume des crédits au FRT intervienne. Le
projet de budget pour 1998, s'il n'accomplit pas un progrès significatif
en ce sens, traduit un souci louable de recentrer l'action du FRT sur les
petites et moyennes entreprises et les petites et moyennes industries. En
effet, jusqu'ici, les moyens du FRT étaient pour l'essentiel
répartis entre les grands programmes fédérateurs qui
bénéficiaient essentiellement aux grandes entreprises.
Le ministre a, par ailleurs, annoncé que serait mis en place, entre les
services des ministères chargés de la recherche et de
l'industrie, un comité de gestion conjoint afin d'articuler la
programmation des grands instruments publics de soutien au développement
technologique.
3. Une volonté dite de " rationalisation du dispositif de recherche "
Au-delà de la priorité accordée à
l'emploi scientifique et de l'effort accompli en faveur des moyens de base de
la recherche, deux mesures sont destinées à " rationaliser
le dispositif français de recherche ".
- En premier lieu, le projet de budget prévoit que 42 emplois sur
les 600 emplois créés ne sont pas affectés à
des organismes lors de l'adoption du projet de loi de finances pour 1998. Ce
" volant " d'emplois sera destiné à soutenir les
efforts de regroupement thématique et d'allégement des
procédures. Il accompagnera la politique de redéfinition des
missions des organismes de recherche. Votre rapporteur, s'il est favorable
à la souplesse d'intervention que ceci introduit, en permettant en
particulier d'apporter un soutien à tel ou tel centre d'excellence,
espère qu'il ne s'agit pas d'une opération liée par
exemple à une volonté de diminuer de façon artificielle le
nombre d'organismes de recherche au profit d'une structure unique impossible
à gérer ou à piloter de façon souple.
- En second lieu, cette volonté se traduit par une mesure
d'économie d'un montant de 300 millions de francs sur les
" très grands équipements ". Il faut souligner ici que
ces derniers -souvent d'un intérêt scientifique
considérable- sont d'une grande diversité. Il s'insèrent
dans une politique de coopération internationale et de
contractualisation avec les collectivités locales. Leurs
retombées pour l'industrie, et notamment les petites et moyennes
industries innovantes sont importantes. En conséquence, votre rapporteur
déplore que ces décisions aient été prises un peu
rapidement et avec fort peu de concertation. Les orientations à long
terme, prises antérieurement ne doivent certes pas toujours rester
intangibles et votre rapporteur a souvent insisté sur les excès
néfastes de certains projets très lourds. Mais il faut rester
prudent lorsqu'on y touche.